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19/10/2006 | FRANCE | N°JURITEXT000006952123

France | France, Cour d'appel de Rouen, Ct0044, 19 octobre 2006, JURITEXT000006952123


R.G : 05/04271 COUR D'APPEL DE ROUEN DEUXIÈME CHAMBRE ARRÊT DU 19 OCTOBRE 2006 DÉCISION DÉFÉRÉE : TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE ROUEN du 08 Novembre 2005 APPELANTE : Madame Henriette X... épouse Y... ... 78670 VILLENNES SUR SEINE représentée par la SCP HAMEL FAGOO DUROY, avoués à la Cour assistée de Me Gwenahel THIREL, avocat au barreau de Rouen INTIMÉE : COMPAGNIE AXA ASSURANCES IARD MUTUELLE 26 rue Drouot 75009 PARIS représentée par Me Marie-Christine COUPPEY, avoué à la Cour assistée de Me Florence MALBESIN, avocat au barreau de Rouen COMPOSITION DE LA COUR : En applicati

on des dispositions des articles 786 et 910 du nouveau Code de pr...

R.G : 05/04271 COUR D'APPEL DE ROUEN DEUXIÈME CHAMBRE ARRÊT DU 19 OCTOBRE 2006 DÉCISION DÉFÉRÉE : TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE ROUEN du 08 Novembre 2005 APPELANTE : Madame Henriette X... épouse Y... ... 78670 VILLENNES SUR SEINE représentée par la SCP HAMEL FAGOO DUROY, avoués à la Cour assistée de Me Gwenahel THIREL, avocat au barreau de Rouen INTIMÉE : COMPAGNIE AXA ASSURANCES IARD MUTUELLE 26 rue Drouot 75009 PARIS représentée par Me Marie-Christine COUPPEY, avoué à la Cour assistée de Me Florence MALBESIN, avocat au barreau de Rouen COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 du nouveau Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 14 Septembre 2006 sans opposition des avocats devant Monsieur LOTTIN, Conseiller, rapporteur, en présence de Madame VINOT, Conseiller. Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de : Madame BARTHOLIN, Présidente Monsieur LOTTIN, Conseiller Madame VINOT, Conseiller GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame DURIEZ, Greffier DÉBATS : A l'audience publique du 14 Septembre 2006, où le conseiller de la mise en état a été entendu en son rapport oral et l'affaire mise en délibéré au 19 Octobre 2006 ARRÊT : CONTRADICTOIRE Prononcé publiquement le 19 Octobre 2006, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile, signé par Madame BARTHOLIN, Présidente et par Madame DURIEZ, Greffier présent à cette audience. * * *

Exposé du litige

La résidence secondaire de Madame Y..., située à Trouville sur Mer, a été sinistrée à la suite de la tempête survenue en décembre 1999, qui a été déclarée catastrophe naturelle par arrêté interministériel

du 29 décembre 1999.

Madame Y... a déclaré le sinistre à son assureur la compagnie Axa Assurances Iard (société Axa) par deux lettres recommandées successives avec accusés de réception le 28 décembre 1999 puis le 28 janvier 2000.

Le cabinet Guillou a été mandaté par l'assureur aux fins d'expertise le 18 juillet 2000, puis une étude des sols a été confiée à la société Fondasol et une évaluation de l'immeuble à l'agence Piel ainsi que plus tard à M. Thomas.

Les pourparlers avec la société Axa, auxquels est intervenu à partir de septembre 2004 le groupe EGC en qualité d'expert d'assuré mandaté par Madame Y..., n'ont pas abouti.

Le président du tribunal de grande instance de Lisieux, statuant en référé sur la demande de provision de Madame Y..., a jugé par ordonnance du 19 mai 2005 que la prescription biennale opposée par l'assureur constituait une contestation sérieuse.

Par acte en date du 16 juin 2005, Madame Y... a assigné la société Axa aux fins de voir déclarer l'assureur tenu de la garantir du sinistre de catastrophe naturelle survenu du 25 au 29 décembre 1999 et de voir constater que le délai de prescription biennale a été interrompu. A titre subsidiaire, Madame Y... demandait au tribunal de constater que son assureur avait commis une faute en omettant de l'informer de l'existence du délai de prescription biennale, avait tenté d'abuser de sa faiblesse et avait commis un abus de droit associé à des manoeuvres dolosives, engageant ainsi sa responsabilité contractuelle. Elle sollicitait la condamnation de la société Axa à lui payer une somme de 755.914,09 ç en principal.

Par jugement rendu le 8 novembre 2005, le tribunal de grande instance de Rouen a:

- déclaré irrecevable comme prescrite l'action de Madame Henriette X... épouse Y...,

- débouté Madame Henriette X... épouse Y... de l'ensemble de ses demandes,

- rejeté toutes autres demandes des parties,

- condamné Madame Henriette X... épouse Farçat aux entiers dépens. Madame Y... a interjeté appel de cette décision.

