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09/07/2024 | FRANCE | N°21/02176

France | France, Cour d'appel de Riom, Chambre sociale, 09 juillet 2024, 21/02176


09 JUILLET 2024



Arrêt n°

CHR/VS/NS



Dossier N° RG 21/02176 - N° Portalis DBVU-V-B7F-FWDM



AGF SCOP ENTREPRISES



/



[Y] [R]





jugement au fond, origine conseil de prud'hommes - formation paritaire de clermont ferrand, décision attaquée en date du 29 septembre 2021, enregistrée sous le n° F 19/00532

Arrêt rendu ce NEUF JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :



M. Christophe RUIN, Président



Mme Sophie NOIR, Conseiller



Mme Karine VALLEE, Conseiller



En présence de Mme Valérie SOUILLAT greffier lors des débats e...

09 JUILLET 2024

Arrêt n°

CHR/VS/NS

Dossier N° RG 21/02176 - N° Portalis DBVU-V-B7F-FWDM

AGF SCOP ENTREPRISES

/

[Y] [R]

jugement au fond, origine conseil de prud'hommes - formation paritaire de clermont ferrand, décision attaquée en date du 29 septembre 2021, enregistrée sous le n° F 19/00532

Arrêt rendu ce NEUF JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :

M. Christophe RUIN, Président

Mme Sophie NOIR, Conseiller

Mme Karine VALLEE, Conseiller

En présence de Mme Valérie SOUILLAT greffier lors des débats et du prononcé

ENTRE :

AGF SCOP ENTREPRISES SIREN n°333 320 653, prise en la personne de son représentant légal, domiciliée en cette qualité au siège social sis

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Thierry CARRON de la SELARL REQUET CHABANEL, avocat au barreau de LYON

et par Me Barbara GUTTON PERRIN de la SELARL LX RIOM-CLERMONT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

APPELANTE

ET :

M. [Y] [R]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Jean-louis BORIE de la SCP BORIE & ASSOCIES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

INTIME

M. RUIN, Président et Mme NOIR, Conseiller après avoir entendu, M. RUIN, Président en son rapport, à l'audience publique du 06 Mai 2024 , tenue par ces deux magistrats, sans qu'ils ne s'y soient opposés, les représentants des parties en leurs explications, en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré après avoir informé les parties que l'arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l'article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur [Y] [R], né le 1er septembre 1959, a été embauché par l'Union Régionale des SCOP AUVERGNE en qualité de délégué régional, responsable de la structure à compter du 17 janvier 2000. Son ancienneté a été reprise à compter du mois de juin 1996. La Convention collective des sociétés de conseils est applicable.

À compter du 1er juillet 2017, le contrat de travail de Monsieur [R] a été transféré à l'association AGF SCOP ENTREPRISES.

Le 8 novembre 2018, l'association AGF SCOP ENTREPRISES a adressé à Monsieur [R] une lettre de convocation à un entretien préalable à licenciement pour motif économique. L'entretien a eu lieu le 8 novembre 2018 au cours duquel il a été remis à Monsieur [R] un dossier en vue de son adhésion à un contrat de sécurisation professionnelle.

Le courrier de licenciement du 7 décembre 2018 est ainsi libellé :

'Nous faisons suite à notre entretien du 20 novembre 2018, au cours duquel nous vous avons exposé les raisons qui nous ont conduits à envisager votre licenciement pour motif économique pour cause de suppression de poste, et que nous vous rappelons ci-après.

Comme vous le savez, avec la modification des dispositions relatives à la révision coopérative suite à la loi sur l'ESS du 31 juillet 2014, AGF SCOP Entreprises a vu, dès 2017, son activité diminuer dans ce champ.

En 2016, AGF SCOP Entreprises a réalisé une facturation de 261.978 € au titre de la révision coopérative, et l'Union régionale des SCOP d'Auvergne de 38.450 €, soit un total de 300.428 €.

En 2017, AGF SCOP Entreprises a réalisé une facturation de 146.042 € au titre de la révision coopérative, soit une baisse de recettes de 154.386 €. A coût constant de réalisation pour AGF SCOP Entreprises, la perte de facturation est très importante.

La perte de facturation s'est confirmée au 30 juin 2018, la facturation d'AGF SCOP Entreprises au titre de la révision coopérative s'établissant à 78.598 €.

Avec la fusion avec l'Auvergne et le pari d'un développement accéléré, nous avons en 2017 changé d'échelle, notamment au niveau des financements liés à ce champ d'activité d'AGF SCOP Entreprises. Les fonds mobilisés ont plus que doublé, passant de 665.460 € à 1.333.898 €.

Cette augmentation de recettes a néanmoins eu pour pendant une diminution des recettes issues de l'activité « Appui coopératif » de 881.423 € en 2016 à 698.571 € en 2017, soit une baisse de 182.852 €.

Au total, c'est donc 485.586 € qui sont venus conforter le financement des actions menées avec le FSE et la Région Auvergne Rhône Alpes, et nos actions d'accompagnement des adhérents.

Néanmoins, malgré toutes les mesures prises pour passer ce cap de développement, la perte de marge sur les activités de réalisation de la révision coopérative et la baisse de la facturation au titre de l'Appui Coopératif n'ont pu être compensées par un produit d'exploitation courant.

C'est en fait la reprise de deux provisions exceptionnelles faites en 2016 sur les deux conventions avec la Région Auvergne Rhône-Alpes pour 142.375 € qui a permis à AGF SCOP Entreprises de ne pas afficher une perte de 136.141 €, mais un résultat de 6.234 €. Cette provision présentait cependant un caractère exceptionnel, lié à l'absence inhabituelle à fin avril 2017 de signatures desdites conventions lors de la clôture des comptes.

L'exercice 2018 n'étant pas terminé, une situation à fin juin 2018 a été auditée par notre expert-comptable, laquelle a fait apparaitre une perte de 41.742 €.

