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13/09/2007 | FRANCE | N°06/1310

France | France, Cour d'appel de Rouen, Ct0189, 13 septembre 2007, 06/1310


R.G : 06/01310

COUR D'APPEL DE ROUEN

DEUXIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 13 SEPTEMBRE 2007

DÉCISION DÉFÉRÉE :

TRIBUNAL DE COMMERCE DE DIEPPE du 23 Décembre 2005

APPELANTE AU PRINCIPAL

ET INTIMÉE SUR APPEL INCIDENT :

S.A. SOCIETE VIAM

33, Quai de France

76100 ROUEN

représentée par Me Marie-Christine COUPPEY, avoué à la Cour

assistée de Me Emmanuel VERILHAC, avocat au barreau de Rouen

INTIMÉE AU PRINCIPAL

ET APPELANTE INCIDENTE :

S.A. ALPINE RENAULT

Avenue de Bréauté

76200

DIEPPE

représentée par la SCP COLIN VOINCHET RADIGUET ENAULT, avoués à la Cour

assistée de Me Philippe RUFF, substituant Me Yves Z..., avocat au barreau de Paris
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R.G : 06/01310

COUR D'APPEL DE ROUEN

DEUXIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 13 SEPTEMBRE 2007

DÉCISION DÉFÉRÉE :

TRIBUNAL DE COMMERCE DE DIEPPE du 23 Décembre 2005

APPELANTE AU PRINCIPAL

ET INTIMÉE SUR APPEL INCIDENT :

S.A. SOCIETE VIAM

33, Quai de France

76100 ROUEN

représentée par Me Marie-Christine COUPPEY, avoué à la Cour

assistée de Me Emmanuel VERILHAC, avocat au barreau de Rouen

INTIMÉE AU PRINCIPAL

ET APPELANTE INCIDENTE :

S.A. ALPINE RENAULT

Avenue de Bréauté

76200 DIEPPE

représentée par la SCP COLIN VOINCHET RADIGUET ENAULT, avoués à la Cour

assistée de Me Philippe RUFF, substituant Me Yves Z..., avocat au barreau de Paris

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré :

Madame BARTHOLIN, Présidente, entendue en son rapport oral de la procédure avant plaidoiries

Monsieur LOTTIN, Conseiller

Madame VINOT, Conseiller

En présence de M. Guillaume BOURIN, auditeur de Justice, ayant participé au délibéré avec voix consultative

GREFFIER LORS DES DÉBATS :

Mme NOEL-DAZY, Greffier

DÉBATS :

A l'audience publique du 05 Juin 2007, où l'affaire a été mise en délibéré au 13 Septembre 2007

ARRÊT :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 13 Septembre 2007, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile,

signé par Madame BARTHOLIN, Présidente et par Madame DURIEZ, Greffier.

*

* *

Exposé du litige

La Sa Viam, entreprise de nettoyage industriel, a signé le 5 mars 1998 avec la société Alpine Renault un contrat de prestations de nettoyage de son usine de Dieppe pour une durée de trois ans renouvelable par tacite reconduction.

La société Alpine Renault a notifié à la société Viam par lettre recommandée avec accusé de réception du 17 mai 2001 que la société Iss lui succéderait pour le nettoyage de l'usine à compter du 11 juin 2001.

Suite à une demande d'explications, la société Alpine Renault s'est prévalue d'une lettre avec accusé de réception adressée le 14 octobre 1999, que la société Viam a contesté avoir reçue.

Par acte en date du 3 juillet 2001, la société Viam a assigné la société Alpine Renault aux fins de voir juger abusive la rupture des relations contractuelles imposée par cette dernière le 17 mai 2001 et de la voir condamner à lui payer une somme de 912.383,33 € au titre de son préjudice ainsi qu'une somme 12.196 € ( 80.000 francs) sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Le tribunal de commerce de Dieppe a, par un premier jugement du 27 septembre 2002, ordonné une expertise confiée à M. A... aux fins notamment de rechercher si la rupture du contrat a modifié le chiffre d'affaires et les bénéfices de la société Viam et de chiffrer les coûts exposés pour l'exécution du contrat et le bénéfice réalisé.

