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25/06/2024 | FRANCE | N°21/01260

France | France, Cour d'appel de Riom, Chambre sociale, 25 juin 2024, 21/01260


25 JUIN 2024



Arrêt n°

SN/VS/NS



Dossier N° RG 21/01260 - N° Portalis DBVU-V-B7F-FTSZ



[S] [RE], SYNDICAT SUD SANTE SOCIAUX DU PUY DE DOME





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CROIX MARINE AUVERGNE RHONE ALPES





jugement au fond, origine conseil de prud'hommes - formation paritaire de clermont-ferrand, décision attaquée en date du 10 mai 2021, enregistrée sous le n° F 19/00330

Arrêt rendu ce VINGT CINQ JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, comp

osée lors des débats et du délibéré de :



M. Christophe RUIN, Président



Mme Sophie NOIR, Conseiller



Mme Karine VALLEE, Conseiller



En présence...

25 JUIN 2024

Arrêt n°

SN/VS/NS

Dossier N° RG 21/01260 - N° Portalis DBVU-V-B7F-FTSZ

[S] [RE], SYNDICAT SUD SANTE SOCIAUX DU PUY DE DOME

/

CROIX MARINE AUVERGNE RHONE ALPES

jugement au fond, origine conseil de prud'hommes - formation paritaire de clermont-ferrand, décision attaquée en date du 10 mai 2021, enregistrée sous le n° F 19/00330

Arrêt rendu ce VINGT CINQ JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :

M. Christophe RUIN, Président

Mme Sophie NOIR, Conseiller

Mme Karine VALLEE, Conseiller

En présence de Mme Valérie SOUILLAT greffier lors des débats et du prononcé

ENTRE :

Mme [S] [RE]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Assistée de Me Jean-louis BORIE de la SCP BORIE & ASSOCIES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

SYNDICAT SUD SANTE SOCIAUX DU PUY DE DOME, pris en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social sis

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Jean-louis BORIE de la SCP BORIE & ASSOCIES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

APPELANTS

ET :

CROIX MARINE AUVERGNE RHONE ALPES, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social sis

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Jean ROUX suppléant Me Antoine PORTAL, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND

INTIMEE

M. RUIN, Président et Mme NOIR, Conseiller après avoir entendu, Mme NOIR, Conseiller en son rapport, à l'audience publique du 08 Avril 2024 , tenue par ces deux magistrats, sans qu'ils ne s'y soient opposés, les représentants

des parties en leurs explications, en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré après avoir informé les parties que l'arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l'article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [S] [RE] a été embauchée en qualité de mandataire judiciaire par l'Association Croix Marine dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée du 15 juin 1985.

La salariée a exercé plusieurs mandats au sein de l'association Croix Marine Auvergne Rhône Alpes :

- membre titulaire du Comité d'entreprise, collège ouvrier-employé (élections du 6/11/20-14) sous l'étiquette du syndicat Sud Santé Sociaux

- déléguée du personnel titulaire, collège ouvrier-employé (élections du 6/1 1/2014)su syndicat Sud Santé Sociaux depuis le 6 novembre 2014

- membre du CHSCT collège ouvrier-employé par désignation du 3/05/2016

- déléguée syndicale, syndicat Sud santé sociaux désignée le 27/09/2017

- conseillère prud'homme jusqu'au 31 décembre 2017

- membre titulaire du Comité social et économique en 2019, réélue au mois de septembre 2023.

Le 15 juin 2017, l'employeur a sanctionné Mme [S] [RE] d'une mise à pied disciplinaire.

Par courrier du 20 octobre 2017, l'Association Croix Marine d'Auvergne a convoqué Mme [RE] à un entretien préalable à un éventuel licenciement et lui a notifié une mise à pied conservatoire à compter du lundi 23 octobre 2017.

Mme [S] [RE] a été placée en arrêt maladie du 6 novembre 2017 au 15 janvier 2018.