Par ailleurs, nous avons repris les prévisions budgétaires 2018 à partir des chiffres de cette situation. Le prévisionnel ainsi élaboré a confirmé que l'exercice 2018 devrait être en perte en fin d'exercice de l'ordre 118.133 €.

Les projections sur 2019 conduisent à un accroissement des pertes d'exploitation si aucune mesure de réduction de charges n'est entreprise.

De plus, le recours aux financements "FSE et Région" a augmenté très sensiblement notre besoin de trésorerie couvert par un compte courant de l'Union Régionale des SCOP Auvergne Rhône Alpes.

Force est de constater que les difficultés économiques rencontrées sont loin d'être passagères et nécessitent d'adapter l'effectif de l'Association à ses besoins d'une part, et à sa capacité contributive d'autre part.

Le Conseil d'administration, lors de sa séance du 15 octobre 2018, a validé le plan de redressement présenté, qui conduit malheureusement, compte tenu du niveau d'activité actuel de l'Association et ses contraintes organisationnelles liées à sa taille, à la suppression de deux postes, dont votre poste de Directeur d'Agence.

Les Délégués du personnel régulièrement consultés le 5 novembre 2018 ont émis un avis

favorable à ce projet.

Dans la mesure où vous relevez d'une catégorie professionnelle dont tous les postes sont supprimés, il n'y a pas lieu de faire application des critères d'ordre pour vous départager avec un autre salarié.

Avant de nous résoudre à engager une procédure de licenciement économique, nous avons mis en 'uvre des mesures alternatives qui s'avèrent insuffisantes pour préserver votre emploi.

En alternative à votre licenciement, nous avons recherché différentes solutions de reclassement internes et externes.

Ainsi, par courrier du 8 novembre 2018, nous vous avons proposé trois solutions de reclassement identifiées en interne, un poste de Responsable Pôle de Suivi des Pays d'Auvergne, un poste de Chargé de Mission Aller'Incub Pays d'Auvergne et un poste de Délégué Régional Suivi rattaché au Pôle Sud.

Cependant, vous n'avez jamais répondu à nos propositions de reclassement, ce qui vaut refus de votre part.

Nous avons également informé la Commission Paritaire de l'Emploi de la procédure en cours et l'avons questionnée sur les possibilités de reclassement existant dans le secteur professionnel. La même démarche a également été engagée auprès des services du Pôle Emploi et de l'APEC. Malheureusement, à ce jour, nous n'avons reçu aucune réponse favorable.

Dans l'impossibilité de vous proposer d'autres solutions de reclassement, nous sommes donc au regret de vous notifier par la présente votre licenciement pour motif économique.

Nous vous précisons toutefois que, conformément aux indications fournies lors de votre entretien préalable, vous disposez d'un délai qui expire le 11 décembre 2018 pour adhérer au Contrat de Sécurisation Professionnelle. Si vous optez pour l'adhésion à ce dispositif, vous devez impérativement nous retourner les formulaires et documents nécessaires à l'instruction de votre dossier par le Pôle emploi. Dans cette hypothèse, votre contrat de travail prendrait fin à l'expiration du délai de réflexion, avec versement de l'indemnité de licenciement. A défaut d'adhésion au Contrat de Sécurisation Professionnelle, la présente lettre vaut notification de licenciement et la date de première présentation de cette lettre marquera le point de départ de votre préavis d'une durée de trois mois.

Comme vous nous l'avez demandé lors de l'entretien du 20 novembre, nous vous dispensons d'effectuer votre préavis. Aussi, nous vous rappelons que vous devez à réception de la présente nous restituer tous les documents et matériels mis à votre disposition pour l'exercice de vos fonctions, et notamment l'ordinateur portable et le téléphone portable que nous vous remercions de bien vouloir rapporter au bureau de l'agence à [Localité 5].

A l'issue de votre contrat, nous tiendrons à votre disposition votre solde de tout compte, votre certificat de travail, ainsi que votre attestation d'emploi pour le Pôle emploi.

Par ailleurs, durant 12 mois à compter de la rupture de votre contrat de travail, vous bénéficierez d'une priorité de réembauchage au sein de notre Association, à condition de nous avoir informés, dans les douze mois suivant la fin de votre préavis, de votre désir de faire valoir cette priorité. Celle-ci concerne les postes compatibles avec votre qualification et également ceux qui correspondraient à une nouvelle qualification acquise après le licenciement (sous réserve cependant que vous nous la fassiez connaître).

Nous vous informons par la présente que nous vous délions de toute obligation de non-concurrence à l'égard de l'Association.

Vous trouverez ci-joint une note présentant le dispositif de portabilité de vos droits à couverture complémentaire, conformément aux dispositions légales."

Monsieur [R] ayant accepté le contrat de sécurisation professionnelle, le licenciement est devenu effectif le 12 décembre 2018.

Le 12 novembre 2019, Monsieur [R] a saisi le conseil de prud'hommes de CLERMONT-FERRAND aux fins notamment de voir juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et, en conséquence, condamner l'association AGF SCOP ENTREPRISES à lui payer les sommes de 180.000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice économique, 30.000 euros au titre du préjudice moral outre intérêt de droit à compter de la décision à intervenir, prononcer l'exécution provisoire de la décision à intervenir pour les condamnations qui ne le seraient pas de plein droit.

L'audience devant le bureau de conciliation et d'orientation s'est tenue en date du 16 décembre 2019 et, comme suite au constat de l'absence de conciliation (convocation notifiée au défendeur le 19 novembre 2019), l'affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement.

