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06/09/2007 | FRANCE | N°06/1071

France | France, Cour d'appel de Rouen, Ct0196, 06 septembre 2007, 06/1071


R.G : 06/01071

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE DE LA FAMILLE

ARRET DU 06 SEPTEMBRE 2007

DÉCISION DÉFÉRÉE :

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BERNAY du 16 Février 2006

APPELANTE :

Madame Paulette X... épouse Y...

...

27300 BERNAY

représentée par Me Marie-Christine COUPPEY, avoué à la Cour

présente à l'audience,

assistée de Me Pierre Z..., avocat au barreau de BERNAY

INTIME :

Monsieur Claude Y...

L'Eau Vive

...

27170 GROSLEY SUR RISLE

représenté par la SCP DUVAL

BART, avoués à la Cour

présent à l'audience,

assisté de Me GIRARD, avocat au barreau de BERNAY

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles ...

R.G : 06/01071

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE DE LA FAMILLE

ARRET DU 06 SEPTEMBRE 2007

DÉCISION DÉFÉRÉE :

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BERNAY du 16 Février 2006

APPELANTE :

Madame Paulette X... épouse Y...

...

27300 BERNAY

représentée par Me Marie-Christine COUPPEY, avoué à la Cour

présente à l'audience,

assistée de Me Pierre Z..., avocat au barreau de BERNAY

INTIME :

Monsieur Claude Y...

L'Eau Vive

...

27170 GROSLEY SUR RISLE

représenté par la SCP DUVAL BART, avoués à la Cour

présent à l'audience,

assisté de Me GIRARD, avocat au barreau de BERNAY

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du nouveau Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 04 Juin 2007 sans opposition des avocats devant Monsieur BRUNHES, Président, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur BRUNHES, Président

Monsieur GALLAIS, Conseiller

Madame ROBITAILLE, Conseiller

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme BARRÉ, Greffier

DEBATS :

En chambre du conseil, le 04 Juin 2007, où l'affaire a été mise en délibéré au 06 Septembre 2007

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 06 Septembre 2007, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile,

signé par Monsieur BRUNHES, Président et par Mme BARRÉ, Greffier présent à cette audience.

*

* *

Par jugement du 16 février 2006 le juge aux affaires familiales du Tribunal de Grande Instance de Bernay a, notamment,

Prononcé, aux torts de l'épouse, le divorce de Claude Y... et de Paulette X...,

rejeté la demande de prestation compensatoire présentée par l'épouse ainsi que sa demande de dommages-intérêts,

ordonné la liquidation et le partage de leurs intérêts patrimoniaux,

dit que la date des effets du divorce entre les époux en ce qui concerne leurs biens est fixée au 14 septembre 2004.

Paulette X... a relevé appel.

Par ses dernières conclusions du 21 mars 2007, elle a demandé à la Cour de

rejeter la demande principale en divorce du mari et faire droit à sa demande reconventionnelle,

condamner Claude Y... à lui verser une prestation compensatoire de 150.000 EUR,

rejeter les demandes du mari sauf celle de l'attribution préférentielle de l'immeuble ayant constitué le domicile conjugal et dire dans cette hypothèse qu'il devra lui verser une indemnité d'occupation jusqu'au terme du partage des biens de la communauté,

condamner Claude Y... à lui payer la somme de 1.500 EUR sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Claude Y... a conclu le 11 mai 2007 en formant appel incident.

Il a sollicité que la Cour

condamne Paulette X... à lui payer la somme de 6.000 EUR à titre de dommages-intérêts,

dise qu'il continuera à jouir du domicile conjugal gratuitement, ce jusqu'à la complète liquidation du régime communautaire,

lui attribue à titre préférentiel le domicile conjugal,

confirme le jugement en ses autres dispositions,

condamne Paulette X... à lui verser la somme de 1.500 EUR pour frais hors dépens.

Les pièces communiquées après clôture seront rejetées des débats.

