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02/07/2024 | FRANCE | N°22/02080

France | France, Cour d'appel de Riom, 2ème chambre, 02 juillet 2024, 22/02080


COUR D'APPEL

DE RIOM

Deuxième Chambre Civile







ARRET N° 272

DU : 02 juillet 2024



AFFAIRE N° : N° RG 22/02080 - N° Portalis DBVU-V-B7G-F43R

FB/RG/VP



ARRÊT RENDU LE DEUX JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE



ENTRE :



Madame [M] [H]

née le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 10]

demeurant [Adresse 8]

[Localité 5]

Représentée par Me Nathalie MARTIN, avocat au barreau de HAUTE-LOIRE



APPELANTE



ET :



Monsieur

[X] [W]

né le [Date naissance 2] 1957 à [Localité 9]

demeurant [Adresse 6]

[Localité 7]

Représenté par Me Ladislas MAZUR CHAMPANHAC, avocat au barreau de HAUTE-LOIRE





INTIME



Décision déférée à la Cour :

...

COUR D'APPEL

DE RIOM

Deuxième Chambre Civile

ARRET N° 272

DU : 02 juillet 2024

AFFAIRE N° : N° RG 22/02080 - N° Portalis DBVU-V-B7G-F43R

FB/RG/VP

ARRÊT RENDU LE DEUX JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE

ENTRE :

Madame [M] [H]

née le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 10]

demeurant [Adresse 8]

[Localité 5]

Représentée par Me Nathalie MARTIN, avocat au barreau de HAUTE-LOIRE

APPELANTE

ET :

Monsieur [X] [W]

né le [Date naissance 2] 1957 à [Localité 9]

demeurant [Adresse 6]

[Localité 7]

Représenté par Me Ladislas MAZUR CHAMPANHAC, avocat au barreau de HAUTE-LOIRE

INTIME

Décision déférée à la Cour :

jugement au fond, origine juge aux affaires familiales du PUY EN VELAY, décision attaquée en date du 08 septembre 2022, enregistrée sous le n° 17/00535

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

Monsieur Alexandre GROZINGER, Président

Madame Florence BREYSSE, Conseiller

Madame Anne Céline BERGER, Conseiller

GREFFIER :

Madame Rémédios GLUCK, Greffier lors de l'appel de la cause et du prononcé

DÉBATS : A l'audience publique du 04 juin 2024

Sur le rapport de

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 02 juillet 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Monsieur GROZINGER, président, et par Madame GLUCK, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur [W] et Madame [H] se sont mariés le [Date mariage 3] 1998, sous le régime de la communauté légale, après une période de concubinage. Leur divorce a été prononcé par jugement 12 mars 2015.

Le 6 juin 2017, Monsieur [W] a assigné Madame [H], réclamant une récompense au titre de travaux effectués dans l'immeuble constituant le domicile conjugal, construit sur un terrain appartenant en propre à son ex-épouse.

Le 7 février 2019, le juge aux affaires familiales du PUY-EN-VELAY a ordonné une mesure d'expertise aux fins de détermination de la valeur vénale et locative du domicile conjugal situé à [Localité 5] (43).

Le rapport d'expertise a été déposé le 23 septembre 2020.

Par jugement du 8 septembre 2022, le juge aux affaires familiales du PUY-EN-VELAY a notamment :

'dit que Madame [H] est redevable d'une récompense envers la communauté d'un montant de 52'822€ pour sa participation à la construction de son bien propre situé à [Adresse 8], cadastré section AD n°[Cadastre 4] ;

'Rejeté la demande de créance formée par Monsieur [W] à l'encontre de Madame [H] ;

'dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

'ordonner l'emploi des dépens, dont les frais d'expertise, en frais généraux de partage ;

'dit qu'ils seront supportés par les copartageants dans la proportion de leurs parts dans l'indivision et qu'ils seront recouvrés conformément à la loi sur l'aide juridictionnelle ;

Madame [H] a interjeté appel de ce jugement, en faisant porter son appel sur la récompense due à la communauté.