Par jugement (RG 19/00532) rendu contradictoirement en date du 29 septembre 2021 (audience du 26 mai 2021), le conseil de prud'hommes de CLERMONT-FERRAND a :

- Dit et jugé que le licenciement de Monsieur [R] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- Condamné l'association AGF SCOP ENTREPRISES, prise en la personne de son représentant légal, à porter et payer à Monsieur [R] les sommes suivantes :

* 91 980,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse avec interêts de droit à compter du présent jugement et capitalisation des intérêts conformément aux règles légales,

*1 500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;

- Débouté Monsieur [R] de ses demandes au titre du préjudice moral et du surplus de ses demandes ;

- Débouté l'association AGF SCOP ENTREPRISES de l'intégralité de ses demandes ;

- Condamné l'association AGF SCOP ENTREPRISES aux dépens ;

- Condamné d'office, en application de l'article L 1235-4 du code du travail l'association AGF SCOP ENTREPRISES, prise en la personne de son représentant légal, à rembourser à POLE EMPLOI le montant des indemnités chômage susceptibles de lui avoir été versées, du jour de la rupture du contrat de travail au jour du présent jugement, dans la limite de six mois d'indemnités et ce sous déduction de la contribution prévue à l'article L 1 233-69 du code du travail dans sa version applicable au moment de la rupture du contrat de travail.

Le 19 octobre 2021, l'association AGF SCOP ENTREPRISES a interjeté appel de ce jugement.

Vu les conclusions notifiées à la cour le 2 avril 2024 par l'association AGF SCOP ENTREPRISES,

Vu les conclusions notifiées à la cour le 4 avril 2024 par Monsieur [R],

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 8 avril 2024.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions, l'association AGF SCOP ENTREPRISES demande à la cour de :

- DIRE l'appel incident de Monsieur [R] dépourvu d'effet dévolutif ;

- DÉCLARER son appel recevable et bien fondé ;

- INFIRMER le jugement rendu le 29 septembre 2021 par le Conseil de Prud'hommes de CLERMONT-FERRAND en ce qu'il a :

- Dit et jugé que le licenciement de Monsieur [Y] [R] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- Condamné l'association AGF SCOP ENTREPRISES, prise en la personne de son représentant légal, à porter et payer à Monsieur [R] les sommes suivantes :

* 91 980,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse avec intérêts de droit à compter du présent jugement et capitalisation des intérêts conformément aux règles légales ;

* 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- L'a débouté de l'intégralité de ses demandes et la condamne aux dépens ;

- Condamné d'office en application de l'article L 1235-4 du Code du Travail l'association AGF SCOP ENTREPRISES prise en la personne de son représentant légal à rembourser à POLE EMPLOI le montant des indemnités chômage susceptibles d'avoir été versées à Monsieur [R] du jour de la rupture du contrat de travail au jour du présent jugement dans la limite

de six mois d'indemnités et ce sous déduction de la contribution prévue à l'article L1233-69 du Code de Travail dans sa version applicable au moment de la rupture du contrat de travail". ;

- CONFIRMER le jugement rendu le 29 septembre 2021 par le Conseil de Prud'hommes de CLERMONT-FERRAND pour le surplus ;

ET AINSI, STATUANT A NOUVEAU :

- DÉCLARER que le licenciement pour motif économique de Monsieur [R] est fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

- DÉCLARER que les recherches de reclassement sont intervenues loyalement ;

- DÉBOUTER Monsieur [R] de l'ensemble de ses demandes ;

Y AJOUTANT

- CONDAMNER Monsieur [R] au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- CONDAMNER Monsieur [R] aux entiers dépens d'appel.

L'association AGF SCOP ENTREPRISES fait valoir que le transfert du contrat de travail résulte exclusivement de la décision de la confédération générale des Sociétés Coopératives Ouvrières de Production (SCOP) au plan national, en vue de s'aligner sur le découpage administratif et électoral prévu par la loi n°2015-29 du 16 janvier 2015.

L'association AGF SCOP ENTREPRISES explique qu'elle a connu des difficultés économiques. L'appelante a été contrainte d'abandonner définitivement son activité de révision. Cet abandon de l'activité de révision coopérative ne résulte pas d'une décision de gestion mais bien d'une obligation légale à laquelle elle ne pouvait se soustraire sans encourir de sanction administrative. La conséquence immédiate a été la perte du chiffre d'affaires lié à la révision coopérative pour AGF SCOP ENTREPRISES. Cela a été source de difficultés économiques conduisant à la nécessité de supprimer deux emplois.

Cette loi a donc eu un impact sur la santé économique de AGF SCOP ENTREPRISES. Le bilan définitif établi par l'expert-comptable permet de démontrer la situation économique, il a fait l'objet d'une certification par le commissaire aux comptes estimant que les comptes annuels étaient réguliers et sincères. Le bilan permet de démontrer que la marge liée à l'activité de révision coopérative a été supprimée et que la baisse des recettes n'a pas été compensée par les entrées exceptionnelles et les subventions.

Cette situation a entraîné des pertes d'exploitation et un résultat déficitaire. En 2016, le résultat courant était dans une situation bénéficiaire de 23.777 euros, puis de 2.378 euros en 2017 avant d'être dans une situation déficitaire de 61.803,44 euros en 2018.

Concernant le périmètre des difficultés économiques, elle conteste relever du même groupe que les associations UNION RÉGIONALE DES SCOP D'AUVERGNE RHÔNE ALPES et AURA RÉVISION. Elle soutient que ces associations ne relèvent aucunement du même groupe au regard des dispositions légales.

Pour réfuter l'existence d'un même groupe, l'appelante relève qu'aucune des trois associations ne peut être considérée comme une entreprise dominante, aucun groupe ne peut donc être reconnu en l'absence de cette condition. En tout état de cause l'appartenance à un groupe ne serait pas suffisante, les entités juridiques doivent relever du même secteur d'activité, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. En conséquence de ce qui précède, il est possible d'affirmer que les trois associations ne relèvent pas du même groupe.

L'association AGF SCOP ENTREPRISES expose que c'est le poste de directeur d'Agence qui a été supprimé, c'est-à-dire le poste de Monsieur [R], contrairement à ce que celui-ci allègue. S'il fait valoir qu'il était 'délégué régional, responsable de structure', il joue entre le mot 'agence' et 'structure' alors que ceux-ci revêtent la même réalité.

