COUR D'APPEL
DE RIOM
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
Du 23 juillet 2024
N° RG 22/01807 - N° Portalis DBVU-V-B7G-F4CJ
-LB- Arrêt n° 340
S.A.R.L. ART ET MENUISERIES EXTERIEURES / [F] [O], [S] [K] épouse [O]
Jugement au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CLERMONT-FERRAND, décision attaquée en date du 04 Août 2022, enregistrée sous le n° 19/04090
Arrêt rendu le MARDI VINGT TROIS JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE
COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :
M. Philippe VALLEIX, Président
M. Daniel ACQUARONE, Conseiller
Mme Laurence BEDOS, Conseiller
En présence de :
Mme Céline DHOME, greffier lors de l'appel des causes et de Mme Marlène BERTHET, greffier lors du prononcé
ENTRE :
S.A.R.L. ART ET MENUISERIES EXTERIEURES
[Adresse 6]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Maître François Xavier LHERITIER de la SCP JAFFEUX- LHERITIER, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
Timbre fiscal acquitté
APPELANTE
ET :
M. [F] [O]
et Mme [S] [K] épouse [O]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentés par Maître Dominique VAGNE de la SELARL AUVERJURIS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
Timbre fiscal acquitté
INTIMES
DÉBATS : A l'audience publique du 27 mai 2024
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 23 juillet 2024 après prorogé du délibéré initialement prévu le 09 juillet 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par M. VALLEIX, président et par Mme BERTHET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
Suivant devis accepté le 10 décembre 2016 pour un montant de 24'000 euros, M. [F] [O] et Mme [S] [K] épouse [O], propriétaires d'une maison située [Adresse 1] à [Localité 4] (Puy-de-Dôme) ont confié à la SARL Art et Menuiseries Extérieures des travaux concernant la création et la pose d'une véranda destinée à constituer une pièce d'habitation supplémentaire.
Un nouveau devis émis le 16 décembre 2016 pour un montant de 29'500 euros, prévoyant une véranda avec une toiture trois pans a été accepté par M. et Mme [O].
Ceux-ci ont versé un acompte de 7200 euros le 10 février 2017.
Les travaux ont commencé début juin 2017. Considérant que ceux-ci étaient affectés de malfaçons importantes, M. [O], par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 4 juillet 2017, a rappelé à l'entreprise son obligation de résultat, l'invitant à faire le nécessaire pour remédier aux imperfections constatées, et l'a mise en demeure de lui faire parvenir son attestation de responsabilité civile et décennale.
M. et Mme [O] ont fait établir le 11 juillet 2017 un procès-verbal par huissier afin qu'il soit constaté que l'ouvrage était affecté de non façons, désordres et malfaçons. M. [O] a adressé le même jour à la SARL Arts et Menuiseries Extérieures un courrier la mettant en demeure d'achever les travaux sous un délai de 10 jours.
Le 22 juillet 2017, M.[N], gérant de la SARL Arts et Menuiseries Extérieures s'est présenté au domicile des époux [O] pour récupérer son outillage laissé sur place. En l'absence de ces derniers, M.[N] a également emporté les télécommandes des volets roulants de la maison, après les avoir fermés.
Le 27 juillet 2017, M. [O] a déposé plainte à l'encontre de M.[N] auprès de la gendarmerie pour vol des télécommandes des volets de la maison.
Les époux [O] ont obtenu, par ordonnance de référé en date du 5 septembre 2017, l'organisation d'une mesure d'expertise qui a été confiée à M. [B]. Le juge des référés a également condamné la société Art et Menuiseries Extérieures à remettre aux époux [O] un double des clés de tous les accès outre les télécommandes des volets roulants.
M. [R], expert désigné en remplacement de M. [B], a déposé son rapport le 10 septembre 2020.
Par acte d'huissier en date du 22 octobre 2019, la SARL Art et Menuiseries Extérieures a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand M. et Mme [O] pour obtenir leur condamnation au paiement de la somme de 22'300 euros au titre du manque à gagner du fait de la résiliation du marché, intervenu selon elle à l'initiative du maître d'ouvrage.
