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09/07/2024 | FRANCE | N°21/01046

France | France, Cour d'appel de Riom, Chambre sociale, 09 juillet 2024, 21/01046


09 JUILLET 2024



Arrêt n°

CHR/VS/NS



Dossier N° RG 21/01046 - N° Portalis DBVU-V-B7F-FTAE



[Y] [N]



/



UNEDIC AGS CGEA [Localité 6]



jugement au fond, origine conseil de prud'hommes - formation paritaire de clermont-ferrand, décision attaquée en date du 07 avril 2021, enregistrée sous le n° F19/00113

Arrêt rendu ce NEUF JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :



M. Christophe RUIN, Président



Mme Sophie NOIR, Conseiller



Mme Karine VALLEE, Conseiller



En présence de Mme Valérie SOUILLAT greffier lors des débats ...

09 JUILLET 2024

Arrêt n°

CHR/VS/NS

Dossier N° RG 21/01046 - N° Portalis DBVU-V-B7F-FTAE

[Y] [N]

/

UNEDIC AGS CGEA [Localité 6]

jugement au fond, origine conseil de prud'hommes - formation paritaire de clermont-ferrand, décision attaquée en date du 07 avril 2021, enregistrée sous le n° F19/00113

Arrêt rendu ce NEUF JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :

M. Christophe RUIN, Président

Mme Sophie NOIR, Conseiller

Mme Karine VALLEE, Conseiller

En présence de Mme Valérie SOUILLAT greffier lors des débats et du prononcé

ENTRE :

M. [Y] [N]

[Adresse 7]

[Localité 4]

Représenté par Me Khalida BADJI de la SELARL BADJI-DISSARD, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

APPELANT

ET :

UNEDIC AGS CGEA [Localité 6] L'UNEDIC, représentée par son représentant légal, domicilée en cette qualité au siège social sis

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me Emilie PANEFIEU, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

S.E.L.A.R.L. ALLIANCE MJ, Es qualité de liquidateur judiciaire de la Société WIF FRANCE venant aux droits de la SARL PIERRE LAFOREST, prise en la personne de son représentant légal, domiciliée en cette qualité au siège social sis

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Sylvain FLICOTEAUX de la SELARL DELMAS FLICOTEAUX, avocat au barreau de LYON -

et par Marie-Emilie HEBRARD, suppléant Me Anthony D'AVERSA, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND,

INTIMES

M. RUIN, Président et Mme NOIR, Conseiller après avoir entendu, M. RUIN, Président en son rapport, à l'audience publique du 06 Mai 2024 tenue par ces deux magistrats, sans qu'ils ne s'y soient opposés, les représentants des parties en leurs explications, en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré après avoir informé les parties que l'arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l'article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

La SARL PIERRE LAFOREST (RCS BEAUNE 311 596 746), dont le siège social était sis [Adresse 9], avait pour principale activité la vente, la distribution, l'importation et l'exportation de vins et autres boissons alcoolisées.

La SARL FERDINAND PIEROTH (RCS 785 727 843), dont le siège social est sis [Localité 10], a pour principale activité la vente, la distribution, l'importation et l'exportation de vins et autres boissons alcoolisées.

La SAS WIV FRANCE (RCS VILLEFRANCE-TARARE 672 003 928), dont le siège social était sis [Adresse 1], avait pour principale activité la vente, la distribution, l'importation et l'exportation de vins et autres boissons alcoolisées. Elle a été immatriculée le 30 décembre 2014 pour un commencement d'activité au 1er janvier 2015.

L'extrait Kbis (à jour au 2 février 2020) versé aux débats concernant la société WIV FRANCE mentionne que cette société a pour nom commercial : 'Ferdinand PIEROTH - Pierre LAFOREST - LE VIEUX CHAI DES PIERRES' et qu'elle a pour président Monsieur [Z] [O].

Par jugement du 5 décembre 2016, le tribunal de commerce de VILLEFRANCE-TARARE a ouvert une procédure de sauvegarde judiciaire en faveur de la société WIV FRANCE, désigné la SELARL AJ PARTENAIRES en qualité d'administrateur judiciaire, désigné la SELARL ALLIANCE MJ en qualité de mandataire judiciaire.

Par jugement du 31 mai 2018, le tribunal de commerce de VILLEFRANCE-TARARE a arrêté un plan de sauvegarde (durée de 8 ans) concernant la société WIV FRANCE et désigné la SELARL AJ UP en qualité de commissaire à l'exécution du plan.

Par jugement du 6 février 2020, le tribunal de commerce de VILLEFRANCE-TARARE a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société WIV FRANCE, désigné la SELARL AJ UP en qualité d'administrateur judiciaire, désigné la SELARL ALLIANCE MJ en qualité de mandataire judiciaire.

Par jugement du 4 juin 2020, le tribunal de commerce de VILLEFRANCE-TARARE a arrêté un plan de cession concernant la société WIV FRANCE.