SUR CE LA COUR

Vu les pièces et les conclusions des parties

SUR LE DIVORCE

Les époux se sont mariés le 27 décembre 1963 et ont eu deux enfants aujourd'hui majeurs et indépendants.

Paulette X... a quitté le domicile conjugal le 14 septembre 2004 avec l'accord de son époux et ceux-ci ont alors signé une convention. Par celle-ci, notamment, Claude Y... autorisait l'épouse à quitter le domicile, s'engageait à lui verser une pension alimentaire mensuelle de 1.200 EUR, et il y était mentionné : « si l'un des époux venait à avoir une relation suivie et reconnue à son domicile, les termes de cette médiation deviendraient caducs et la procédure de divorce mise en œuvre.. ».

A l'appui de sa demande en divorce Claude Y... a mis en avant le grief d'infidélité de l'épouse que le jugement a admis.

Pour sa part Paulette X... fait état de ce que son mari exerçait une domination sur elle, dirigeait le couple qui ne s'organisait que selon son bon vouloir, qu'elle ne pouvait être heureuse puisqu'il se comportait avec elle de façon injurieuse et humiliante.

Comme le jugement l'a exposé en des motifs que la cour adopte, le grief d'une relation suivie et injurieuse pour le mari engagée par Paulette X... avec François B... est établi.

Les attestations de M. C... et de Mme D... indiquent l'existence de cette relation dés le début 2004 et au printemps. Le rapport du détective concerne la période de novembre et début décembre 2004 et atteste de la présence très fréquente jour et nuit de Paulette X... chez son ami. Le constat d'huissier du 4 janvier 2005 confirme cette relation. Le constat suivant du 8 juillet 2005 démontre cette fois l'adultère malgré les dénégations malhabiles des deux personnes concernées.

L'argument de Paulette X... selon lequel la constatation par ce dernier constat de sa présence chez son ami et de cette relation est postérieure de huit mois à l'accord de vie séparée des époux ne peut être reçu. En effet d'une part ces deux époux s'engageaient en quelque sorte par cet accord du 14 septembre 2004 au maintien du devoir de fidélité, d'autre part les premières en date des pièces communiquées par Claude Y... caractérisent l'instauration et l'existence de la relation en cause dans le courant de l'année 2004.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a admis les torts reprochés à l'épouse.

Au titre des griefs que cette dernière invoque, elle a produit les attestations de son amie Madame E... et en appel de son frère Jean Pierre. Ces témoignages méritent d'être retenus car IL se déduit de leurs textes que ceux-ci connaissaient le couple depuis longtemps et sont alors à même de parler des rapports entre époux.

Il est établi par l'attestation de Mme E... que Claude Y... était très rigide et très directif avec son épouse, manquait de chaleur et d'attention. Le frère Jean Pierre parle d'humiliations publiques, de vexations, de violences verbales, indique que sa sœur en était très affectée et est venue de nombreuses fois chez lui après de tels événements « dans un état de peur », que la vie de celle-ci s'organisait en fonction du bon vouloir de son mari, qu'elle vivait dans un climat peu épanouissant.

Ces attestations apportent la preuve des griefs invoqués par l'épouse.

Dans ces conditions le divorce sera prononcé aux torts partagés.

SUR LES DOMMAGES-INTERETS

Claude Y... invoque un préjudice moral, son espoir déçu de ne pouvoir envisager une retraite paisible, l'attitude de l'épouse qui a entretenu cette relation au su et au vu de leurs amis.

Il ne peut fonder en l'espèce cette demande sur l'article 266 du Code Civil puisque le divorce est prononcé aux torts partagés.

Au titre de l'article 1382 du Code Civil, il doit être retenu que Paulette X... a effectivement engagé et entretenu sa relation avec M. B... au milieu et au su des amis du couple ce qui n'a pu manquer de causer un préjudice moral au mari.

Le montant de la réparation sera fixé à 1.000 EUR.