Par jugement du 4 août 2022, le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand a statué en ces termes :
-Condamne la SARL Art et Menuiseries Extérieures à verser à Mme [S] [O] et M. [F] [O] la somme de 40'692,30 euros TTC, ladite somme étant indexée selon l'évolution de l'indice BT 01 du coût de la construction entre la date du dépôt du rapport d'expertise et la date du jugement ;
-Déboute les parties de leurs demandes plus amples ;
-Condamne la SARL Art et Menuiseries Extérieures à verser à M. [F] [O] et Mme [S] [O] la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
-Condamne la SARL Art et Menuiseries Extérieures aux dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire.
La SARL Arts et Menuiseries Extérieures a relevé appel de cette décision par déclaration électronique enregistrée le 8 septembre 2022.
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 4 avril 2024.
Vu les conclusions transmises par la SARL Arts et Menuiseries Extérieures le 7 décembre 2022 aux termes desquelles celle-ci présente à la cour les demandes suivantes :
« Vu l'article 1794 du Code de Procédure Civile ;
Vu les articles 1231-1 et suivants du Code Civil ;
- INFIRMER le Jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de CLERMONT-FERRAND le 22 aout 2017 en ce qu'il a :
- Condamné la SARL ART ET MENUISERIES Extérieures à verser à Mme [S] [O] et M. [F] [O] la somme de 40.692,30 € TTC ladite somme étant indexée selon l'évolution de l'indice BT01 du coût de la construction entre la date du dépôt du rapport d'expertise et la date du jugement à intervenir ;
- Condamné la SARL ART ET MENUISERIES Extérieures à verser à M. [F] [O] et Mme [S] [O] la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- Condamné la SARL ART ET MENUISERIES Extérieures aux dépens en ce compris les frais d'expertise judiciaire ;
- CONFIRMER pour le surplus ;
Statuant de nouveau sur les chefs infirmés ;
- CONDAMNER les époux [O] à payer à la SARL ART ET MENUISERIES EXTERIEURES, la somme de 22.300 € au titre du manque à gagner du fait de la résiliation du marché à l'initiative du Maître de l'ouvrage, outre intérêts à compter de la signification de l'assignation ;
- CONDAMNER les époux [O] à payer à la SARL ART ET MENUISERIES EXTERIEURES, la somme de 15.000 € à titre de dommages intérêts ;
- DÉBOUTER les époux [O] de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;
- AUTORISER subsidiairement la SARL ART ET MENUISERIES EXTERIEURES à venir démonter et récupérer elle-même les matériaux utilisés pour la construction de la véranda ou CONDAMNER infiniment subsidiairement les époux [O] à restituer les matériaux à la SARL ART ET MENUISERIES EXTERIEURES sous astreinte de 150 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;
- CONDAMNER les époux [O] à payer à la SARL ART ET MENUISERIES
EXTERIEURES, la somme de 6.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure
Civile ;
- CONDAMNER les époux [O] aux entiers dépens de première instance et d'appel,
comprenant les frais d'expertise. »
Vu les conclusions transmises par M. et Mme [O] le 21 février 2023 aux termes desquelles ceux-ci présentent à la cour les demandes suivantes :
« Vu les dispositions des articles 1231-1 et suivants du Code civil,
Vu le rapport d'expertise judiciaire,
Vu les pièces versées aux débats,
Vu la jurisprudence visée,
Vu le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de CLERMONT FERRAND le 4 août 2022,
CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de CLERMONTFERRAND le 4 aout 2022 en ce qu'il a :
CONDAMNÉ la SARL ART ET MENUISERIES Extérieures à verser à Mme [S] [O] et M. [F] [O] la somme de 40.692,30 € TTC ladite somme étant indexée selon l'évolution de l'indice BT01 du coût de la construction entre la date du dépôt du rapport d'expertise et la date du jugement à intervenir ;
CONDAMNÉ la SARL ART ET MENUISERIES Extérieures à verser à M. [F] [O] et Mme [S] [O] la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNÉ la SARL ART ET MENUISERIES aux dépens en ce compris les frais d'expertise judiciaire.