L'appelante rappelle que Monsieur [R] a été recruté en qualité de 'délégué régional, responsable de structure' par l'union régionale des SCOP d'AUVERGNE le 16 janvier 2000. En 2017, AFG ENTREPRISES a réalisé une fusion-absortion des activités commerciales de l'union régionale des SCOP D'AUVERGNE. À cette occasion, Monsieur [R] est devenu directeur (titre qui a toujours été maintenu) de l'Agence d'Auvergne. Le salarié ne peut soutenir qu'il n'occupait pas ces fonctions pour ne pas l'avoir accepté alors qu'il a lui-même construit son poste de travail comme le démontre les pièces versées.

L'association AGF SCOP ENTREPRISES ajoute qu'il n'a jamais occupé le poste de délégué régional.

L'association AGF SCOP ENTREPRISES soutient avoir procédé aux recherches de postes de reclassement pouvant être proposés à Monsieur [R]. L'employeur dit avoir identifié trois postes mais aucun poste n'était disponible et elle n'a procédé à aucun recrutement pendant la période de licenciement.

Monsieur [R] devra être débouté de ses demandes indemnitaires afférentes à la reconnaissance d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. À titre subsidiaire, si la cour décidait de condamner l'appelante, le barème légal d'indemnisation devra être respecté et les dommages et intérêts devront être ramenés à de plus justes proportions.

L'association AGF SCOP ENTREPRISES fait valoir que l'appel incident de Monsieur [R] n'est pas valable en l'absence d'effet dévolutif. En effet, l'intimé Monsieur [R], ne sollicite pas au terme du dispositif de ses conclusions d'intimé et incidemment d'appelant l'infirmation du jugement entrepris.

Dans ses dernières conclusions, Monsieur [R] demande à la cour de :

- Confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Clermont-Ferrand en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a :

- Limité le montant des dommages et intérêts alloués pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la seule somme de 91 980 euros ;

- L'a débouté de ses demandes au titre du préjudice moral et du surplus de ses demandes;

- Le réformant sur ces seuls points et statuant à nouveau :

- Condamner l'association AGF SCOP ENTREPRISES à lui payer et porter la somme suivante :

*210.000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice subi du fait du licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

*outre intérêt de droit à compter du jugement déféré sur le montant de la somme allouée par les premiers juges et à compter du présent arrêt pour le surplus, et avec capitalisation des intérêts conformément aux règles légales.

Y ajoutant :

- Condamner AGF SCOP ENTREPRISES à lui payer et porter les sommes suivantes :

* 17 031 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

* outre 1703.10 euros bruts à titre de congés payés afférents ;

* outre intérêts de droit à compter de la demande avec capitalisation conformément aux

règles légales ;

- Condamner AGF SCOP ENTREPRISES à lui payer et porter la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du CODE DE PROCÉDURE CIVILE, ainsi qu'aux entiers dépens ;

- Débouter l'association AGF SCOP ENTREPRISES de toutes ses demandes, fins et conclusions et notamment sa demande tendant à voir « dire l'appel incident de Monsieur [R] dépourvu d'effet dévolutif ».

Monsieur [R] fait valoir que les trois associations font partie d'un même groupe car les administrateurs des associations AGF SCOP ENTREPRISES et union régionale des SCOP AURA sont les mêmes. De plus, l'union régionale des SCOP AURA fait partie du bureau de l'association AURA RÉVISION. Les trois associations ont également le même siège social, ne peuvent fonctionner l'une sans l'autre et elles ont aussi toutes la même fonction : fournir des services au SCOP.

Monsieur [R] expose qu'il y a une absence de difficultés économiques de l'AGF SCOP et du groupe d'associations. Au regard des éléments versés, l'AGF SCOP ne souffrait d'aucune difficulté économique justifiant son licenciement. L'employeur ne justifie pas de tous les chiffres évoqués dans la lettre de licenciement.

Alors que l'employeur affirme qu'il devait procéder à la suppression des postes de directeur de l'association et de directeur d'agence, Monsieur [R] explique qu'il occupait le poste de 'délégué régional, responsable de la structure' tel que stipulé à l'article 3 de son contrat de travail.

Il soutient que, contrairement à ce qu'affirme l'employeur, le poste de directeur d'agence et celui de délégué régional sont deux postes différents. Le salarié explique que le poste de délégué régional, autrement dit le poste de directeur, n'a pas été supprimé.

Monsieur [R] ajoute qu'il a été licencié pour motif économique alors que l'employeur a procédé à une nouvelle embauche pour le remplacer. Il ajoute qu'il achevait une formation de coach qui aurait permis à la L'AGF SCOP de proposer et facturer de nouvelles prestations aux adhérents.

Monsieur [R] fait valoir que les propositions de poste pour son reclassement ont été tardives puisqu'elles n'ont été exprimées que par la convocation à l'entretien préalable. De plus, ces propositions n'étaient pas sérieusement acceptables par le salarié. Les trois postes représentaient une perte de salaire de l'ordre de 45 à 65%.

En conséquence de ce qui précède, le licenciement doit être jugé comme dénué de cause réelle et sérieuse. Monsieur [R] sollicite les indemnités afférentes au licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions, moyens et arguments des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux dernières conclusions régulièrement notifiées et visées.

MOTIFS

- Sur la demande tendant à voir dire que la cour n'est pas saisie de l'appel incident de Monsieur [Y] [R]-

L'association AGF SCOP ENTREPRISES relève que Monsieur [Y] [R] fait état, dans ses écritures, d'un appel incident, mais qu'il ne sollicite pas, dans le dispositif de ses conclusions d'intimé et 'incidemment d'appelant', l'infirmation du jugement entrepris.

Pour soutenir que la cour n'est pas saisie valablement de cet appel incident, il souligne qu'en application des articles 542 et 954 du code de procédure civile, lorsque l'appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni la réformation ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement, cette dernière n'étant saisie ni d'une demande de réformation ni d'une demande d'annulation.

L'article 542 du Code de procédure civile dispose que 'l'appel tend par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la Cour d'Appel'. Selon l'article 954 du Code de procédure civile, la Cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.