SUR LA PRESTATION COMPENSATOIRE

En vertu des articles 270 à 272 du Code Civil :

l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives ; cette prestation a un caractère forfaitaire, prend la forme d'un capital, est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible ;

en ce qui concerne ces besoins et ressources doivent être alors notamment pris en considération : la durée du mariage, l'âge et l'état de santé des époux, leur qualification et leur situation professionnelles, le temps déjà consacré ou à consacrer à l'éducation des enfants, leur patrimoine tant en capital qu'en revenu après la liquidation du régime matrimonial, leurs droits existants et prévisibles, leur situation respective en matière de pension de retraite.

Selon l'article 274 du Code Civil la prestation compensatoire peut prendre la forme du versement d'une somme d'argent, de l'abandon de biens en nature, meubles ou immeubles, en propriété, en usufruit, pour l'usage ou l'habitation, le jugement opérant cession forcée au profit du créancier. Il est possible en vertu de l'article 275 du même Code, dans le cas où le débiteur n'est pas en mesure de verser ce capital dans ces conditions, de prévoir ce versement par mensualités ou annuités indexées dans la limite de huit années.

Enfin selon l'article 276 du même Code le juge peut à titre exceptionnel, en raison de l'âge ou de l'état de santé du créancier ne lui permettant pas de subvenir à ses besoins, fixer la prestation compensatoire sous forme de rente viagère.

Le jugement a rejeté la demande de prestation compensatoire de l'épouse en relevant qu'aucune des parties n'avait produit de déclaration sur l'honneur concernant leur patrimoine et leur situation personnelle et financière, que, si les revenus et charges de l'épouse avaient été relevés lors de l'ordonnance de non-conciliation, celle-ci n'avait produit ensuite aucune pièce, qu'elle ne justifiait pas en conséquence d'une disparité au sens de l'article 270 du Code Civil.

Les époux se sont mariés le 27 décembre 1963. Ils ont eu deux enfants nés en 1965 et 1968.

L'ordonnance de non-conciliation a été rendue le 13 janvier 2005.

Paulette X... fournit en appel sa déclaration sur l'honneur datée de mai 2006.

Elle expose avoir très peu travaillé pendant le temps du mariage. Elle reçoit une retraite de la CRAM et une retraite complémentaire, l'ensemble (1.881 + 1.058) pour 2.939 EUR selon son avis d'imposition 2005, correspondant à 250 EUR par mois.

Elle dispose de quelques avoirs sur des livrets et comptes bancaires, selon sa déclaration sur l'honneur un PEA pour 8.000 EUR, un livret populaire pour 7.700 EUR, un livret A pour 4.000 EUR.

Paulette X..., après avoir quitté le domicile conjugal, est partie habiter à Bernay. Claude Y... prétend qu'elle vit en ménage avec François B.... Elle indique pour sa part qu'elle est actuellement et temporairement hébergée chez des amis à Argueil (Seine Maritime) ; elle le signalait dans sa déclaration sur l'honneur en parlant d'un hébergement gratuit ; elle reprend cette indication dans ses conclusions en joignant cette fois un document de location relatif à la période de mars 2007. Sa situation de vie n'est donc actuellement pas fixée.

Claude Y... est retraité. Son avis d'imposition 2005 mentionne un revenu de 42.346 EUR, soit 3.528 EUR par mois.

Il occupe l'immeuble de Grosley sur Risle que les époux ont acheté 275.000 EUR en 1999 selon la déclaration sur l'honneur de l'épouse et qui était leur domicile conjugal, maison qui doit être entièrement payée puisque l'intéressé ne cite pas de prêt immobilier dans ses charges.