Par jugement du 25 juin 2020, le tribunal de commerce de VILLEFRANCE-TARARE a converti la procédure de redressement judiciaire de la société WIV FRANCE en liquidation judiciaire, mis fin à la mission de l'administrateur judiciaire et désigné la SELARL ALLIANCE MJ (RCS LYON 793 239 211, prise en la personne de son représentant légal, Maître [K] [I]) en qualité de liquidateur judiciaire de la société WIV FRANCE.

Le 17 janvier 2011 (embauche le même jour), Monsieur [Y] [N], né le 27 février 1988, a signé avec la société PIERRE LAFOREST (représentée par son gérant, Monsieur [S] [R]) un contrat de travail pour un emploi de 'conseiller vendeur à domicile indépendant' (VDI).

Le 29 mai 2013, Monsieur [Y] [N] a signé avec la société PIERRE LAFOREST (représentée par son gérant, Monsieur [S] [R]) un contrat de travail pour un emploi de VRP représentant multicartes (départements 63 et 03), avec une embauche à compter du 3 juin 2013.

Le 10 juin 2013, Monsieur [Y] [N] a signé avec la société FERDINAND PIEROTH (représentée par son gérant, Monsieur [C] [P]) un contrat de travail pour un emploi de VRP représentant multicartes (départements 63 et 03), avec une embauche à compter du 3 juin 2013.

Le 6 janvier 2014, Monsieur [Y] [N] a signé avec la société PIERRE LAFOREST (représentée par son gérant, Monsieur [S] [R]) un avenant au contrat de travail qui modifie, à compter du 1er janvier 2014, les modalités de calcul de la rémunération du salarié.

Le 11 décembre 2014, le directeur commercial (Monsieur [D]) de la société PIERRE LAFOREST indiquait ou confirmait que l'objectif pour tous les VRP MC14 (130 000 euros nets en 2014) sera porté à 140 000 euros nets en 2015 et à 150 000 euros nets en 2016.

Par courrier recommandé adressé à la société PIERRE LAFOREST, daté du 13 janvier et présenté le 15 janvier 2015, Monsieur [Y] [N] refusait d'accepter un avenant à son contrat de travail prévoyant une augmentation de l'objectif annuel et demandait des explications sur le calcul de sa rémunération (modalités de prise en compte du taux d'annulation).

Par courrier recommandé adressé à la société PIERRE LAFOREST, daté du 4 avril et présenté le 9 avril 2015, Monsieur [Y] [N] refusait à nouveau d'accepter un avenant à son contrat de travail et reprochait à son employeur de ne pas tenir compte de ses remarques formulées précédemment, tout en indiquant se tenir à la disposition de celui-ci pour aménager les termes du contrat.

Le 22 avril 2015, l'employeur proposait un rendez-vous le 11 mai à Monsieur [Y] [N] pour faire le point alors que le représentant refusait notamment de se voir appliquer un objectif de 140 000 euros nets en 2015.

Par courrier daté du 27 mai 2015, la société PIERRE LAFOREST a informé ses employés que l'intégralité du patrimoine de la société avait été transmis à la société WIV FRANCE et qu'en application de l'article L. 1224-1 du code du travail, leur employeur serait la société WIV FRANCE à compter du 1er juin 2015, avec poursuite des relations de travail selon les mêmes conditions contractuelles.

Par courrier recommandé adressé à la société WIV FRANCE et présenté le 1er décembre 2015, Monsieur [N] a pris acte de la rupture de son contrat de travail dans les termes suivants :

'Monsieur le Directeur,

Suite à ma lettre du 27 août 2015 et à nos discussions, aucune solution correcte n'a été apportée.

Je suis donc contraint, par la présente lettre, de constater la rupture de mon contrat de travail qui est imputable à vos manquements.

En effet, le calcul de mon salaire, à divers égards, ainsi que je vous l'ai écrit encore récemment, n'est pas correct, pas plus que votre attitude à mon égard.

Je vous demande donc de me faire parvenir les documents et indemnités dus en cette fin de contrat.

Je vous prie d'agréer...'

Par courrier recommandé en réponse daté du 14 décembre 2015, la société WIV FRANCE a pris acte de la rupture du contrat de travail par Monsieur [N], tout en contestant les griefs adressés par le salarié.

Selon les documents de fin de contrat de travail établis par l'employeur, la société WIV FRANCE a employé Monsieur [Y] [N] en qualité de VRP du 3 juin 2013 au 1er décembre 2015, lui a versé une indemnité compensatrice de congés payés de 489,64 euros mais ni indemnité compensatrice de préavis ni indemnité de licenciement

Le 29 juillet 2016, Monsieur [Y] [N] a saisi le conseil de prud'hommes de CLERMONT-FERRAND aux fins notamment de voir condamner la SOCIETE WIV FRANCE et la SARL PIERRE LAFOREST à lui payer des sommes à titre de rappel de salaires, d'indemnités pour rupture du contrat produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'indemnité pour travail dissimulé.