L'expert a déposé son rapport le 12 mai 2004.

Par jugement rendu le 23 décembre 2005, le tribunal de commerce de Dieppe a :

- dit et jugé abusive la rupture des relations commerciales imposée par la société Alpine Renault à la société Viam,

- rejeté le rapport complémentaire de Monsieur B...,

- condamné la société Alpine Renault à payer à la société Viam la somme de 80.000 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts de droit à compter du jugement,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement et ce nonobstant appel,

- condamné la société Alpine Renault à payer à la société Viam la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Ncpc,

- rejeté toutes les autres demandes des parties,

- condamné la société Alpine Renault en tous les dépens, qui comprendront les frais de l'expertise judiciaire.

La société Viam a interjeté appel de cette décision.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 avril 2007.

Prétentions et moyens des parties

Pour l'exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé aux conclusions signifiées le 16 août 2006 par la société Viam et le 27 décembre 2006 par la société Alpine Renault.

Leurs moyens seront examinés dans les motifs de l'arrêt.

La société Viam sollicite la confirmation de la décision entreprise en ce qu'elle a jugé abusive la rupture des relations contractuelles qui lui a été imposée le 17 mai 2001 par la société Alpine Renault mais demande que son préjudice soit évalué à la somme de 532.226,54 € et que la société Alpine Renault soit également condamnée à lui payer une somme de 13.000 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La société Alpine Renault, sur son appel incident, sollicite à titre principal l'infirmation du jugement en toutes ses dispositions et demande à la cour de déclarer la société Viam irrecevable et mal fondée en toutes ses demandes, de l'en débouter et de la condamner à lui payer une somme de 12.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée ainsi qu'une indemnité de 7.500 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

A titre subsidiaire, elle demande à la cour de constater que la disparition du contrat Alpine Renault n'a eu aucune incidence sur l'évolution du résultat d'exploitation de la société Viam entre le 30 septembre 2001 et le 30 septembre 2002, que la société Viam n'a subi aucun préjudice et que l'expert A... n'a retenu dans son rapport que le montant des prestations extérieures réglées à l'occasion du déménagement des installations de la société Viam, soit une somme de 2.396,92 € TTC. Elle conclut en conséquence au débouté de toutes les autres demandes.

La société Alpine Renault demande en outre à la cour de constater que le rapport de M. B... a été établi unilatéralement à la demande de la société Viam sans caractère contradictoire, de le déclarer irrecevable et de l'écarter des débats.

A titre plus subsidiaire, elle sollicite un complément d'expertise par M. A... aux fin de rechercher l'éventuelle existence d'un préjudice de la société Viam et de le chiffrer.

Sur ce, la Cour,

Sur la rupture des relations contractuelles

Il résulte du contrat signé le 5 mars 1998 entre les parties et plus précisément de l'article 6 des conditions générales que celui-ci était conclu pour une durée de trois ans à compter de la date de sa signature et qu'il se renouvelait par tacite reconduction pour la même durée sauf dénonciation par l'une ou l'autre des parties intervenant six mois au moins avant le terme du contrat.

Pour faire valoir qu'elle a résilié le contrat qui n'a pu ainsi se renouveler à l'échéance du 5 mars 2001, la société Alpine Renault invoque un courrier recommandé avec accusé de réception envoyé à la société Viam le 14 octobre 1999, qui indique son intention de ne pas renouveler le contrat "en mai 2000". Elle précise avoir commis une erreur sur la date d'échéance du contrat, explicable par le fait qu'un premier projet de contrat avait été établi le 28 avril 1997, avec échéance à la fin avril 2000, mais souligne que la dénonciation un an et demi à l'avance est conforme au contrat.

En réponse à la société Viam qui affirme ne pas avoir reçu la lettre du 14 octobre 1999, la société Alpine Renault reconnaît ne pas pouvoir produire l'accusé de réception qu'elle n'a pas retrouvé mais soutient qu'il ressort des courriers échangés postérieurement entre elle et la société Viam que cette dernière connaissait le contenu de ce courrier puisqu'elle était au courant de son intention de ne pas renouveler le contrat, raison pour laquelle la société Viam a fait une nouvelle proposition de prix en vue d'établir un nouveau contrat.