Prétentions et moyens des parties

Pour l'exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé aux conclusions signifiées le 16 août 2006 par Madame Y... et le 31 août 2006 par la société Axa.

Leurs moyens seront examinés dans les motifs de l'arrêt.

Madame Y... sollicite l'infirmation du jugement et la condamnation de la société Axa à lui payer la somme de 755.914,09 ç au titre de sa garantie avec intérêts légaux à compter de l'assignation ainsi qu'une somme de 5.000 ç à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral et une indemnité de 12.000 ç par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La société Axa Assurances Iard Mutuelle demande à titre principal à la cour de débouter Madame Y... de son appel et de confirmer la décision entreprise.

A titre subsidiaire, elle sollicite une mesure d'expertise de l'immeuble sinistré.

Enfin elle conclut à la condamnation de l'appelante à lui payer une

somme de e 8.000 ç sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Sur ce, la Cour,

Sur la prescription biennale

Il résulte de l'article L 114-1 du Code des assurances que les actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance.

L'article L 114-2 précise que la prescription est interrompue par une des causes ordinaires d'interruption de la prescription et par la désignation d'experts à la suite d'un sinistre et que l'interruption de la prescription de l'action peut, en outre, résulter de l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception adressée par l'assureur à l'assuré en ce qui concerne l'action en paiement de la prime et par l'assuré à l'assureur en ce qui concerne le règlement de l'indemnité.

Pour conclure à la réformation du jugement en ce qu'il a retenu que son action était prescrite, Madame Y... soutient à titre principal que divers événements ont interrompu cette prescription qui n'a en conséquence jamais été acquise.

Il n'est pas contesté que le délai de prescription biennale avait commencé à courir à partir de la déclaration de sinistre du 28 décembre 1999 et que la désignation par la société Axa du cabinet Guillou en qualité d'expert, faite par fax le 18 juillet 2000, a interrompu ce délai et fait courir un nouveau délai, de telle sorte qu'il est inutile d'examiner si les autres événements antérieurs ont été interruptifs.

Madame Y... invoque comme premier événement interruptif la désignation par la société Axa de la société Fondasol aux fins de procéder à une expertise.

Toutefois il ne s'agit pas d'une nouvelle expertise qui aurait été

confiée directement par Axa à la société Fondasol, mais seulement du recours de l'expert désigné, le cabinet Guillou, à un technicien pour lui fournir des éléments nécessaires à sa mission. Le fait que le cabinet Guillou ait obtenu pour cela l'accord de l'assureur qui devait prendre en charge le coût de ces investigations complémentaires ne remet pas en cause l'analyse selon laquelle, de même que le recours à un sapiteur dans une expertise judiciaire ne constitue pas une nouvelle expertise, la demande d'avis faite par le cabinet Guillou au cabinet Fondasol ne constitue pas une nouvelle expertise diligentée par l'assureur qui seule aurait eu pour effet d'interrompre de nouveau le délai de prescription. Dans son courrier du 14 février 2002, Madame Y... évoque d'ailleurs le fait que la société Fondasol "diligentée par votre expert" procède à une étude des sols.

Concernant ce courrier du 14 février 2002, la société Axa, pour en contester le caractère interruptif, soutient d'une part qu'il n'est pas justifié de l'identité du destinataire, l'avis de réception n'étant pas lisible, et d'autre part qu'il ne sollicite pas le paiement de l'indemnité comme l'exige l'article L 114-2 du Code des assurances.

Toutefois, il résulte des pièces versées aux débats, suffisamment lisibles, que Madame Y... a adressé le 14 février 2002 une lettre recommandée avec accusé de réception du 16 février 2002 à son agent Axa, M. Z... à Trouville sur Mer, dans laquelle, faisant état du nouvel arrêté de catastrophe naturelle publié au journal officiel du 9 février 2002, elle renouvelait ses réserves antérieures concernant les désordres consécutifs aux glissements de terrain, tout en rappelant que des investigations étaient en cours pour évaluer son préjudice.

Il en résulte que ce courrier, qui satisfait aux conditions de forme

prévues par l'article L 114-2 du Code des assurances, concerne bien l'action en règlement de l'indemnité, sans qu'il soit exigé par ce texte que le paiement d'une indemnité qui ne pouvait alors être chiffrée soit demandé.

Il s'ensuit que ce courrier a interrompu le délai de prescription qui a recommencé à courir jusqu'au 14 février 2004.

Le courrier du 18 juin 2002 émanant du cabinet Guillou et demandant à l'agence Piel de procéder à une évaluation de la valeur vénale du bien dans le cadre de la mission qui lui a été confiée ne saurait être interruptif de la prescription. Il en est de même pour la demande identique faite au cours du dernier trimestre 2002 à M. Thomas par le cabinet Guillou.