INFIRMER le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de CLERMONT FERRAND le 4 août 2022 en ce qu'il a :
- DÉBOUTÉ Madame [S] [O] et Monsieur [F] [O] de leurs demandes tendant à voir condamner la SARL ART ET MENUISERIES Extérieures à leur payer et porter les sommes suivantes :
- 7.200 euros en réparation du préjudice financier
- la somme de 57.700 euros, sauf à parfaire, en réparation du préjudice professionnel subi par Madame [S] [O]
ET STATUANT A NOUVEAU,
Débouter la SARL ARTS ET MENUISERIES EXTERIEURES de sa demande d'expertise judiciaire ;
Condamner la SARL ARTS ET MENUISERIES EXTERIEURES à porter et payer à Madame [O] la somme de 7.200 euros en réparation du préjudice financier ;
Condamner la SARL ARTS ET MENUISERIES EXTERIEURES à porter et payer à Madame [O] la somme de 57.700 euros, sauf à parfaire, en réparation de son préjudice professionnel ;
Débouter la SARL ARTS ET MENUISERIES EXTERIEURES de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires ;
Condamner la SARL ARTS ET MENUISERIES EXTERIEURES à porter et payer aux consorts [O] la somme de 5000 euros sur le fondement l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise judiciaire. »
En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions susvisées pour l'exposé complet des prétentions respectives des parties et de leurs moyens.
MOTIFS DE LA DÉCISION
-Sur l'étendue de la saisine de la cour :
Il sera rappelé en premier lieu qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.
En l'espèce, s'il est évoqué par la SARL Arts et Menuiseries Extérieures la nécessité que la cour ordonne le sursis à statuer dans l'attente d'une nouvelle mesure d'expertise qui serait ordonnée, force est de constater que cette prétention n'est pas reprise dans le dispositif de ses conclusions de sorte que la cour n'est pas saisie de cette demande.
-Sur les constatations et conclusions de l'expert judiciaire :
L'expert judiciaire a examiné point par point au cours des opérations d'expertise les désordres listés dans le procès-verbal établi par huissier le 11 juillet 2017, distinguant dans son rapport les travaux devant être terminés et les désordres et malfaçons constatés, ces derniers étant décrits de la façon suivante par l'expert :
Intérieurement :
-Éraflures sur le cadre dormant et le châssis coulissant autour des points d'ancrage de la structure de la véranda avec le mur de façade de la maison en façade nord/nord -ouest,
-Éraflures des points d'ancrage en partie supérieure et dégradation du cadre d'ouverture gauche en façade sud/sud-est,
-Affaissement de la poutre principale support de la couverture en façade sud/sud-ouest entraînant une gêne importante dans le fonctionnement des coulissants,
-Habillage de la poutre cabossé et éraflé,
-Le profil support faisant jonction avec la façade de la maison est percé de façon non régulière,
-Les coupes d'onglets entre profils sont très mal réalisées et laissent apparaître des jours non tolérables et non obturables correctement et esthétiquement par silicone,
-Impact sur le panneau de toiture sur le second panneau en partant du côté sud/sud-est,
-Impact sur le flanc de la quatrième poutre de toit,
-Jours visibles entre la poutre et le toit,
-Manque de finition des jonctions des tôles soudées du flanc apparent de la poutre maîtresse en façade,
- Côté façade sud/sud-est, accroc sur la partie supérieure intérieure du cadre de la porte-fenêtre,
-Constat de non étanchéité (à l'eau et à l'air) des panneaux vitrés du toit de la véranda.
Extérieurement :
-En façade sud/sud-est, mauvaise découpe de la pièce de seuil contre la façade et éraflure à cet endroit,
-Manque de calages d'appuis sous les pièces de seuil de façon générale,
-À l'angle sud/sud-est et sud/sud-ouest, la découpe de la jonction des pièces d'appuis est très mal réalisée,
-À l'extrémité gauche de la pièce d'appui du seuil en façade sud/sud-ouest, cette pièce n'est pas jointive (ou proche) du poteau vertical d'angle. Cet espace n'est pas admissible,
- En partie supérieure de la façade sud/sud-ouest, la jonction entre les deux parties du caisson du volet roulant présente un espace trop important « tartiné » de silicone. Cette finition n'est pas acceptable. En sous-face de ce caisson, on constate un écart important entre les tôles. En rive du caisson roulant, formant chéneau, on constate un espace important entre les tôles. La pose d'éclisses ne résoudra pas cette malfaçon.
-En façade nord/nord-ouest, éraflure en sous-face du volet roulant,
-Sur le toit de la véranda, à l'angle nord/nord-ouest, on constate un amas de silicone pour obturer une coupe d'angle mal réalisée,
-Sur le toit, aux angles de la façade principale, à la jonction des rives, on constate des liaisons par des pièces aluminium grossièrement découpées et vissées. Ces dispositions grossières ne sont pas admissibles,
-En façade sud/sud-est, le joint d'étanchéité entre chéneaux et support de toit est déchiré,
-En angle sud de la façade sud/sud-est, on constate une très mauvaise finition de l'étanchéité,
-Côté façade sud/sud-est, dégradation du joint de panneau sandwich de toit,
-À la jonction entre le toit de la véranda et le mur de la maison, la pièce formant solin n'est pas étanche,
-Toujours à la jonction entre le toit de la véranda et le mur de la maison, les profils de faîtage sont très mal découpés, non jointifs et « tartinés» de mastic. Ces dispositions ne sont pas acceptables.