La société Alpine Renault fait grief à sa co-contractante d'avoir eu un comportement déloyal en invoquant une prétendue indisponibilité pour ne pas donner suite aux pourparlers engagés en vue de la souscription d'un nouveau contrat et pour se raviser en plaidant la reconduction tacite.

Toutefois la société Alpine Renault ne produit pas l'accusé de réception de la lettre de résiliation du 14 octobre 1999 que la société Viam conteste avoir reçue et, puisque la preuve entre commerçants peut être rapportée par tous moyens, il convient de rechercher si la preuve de la réception de cette lettre résulte des courriers échangés postérieurement.

Si la société Viam, dans un courrier du 4 avril 2000 faisant suite à un entretien avec le directeur de la société Alpine Renault, indique que le contrat expire le 5 mars 2001 et qu'elle est prête à faire une nouvelle proposition de prix, cela ne constitue qu'un rappel de l'échéance convenue du contrat et ne signifie nullement qu'elle reçu la lettre de résiliation, une nouvelle proposition étant de nature à permettre un renouvellement qui n'est pas acquis à cette date, antérieure de plus de six mois à l'échéance.

Les relances effectuées en mai 2000 puis avril 2001 par la société Alpine Renault pour obtenir la nouvelle proposition de prix ne rapportent pas davantage cette preuve, de même que la réponse de la société Viam demandant le report d'un rendez-vous le 20 avril 2001 ne démontre pas l'existence d'une manoeuvre établissant la mauvaise foi de la société Viam.

La société Alpine Renault ne démontre pas avoir dénoncé le contrat six mois au moins avant l'échéance de renouvellement du 5 mars 2001, alors que la charge de cette preuve lui incombe.

Il s'ensuit que le contrat s'est trouvé renouvelé pour une durée de trois ans.

La cour, adoptant pour le surplus les motifs du tribunal de ce chef, confirmera le jugement en ce qu'il a décidé que la résiliation du 17 mai 2001 était abusive. Il sera ajouté que la société Alpine Renault ne justifie nullement de l'existence d'un projet de contrat qui serait venu à échéance en mai 2000 et qui expliquerait le caractère fantaisiste des dates mentionnées dans le courrier prétendument envoyé 18 mois avant l'échéance.

Sur le préjudice de la société Viam

La société Alpine Renault demande à la cour d'écarter le rapport établi par M. B... à la demande de la société Viam en complément de celui de M. A..., lequel n'avait pas pour mission de déterminer le préjudice, au motif qu'il n'a pas été établi contradictoirement.

Toutefois, tout rapport amiable peut valoir à titre de preuve dès lors qu'il est soumis à la libre discussion des parties, ce qui est le cas en l'espèce puisque la société Alpine Renault a pu émettre un certain nombre de critiques sur le rapport de M. B....

L'expert M. A..., après avoir analysé les comptes de la société Viam, a constaté l'impossibilité, en l'absence de comptabilité analytique, de déterminer le bénéfice réalisé par cette dernière au titre du contrat Alpine Renault. Il a souligné que le chiffre de 4,34 % avancé par la partie appelante correspondait au bénéfice prévu par elle lors de l'étude préalable à la signature du contrat.

A cet égard, la cour constate que les chiffres retenus par M. B..., soit 6,41 % pour l'exercice 1999 et 9,59 % pour l'exercice 2000, ne sont pas cohérents avec ces prévisions qui constituaient un objectif à atteindre et rendent peu crédible l'ensemble de ce rapport amiable.

Par ailleurs, M. B... expose que le préjudice de la société Viam est constitué de l'addition du résultat au titre de ce chantier et des frais généraux qui lui sont imputables. Il en déduit que peu importe la répartition entre ces deux postes.

Toutefois, en l'absence de comptabilité analytique par chantier, il n'est pas possible de déterminer le bénéfice obtenu sur ce chantier par la société Viam et M. B... ne l'a fait que par déduction des coûts directs et des frais généraux.

