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09/07/2024 | FRANCE | N°22/01092

France | France, Cour d'appel de Riom, Chambre pôle social, 09 juillet 2024, 22/01092


9 JUILLET 2024



Arrêt n°

KV/VS/NS



Dossier N° RG 22/01092 - N° Portalis DBVU-V-B7G-F2D6



[E] [Y]

/

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU PUY-DE-DOME (CPAM)





jugement au fond, origine pole social du TJ de Clermont-Ferrand, décision attaquée en date du 10 mai 2022, enregistrée sous le n° 20/00399

Arrêt rendu ce NEUF JUILLET DEUX MILLE VINGT-QUATRE par la CINQUIEME CHAMBRE CIVILE CHARGEE DU DROIT DE LA SECURITE SOCIALE ET DE L'AIDE SOCIALE de la cour d'appel de RIOM, composée lors des débats

et du délibéré de :



Monsieur Christophe VIVET, président



Mme Karine VALLEE, conseillère



Mme Sophie NOIR, conseillère



En prés...

9 JUILLET 2024

Arrêt n°

KV/VS/NS

Dossier N° RG 22/01092 - N° Portalis DBVU-V-B7G-F2D6

[E] [Y]

/

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU PUY-DE-DOME (CPAM)

jugement au fond, origine pole social du TJ de Clermont-Ferrand, décision attaquée en date du 10 mai 2022, enregistrée sous le n° 20/00399

Arrêt rendu ce NEUF JUILLET DEUX MILLE VINGT-QUATRE par la CINQUIEME CHAMBRE CIVILE CHARGEE DU DROIT DE LA SECURITE SOCIALE ET DE L'AIDE SOCIALE de la cour d'appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :

Monsieur Christophe VIVET, président

Mme Karine VALLEE, conseillère

Mme Sophie NOIR, conseillère

En présence de Mme SOUILLAT, greffier, lors des débats et du prononcé

ENTRE :

Mme [E] [Y]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Antoine PORTAL de la SARL TRUNO & ASSOCIES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

APPELANTE

ET :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU PUY-DE-DÔME (CPAM)

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Florence VOUTE suppléant Me Marie-Caroline JOUCLARD de la SARL JOUCLARD & VOUTE, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND

INTIMEE

Après avoir entendu Mme VALLEE, conseillère, en son rapport, et les représentants des parties à l'audience publique du 29 avril 2024, la cour a mis l'affaire en délibéré, le président ayant indiqué aux parties que l'arrêt serait prononcé ce jour, par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l'article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE

Mme [E] [Y], salariée de la société [5] en qualité de secrétaire médicale, a été placée en arrêt de travail pour cause de maladie à compter du 17

septembre 2016.

Le 27 septembre 2019, la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme (la CPAM), après avis de son médecin-conseil, lui a notifié l'attribution d'une pension d'invalidité catégorie 1 à compter du 17 septembre 2019.

Le 04 octobre 2019, Mme [Y] a saisi la commission médicale de recours amiable de la CPAM (la CMRA), estimant que son état de santé justifiait l'attribution d'une pension d'invalidité de catégorie 2.

Par décision du 7 mai 2020, la CMRA a rejeté sa contestation.

Par requête du 18 septembre 2020, Mme [Y] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand d'un recours contre cette décision.

Par ordonnance du 27 janvier 2022, le juge chargé de l'instruction a confié une consultation médicale au Dr [J], afin, notamment, de déterminer si l'état de santé de Mme [Y] justifiait à la date du 17 septembre 2019 son classement dans la première ou la deuxième catégorie de l'invalidité.

Le consultant a déposé son rapport le 15 mars 2022.

Par jugement contradictoire du 10 mai 2022, le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand a déclaré recevable la contestation formée par Mme [Y], l'a déboutée de son recours, et l'a condamnée aux dépens.

Le jugement a été notifié le 12 mai 2022 à Mme [Y], qui en a relevé appel par déclaration envoyée le 20 mai 2022.

Les parties ont été convoquées à l'audience du 29 avril 2024, à laquelle elles ont été représentées par leur avocat.

DEMANDES DES PARTIES

Par ses dernières conclusions visées le 29 avril 2024 et soutenues oralement à l'audience, Mme [E] [Y] présente les demandes suivantes à la cour :

- infirmer le jugement et statuant à nouveau :

- lui attribuer une pension d'invalidité de catégorie 2 à compter du 17 septembre 2019,

- condamner la CPAM à régulariser le montant de la pension d'invalidité de manière rétroactive à compter du 17 septembre 2019,

- condamner la CPAM à lui verser la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Par ses dernières conclusions visées le 29 avril 2024 et soutenues oralement à l'audience, la CPAM du Puy-de-Dôme demande à la cour de confirmer le jugement.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions susvisées des parties, soutenues oralement à l'audience, pour l'exposé de leurs moyens.