Dans ses conclusions notifiées le 3 avril 2024, elle réclame de voir :

'in limine litis, sur l'appel incident de Monsieur [W],

'constater la prescription de la demande de remboursement de la somme de 35'622,62 euros, la créance étant prescrite, s'agissant par ailleurs d'une demande nouvelle ;

'rejeter la demande de créance de 35'622,62 euros avant mariage formée par Monsieur [W] ;

'rejeter l'appel incident formé par Monsieur [W] relatif à la demande de remboursement d'une somme de 140 622,62€ dont la somme de 105 000€ au titre d'une créance de communauté ;

'voir réformer le jugement déféré en ce qu'il a dit qu'elle était redevable d'une récompense à la communauté d'un montant de 52'822 euros ;

'en complétant le rapport de l'expert :

'par l'ensemble des prêts qu'elle a contractés et payés;

'par l'ensemble des factures qu'elle a réglées sur ses deniers strictement personnels ;

'par la valeur locative de sa villa co-habitée par elle-même et son ex-mari pendant plus de 18 ans ;

'et en considérant que la seule participation financière de Monsieur [W] pour son habitation a consisté au payement de la moitié de deux prêts conventionnés et un prêt employeur souscrit avant le mariage, dont les demandes remontant à la période antérieure au mariage sont prescrites et nouvelles en cause d'appel

'dire que la communauté n'est pas créancière d'une récompense à son encontre en raison de la compensation entre la récompense de 52'822 € fixée à tort par le jugement déféré et la récompense à la communauté due en l'absence de contribution aux charges du mariage de Monsieur [W] à hauteur de 57'304,77 € ainsi que des acquisitions effectuées par ce dernier au moyen de prêts pour la somme de 46'659,50€, sans l'en aviser ni lui en faire bénéficier ;

-à titre subsidiaire, fixer la récompense qu'elle doit à la communauté à la somme de 23 442€ ;

-fixer la récompense due par Monsieur [W] à la communauté à la somme de 23 329,75€ au titre des prêts qu'il a contractés seul pendant la communauté et remboursés avec des fonds communs ;

-fixer la recompense due par Monsieur [W] à la communauté au titre de son absence de contribution aux charges du mariage à la somme de 57 304,57€ ;

- rejeter toutes les autres demandes audacieusement formées par Monsieur [W], au principal et en accessoires, comme étant mal fondées ;

-condamner Monsieur [W] à lui payer la somme de 10 000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

-le condamner aux dépens qui comprendront l'entier coût du rapport d'expertise ;

Dans ses conclusions notifiée les 7 avril 2023, Monsieur [W] réclame de voir condamner Madame [H] à lui payer la somme de 140 622,62€ ainsi que la somme de 5 000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

SUR CE,

Les parties ont vécu en concubinage avant de se marier. Pendant la période de concubinage, ils ont débuté la construction d'une maison d'habitation sur un terrain appartenant en propre à Madame [H] et ont poursuivi les travaux pendant le mariage.

Sur l'exception de procédure

Monsieur [W] estime qu'il est créancier de Madame [H] d'une somme de 35 622,62€ correspondant à des dépenses avant le mariage investies dans l'immeuble appartenant en propre à l'appelante. Celle-ci soutient que la demande de créance formée par Monsieur [W] est une demande nouvelle et, de ce fait, irrecevable. L'intimé n'a pas fait connaître ses observations sur ce point.

Madame [H] sera déboutée de son exception de procédure dans la mesure où la demande de créance formée par Monsieur [W] tend, au sens de l'article 565 du code de procédure civile, aux mêmes fins que celles soumises au 1er juge, soit la liquidation des intérêts patrimoniaux des parties.

Sur la créance réclamée par Monsieur [W] à l'égard de Madame [H] pour des mouvements de valeur pendant la période de concubinage

Monsieur [W] soutient qu'il est créancier envers Madame [H] d'une somme de 35 622,62€ au titre de dépenses engagées avant le mariage pour la construction du bien immobilier propre à celle-ci, dépenses qu'il a financées en participant au remboursement de plusieurs prêts (2 951,82€ au titre d'un prêt employeur ainsi que la moitié de deux prêts conventionnés soit 13 771,80€) et en affectant l'intégralité de son indemnité de licenciement économique (18 999€) dans la construction de la maison. Madame [H] soutient que la demande est prescrite et, subsidiairement, sollicite son rejet. Monsieur [W] ne fait pas valoir ses observations sur le moyen de prescription soulevé.