L'expert attribue les malfaçons et désordres constatés à des erreurs de conception, des non-conformités, des vices de construction, des vices de matériaux et encore à des erreurs de mise en 'uvre manifestes et inadmissibles, à une réalisation des travaux au mépris des règles de l'art.
L'expert considère que la solidité de l'ouvrage est compromise, en particulier en raison de la mauvaise conception de la poutre maîtresse en façade, et considère que la pérennité de l'ouvrage n'est pas correcte du fait des diverses malfaçons et non-conformités observées.
L'expert précise n'avoir obtenu que très peu d'informations techniques sur l'ouvrage réalisé, en particulier sur la conception technique de la poudre maîtresse en façade qui a fléchi, sur les profils et leur drainage en couverture, sur la réalisation des solives, les détails transmis par la SARL Arts et Menuiseries Extérieures étant plutôt d'ordre commercial et non technique.
Il préconise en définitive la dépose de l'existant et le remplacement total de la véranda, soulignant qu'aucune entreprise ne peut prendre la responsabilité d'intervenir sur un ouvrage non conforme sinistré. L'expert valide à ce titre le devis émis par l'entreprise Brassier pour un montant de 40'692,30 euros TTC, comprenant la dépose de l'existant.
L'expert estime que si un retard dans les travaux était tolérable, M. et Mme [O] étaient en droit d'attendre un ouvrage utilisable fin juin 2017.
En réponse aux dires des parties, l'expert précise que : « la notion de 'chantier en cours'est difficile à retenir car le constat du 'chantier réalisé' montre que ce dernier n'est pas 'récupérable', mais à refaire totalement pour être acceptable. Il ajoute que l'état actuel du chantier ne présente pas seulement des défauts de finition mais des malfaçons et non-conformités qui en font un ouvrage non acceptable. Il émet des réserves importantes sur la capacité technique de la SARL Arts et Menuiseries Extérieures à reprendre l'ouvrage et à terminer les travaux.
-Sur la résiliation du contrat et la demande en paiement présentée par la SARL Arts et Menuiseries Extérieures :
L'article 1794 du code civil dispose :
Le maître peut résilier, par sa seule volonté, le marché à forfait, quoique l'ouvrage soit déjà commencé, en dédommageant l'entrepreneur de toutes ses dépenses, de tous ses travaux, et de tout ce qu'il aurait pu gagner dans cette entreprise.
La SARL Arts et Menuiseries Extérieures se prévaut de ces dispositions pour réclamer la condamnation des époux [O] à lui payer la somme de 22'300 euros, correspondant au solde du chantier en tenant compte de l'acompte de 7200 euros versé le 10 février 2017.
Toutefois, les circonstances dans lesquelles le chantier a pris fin ne permettent aucunement de démontrer que, comme le soutient l'appelante, les maîtres d'ouvrage aient pris l'initiative de résilier le marché.
En effet, il ressort des éléments communiqués que, devant l'importance des nombreuses malfaçons affectant l'ouvrage tant à l'intérieur qu'à l'extérieur, malfaçons dont la réalité a parfaitement été confirmée par le rapport d'expertise, M. et Mme [O] ont mis en demeure à deux reprises, le 4 juillet 2017 puis le 11 juillet 2017, la SARL Arts et Menuiseries Extérieures de procéder à la reprise des désordres constatés et d'achever le chantier, étant précisé que, selon l'expert, l'entreprise accusait déjà un retard dans la réalisation des travaux par rapport à ce qui pouvait être attendu.
Or, dans cette situation, la SARL Arts et Menuiseries Extérieures ne justifie pas avoir pris d'autre initiative que celle de venir au domicile des époux [O], le 22 juillet 2017 par l'intermédiaire de son gérant, pour récupérer ses outils, emportant à cette occasion plusieurs télécommandes permettant de manipuler les volets qu'elle avait pris soin de fermer au préalable, condamnant ainsi l'accès au jardin.