Or la difficulté et la divergence entre les deux rapports résident dans le calcul du pourcentage des frais généraux générés par le chantier par rapport au chiffre d'affaires.

A cet égard, les observations faites par l'expert M. A..., dont le bien fondé est d'ailleurs partiellement reconnu par M. B..., doivent être retenues, qui amènent à exclure les frais de structure énumérés en page 10 de son rapport et certaines charges qui sont directes et qui ne sont plus supportées en l'absence de contrat, dont la liste est dressée à la même page du rapport.

Il s'ensuit que le pourcentage de 11,5 % retenu par l'expert M. A... doit être retenu.

S'agissant du bénéfice, la société Viam sur laquelle repose la charge de la preuve de son préjudice n'en établit pas la réalité alors que l'expert M. A..., à l'examen des résultats, estime qu'il existe un doute sérieux sur la rentabilité de ce marché.

En effet, alors que le contrat litigieux représentait environ 20 % du chiffre d'affaires de la société Viam, sa perte a donné suite à une amélioration de la rentabilité de l'entreprise lors de l'exercice suivant, sans que les explications données par la partie appelante soient suffisantes pour justifier en totalité cette évolution.

La demande d'expertise faite à titre subsidiaire par la société Alpine Renault n'est pas fondée puisque, si M. A... n'avait pas pour mission de déterminer le préjudice, les questions qui lui avaient été posées par le tribunal et les réponses apportées dans le strict cadre de sa mission permettent à la cour d'être en possession de tous les éléments nécessaires, sans que des investigations complémentaires ne puissent l'éclairer davantage en l'absence de comptabilité analytique.

La cour déterminera en conséquence le préjudice de la société Viam sur la base de 11,5 % du chiffre d'affaires qui aurait été réalisé au titre du contrat Alpine Renault.

Compte tenu d'un chiffre d'affaires de 2.775.459 € proposé par M. B... et qui correspond à ce à quoi pouvait prétendre la société Viam au titre des trois années, puisqu'elle a réalisé un chiffre d'affaires de 3.967.000 francs dans les 5,5 premiers mois de 2001 précédant la cessation définitive des prestations, le préjudice lié à la perte du marché sera fixé à la somme de 319.177,78 €.

Les frais de déménagement du matériel important installé sur le site du chantier effectué le 11 juin 2006 par la société Viam sont justifiés au vu des factures présentées, des constatations faites par l'huissier et des décomptes horaires produits concernant le personnel de la société. Ils seront pris en compte à hauteur de la somme sollicitée de 12.226,54 € qui comprend les prestations chiffrées par l'expert M. A... à hauteur de 2.396,92 €.

Le préjudice total s'élève en conséquence à la somme de 321.574,70 € que la société Alpine Renault sera condamnée à payer à la société Viam.

La société Alpine Renault, qui succombe en ses prétentions, sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée et de sa demande faite au titre des frais irrépétibles.

Elle sera condamnée à payer à la société Viam en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, outre la somme de 2.000 € allouée à ce titre par le tribunal, une somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris en celles de ses dispositions qui ont déclaré abusive la rupture des relations commerciales imposée par la société Alpine Renault à la société Viam et en celles qui ont condamné la société Alpine Renault à payer à la société Viam une indemnité de 2.000 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

Le réformant sur le surplus,

Déboute la société Alpine Renault de sa demande d'expertise et de sa demande tendant à voir écarter des débats le rapport établi par M. B...,

Condamne la société Alpine Renault à payer à la société Viam la somme de 321.574,70 € à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Condamne la société Alpine Renault à payer à la société Viam la somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

Déboute la société Alpine Renault de ses demandes faites à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée et sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

Condamne la société Alpine Renault à payer les dépens de première instance et d'appel, comprenant les frais d'expertise, avec droit de recouvrement direct au profit des avoués de la cause, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Ct0189
Numéro d'arrêt : 06/1310
Date de la décision : 13/09/2007

Références :

Décision attaquée : Tribunal de commerce de Dieppe, 23 décembre 2005


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rouen;arret;2007-09-13;06.1310 ?
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