Il convient de rappeler qu'il existe une créance entre concubins en cas de mouvements de valeurs du patrimoine d'un concubin vers le patrimoine de l'autre, ne portant pas sur un bien indivis.

L'action en paiement d'une créance entre concubins est soumise à la prescription de droit commun de 5 ans prévue par l'article 2224 du code civil. En application de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008 qui a réformé la prescription en matière civile, ce délai est décompté à compter du 19 juin 2008, sans que la durée totale puisse excéder le délai prévu par la loi antérieure, soit 30 ans.

Monsieur [W] réclame des créances nées pendant l'indivision, soit avant 1998, date du mariage. La prescription applicable a expiré, avec la réforme de 2008, le 19 juin 2013.

Dés lors, la demande de Monsieur [W] est irrecevable, conformément à l'article 122 du code de procédure civile.

Sur la récompense due par Madame [H] à la communauté au titre du financement de l'immeuble appartenant en propre à la communauté.

Le jugement a fixé le montant de la récompense due par Madame [H] à la communauté à la somme de 58 822€.

Madame [H] conteste cette somme et reconnait devoir, à titre subsidiaire, une somme de 23 442€. Elle fait valoir que l'expert judiciaire n'a pas retenu qu'elle a souscrit 4 prêts d'un montant total de 6 552€ en sus de ceux souscrits avant le mariage conjointement avec Monsieur [W] ou à titre personnel. Par ailleurs, l'expert n'a pas retenu les factures réglées par elle seule d'un montant total de 9 119€, soit 3 073,35€ pendant le mariage et 6 046€ avant le mariage. En ajoutant ces sommes à celles retenues par l'expert et en opérant compensation avec les sommes dues par Monsieur [W], elle soutient qu'elle ne doit aucune récompense à la communauté.

Monsieur [W] conteste le mode de calcul retenu par le tribunal estimant que la créance de la communauté est égale à la valeur de l'ensemble à laquelle il faut déduire la valeur du terrain nu et les apports de l'appelante. Par ailleurs, il estime que la valeur de la propriété s'élève à 210 000€ pour la construction et 80 000€ pour le terrain, soit un total de 290 000€ telle que fixée par le notaire, Maître [P], en juillet 2013. Il estime que la récompense due à la communauté par Madame [H] s'élève à la somme de 210 000€, soit 105 000€ pour lui.

La question du principe de la récompense n'est pas contesté, la communauté ayant financé, au moins partiellement le bien propre de Madame [H] grâce à plusieurs prêts remboursés pendant le mariage.

En application de l'article 1469 du code civil, la récompense, s'agissant d'une construction est égale au profit subsistant.

L'évaluation de ce profit doit être faite sur la valeur du bien au jour de la liquidation mais dans la proportion selon laquelle le capital remboursé par la communauté a servi à l'acquisition.

La formule est la suivante :

La récompense = capital remboursé par la communauté x valeur actuelle du bien

investissement total

. Monsieur [W] conteste l'évaluation de la valeur actuelle du terrain par l'expert à la somme de 130 000€ et propose une somme de 80 000€. Madame [H] indique être favorable aux valeurs retenues par l'expert judiciaire.

En application de l'article 1469al 3 du code civil, le profit subsistant doit être calculé compte-tenu de la valeur du bien, fixée au jour de la liquidation du régime matrimonial.

Dans son rapport, l'expert judiciaire indique que la valeur de la maison et du terrain attenant s'élève à la somme de 290 000€, soit 130 000€ pour le terrain et 160 000€ pour la construction.

L'évaluation de l'expert judiciaire sera retenue dans la mesure où, ainsi que l'indique le jugement déféré, elle s'appuie sur des éléments concrets de comparaison avec d'autres biens dans la même commune. Par ailleurs, elle est plus récente que celle du notaire et plus proche de la date du jour de la liquidation du régime matrimonial et répond ainsi aux exigences légales.

. Madame [H] conteste le montant de l'investissement total retenu par l'expert indiquant qu'elle a souscrit quatre prêts à titre personnel (prêts d'un montant de 2 286,74€ en date du 14 octobre 1998, un prêt d'un montant de 208€ en date du 22 décembre 2001, un prêt d'un montant de 2021€ en date du 22 décembre 2001, soit un total de 6 552€) qui n'ont pas été retenus par l'expert.