Par ailleurs, l'appelante ne communique aucune pièce permettant de démontrer que, comme elle le soutient, M. et Mme [O] auraient bloqué l'accès au chantier, étant observé encore que le retard dans le déroulement des opérations d'expertise, avant le remplacement de M. [B], ne leur est pas imputable particulièrement.
Il apparaît ainsi que le comportement de la SARL Arts et Menuiseries Extérieures traduit de sa part un abandon de chantier, au surcroît dans des circonstances particulièrement désagréables.
En conséquence, il ne peut aucunement être imputé à M. et Mme [O], qui n'ont formulé aucun écrit en ce sens, la résiliation du contrat.
La SARL Arts et Menuiseries Extérieures doit en conséquence être déboutée des demandes formulées sur le fondement de l'article 1794 du code civil et de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral. Le jugement sera confirmé sur ce point.
-Sur la responsabilité contractuelle de la SARL Arts et Menuiseries Extérieures :
Tenu d'édifier un ouvrage exempt de vices, l'entrepreneur est débiteur envers le maître d' ouvrage d'une obligation de résultat.
En l'espèce, il résulte suffisamment des constatations, explications et conclusions développées dans le rapport d'expertise, parfaitement circonstancié, que la SARL Arts et Menuiseries Extérieures a manqué à son obligation de résultat alors que l'ensemble de l'ouvrage est affecté de malfaçons et non-conformités multiples et importantes, cette situation justifiant que l'existant soit déposé et qu'un nouvel ouvrage soit édifié.
La responsabilité contractuelle de la SARL Arts et Menuiseries Extérieures doit en conséquence être retenue.
-Sur la réparation due à M. et Mme [O] :
-Sur le préjudice matériel :
L'expert préconise, en justifiant clairement sa conclusion ainsi que cela résulte des développements précédents, la dépose totale de l'ouvrage existant et la reconstruction d'une nouvelle véranda. Il a retenu pour la réalisation de ces travaux un devis de l'entreprise Brassier, pour un montant de 40'692, 30 euros TTC.
La SARL Arts et Menuiseries Extérieures demande à être autorisée à réaliser elle-même les opérations de démontage de la véranda en place. Cependant, eu égard à la rupture totale de la confiance contractuelle entre les parties, cette solution doit être écartée.
Dès lors, le coût de la dépose de l'ouvrage doit être intégré dans le préjudice matériel subi par les époux [O]. Il ressort du rapport d'expertise, en page 20, que le coût des travaux de dépose totale de l'ouvrage s'élève à 1728 euros TTC. La SARL Arts et Menuiseries Extérieures sera en conséquence condamnée au paiement de cette somme.
Par ailleurs, M. et Mme [O] n'ont réglé au titre du contrat conclu avec la SARL Arts et Menuiseries Extérieures que la somme de 7200 euros, à titre d'acompte, le solde du chantier n'ayant pas été réglé. Ils ne peuvent en conséquence être indemnisés du coût des travaux de reprise relatifs à des travaux qu'ils n'ont pas payés.
Leur préjudice matériel à ce titre est en conséquence uniquement constitué de la somme exposée pour des travaux qui ne sont pas satisfaisants et qui doivent être repris, soit 7200 euros.
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné la SARL Arts et Menuiseries Extérieures au paiement de la somme de 40'692,30 euros. Celle-ci sera condamnée au paiement de la somme de 7200 euros.
-Sur la demande au titre du préjudice professionnel subi par Mme [O] :
Les intimés soutiennent que Mme [O] a subi un préjudice professionnel alors que la demande de renouvellement d'agrément en qualité d'assistante maternelle qu'elle avait déposée a été rejetée en raison des dangers représentés par la véranda dans la maison et de l'impossibilité pour les enfants accueillis d'accéder au jardin du fait de la configuration actuelle des lieux.
Ils expliquent en outre qu'en conséquence de ce refus de renouvellement d'agrément, Mme [O] a perdu l'intégralité de ses conditions d'ancienneté (depuis 1989) et sera contrainte, afin de reprendre sa profession, de suivre une nouvelle formation de 120 heures alors qu'elle bénéficiait d'un agrément pour quatre enfants.