Il résulte de ces dispositions que lorsque l'appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni la réformation ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement, cette dernière n'étant saisie ni d'une demande de réformation ni d'une demande d'annulation.

En l'espèce, le dispositif des conclusions déposées par Monsieur [Y] [R] est ainsi rédigé :

'Confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Clermont-Ferrand en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a :

- Limité le montant des dommages et intérêts alloués pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la seule somme de 91 980 €.

- Débouté Monsieur [R] de ses demandes au titre du préjudice moral et du surplus de ses demandes

Statuant à nouveau :

Condamner l'association AGF SCOP ENTREPRISES à payer et porter à Monsieur [Y] [R] les sommes suivantes :

- 210 000 € à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice subi du fait du licenciement sans cause réelle et sérieuse

- outre intérêt de droit à compter du jugement déféré sur le montant de la somme allouée par les premiers juges et à compter du présent arrêt pour le surplus, et avec capitalisation des intérêts conformément aux règles légales'.

En portant la mention 'confirmer le jugement (...) sauf en ce qu'il a', Monsieur [Y] [R] sollicite manifestement la confirmation du jugement sur certains points précis et son infirmation pour le surplus où il demande à la cour de statuer à nouveau. Ces prétentions tendent sans ambiguïté à la réformation du jugement sur les points au sujet desquels il est demandé à la Cour de statuer à nouveau.

Les moyens tendant à cette réformation sont ainsi expressément énoncés dans les conclusions de Monsieur [R] conformément aux dispositions de l'article 954 du Code de procédure civile.

L'association AGF SCOP ENTREPRISES sera, en conséquence, déboutée de sa demande tendant à voir dire l'appel incident dépourvu d'effet dévolutif

- Sur le licenciement -

Aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.

Il résulte de ces dispositions que le licenciement pour motif économique doit, pour reposer sur une cause réelle et sérieuse, être justifié par une cause de nature économique mais l'existence d'une telle cause ne suffit pas à justifier le licenciement si l'employeur ne satisfait pas à son obligation de reclassement.

En effet, l'article L. 1233-4, dans sa rédaction applicable au litige, précise que 'le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou dans les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel (...). Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises'.

Il s'ensuit qu'est ainsi mise à la charge de tout employeur envisageant le licenciement économique d'un salarié une obligation générale de reclassement, qu'il appartient, dans ce cadre, à l'employeur de rechercher s'il existe des possibilités de reclassement et de proposer à chaque salarié dont le licenciement est envisagé des emplois disponibles de même catégorie ou, à défaut, de catégorie inférieure, en mettant en oeuvre au besoin des mesures de formation ou d'adaptation de ces salariés à une évolution de leur emploi.

S'il ne s'agit que d'une obligation de moyens, l'employeur n'étant pas tenu de parvenir au reclassement, il lui incombe néanmoins de procéder à la recherche mise à sa charge. Le licenciement ne peut intervenir qu'après échec des tentatives de reclassement.

La recherche de reclassement doit se faire non seulement au sein de l'entreprise mais aussi au niveau du groupe, parmi les entreprises dont l'activité, l'organisation ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel. Les articles L 1233-3 et L 1233-4 précités précisent, dans les mêmes termes, que 'pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies par l'article L 233-1, aux I et II de l'article L 233-3 et à l'article L 233-16 du code de commerce'.

Aux termes de l'article L. 233-1 du code de commerce, 'lorsqu'une société possède plus de la moitié du capital d'une autre société, la seconde est considérée, pour l'application des sections 2 et 4 du présent chapitre, comme filiale de la première'.

L'article L. 233-3 dispose :

'I.- Toute personne, physique ou morale, est considérée, pour l'application des sections 2 et 4 du présent chapitre, comme en contrôlant une autre:

1° Lorsqu'elle détient directement ou indirectement une fraction du capital lui conférant la majorité des droits de vote dans les assemblées générales de cette société ;

2° Lorsqu'elle dispose seule de la majorité des droits de vote dans cette société en vertu d'un accord conclu avec d'autres associés ou actionnaires et qui n'est pas contraire à l'intérêt de la société ;

3° Lorsqu'elle détermine en fait, par les droits de vote dont elle dispose, les décisions dans les assemblées générales de cette société ;

4° Lorsqu'elle est associée ou actionnaire de cette société et dispose du pouvoir de nommer ou de révoquer la majorité des membres des organes d'administration, de direction ou de surveillance de cette société.

II.-Elle est présumée exercer ce contrôle lorsqu'elle dispose directement ou indirectement, d'une fraction des droits de vote supérieure à 40 % et qu'aucun autre associé ou actionnaire ne détient directement ou indirectement une fraction supérieure à la sienne.

III.-Pour l'application des mêmes sections du présent chapitre, deux ou plusieurs personnes agissant de concert sont considérées comme en contrôlant conjointement une autre lorsqu'elles déterminent en fait les décisions prises en assemblée générale'.

L'article L. 233-16 du code de commerce dispose :

'I.-Les sociétés commerciales établissent et publient chaque année à la diligence du conseil d'administration, du directoire, du ou des gérants, selon le cas, des comptes consolidés ainsi qu'un rapport sur la gestion du groupe, dès lors qu'elles contrôlent de manière exclusive ou conjointe une ou plusieurs autres entreprises , dans les conditions ci-après définies.

II.-Le contrôle exclusif par une société résulte :

1° Soit de la détention directe ou indirecte de la majorité des droits de vote dans une autre entreprise ;

2° Soit de la désignation, pendant deux exercices successifs, de la majorité des membres des organes d'administration, de direction ou de surveillance d'une autre entreprise. La société consolidante est présumée avoir effectué cette désignation lorsqu'elle a disposé au cours de cette période, directement ou indirectement, d'une fraction supérieure à 40 % des droits de vote, et qu'aucun autre associé ou actionnaire ne détenait, directement ou indirectement, une fraction supérieure à la sienne ;

3° Soit du droit d'exercer une influence dominante sur une entreprise en vertu d'un contrat ou de clauses statutaires, lorsque le droit applicable le permet.