Par jugement (RG 16/00771 et 19/00113) rendu contradictoirement en date du 7 avril 2021 (audience du 13 janvier 2021) entre Monsieur [Y] [N] (demandeur), la SELARL ALLIANCE MJ en qualité de liquidateur judiciaire de la société WIV FRANCE venant aux droits de la SARL PIERRE LAFOREST (défendeur) et l'association UNEDIC, CGEA de [Localité 6] (intervenant), le conseil de prud'hommes de CLERMONT-FERRAND :

- a déclaré recevable et bien fondée la fin de non recevoir soulevée par la SELARL ALLIANCE MJ ès qualités de liquidateur judiciaire de la société WIV FRANCE ;

- a constaté la péremption de l'instance ;

- a déclaré irrecevable l'instance engagée par Monsieur [N] ;

- s'est déclaré dessaisi ;

- a débouté la SELARL ALLIANCE MJ en qualité de liquidateur judiciaire de la société WIV France de sa demande reconventionnelle ;

- condamné Monsieur [N] aux dépens.

Le 6 mai 2021, Monsieur [N] a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié à sa personne le 9 avril 2021.

Vu les conclusions notifiées à la cour le 6 août 2021 par Monsieur [N],

Vu les conclusions notifiées à la cour le 25 octobre 2021 par l'ASSOCIATION UNEDIC AGS CGEA [Localité 6],

Vu les conclusions notifiées à la cour le 29 octobre 2021 par la SELARL ALLIANCE MJ ès qualité de liquidateur judiciaire de la société WIV FRANCE,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 8 avril 2024.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières écritures, Monsieur [N] conclut à l'infirmation du jugement et demande à la cour de :

- Constater l'absence de péremption d'instance et ainsi déclarer recevable l'instance qu'il a engagée ;

- Déclarer la décision à intervenir opposable à l'UNEDIC, délégation AGS, CGEA d'[Localité 8] ;

- Requalifier le contrat conclu en contrat de VRP exclusif ;

- Dire la prise d'acte justifiée aux torts de l'employeur et en conséquence la requalifier en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- En conséquence, fixer au passif de la société WIV France sa créance correspondant aux sommes suivantes :

*Rappel de salaire sur commissions (juin 2013 à décembre 2015) 19.293,48 euros ;

*Indemnité de congés payés sur rappel de salaire 1.929,35 euros ;

*Rappel de salaire minimum VRP 14.429,87 euros ;

*Indemnité de congés payés sur rappel de salaire minimum VRP 1.442,99 euros ;

*Indemnité compensatrice de préavis 5.430,00 euros ;

*Congés payés sur préavis 543,00 euros ;

*Dommages intérêts pour rupture du contrat sans cause réelle et sérieuse 20.000,00 euros ;

*Indemnité spéciale de licenciement 2.534,00 euros ;

*Dommages intérêts pour travail dissimulé (6 mois) 10.860,00 euros ;

- Dire que les sommes précitées à l'exception des dommages et intérêts porteront intérêts au taux légal à compter de la convocation de l'employeur à l'audience de tentative de conciliation valant mise en demeure et dire que les intérêts seront capitalisés en application de l'article 1154 du Code Civil ;

- Enjoindre la remise des documents POLE EMPLOI, bulletin de salaire et certificat de travail, conformes à la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 8e jour suivant la notification de la décision à intervenir.

- Fixer au passif de la Société WIV France sa créance correspondant à la somme de 2000,00 euros au titre de l'article 700 ainsi que les entiers dépens.

Monsieur [N] fait valoir que son action est recevable car aucune péremption d'instance ne peut lui être opposée. En effet, la Cour de cassation a considéré que les délais de communication fixés par le bureau de conciliation et d'orientation ne constituent pas des diligences au sens de l'article 386 du code de procédure civile. Un demandeur pouvait donc déposer ses conclusions plus de deux ans après la date de communication fixée en conciliation, sans que puisse lui être opposé l'exception de péremption. De plus, la législation du code du travail précise que l'instance n'est périmée que lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir, pendant le délai de 2 ans, les diligences expressément mises à leur charge par la juridiction. Cette disposition du code du travail (R1452-8 du code du travail) reste applicable aux instances introduites jusqu'au 31 juillet 2016. En l'espèce, la décision de retrait du rôle du 13 mars 2017 et notifiée ultérieurement n'a fixé aucune diligence à la charge des parties. Le dossier était réinscrit le 28 février 2019. Aucune péremption d'instance ne peut lui être opposée.

Monsieur [N] explique que la dénomination de contrat VRP multicartes n'avait que pour seul but de déroger aux dispositions de l'article 5-1 de l'ANI du 3 octobre 1975 prévoyant le versement d'une ressource minimale forfaitaire aux VRP engagés à titre exclusif. En réalité, Monsieur [N] n'avait pas la possibilité de prospecter pour d'autres enseignes et en conséquence il était lié par un contrat de VRP exclusif. Le contrat de VRP multicartes devra donc être requalifié en contrat de VRP exclusif.

En conséquence de cette requalification, Monsieur [N] sollicite un rappel de salaire sur salaire minimum pour les VRP exclusifs.