Les époux [O] évaluent l'indemnisation du préjudice professionnel subi par Mme [O] à la somme de 72'000 euros sur la base d'une perte de rémunération mensuelle de 2000 euros, depuis octobre 2017, date de la perte d'agrément selon eux, soit sur une période de trois ans. Ils réclament la condamnation de la SARL Arts et Menuiseries Extérieures à payer à Mme [O] la somme de 57'700 euros, après déduction de la somme de 14'300 euros perçue au titre des allocations versées par l'organisme Pôle emploi.
Il ressort des pièces produites que Mme [O], qui était agréée pour l'accueil de quatre enfants, sans qu'aucun document ne permette de connaître son ancienneté dans la profession, a réclamé le renouvellement de son agrément auprès de la direction de la solidarité et de l'action sociale par courrier du 9 octobre 2017, avec une date d'échéance au 9 janvier 2018 (pièce n°9), et que, suite à la visite de son domicile le16 novembre 2017 par l'infirmière puéricultrice du service de la protection maternelle et infantile, une décision de refus de renouvellement d'agrément lui a été notifiée le 15 décembre 2017.
Cette décision de refus, qui souligne que Mme [O] a les capacités pour accueillir des enfants mineurs à son domicile, est exclusivement motivée par le fait que le lieu d'accueil ne présente pas les normes de sécurité requises pour l'exercice de la profession d'assistante maternelle, ce pour des raisons directement liées aux désordres affectant la véranda. Il est ainsi exposé dans le courrier que la véranda dont la construction n'est pas sécurisée du fait des désordres qui l'affectent (écoulements d'eau, problèmes d'étanchéité, éléments de la structure métallique non fixés') n'est pas sécurisée. Il est également fait état des éléments de danger repérés à l'extérieur pour les mêmes raisons, contraignant Mme [O] à condamner une partie du jardin.
Il existe ainsi un lien direct et certain de causalité entre les manquements de la SARL Arts et Menuiseries Extérieures à ses obligations contractuelles et le fait que Mme [O] n'ait pu obtenir le renouvellement d'agrément sollicité.
Il n'est pas démontré en revanche que Mme [O] subisse comme elle l'indique une perte de ses droits en matière d'ancienneté, ni qu'elle soit contrainte de se soumettre à une nouvelle formation professionnelle dans l'hypothèse où elle reprendrait son activité d'assistante maternelles.
Il n'est pas certain par ailleurs que, même si elle avait été agréée :
- Mme [O] l'aurait été pour quatre enfants, étant précisé que les autres critères relatifs notamment à « la modification dans l'organisation » et à la « disponibilité » n'ont pas donné lieu à évaluation en raison de l'empêchement dirimant constitué par le manque de sécurité du lieu d'accueil, lié à aux désordres affectant la véranda et au chantier en cours ;
- les contrats auraient été signés avec des parents aux mêmes conditions de temps de travail et de rémunération.
Le préjudice dont la réparation est réclamée s'analyse en réalité en une perte de chance, qui constitue une disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable, dont la réparation doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée.
Ce préjudice, dont la réalité est constatée, doit en conséquence être réparé, étant précisé qu'il n'y a pas lieu à réouverture des débats sur la question de la qualification du préjudice dont la réparation est sollicitée, alors que celle-ci est abordée dans les écritures de la SARL Arts et Menuiseries Extérieures.
En considération des éléments exposés quant aux inconnues qui entourent les conditions dans lesquelles Mme [O] aurait pu reprendre son activité si elle avait reçu son agrément, le taux de perte de chance sera en l'occurrence fixé à 20 %.
Les pièces versées aux débats par les époux [O] permettent d'établir que Mme [O] a travaillé en qualité d'assistante maternelle durant les mois de juillet et août 2015, alors qu'elle résidait encore à [Localité 5] (pièce n° 14) et qu'elle a perçu à ce titre, hors indemnités d'entretien, qui correspondent à la compensation des sommes exposées pour accueillir les enfants, la somme de 1123,18 euros en juillet 2015 et celle de 1594,18 euros au mois d'août pour l'accueil de quatre enfants, soit une moyenne de 1358 euros.
Il convient d'observer que Mme [O] ne produit aucun autre élément permettant de connaître les revenus qu'elle tirait de son activité en dehors de ces deux mois, alors que les déclarations de revenus communiquées concernent les années 2017 à 2020, étant précisé qu'il ne peut être considéré que le tableau réalisé par l'intimée elle-même (pièce n°13) constitue une preuve à cet égard. Or, les mois de juillet et août correspondent à des périodes particulières pendant lesquelles les parents sont susceptibles de confier leurs enfants à une assistante maternelle sur de plus larges plages horaires si certains d'entre eux sont accueillis le reste du temps en milieu scolaire.