III.-Le contrôle conjoint est le partage du contrôle d'une entreprise exploitée en commun par un nombre limité d'associés ou d'actionnaires, de sorte que les décisions résultent de leur accord'.

Il résulte de ces dispositions que la notion de groupe doit être appréciée au regard des règles définies par le code de commerce et que la reconnaissance d'un groupe est subordonnée à la caractérisation, soit d'un contrôle exclusif, soit d'un contrôle conjoint ou enfin d'une influence dominante. Les articles L. 233-1, L. 233-3 I et II et L. 233-16 du code de commerce subordonnent, en effet, la reconnaissance d'un groupe à plusieurs critères alternatifs :

- soit la possession par la société mère de plus de la moitié du capital social de la fille (article L.233-1),

- soit la détention par la société mère de la majorité des droits de votes de la fille ou à la détermination en fait, par les droits de vote dont elle dispose, des décisions des assemblées générales de cette société (article L. 233-3 I et II) ;

- soit la désignation par la société mère pendant deux exercices successifs de la majorité des membres des organes d'administration, de direction ou de surveillance, ou à la détention de 40 % des droits de vote lorsqu'aucun autre associé ou actionnaire ne détient une fraction supérieure, ou l'exercice d'une influence dominante en vertu d'un contrat ou de clauses statutaires (article L. 233-3-16).

L'exercice d'un contrôle conjoint se caractérise par le partage du contrôle d'une entreprise exploitée en commun par un nombre limité d'associés, de sorte que les politiques financières et opérationnelles résultent nécessairement de leur accord et qu'elles peuvent exercer un droit de veto sur les décisions stratégiques de l'entreprise contrôlée.

En l'espèce, pour contester l'existence d'un groupe, l'employeur explique que l'Union Régionale des SCOP AUVERGNE-RHÔNE-ALPES 'honore une mission syndicale', qu'elle 'fédère' les sociétés coopératives de la région et qu'elle a pour but d'aider les coopératives à la réalisation de leurs objectifs, de les représenter auprès des collectivités locales et nationales et de promouvoir le mouvement coopératif. Il résulte, en effet de ses statuts que cette association 'rassemble' les coopératives adhérentes et qu'elle a pour but de les aider à réaliser leurs objectifs. Elle a, notamment, pour objet de mettre en place les services utiles au fonctionnement et au développement des coopératives adhérentes. L'employeur précise qu'elle ne dispose d'aucun salarié pour fournir les services précités et a recours à la sous-traitance.

Selon l'employeur, l'association AGF SCOP ENTREPRISES a une activité totalement différente en ce qu'elle met à la disposition de l'Union Régionale 'les moyens nécessaires' pour assurer la réalisation de son objet. Elle réalise également des missions de conseil et de formation vendues directement aux adhérents.

Selon ses statuts, l'association AGF SCOP ENTREPRISES a pour objet :

- de fournir à ses membres les moyens nécessaires à la réalisation de leur objet vis à vis des sociétés adhérentes des Unions Régionales membres de l'association,

- d'apporter des conseils et prestations aux entreprises coopératives de la Région Auvergne Rhône-Alpes et des autres régions qui souhaiteront recourir aux services de l'association,

- de mener toutes autres actions susceptibles de conforter et de développer les Sociétés adhérentes des Unions Régionales membres de l'association.

L'employeur verse aux débats l'attestation établie par M. [P], son expert comptable qui souligne la différence d'activité entre les deux associations : d'une part, 'des activités de représentation proprement dites relevant de la définition des syndicats professionnels, et revêtant un caractère non lucratif', d'autre part, 'des activités de prestations de services (formation, révision, conseil) qui revêtent quant à elles un caractère marchand, commercial, et donc lucratif'. M. [P] précise que 'c'est donc bien pour exercer ces activités différentes, tant par leur nature elle-même que par leur qualification juridique et fiscale, qu'il existe deux organismes distincts'.

L'employeur explique qu'à la suite de l'entrée en vigueur de la loi du 31 juillet 2014, venue compléter la loi du 10 septembre 1947 portant sur le statut de la coopération, les modifications législatives et réglementaires intervenues ont contraint l'AGF SCOP ENTREPRISES à abandonner ses activités de révision coopérative (missions d'audit de l'organisation et du fonctionnement des sociétés coopératives visant à s'assurer que la société contrôlée respecte les principes coopératifs), de sorte qu'il a été procédé à la création d'une nouvelle entité, AURA RÉVISION, destinée à exercer cette activité.

Pour soutenir que 'les trois associations ne relèvent pas du même secteur d'activité et partant, ne relèvent pas du même groupe', l'employeur fait valoir que l'assemblée générale d'AGF SCOP est composée de six membres :

- l'Union Régionale Rhône Alpes,

- l'Union Régionale Grand Est

- l'Union Régionale Ouest

- l'Union Régionale Isle de France

- la Fédération des SCOP du BTP

- la société SOCODEN (société financière du mouvement coopératif).

L'employeur souligne que l'Union Régionale des SCOP AUVERGNE-RHÔNE-ALPES n'est que l'un de ces six membres, dont chacun détient une voix à part égale et que la multiplicité des membres ramène la position de l'Union Régionale des SCOP AUVERGNE-RHÔNE-ALPES a moins de 20% des droits de vote de sorte qu'elle ne peut être considérée comme entreprise dominante au sens du code de commerce puisqu'elle ne détient pas la majorité des droits de vote de AGF SCOP. Il ajoute qu'un grand nombre d'administrateurs de l'Union Régionale ne sont pas administrateurs d'AGF SCOP.

Il convient, toutefois, de relever, ainsi qu'en justifie Monsieur [Y] [R] par le compte rendu du bureau de l'association AGF SCOP ENTREPRISES du 5 février 2018 et le relevé de décision du bureau de l'Union Régionale des SCOP AUVERGNE-RHÔNE-ALPES du même jour, que la composition du bureau est, dans les deux cas, exactement identique, constituée par les mêmes 8 personnes.