Monsieur [N] sollicite un rappel de commissions. Il expose que cette demande n'est pas incompatible avec la requalification de son statut de VRP multicartes en VRP exclusif. Les dispositions du contrat régularisé restent applicables parallèlement à la règle du salaire minimal prévu par l'ANI du 3 octobre 1975. Des rappels de salaire sur commissions sont sollicités car l'employeur a manqué de transparence dans le calcul de la rémunération mais a également modifié à son gré la rémunération du salarié. Le calcul du rappel de salaire pour l'année 2015 est fondé sur le seul avenant du 6 janvier 2014 avec un objectif annuel fixé à130.000 euros.

Monsieur [N] explique que l'employeur a soustrait une partie de la rémunération qui lui était due, notamment avec les bulletins de salaire qui ne reflétaient pas la réalité du travail effectué. L'employeur avait parfaitement connaissance du fait que le salaire variable de Monsieur [N] était sous évalué et ne reflétait pas la réalité. L'employeur a sciemment tenté de déroger aux règles de l'ANI de 1975 et au salaire minimum trimestriel des VRP. En conséquence, Monsieur [N] sollicite l'indemnité afférente au travail dissimulé.

Monsieur [N] fait valoir que sa prise d'acte doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison des manquements répétés de l'employeur, notamment vis-à-vis du calcul de sa rémunération en application d'un contrat de travail qu'il a refusé de signer. Il sollicite en conséquence les indemnités afférentes à un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Monsieur [N] explique qu'il est bien fondé à solliciter le versement de l'indemnité spéciale de licenciement calculée sur son salaire moyen après rappel de salaire. Il peut prétendre à l'indemnité conventionnelle de licenciement.

Dans ses dernières conclusions, la SELARL ALLIANCE MJ, en qualité de liquidateur judiciaire de la société WIV FRANCE demande à la cour de :

A titre principal :

- CONFIRMER le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de CLERMONT-FERRAND ;

A titre subsidiaire, en cas de réformation :

- PRONONCER l'irrecevabilité de toute demande se rapportant à une période antérieure au 29 juillet 2013 comme étant prescrite ;

- DEBOUTER Monsieur [N] de l'intégralité de ses autres demandes, fins et conclusions ;

Très subsidiairement :

- REDUIRE à de plus justes proportions toute fixation au passif ;

En tout état de cause :

- CONDAMNER Monsieur [N] à lui verser, ès qualité de liquidateur judiciaire de la Société WIV France, la somme de 2.000,00 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- CONDAMNER Monsieur [N] aux entiers dépens de l'instance et dire que, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, Maître D'AVERSA pourra recouvrer directement ceux dont il a fait l'avance.

Le liquidateur judiciaire fait valoir qu'entre le 10 octobre 2016 et le 28 février 2019 aucune diligence susceptible d'interrompre la péremption de l'instance n'est intervenue. L'ordonnance de retrait du rôle du 13 mars 2017 étant dépourvue d'un tel effet. De plus, le 10 octobre 2016, le bureau de conciliation et d'orientation a bien expressément mis des diligences à la charge de Monsieur [N]. En conséquence, le jugement devra être confirmé en ce qu'il a jugé l'instance périmée.

À titre subsidiaire, la SELARL ALLIANCE MJ expose que le contrat de VRP multicartes n'a pas à être requalifié en contrat de VRP exclusif. Monsieur [N] avait toute latitude pour détenir d'autres cartes et n'a jamais été contraint d'exercer exclusivement son activité pour le compte de la société PIERRE LAFOREST. Le statut de VRP multicartes implique uniquement une possibilité pour le VRP d'avoir une activité entrant dans le champ d'application du statut professionnel. L'intimé conteste que la société PIERRE LAFOREST aurait artificiellement prévu son embauche auprès de la société FERDINAND PIEROTH, afin de conforter le statut de VRP multicartes. Monsieur [N] disposait également d'une pleine liberté pour l'organisation de son temps de travail et de ses horaires de travail. L'appelant ne fournit aucun élément contraire.

En conséquence, le contrat n'a pas à être requalifié en contrat de VRP exclusif et Monsieur [N] n'est pas fondé à solliciter les demandes indemnitaires afférentes. Enfin, le salarié sollicite tout à la fois l'application du statut de VRP exclusif et un rappel de commissions au titre du statut de VRP multicartes, ce qui est incohérent.

La SELARL ALLIANCE MJ soutient que Monsieur [N] n'est pas bien fondé à demander un rappel de salaires au titre de l'année 2013. Le salarié a parfaitement été rempli de ses droits. Il en est de même au titre de l'année 2014.

En ce qui concerne le travail dissimulé, Monsieur [N] n'établit pas le caractère intentionnel d'une quelconque dissimulation dont aurait fait preuve la société WIV FRANCE. Il devra être débouté de sa demande indemnitaire afférente.

Enfin, concernant la prise d'acte, Monsieur [N] ne fournit aucun justificatif démontrant que la société lui aurait imposé la signature d'un nouveau contrat. De plus, l'employeur n'a pas appliqué les modalités du contrat refusé par le salarié, le calcul des commissions sur la base d'un objectif annuel de 140.000 euros résulte d'un nouvel objectif annuel ayant été signé par tous les VRP multicartes.