Les époux [O] n'ont pas estimé devoir justifier avec transparence de la réalité des revenus que percevait Mme [O] en sa qualité d'assistante maternelle, alors que celle-ci soutient qu'elle exerçait cette activité depuis 30 ans.
Il n'appartient pas à la cour de contraindre les intimés à produire des preuves qui pouvaient être communiquées spontanément. En conséquence, la rémunération que percevait Mme [O] sera appréciée sur la base des éléments connus pour les périodes de vacances scolaires (soit 16 semaines avec un salaire moyen mensuel de 1358 euros), et sur la base d'une estimation pour un temps d'accueil limité aux horaires hors temps scolaire pour le surplus (soit 36 semaines avec un salaire mensuel de 679 euros).
Ainsi la rémunération annuelle de Mme [O] lorsqu'elle était en exercice peut être estimée à 10'654 euros, étant rappelé que la réclamation est formulée pour une période de trois années commençant en octobre 2017, et finissant donc en octobre 2020. Or, en toute hypothèse, l'agrément n'aurait pris effet qu'en janvier 2018, de sorte que le préjudice sera réparé pour la période de janvier 2018 à octobre 2020, soit 34 mois, ce qui représente une perte théorique de 30'158 euros, somme à laquelle doit être appliqué le taux de perte de chance de 20 %.
Il sera ainsi alloué à Mme [O] la somme de 6031 euros en réparation du préjudice résultant pour elle de la perte de chance d'obtenir des revenus professionnels de son activité d'assistante maternelle. La SARL Arts et Menuiseries Extérieures sera condamnée au paiement de cette somme.
-Sur la demande de restitution des matériaux :
La SARL Arts et Menuiseries Extérieures demande la condamnation de M. et Mme [O] à lui restituer les matériaux après les opérations de dépose de la véranda, ce sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir.
Toutefois, les époux [O] font valoir justement que selon le devis Brassier retenu par l'expert judiciaire, il est prévu que les matériaux récupérés après la dépose de la véranda soient transportés en déchetterie. Il résulte par ailleurs du rapport d'expertise que les divers matériaux composant la véranda sont endommagés, étant observé encore que la SARL Arts et Menuiseries Extérieures n'indique pas de manière précise les matériaux qu'elle souhaiterait récupérer.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.
- Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Le jugement sera confirmé sur les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La SARL Arts et Menuiseries Extérieures, qui succombe sur le principe de sa responsabilité et sur les conséquences qui en découlent, supportera les dépens d'appel, nonobstant le fait que certaines de ses demandes soient accueillies. Elle sera condamnée à payer à M. et Mme [O] la somme de 4000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés par ces derniers pour les besoins de la procédure devant la cour.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement et contradictoirement,
Infirme le jugement en ce qu'il a :
-Condamné la SARL Art et Menuiseries Extérieures à verser à Mme [S] [O] et M. [F] [O] la somme de 40'692,30 euros TTC ;
-Débouté Mme [S] [O] et M. [F] [O] de leur demande en paiement de la somme de 7200 euros ;
-Débouté Mme [S] [O] et M. [F] [O] de leur demande de condamnation de la SARL Art et Menuiseries Extérieures à réparer le préjudice professionnel subi par Mme [S] [O] ;
Statuant à nouveau,
- Condamne la SARL Art et Menuiseries Extérieures à payer et porter à Mme [S] [K] épouse [O] et M. [F] [O] en réparation de leur préjudice matériel les sommes suivantes :
-7200 euros au titre de l'acompte versé,
-1728 euros au titre du coût des travaux de dépose totale de l'ouvrage, cette somme étant indexée en fonction de l'évolution de l'indice BT 01 du coût de la construction entre le 10 septembre 2020 (dernier indice connu à cette date), et le jour de la présente décision devenue définitive ;
-Condamne la SARL Art et Menuiseries Extérieures à payer et porter à Mme [S] [K] épouse [O] la somme de 6031 euros en réparation du préjudice résultant pour elle de la perte de chance d'obtenir des revenus professionnels de son activité d'assistante maternelle ;
Confirme le jugement pour le surplus ;
-Condamne la SARL Arts et Menuiseries Extérieures à payer à Mme [S] [K] épouse [O] et M. [F] [O] la somme de 4000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le greffier Le président