MOTIFS

Sur la catégorie d'invalidité

L'article L.341-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, dispose que «L'assuré a droit à une pension d'invalidité lorsqu'il présente une invalidité réduisant dans des proportions déterminées, sa capacité de travail ou de gain, c'est-à-dire le mettant hors d'état de se procurer, dans une profession quelconque, un salaire supérieur à une fraction de la rémunération normale perçue dans la même région par des travailleurs de la même catégorie, dans la profession qu'il exerçait avant la date de l'interruption de travail suivie d'invalidité ou la date de la constatation médicale de l'invalidité si celle-ci résulte de l'usure prématurée de l'organisme. »

L'article L.341-4 du code de la sécurité sociale dispose que pour la détermination du montant de la pension 'les invalides sont classés comme suit :

1° Invalides capables d'exercer une activité rémunérée ;

2° Invalides absolument incapables d'exercer une profession quelconque ;

3° Invalides qui, étant absolument incapables d'exercer une profession, sont en outre dans l'obligation d'avoir recours à l'assistance d'une tierce personne pour effectuer les actes ordinaires de la vie.'

L'article L.341-11 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, pose le principe que «la pension peut être révisée en raison d'une modification de l'état d'invalidité de l'intéressé à l'initiative de la caisse ou de l'assuré ».

L'article R.341-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, précise que «pour l'application des dispositions de l'article L.341-1:

1°) l'invalidité que présente l'assuré doit réduire au moins des deux tiers sa capacité de travail ou de gain ;

2°) le salaire de référence ne doit pas être supérieur au tiers de la rémunération normale mentionnée audit article. »

L'article R.341-3 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, dispose que « lorsque l'expertise fait apparaître que l'invalide doit être classé dans une catégorie autre que celle dans laquelle il était antérieurement classé, la caisse primaire détermine cette nouvelle catégorie et notifie sa décision à l'intéressé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Dans ce cas, le nouveau montant de la pension est appliqué, soit à la première échéance suivant la date de la décision de la caisse lorsqu'il y a réduction de la pension antérieurement servie, soit à la date de la constatation de l'état d'invalidité ayant motivé le nouveau classement, lorsqu'il y a augmentation de ladite pension. S'il est constaté que la capacité de gain de l'invalide pensionné est supérieure à 50 %, la caisse primaire suspend ou supprime la pension, soit immédiatement, soit à partir d'une date ultérieure qu'elle fixe dans sa décision. La caisse primaire notifie sa décision à l'assuré par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Pour l'application des alinéas ci-dessus, la capacité de gain est appréciée dans les conditions fixées par les articles L.341-1 et L.341-3. Les décisions prises par la caisse primaire d'assurance maladie en application des alinéas ci-dessus peuvent être contestées selon les modalités prévues pour les matières mentionnées aux 4°, 5° et 6° de l'article L.142-1. »

En l'espèce, pour rejeter le recours formé par Mme [Y], le tribunal a entériné les conclusions du consultant qui a estimé que l'invalidité de première catégorie était justifiée à la date du 17 septembre 2019.

A l'appui de sa contestation du jugement, Mme [E] [Y] expose qu'elle est atteinte de multiples pathologies, physiques et psychologiques, qui l'invalident fortement dans chacun des aspects de sa vie, en ce que, suite à une hystérectomie totale, elle souffre de douleurs abdominales constantes, de vomissements, diarrhées et malaises vagaux fréquents qui l'empêchent notamment de conduire, limitant ainsi drastiquement ses déplacements. Elle ajoute qu'elle présente par ailleurs une dépression sévère, reconnue comme affection de longue durée. Elle fait valoir que son état de santé ainsi dégradé rend impossible l'exercice d'une quelconque profession, et nécessite d'avoir recours à l'assistance de son époux ou de son père pour effectuer de nombreux actes de la vie courante.

Mme [Y] critique les conclusions du rapport de consultation, selon elle erronées au regard des constatations médicales du consultant, relevant que ce dernier a admis que toute activité professionnelle lui était impossible mais a néanmoins considéré que l'invalidité de première catégorie était justifiée à la date du 17 septembre 2019, au motif selon elle inopérant qu'elle n'était pas inapte définitivement à son poste ou à tous postes de travail et que la première catégorie lui conservait une possibilité de reprendre un jour un lien professionnel.

La CPAM du Puy-de-Dôme conclut à la confirmation du jugement au motif que les avis de son service médical et de la commission médicale de recours amiable s'imposent à elle.