Si la société PIERRE LAFOREST a proposé un contrat VRP à temps partiel choisi à Monsieur [N] c'est parce qu'il en avait fait la demande. Monsieur [N] ne parvient donc pas à démontrer les griefs invoqués, ni leur gravité suffisante pour justifier que sa prise d'acte produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. En réalité, il ressort de l'entretien du 11 mai 2015 que Monsieur [N] manifestait sa démotivation, il indiquait qu'il ne souhaitait pas poursuivre son activité de VRP pour le compte de la société PIERRE LAFOREST.

Dans ses dernières conclusions, L'ASSOCIATION UNEDIC AGS CGEA [Localité 6] demande à la cour de :

A TITRE PRINCIPAL

- Confirmer le jugement du 7 avril 2021 rendu par le Conseil de Prud'hommes de CLERMONT-FERRAND, Section Encadrement sous le numéro RG F 16/00771 & F 19/00113 ;

Se faisant,

- Débouter Monsieur [N] de l'intégralité de ses fins, demandes et conclusions ;

A TITRE SUBSIDIAIRE

Si la Cour devait réformer :

- Requalifier la prise d'acte de Monsieur [N] en démission ;

- Débouter Monsieur [N] de sa demande de rappel de salaire sur commission ;

- Débouter Monsieur [N] de sa demande d'indemnité de congés payés sur rappel de

salaire ;

- Débouter Monsieur [N] de sa demande de rappel de salaire minimum VRP ;

- Débouter Monsieur [N] de sa demande d'indemnité de congés payés sur rappel de salaire minimum VRP ;

- Débouter Monsieur [N] de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis outre congés payés ;

- Débouter Monsieur [N] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement

sans cause réelle et sérieuse ;

- Débouter Monsieur [N] de sa demande d'indemnité spéciale de licenciement ;

- Débouter Monsieur [N] de sa demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé ;

- Arrêter les intérêts à la date du 5 décembre 2016 ;

- Débouter Monsieur [N] de l'intégralité de ses fins, demandes et conclusions ;

A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE

- Déclarer que l'arrêt à intervenir lui est opposable en qualité de gestionnaire de l'A.G.S, dans les limites prévues aux articles L.3253-1 et suivants (Article L.3253-8), D.3253-5 du Code du travail et du Décret n° 2003-684 du 24 juillet 2003 ;

- Dire et juger que la garantie de l'AGS est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, au plafond défini à l'article D.3253-5 du Code du Travail ;

- Dire et juger que les limites de leur garantie sont applicables ;

- Dire et juger que l'arrêt à intervenir ne saurait prononcer une quelconque condamnation à leur encontre ;

- Dire et juger que l'A.G.S ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L.3253-1 et suivants du Code du Travail (article L.3253-8 du Code du Travail) que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L.3253-1 et suivants du Code du Travail (article L.3253-8 du Code du Travail) ;

- Dire et juger que l'obligation du C.G.E.A de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafonds applicables, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire ;

- Dire et juger que le jugement d'ouverture arrête le cours des intérêts légaux (articles L.622-28 et suivants du Code de Commerce).

À titre principal, l'UNEDIC AGS CGEA [Localité 6] fait valoir que l'instance est frappée de péremption comme le juge de 1ère instance l'a décidé. Monsieur [N] ne justifie d'aucune diligence interruptive de péremption entre le 10 octobre 2016 et le 8 mars 2019.

À titre subsidiaire, la concluante explique que pour requalifier un contrat de VRP multicartes en contrat de VRP exclusif, le contrat doit contenir les obligations suivantes :

- effectuer personnellement tous les déplacements et visites qui sont demandés par la société et ce dans les conditions et délais fixés par la société ;

- remettre hebdomadairement à la société un rapport détaillé de son activité en apportant toutes les informations utiles tenant notamment à l'état du marché et aux besoins de la clientèle ;

- assister à toutes les réunions et convocations de la société.

En l'espèce, la délégation AGS considère qu'il est incontestable que le contrat de travail de Monsieur [N] ne prévoit aucune de ces dispositions. En conséquence, Monsieur [N] devra être débouté de sa demande en requalification et de sa demande en rappel de salaire afférente à la requalification.

L'ASSOCIATION UNEDIC AGS CGEA [Localité 6] expose que Monsieur [N] est infondé et de mauvaise foi à solliciter un rappel de salaire à partir de juin 2013 et pour l'année 2014. Il est clair qu'il n'est pas prévu une commission de 36% mais bien un salaire de base correspondant à 36% du chiffre d'affaires à réaliser.

La concluante fait également valoir qu'aucun travail dissimulé n'est caractérisé faute de démonstration d'un caractère intentionnel. Monsieur [N] devra être débouté de sa demande indemnitaire de ce chef.

En ce qui concerne la prise d'acte, aucun manquement de l'employeur n'est démontré, notamment s'agissant de la proposition de signer un nouveau contrat de travail sollicité par le salarié lui-même. Enfin, l'argument concernant les salaires impayés, outre le fait qu'il est infondé, est un élément qui date de 2013 soit près de deux ans avant la prise d'acte et ne peut être considéré comme rendant impossible la poursuite du contrat de travail.