Monsieur [Y] [R] justifie également que ces mêmes 8 personnes sont également membres du Conseil d'Administration de l'association AGF SCOP ENTREPRISES.

Il ressort de statuts de l'association AGF SCOP ENTREPRISES que sont membres de cette association 'les organisations, associations et sociétés du Mouvement coopératif' mais il est précisé qu'est membre de droit 'l'Union Régionale des SCOP AUVERGNE-RHÔNE-ALPES'. En outre, selon l'article 7 de ces statuts, 'l'association est dirigée par un Conseil d'Administration composé de membres de l'Union Régionale SCOP AUVERGNE-RHÔNE-ALPES et d'autres membres élus par l'Assemblée Générale. Le Conseil d'Administration est composé de 5 à 10 membres dont, a minima, deux tiers désignés par les membres du bureau de l'Union Régionale des SCOP AUVERGNE-RHÔNE-ALPES'.

Monsieur [Y] [R] souligne que les trois associations ont le même siège social et que l'une ne peut fonctionner sans l'autre, l'AGF SCOP, groupement de moyens, fournissant à l'Union Régionale des SCOP AUVERGNE-RHÔNE-ALPES les moyens de remplir ses missions. Il ajoute que l'association AURA RÉVISION, créée afin d'assurer la mission de révision coopérative auparavant exercée par AGF SCOP, fonctionne au moyen de salariés détachés de l'association AGF SCOP ENTREPRISES.

Monsieur [Y] [R] produit une note établie par le commissaire aux comptes de la Confédération Nationale des SCOP le 12 février 2008 dans laquelle celui-ci expose les risques résultant de la séparation en deux entités distinctes avec mise à disposition de personnel de façon habituelle.

En tout état de cause, les pièces produites montrent qu'il existe une étroite complémentarité entre les trois associations précitées et des liens non moins étroits. Surtout, ainsi que le fait valoir à juste titre Monsieur [Y] [R], il résulte des statuts de l'association AGF SCOP ENTREPRISES que l'Union Régionale des SCOP AUVERGNE-RHÔNE-ALPES contrôle les structures de direction de l'AGF SCOP au sens des dispositions précitées du code de commerce puisqu'elle dispose statutairement du pouvoir de désigner au moins les deux tiers des membres de son Conseil d'Administration.

Il s'ensuit que le caractère d'entreprise dominante de l'Union Régionale des SCOP AUVERGNE-RHÔNE-ALPES est établi, celle-ci détenant le pouvoir de contrôler l'association AGF SCOP ENTREPRISES de sorte que ces associations constituent un groupe au sens de l'article L 1233-4 du code du travail.

Il appartenait, par conséquent, à l'employeur de rechercher si des possibilités de reclassement pouvaient exister dans l'une ou l'autre de celles des entreprises appartenant au groupe dont l'activité, l'organisation ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel, étant précisé que l'obligation de reclassement de l'employeur s'étendait à toutes les entreprises du groupe répondant à ce critère de permutation, peu important leur secteur d'activité.

Or, il est constant qu'aucune recherche de reclassement n'a été effectuée au sein de l'ensemble du groupe composé de l'Union Régionale des SCOP AUVERGNE-RHÔNE-ALPES, de l'association AURA RÉVISION et de l'association AGF SCOP ENTREPRISES, alors que, selon les éléments versés aux débats, la permutation du personnel au sein de ces trois structures du groupe était possible.

L'expert comptable de l'association AGF SCOP ENTREPRISES atteste ainsi que les équipes de salariés interviennent de manière 'mutualisée' et que 'la fonction d'employeur est regroupée au niveau de la structure AGF' pour 'éviter que ces derniers ne se retrouvent avec plusieurs employeurs'. Il est d'ailleurs constant que Monsieur [Y] [R] travaillait initialement pour le compte de l'association Union Régionale des SCOP AUVERGNE avant que son contrat de travail soit transféré à l'association AGF SCOP ENTREPRISES en 2017.

En outre, Monsieur [Y] [R] n'est pas contesté lorsqu'il assure que des salariés de l'association AGF SCOP ENTREPRISES ont été détachés au sein de l'association AURA RÉVISION.

En l'état, les pièces produites ne permettent nullement de vérifier qu'aucune solution de reclassement du salarié n'était envisageable au niveau du groupe, même en ayant recours, le cas échéant, à des mesures de formation ou d'adaptation. En l'absence de tout autre élément d'appréciation, Monsieur [Y] [R] est bien fondé à soutenir que l'employeur n'a pas respecté son obligation de reclassement.

Par conséquent, sans qu'il y ait lieu de rechercher si l'association AGF SCOP ENTREPRISES connaissait des difficultés économiques susceptibles de justifier le licenciement, il apparaît, en l'absence de recherche sérieuse de reclassement, que le licenciement de Monsieur [Y] [R] est dépourvu de cause réelle et sérieuse et le jugement sera, en conséquence, confirmé de ce chef.

En présence d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'article L. 1235-3 du code du travail prévoit une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans un tableau.

Monsieur [Y] [R], né en 1959, a été licencié à l'âge de 59 ans, après 22 ans d'ancienneté au service d'une entreprise dont il n'est pas contesté qu'elle employait au moins 11 salariés à la date de la rupture du contrat de travail.

L'article L. 1235-3 du code du travail prévoit, pour un salarié ayant 22 ans d'ancienneté (calculée en 'années complètes'), une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui ne peut être inférieure à 3 mois de salaire ni supérieure à 16,5 mois de salaire.

Monsieur [Y] [R] demande à la cour d'effectuer un contrôle 'in concreto' de sa situation et de lui allouer la somme de 210 000,00 euros à titre de dommages-intérêts, justifiée, selon lui, eu égard au préjudice subi du fait de la perte injustifiée de son emploi. La Convention n°158 de l'Organisation Internationale du Travail, d'application directe en droit interne, prévoit en son article 10 que les juges doivent être habilités à ordonner le versement d'une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée.