Claude Y... bénéficie de valeurs mobilières, de comptes et de livrets. Il n'en dit rien dans ses conclusions mais joint à tout le moins dans ses pièces, ce après que Paulette X... ait communiqué cette même pièce, un relevé au 30 juin 2004 de son PEA ouvert au Crédit Agricole signalant un total du portefeuille à cette date de 23.577 EUR. Selon l'épouse, le mari dispose de comptes, notamment au Luxembourg et elle fournit un document de plusieurs pages, mentionnant ce pays, au nom de l'organisme USB concernant un « état de fortune au 5 juillet 2004 » et précisant des avoirs ; divers chiffres y figurent avec notamment pour les totaux en les arrondissant, l'un dactylographié de 169.000 EUR, l'autre manuscrit de 199.000 EUR. Claude Y... se défend de disposer de tels avoirs et il est vrai que le nom de G... ne se trouve pas sur ces documents. Mais la question est posée en la cause d'autant plus que celui-ci n'a pas versé au débat de déclaration sur l'honneur. Par ailleurs Paulette X... a également produit une autre pièce correspondant à un contrat titres Crédit Agricole au nom de M ou Mme G... notant une valeur de 21.295 EUR au 24 novembre 2004.

Il apparaît de ces développements que d'une part les époux doivent être titulaires en commun de diverses valeurs mobilières, d'autre part chacun doit en avoir aussi en propre et sur ce plan le mari très vraisemblablement pour un montant supérieur à la femme.

Mais surtout il ressort nettement de l'ensemble de ces renseignements que Claude Y... a des ressources régulières par sa retraite beaucoup plus importantes que celles de Paulette X... de sorte que la disparité créée par la rupture du mariage est manifeste, que le mariage a duré plus de quarante ans, qu'il convient alors, au regard de tous les éléments sur les situations respectives, de fixer la prestation compensatoire à un capital de 120.000 EUR.

SUR L'IMMEUBLE COMMUN

Claude Y... demande l'attribution préférentielle de cet immeuble qu'il occupe, ce que l'épouse accepte. Il sera fait droit à cette demande dans la mesure où le juge qui prononce le divorce peut décider une telle attribution conformément à l'article 267 du Code Civil comme la remarque en a été faite dans le jugement.

Par contre les demandes respectives, d'une part de jouissance à titre gratuit de cet immeuble jusqu'à la liquidation, d'autre part de décision sur l'existence d'une indemnité d'occupation jusqu'au même terme, appartiennent au domaine de la liquidation des époux et ne peuvent être tranchées au moment du divorce.

Le divorce est prononcé aux torts partagés de sorte que chacune des parties conservera la charge de ses entiers dépens et de ses frais hors dépens.

PAR CES MOTIFS

Statuant, après débat en chambre du conseil, publiquement et contradictoirement

En la forme reçoit les appels principal et incident

Au fond

Dit que les pièces communiquées après l'ordonnance de clôture du 11 mai 2007 seront rejetées du débat

Réforme le jugement au titre des torts du divorce et de la prestation compensatoire, et de ces chefs

Dit que le divorce est prononcé aux torts partagés des époux

Condamne Claude Y... à verser à Paulette X... une prestation compensatoire sous forme d'un capital de 120.000 EUR

Accueillant la demande de dommages-intérêts présentée par Claude Y... sur le fondement de l'article 1382 du Code Civil

Condamne Paulette X... de ce chef à lui payer la somme de 1.000 EUR

Ordonne l'attribution préférentielle en faveur de Claude Y... de l'immeuble commun situé ... à 27 170 Grosley sur Risle

Dit que les demandes relatives à la jouissance gratuite de cet immeuble ou à l'existence d'une indemnité pour son occupation, ce jusqu'à la liquidation de la communauté, appartiennent aux problèmes à régler dans le cadre de cette liquidation et ne sont pas de la compétence du juge du divorce

Confirme le jugement en ses autres dispositions

Laisse à chaque partie la charge de ses entiers dépens qui pourront être recouvrés conformément aux règles de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du même Code.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Ct0196
Numéro d'arrêt : 06/1071
Date de la décision : 06/09/2007

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Bernay, 16 février 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rouen;arret;2007-09-06;06.1071 ?
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