L'ASSOCIATION UNEDIC AGS CGEA [Localité 6] expose que la cour devra arrêter les cours de l'ensemble des intérêts à la date du 5 décembre 2016, ouverture de la procédure de sauvegarde.

À titre subsidiaire, il est demandé de dire et juger que la garantie de l'AGS est plafonnée à un des trois plafonds définis à l'article D3253-5 du code du travail.

Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions, moyens et arguments des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux dernières conclusions régulièrement notifiées et visées.

MOTIFS

Le premier juge a constaté la péremption de l'instance en relevant qu'il n'est justifié d'aucune diligence susceptible d'interrompre le délai de péremption entre le 10 octobre 2016 et le 8 mars 2019.

À titre principal, le liquidateur judiciaire de la société WIV FRANCE et l'association UNEDIC, CGEA de [Localité 6], en tant que délégation AGS, concluent à la confirmation du jugement déféré en ce que le conseil de prud'hommes a constaté la péremption de l'instance. Ils font valoir que plus deux ans se sont écoulés entre le 10 octobre 2016, date à laquelle le bureau de conciliation et d'orientation a fixé des diligences à la charge des parties, et le 28 février 2019, date à laquelle Monsieur [N] a sollicité la rétablissement au rôle de l'affaire, sans qu'aucune diligence susceptible d'interrompre la prescription ne soit intervenue.

En réponse, Monsieur [N] fait notamment valoir que la chambre sociale de la Cour de cassation a considéré que les indications relatives à la fixation des délais de communication par le bureau de conciliation ne constituent pas des diligences au sens de l'article 386 du Code de procédure civile, qu'un demandeur pouvait donc déposer ses conclusions plus de deux ans après la date de communication fixée en conciliation, sans que puisse lui être opposée l'exemption de péremption.

Aux termes de l'article 386 du code de procédure civile : 'L'instance est périmée lorsque aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans.'

La péremption peut être interrompue par tout acte qui traduit la volonté certaine des parties de poursuivre l'instance et de faire progresser le litige vers sa solution. Les diligences interruptives du délai de péremption consistent en des actes se rapportant à l'instance, manifestant la volonté des parties d'en faire avancer le cours et de nature à faire progresser l'affaire.

Selon l'ancien article R. 1452-8 du code du travail, abrogé depuis le 1er août 2016, en matière prud'homale, l'instance n'est périmée que lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir, pendant le délai de deux ans mentionné à l'article 386 du code de procédure civile, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction.

La Cour de cassation est d'avis qu'il résulte des articles 8 et 45 du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 que les dispositions de l'article R. 1452-8 du code du travail, aux termes desquelles en matière prud'homale, l'instance n'est périmée que lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir, pendant le délai de deux ans mentionné à l'article 386 du code de procédure civile, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction, demeurent applicables aux instances d'appel dès lors que le conseil de prud'hommes a été saisi avant le 1er août 2016. Pour les saisines de conseil de prud'hommes à compter du 1er août 2016, on applique le droit commun de la péremption.

Aux termes de l'ancien article R. 1454-18 du code du travail : 'Le bureau de conciliation peut fixer le délai de communication des pièces ou des notes que les parties comptent produire à l'appui de leurs prétentions'. L'article R. 1454-18 ainsi libellé n'était en vigueur que jusqu'au 26 mai 2016.

Aux termes de l'article R. 1454-1 du code du travail en vigueur depuis le 26 mai 2016 :

'En cas d'échec de la conciliation, le bureau de conciliation et d'orientation assure la mise en état de l'affaire jusqu'à la date qu'il fixe pour l'audience de jugement. Des séances peuvent être spécialement tenues à cette fin.

Après avis des parties, il fixe les délais et les conditions de communication des prétentions, moyens et pièces.

Il peut dispenser une partie qui en fait la demande de se présenter à une séance ultérieure du bureau de conciliation et d'orientation. Dans ce cas, la communication entre les parties est faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par notification entre avocats et il en est justifié auprès du bureau de conciliation et d'orientation dans les délais impartis.

Il peut entendre les parties en personne, les inviter à fournir les explications nécessaires à la solution du litige ainsi que les mettre en demeure de produire dans le délai qu'il détermine tous documents ou justifications propres à éclairer le conseil de prud'hommes.'

En l'espèce, Monsieur [Y] [N] a saisi le conseil de prud'hommes de CLERMONT-FERRAND le 29 juillet 2016, soit avant le 1er août 2016, aux fins notamment de voir condamner les sociétés WIV FRANCE et PIERRE LAFOREST à lui payer diverses sommes.

La première audience devant le bureau de conciliation et d'orientation a été fixée au 10 octobre 2016.

Lors de l'audience du bureau de conciliation et d'orientation tenue le 10 octobre 2016, les sociétés WIV FRANCE et PIERRE LAFOREST étaient représentées par leur avocat (Maître Cécile BRUNEAU du barreau de PARIS) et Monsieur [Y] [N] était assisté de son avocat (Maître Henri ARSAC du barreau de CLERMONT-FERRAND).