L'article 24 de la Charte Sociale Européenne contient une disposition similaire.

Le barème prévu par l'article L. 1235-3 du code du travail a été critiqué devant le Conseil d'Etat et le Conseil Constitutionnel.

Le Conseil Constitutionnel, dans sa décision n° 2018-761 DC du 21 mars 2018, a déclaré le mécanisme du barème conforme à la Constitution.

Le Conseil d'État a également validé ce barème le 07 décembre 2017.

Dans ses avis n° 19-70010 et 19-7001 du 17 juillet 2019, la Cour de cassation a considéré d'une part, que ce barème était compatible avec les stipulations de l'article 10 de la convention n° 158 de l'OIT et, d'autre part, que les dispositions de l'article 24 de la charte sociale européenne révisée étaient dépourvues d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers. Elle a par ailleurs estimé que les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail n'entraient pas dans le champ d'application de l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Il s'ensuit que le barème prévu par l'article L. 1235-3 du code du travail apparaît conforme aux textes européens et internationaux.

Monsieur [Y] [R] soutient que la somme allouée par les premiers juges à hauteur de 91 980,00 euros ne répare pas l'intégralité de son préjudice économique et moral. Il souligne la perte de revenus qu'il subit depuis la rupture de son contrat de travail.

Monsieur [Y] [R] explique qu'il subit un préjudice moral important, ayant été évincé après plus de 20 ans de travail et qu'il a été licencié à 3 ans de pouvoir prétendre à une retraite à taux plein. Il fait valoir qu'il n'a pas retrouvé d'emploi. Il justifie qu'il s'est inscrit en qualité d'auto entrepreneur mais que cette activité ne lui a procuré que très peu de revenus et qu'il a perçu l'allocation de retour à l'emploi pour un montant de 2 500,00 euros environ, générant une perte de revenus mensuelle de plus de 50%. Il ajoute qu'il s'est trouvé contraint de demander la liquidation de ses droits à la retraite avec effet en janvier 2022. Il se plaint d'un manque à gagner de 445,00 euros par mois soit la somme de 80 100,00 euros sur la base d'une espérance de vie de 80 ans.

Toutefois, s'agissant de la situation particulière de Monsieur [Y] [R] dont le contrat de travail se trouve rompu par suite des manquements de l'employeur, l'indemnisation doit se faire d'abord en considération des critères d'appréciation habituels que constituent le montant de son salaire mensuel brut, son ancienneté et son âge au jour du licenciement.

Il ne ressort pas de ces éléments que l'application du barème prévu par l'article L. 1235-3 du code du travail porterait une atteinte disproportionnée aux droits de Monsieur [Y] [R], notamment à son droit d'obtenir une réparation adéquate, appropriée ou intégrale du préjudice par lui subi du fait de la perte injustifiée de son emploi, le calcul théorique dont il fait état ne pouvant présenter un caractère probant.

En conséquence, compte tenu du salaire de Monsieur [Y] [R] (5 677,00 euros brut selon ses propres explications) et des éléments d'appréciation susvisés, la cour considère que le premier juge a fait une exacte appréciation des circonstances de la cause ainsi que des droits et obligations des parties en allouant la somme de 91 980,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

- Sur la demande d'indemnité compensatrice de préavis -

Ajoutant au jugement, il sera alloué au salarié, qui devait bénéficier d'un préavis de 3 mois, la somme de 17 031,00 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis (3 mois de salaire) et celle de 1 703,10 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés correspondante. Le contrat de sécurisation professionnelle signé par le salarié et dispensant l'employeur du préavis n'a, en effet, pas de cause en l'absence de motif économique du licenciement.

Ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la date de convocation de l'employeur à l'audience de tentative de conciliation valant mise en demeure, soit le 19 novembre 2019.

Les intérêts seront eux-mêmes capitalisés en application de l'article 1343-2 du code civil.

- Sur le POLE EMPLOI devenu FRANCE TRAVAIL -

Compte tenu que le licenciement sans cause réelle et sérieuse est intervenu dans une entreprise comptant au moins 11 salariés et qu'il a été prononcé à l'encontre d'un salarié ayant plus de deux ans d'ancienneté, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné l'employeur à rembourser au POLE EMPLOI devenu FRANCE TRAVAIL, par application des dispositions de l'article L 1235-4 du code du travail, les indemnités de chômage versées à M. [R] pendant six mois.

- Sur les dépens et frais irrépétibles -

L'association AGF SCOP ENTREPRISES devra supporter les entiers dépens de première instance et d'appel ce qui exclut qu'elle puisse prétendre bénéficier des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il serait par contre inéquitable de laisser Monsieur [Y] [R] supporter l'intégralité des frais qu'il a dû exposer pour faire assurer la défense de ses intérêts. Ainsi outre la somme de 1 500,00 euros déjà allouée par les premiers juges, laquelle mérite confirmation, une indemnité supplémentaire de 1 500,00 euros lui sera accordée en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

- Déboute l'association AGF SCOP ENTREPRISES de sa demande afin de dire l'appel incident de Monsieur [R] dépourvu d'effet dévolutif ;

- Confirme le jugement ;

Y ajoutant,

- Condamne l'association AGF SCOP ENTREPRISES à payer à Monsieur [Y] [R] la somme de 17.031 euros (brut) à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 1.703,10 euros (brut) au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés correspondante ;

- Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 19 novembre 2019 et que les intérêts seront eux-mêmes capitalisés en application de l'article 1343-2 du code civil ;

- Condamne l'association AGF SCOP ENTREPRISES à payer à Monsieur [Y] [R] une somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

- Condamne l'association AGF SCOP ENTREPRISES aux dépens d'appel ;

- Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.

Le greffier, Le Président,

V. SOUILLAT C. RUIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Riom
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/02176
Date de la décision : 09/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-09;21.02176 ?
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