Toutefois, faute de justifier de l'affection des sommes empruntées, le capital de ces prêts ne pourra être retenu au titre de l'investissement total.

Elle soutient, par ailleurs, que l'expert n'a pas tenu compte de factures d'un montant total de 9 119€, soit 3 073,35€ pendant le mariage et 6046€ avant le mariage. Cependant, il n'est pas démontré que lesdites factures constituent des dépenses d'amélioration qui peuvent donner lieu à récompense.

En conséquence, il conviendra de se fonder sur les sommes retenues par l'expert, aucune autre contestation n'étant émise sur le rapport.

Le jugement déféré sera ainsi confirmé sur ce point.

Sur la récompense due par Monsieur [W] à la communauté au titre des charges du mariage

Madame [H] soutient que Monsieur [W] n'a jamais participé aux frais de logement et au fonctionnement du foyer, à l'exception de la moitié des remboursement des trois premiers prêts (deux prêts conventionnés et un prêt employeur). Elle soutient que Monsieur [W] utilisait son salaire à des fins personnelles et s'est ainsi enrichi. Elle réclame une récompense à son encontre de 57 304,57€ en l'absence de contribution aux charges du mariage outre une somme de 23 300€ au titre de la moitié des acquisitions qu'il a faites sans l'en informer avec des prêts contractés pour un montant de 46 659,50€ pendant le mariage pour ses besoins personnels (vélos carbone, karting, CD, voitures de collection, motos). Monsieur [W] n'a pas formé d'observation sur les demandes de Madame [W].

Un époux doit récompense à la communauté chaque fois qu'il a tiré un profit personnel des biens communs (article 1437 du code civil). L'époux qui revendique une créance au nom de la communauté ne doit pas établir l'origine des fonds puisqu'ils sont présumés communs. Il doit, en revanche, établir que les deniers communs ont profité personnellement à son conjoint.

S'agissant des crédits contractés par Monsieur [W], Madame [H] sera déboutée de sa demande de récompense à ce titre, ne démontrant pas que les sommes financées par ces prêts contractés par Monsieur [W] aient profité personnellement à ce dernier et non à la communauté.

Par ailleurs, pour ce qui concerne les charges du mariage, dans le régime de la communauté légale, il convient de rappeler que les gains et salaires sont des biens de communauté (article 1401 du code civil). Madame [H] n'établit pas que Monsieur [W] ait dissipé ses revenus ou négligé de les percevoir et, de ce fait, fait défaut à son obligation de contribuer aux charges du mariage.

En conséquence, Madame [H] sera déboutée à ce titre.

Sur la demande de restitution sous astreinte d'un établi en bois massif appartenant en propre

Madame [H] soutient que Monsieur [W] a emporté un établi en bois massif fabriqué par son père et en demande restitution sous astreinte. Monsieur [W] n'a formé aucune observation sur cette demande.

Elle sera déboutée de sa demande, faute d'apporter des preuves à l'appui de sa demande.

Sur les dépens

Le jugement déféré a dit que les dépens qui comprendront les frais de l'expertise judiciaire seront supportés par les copartageants dans la proportion de leurs parts dans l'indivision. Chacune des parties sollicite que les frais d'expertise judiciaire soient mis à la charge de l'autre sans justifier les motifs.

En l'absence de contestation abusive de part et d'autre, il convient de dire les dépens de 1ère instance, dont les frais d'expertise, seront employés en frais génétaux de partage et seront partagés par moitié.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire, et après en avoir délibéré conformément à la loi :

-rejette l'exception de procédure formée par Madame [H] ;

-dit que la demande de la créance avant mariage réclamée par Monsieur [W] à l'encontre de Madame [H] est irrecevable pour cause de prescription ;

-confirme le jugement déféré ;

-déboute Madame [H] de sa demande de restitution d'un établi en bois massif ;

-déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;

-dit que les dépens de 1ère instance , dont les frais d'expertise, seront employés en frais généraux de partage et seront partagés par moitié ;

-dit que les dépens d'appel seront employés en frais généraux de partage et partagés par moitié ;

Le greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Riom
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22/02080
Date de la décision : 02/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-02;22.02080 ?
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