Selon le procès-verbal d'audience du bureau de conciliation et d'orientation, qui a constaté l'absence de conciliation, document judiciaire signé en date du 10 octobre 2016 par le président du bureau de conciliation et d'orientation, le greffier, mais également le demandeur et le défendeur, la décision suivante a été rendue par le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes :

- renvoi de l'affaire devant le bureau de jugement à l'audience du 13 mars 2017 ;

- 'en application de l'article R. 1454-1 du code du travail, après avis des parties, les délais et les conditions de communication des prétentions, moyens et pièces sont fixés comme suit : pour le demandeur : 10 décembre 2016, pour le défendeur : 10 février 2017".

Ainsi, le 10 octobre 2016, les parties ont été avisées par une décision judiciaire signée par le président du bureau de conciliation et d'orientation, rendue en application de l'article R. 1454-1 du code du travail et non en application de l'ancien article R. 1454-18 du code du travail, que Monsieur [Y] [N] devait communiquer au conseil de prud'hommes et aux défendeurs ses prétentions, moyens et pièces au plus tard le 10 décembre 2016, et que les sociétés WIV FRANCE et PIERRE LAFOREST devaient communiquer au conseil de prud'hommes et au demandeur leurs prétentions, moyens et pièces au plus tard le 10 février 2017.

Il n'est pas contesté que demandeur et défendeur ont été avisés de ce calendrier de procédure précis, valant injonction judiciaire, le 10 octobre 2016.

Début mars 2017, par courrier, les avocats des parties ont sollicité auprès du conseil de prud'hommes un retrait du rôle, mais sans communiquer leurs prétentions, moyens et pièces comme il avait été enjoint le 10 octobre 2016.

Par ordonnance rendue en date du 13 mars 2017, le conseil de prud'hommes de CLERMONT-FERRAND a ordonné le retrait du rôle du rôle de l'affaire à la demande des avocats des parties. Dans cette décision, notifiée le 14 mars 2017, le conseil de prud'hommes se contente de constater la demande de retrait du rôle et d'y faire droit, sans mettre de diligence particulière à la charge des parties.

Le 8 mars 2019 (date de dépôt en l'absence d'une justification d'une date d'envoi), l'avocat de Monsieur [Y] [N] a sollicité auprès du conseil de prud'hommes de CLERMONT-FERRAND la réinscription de l'affaire au rôle en déposant, pour la première fois, des conclusions écrites au fond contenant ses prétentions et moyens ainsi que les pièces visées dans ce cadre.

Le 11 mars 2019, les parties ont été convoquées à une audience du conseil de prud'hommes fixée au 21 octobre 2019.

Le 17 octobre 2019, l'avocat de la société WIV FRANCE a avisé le conseil de prud'hommes de l'existence d'une procédure de sauvegarde judiciaire et de la nécessité de convoquer les organes de la procédure collective ainsi que la délégation AGS. Les avocats des parties ont également informé le conseil de prud'hommes que la société PIERRE LAFOREST avait été radiée du RCS le 7 juillet 2015, que son activité avait été reprise par la société WIV FRANCE et qu'en conséquence cette dernière société venait désormais seule aux droits de l'ancien employeur de Monsieur [Y] [N].

À l'issue de son audience du 21 octobre 2019, le bureau de jugement a ordonné un renvoi de l'affaire au 17 février 2020 (décision notifiée le 23 octobre 2019) pour régularisation de la procédure et mise en cause des organes de la procédure collective ainsi que la délégation AGS, et ce sans mettre aucune diligence à la charge des parties.

Le 7 février 2020, l'avocat de Monsieur [Y] [N] a déposé des conclusions au fond, notamment aux fins de fixation de créances au passif de la société WIV FRANCE.

À l'issue de son audience du 17 février 2020, le bureau de jugement a ordonné un renvoi de l'affaire au 22 juin 2020 (décision notifiée le 18 février 2020), pour cause de grève des avocats, et ce sans mettre aucune diligence particulière à la charge des parties.

À l'issue de son audience du 22 juin 2020, constatant l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société WIV FRANCE, le bureau de jugement a ordonné un renvoi de l'affaire au 13 janvier 2021 (décision notifiée le 23 juin 2020), pour régularisation de la procédure, et ce sans mettre aucune diligence particulière à la charge des parties.

Le 8 juillet 2020, le conseil de prud'hommes a été avisé de la liquidation judiciaire de la société WIV FRANCE. Le liquidateur judiciaire de la société WIV FRANCE a été convoqué en date du 20 juillet 2020.

Le 28 décembre 2020, le liquidateur judiciaire de la société WIV FRANCE a déposé des conclusions au fond. Le 6 janvier 2021, la délégation AGS a déposé des conclusions au fond. Le 12 janvier 2021, Monsieur [Y] [N] a déposé de nouvelles conclusions au fond, notamment aux fins de fixation de créances au passif de la société WIV FRANCE.