De même que les opérations d'expertise ne suspendent pas le délai de prescription, les convocations des parties et notamment de l'assuré aux réunions d'expertise, comme en l'espèce celle du 21 novembre 2003 invoquée par Madame Y..., n'ont pas pour effet de l'interrompre.

Enfin la lettre recommandée avec accusé de réception adressée le 20 avril 2004 par Madame Y... au cabinet Guillou, outre qu'elle intervenait alors que la prescription biennale était acquise depuis le 14 février 2004, n'aurait pu interrompre le délai puisqu'elle n'était pas adressée à l'assureur, mais à l'expert, dont il n'est nullement démontré qu'il était le mandataire d'Axa. De même la lettre de la société Axa en date du 3 août 2004, quel que soit son contenu, ne pouvait interrompre le délai d'une prescription déjà acquise.

Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu'il a déclarée prescrite l'action de Madame Y....

Sur la renonciation de la société Axa à se prévaloir de la prescription

biennale

Madame Y... soutient à titre subsidiaire que la société Axa a manifesté clairement sa volonté de renoncer au bénéfice de la prescription par son courrier du 3 août 2004, dans lequel M. A..., agent général d'Axa, transmettait une proposition de cette compagnieiption par son courrier du 3 août 2004, dans lequel M. A..., agent général d'Axa, transmettait une proposition de cette compagnie de régler une somme forfaitaire de 60.000 ç.

Toutefois la renonciation à la prescription, expresse ou tacite, doit résulter d'un fait qui suppose l'abandon du droit acquis.

En l'espèce, le courrier incriminé, qui faisait état d'une ultime proposition, s'inscrivait dans le cadre des pourparlers engagés précédemment qui n'avaient pas eu pour effet d'interrompre la prescription biennale et ne faisait aucune référence à cette prescription. Il ne pouvait dès lors caractériser une intention certaine et non équivoque de renoncer à la prescription.

Sur les fautes de la société Axa

Madame Y... reproche en premier lieu à la société Axa de l'avoir informée de l'existence du délai de prescription biennale ni après la déclaration de sinistre ni 18 mois plus tard, alors qu'elle est âgée de 87 ans.

Toutefois l'assureur n'est pas tenu d'informer l'assuré de l'existence du délai de prescription biennale. En outre les règles de la prescription biennale ainsi que les modes d'interruption de cette prescription étaient clairement indiqués en page 18 des conditions générales du contrat multirisques habitation qu'avait souscrit Madame Y....

L'âge de l'assurée, qui ne l'a pas empêchée d'adresser diverses lettres recommandées avec demandes d'accusés de réception, ne constitue pas nécessairement une faiblesse dont l'assureur aurait pu abuser, étant observé en outre que son fils, ainsi qu'il en atteste

lui-même, l'a assistée, notamment au cours des opérations d'expertise.

Il n'est donc pas démontré que la société Axa ait laissé traîné le dossier dans l'espoir que son assurée "décéderait avant qu'il ne soit clôturé" alors que la demande de Madame Y... tendant à la reconstruction de sa maison et les difficultés résultant de l'instabilité du sous-sol ont nécessité de longues investigations avant que l'assurée ne change d'avis en 2004 pour dire qu'elle entendait solliciter un autre mode d'indemnisation, ayant décidé de vendre sa propriété en l'état.

Ce revirement paraît légitime, mais les conséquences et notamment le retard en résultant dans le chiffrage du préjudice ne sauraient être reprochés à l'assureur.

Si la société Axa, ainsi que le souligne l'appelante, n'a jamais indiqué à Madame Y... qu'elle ne la garantirait pas, il n'est pas établi à l'inverse qu'elle se soit engagée expressément à l'indemniser, sauf par l'offre du 3 août 2004 déjà évoquée et postérieure à l'acquisition de la prescription.

Il s'ensuit qu'un accord devait intervenir à la fois sur le principe de l'indemnisation et sur son montant.

La rétention d'information dont se plaint Madame Y... ne peut être constatée dès lors qu'elle ne justifie pas avoir sollicité à un moment quelconque auprès de la société Axa la communication d' un exemplaire du rapport d'expertise du cabinet Guillou et de ses annexes.

La partie appelante n'établit pas que la gestion du sinistre par l'assureur au cours des pourparlers ait eu pour seul but de parvenir à l'expiration de la prescription.

Madame Y... sera en conséquence déboutée de toutes ses demandes.

L'équité justifie qu'il soit fait exception à l'application de

l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile en première instance et en appel, et tant la société Axa que Madame Y... seront déboutées de leurs demandes à ce titre.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Déboute Madame Y... de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral,

Déboute les parties de leurs demandes faites au titre des frais irrépétibles,

Condamne Madame Y... à payer les dépens de première instance et d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit des avoués de la cause, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Ct0044
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006952123
Date de la décision : 19/10/2006

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : Madame BARTHOLIN, Présidente

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rouen;arret;2006-10-19;juritext000006952123 ?
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