SUR CE

Il ressort du dossier soumis à la cour que, suite à sa demande de pension d'invalidité, Mme [Y] a été examinée par le médecin-conseil de la CPAM, qui a estimé par rapport du 30 octobre 2019 que son état de santé réduisait des deux tiers au moins sa capacité de travail ou de gain et justifiait donc son classement dans la catégorie 1 à compter du 17 septembre 2019. Le médecin-conseil, pour motiver cette conclusion, a pris en considération des douleurs abdomino-pelviennes chroniques, des troubles du transit persistants sur fond d'endométriose, et des troubles anxieux.

Puis, par sa décision du 07 mai 2020, la commission médicale de recours amiable a confirmé la position du médecin conseil, concluant que, au vu des données de l'examen clinique, l'état de santé de Mme [Y] demeurait compatible avec une activité professionnelle adaptée à mi-temps.

Ensuite, le Dr [J], consultant médical désigné par le tribunal, a conclu que l'invalidité première catégorie était justifiée à la date du 17 septembre 2019, après avoir relevé que «l'assurée présente un trouble chronique du transit sur fond d'endométriose, non rythmée par les cycles, entraînant un état d'anxiété, des douleurs exacerbées et un repli sur soi très important. En revanche, elle est demandeuse de toute thérapeutique pouvant réduire ce handicap, afin de pouvoir reprendre une vie normale et son travail.» et que «toute activité professionnelle est impossible à ce jour.»

Puis, en réponse à un dire formulé le 03 mars 2022 par le conseil de Mme [Y], le Dr [J] a expliqué comme suit la contradiction apparente entre d'une part la conclusion de son rapport et d'autre part la mention de l'impossibilité de toute activité professionnelle :

«toute activité professionnelle est impossible à ce jour signifie une inaptitude temporaire car elle n'est pas inapte définitivement à son poste et à tous postes. La première catégorie lui garde une possibilité, un jour, de reprendre un lien professionnel. »

La cour constate que la CPAM ne conteste ni la teneur des observations du docteur [J], ni sa conclusion d'une impossibilité de Mme [Y] à exercer toute activité professionnelle.

Or il résulte des dispositions de l'article L.341-4 que le seul critère déterminant l'éligibilité d'un assuré à bénéficier d'un classement en invalidité de catégorie 2 est celui de l'incapacité absolue d'exercer une profession quelconque, sans qu'il y ait lieu de vérifier le caractère temporaire ou non de cette incapacité.

En conséquence, le consultant ayant conclu que, à la date à laquelle doit être apprécié l'état de santé de l'assurée, toute activité professionnelle lui était impossible, il s'en déduit que la condition de classement en deuxième catégorie d'invalidité est remplie, les articles L.341-11 et R.341-3 du code de la sécurité sociale permettant la révision des droits de l'assuré au titre du régime de l'invalidité en cas de modification ultérieure de son état de santé.

Le jugement sera donc infirmé, et il sera fait droit à la demande de Mme [Y] de versement d'une pension d'invalidité de catégorie 2 à compter du 17 septembre 2019.

Sur les dépens

En application de l'article 696 du code de procédure civile, le tribunal a condamné Mme [Y] aux dépens de l'instance. Le jugement étant infirmé sur le fond, cette disposition sera également infirmée.

La CPAM du Puy-de-Dôme, partie perdante au procès, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

L'article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :

1° à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens;

2° et, le cas échéant, à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991.

Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.

Mme [Y] ayant dû exposer des frais pour faire valoir ses droits, il sera fait droit à sa demande présentée sur ce fondement dans la limite de 1.500 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,

- Déclare recevable l'appel relevé par Mme [E] [Y] à l'encontre du jugement prononcé le 10 mai 2022 par le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand dans l'instance l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme,

- Infirme le jugement en toutes ses dispositions soumises à la cour,

Statuant à nouveau :

- Dit que Mme [E] [Y] a droit au versement par la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme d'une pension d'invalidité de catégorie 2 à compter du 17 septembre 2019,

- Condamne la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme à payer à Mme [E] [Y] les sommes dues à ce titre, rétroactivement au 17 septembre 2019,

- Condamne la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme aux dépens de première instance,

Y ajoutant :

- Condamne la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme aux dépens de la procédure d'appel,

- Condamne la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme à payer à Mme [E] [Y] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Ainsi jugé et prononcé à Riom le 09 juillet 2024.

Le greffier, Le président,

V. SOUILLLAT C.VIVET


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Riom
Formation : Chambre pôle social
Numéro d'arrêt : 22/01092
Date de la décision : 09/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-09;22.01092 ?
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