L'affaire a été plaidée à l'audience du 13 janvier 2021 et le conseil de prud'hommes de CLERMONT-FERRAND a rendu son jugement le 7 avril 2021.

Vu la saisine du conseil de prud'hommes antérieure au 1er août 2016, le délai de péremption ne court que lorsque les parties ont reçu notification d'une décision juridictionnelle mettant à leur charge des diligences précises.

En matière prud'homale, il est de jurisprudence constante que la remise par le greffe d'un bulletin de convocation, ou de renvoi devant le bureau de jugement, prescrivant des diligences à la charge des parties n'interrompt pas le délai de péremption puisqu'une telle demande n'émane pas de la juridiction, c'est-à-dire du juge. Mais dès lors qu'un juge a ordonné aux parties d'accomplir des diligences procédurales, le délai de péremption court à compter de la notification de la décision.

Monsieur [Y] [N] fait état d'un arrêt rendu le 29 septembre 2010 par la chambre sociale de la Cour de cassation qui a jugé que ne constituent pas des diligences interruptives du délai de péremption les seules indications relatives à la fixation des délais données aux parties par le bureau de conciliation en application de l'article R. 1454-18 du code du travail.

Toutefois, en l'espèce, c'est bien le juge prud'homal qui a rendu le 10 octobre 2016 une décision juridictionnelle, signée par le juge et le greffier, et également notifiée contradictoirement le même jour aux parties, décision qui n'a pas indiqué un délai de communication de pièces ou notes entre les parties sur le fondement de l'ancien article R. 1454-18 du code du travail (non applicable à l'époque), mais fixant de façon précise les délais de communication des prétentions, moyens et pièces entre les parties et à l'égard de la juridiction prud'homale.

Le 10 octobre 2016, le conseil de prud'hommes a souhaité fixer un calendrier de procédure en enjoignant à chacune des parties de communiquer ses prétentions, moyens et pièces avant une date précise.

Des diligences ayant été expressément mises à la charge des parties par la juridiction prud'homale à cette date, le délai de péremption de l'instance a commencé à courir le 10 octobre 2016.

Une demande de retrait du rôle par courrier ne constitue pas une diligence interruptive du délai de péremption.

L'article 377 du code de procédure civile dispose qu'en dehors des cas où la loi le prévoit, l'instance est suspendue par la décision qui sursoit à statuer, radie l'affaire ou ordonne son retrait du rôle.

L'article 392 du code de procédure civile dispose que le délai de péremption continue à courir en cas de suspension de l'instance sauf si celle-ci n'a lieu que pour un temps ou jusqu'à la survenance d'un événement déterminé ; dans ces derniers cas, un nouveau délai court à compter de l'expiration de ce temps ou de la survenance de cet événement.

La décision rendue le 10 octobre 2016 par le conseil de prud'hommes de CLERMONT-FERRAND ordonnant le retrait du rôle de l'affaire à la demande des parties ne saurait constituer le point de départ d'un nouveau délai de péremption. En effet, ce retrait du rôle, qui n'a pas été ordonné pour un temps ou dans l'attente d'un événement déterminé, a suspendu l'instance sans l'interrompre au sens de l'article 392 du code de procédure civile et a été rendu alors que les parties n'étaient pas privées de la faculté d'accomplir des diligences interruptives de péremption.

En cas de retrait du rôle, le dépôt au greffe de conclusions sollicitant la réinscription interrompt le délai de péremption. En effet, ces conclusions aux fins de réinscription au rôle constituent des diligences interruptives de péremption.

Le 8 mars 2019, Monsieur [Y] [N] a sollicité auprès du conseil de prud'hommes de CLERMONT-FERRAND la réinscription de l'affaire au rôle en déposant des conclusions au fond.

Toutefois, dans un délai de deux ans à compter du 10 octobre 2016, il n'est justifié d'aucune diligence interruptive de prescription au sens des principes susvisés. Sur ce point, la cour effectue le même constat que le premier juge.

En conséquence, la péremption de l'instance prud'homale était acquise lorsque le 8 mars 2019 l'une des parties, en l'occurrence Monsieur [N], a communiqué pour la première fois depuis le 10 octobre 2016 ses prétentions et moyens par le dépôt et la communication de conclusions écrites aux fins de réinscription.

Toutes les demandes de Monsieur [Y] [N] sont donc irrecevables.

Le jugement déféré sera confirmé de ce chef ainsi que s'agissant de ses dispositions sur les dépens et frais irrépétibles de première instance.

Monsieur [Y] [N], qui succombe totalement en son recours, sera condamné aux entiers dépens d'appel.

En équité, il n'y a pas lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

- Confirme le jugement ;

- Y ajoutant,

- Condamne Monsieur [Y] [N] aux dépens d'appel ;

- Dit le présent arrêt commun et opposable à l'association UNEDIC, CGEA de [Localité 6], en tant que délégation AGS ;

- Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.

Le greffier, Le Président,

V. SOUILLAT C. RUIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Riom
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/01046
Date de la décision : 09/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 22/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-09;21.01046 ?
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