L'inspecteur du travail a refusé d'autoriser le licenciement pour motif disciplinaire par décision du 27 décembre 2017.

Cette décision a fait l'objet d'un recours hiérarchique auprès du ministre du travail.

Par décision du 6 juillet 2018, la ministre du travail a retiré sa décision implicite de rejet, a annulé la décision de l'inspecteur du travail du Puy de Dôme du 27 décembre 2017 et a refusé d'accorder l'autorisation de licenciement de Mme [RE]

Mme [RE] et le Syndicat Sud Santé Sociaux du Puy de Dôme ont saisi le conseil de prud'hommes de Clermont-Ferrand le 12 juin 2019 de diverses demandes (nullité de la mise à pied disciplinaire du 15 juin 2017, rappel de salaires sur mise à pied disciplinaire, dommages et intérêts pour sanction disciplinaire injustifiée, dommages et intérêts pour discrimination syndicale, rappel de salaires sur mise à pied conservatoire, dommages et intérêts pour préjudice subi par la profession et par le syndicat).

Par jugement du 4 novembre 2020, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté l'intervention du syndicat Sud Santé-sociaux du Puy de Dôme et la requête de l'association Croix Marine Auvergne Rhône Alpes demandant au tribunal :

- d'annuler la décision du 6 juillet 2018 du ministre du travail

- d'annuler la décision du 27 décembre 2017 de l'inspecteur du travail

- d'enjoindre à la ministre du travail de réexaminer la situation

- d'enjoindre à la ministre du travail de l'autoriser à procéder au licenciement de Mme [S] [RE] pour motif disciplinaire.

Par arrêt du 23 juin 2022, la cour administrative d'appel de Lyon a :

- déclarée admise l'intervention du syndicat Sud Santé-sociaux du Puy de Dôme

- rejeté la requête de l'association Croix Marine Auvergne Rhône Alpes tendant à voir annuler le jugement du tribunal administratif de Clermont Ferrand en ce qu'il a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 6 juillet 2018 de l'inspecteur du travail.

Par jugement du 10 mai 2021, le conseil de prud'hommes de Clermont-Ferrand a :

- Dit et jugé que Mme [RE] ne rapporte pas la preuve qu'elle a été victime de discrimination syndicale ;

- Dit et jugé que le syndicat Sud Santé Sociaux du Puy de Dôme ne rapporte pas la preuve d'un préjudice ;

- Débouté en conséquence, Mme [RE] et le syndicat Sud Santé Sociaux du Puy de Dôme de toutes leurs demandes ;

- Déboute l'Association Croix Marine d`Auvergne de sa demande au titre de l'article 700 du code

de procédure civile ;

- Condamné solidairement Mme [RE] et le syndicat Sud Santé Sociaux du Puy de Dôme aux entiers dépens.

Mme [RE] et le syndicat Sud Santé Sociaux du Puy de Dôme ont interjeté appel de ce jugement le 8 juin 2021.

Vu les conclusions notifiées à la cour le 14 février 2024 par Mme [RE] et le Syndicat Sud Sante Sociaux du Puy de Dôme ;

Vu les conclusions notifiées à la cour le 7 mars 2024 par l'Association Croix Marine d'Auvergne ;

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 11 mars 2024.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans leurs dernières conclusions, Mme [RE] et le Syndicat Sud Santé Sociaux du Puy de Dôme demandent à la cour de :

- Infirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes en ce qu'il a :

- Dit et jugé que Mme [RE] ne rapporte pas la preuve qu'elle a été victime de discrimination syndicale ;

- Dit et jugé que le syndicat Sud Santé Sociaux du Puy-de-Dôme ne rapporte pas la preuve d'un préjudice ;

- Les a débouté en conséquence, de toutes leurs demandes ;

- Les a condamné aux entiers dépens ;

Statuant à nouveau :

- Dire et juger Mme [RE] est victime de discrimination en raison de son activité syndicale ;

- Condamner l'Association Croix Marine d'Auvergne à payer et porter à Mme [RE] la somme de 15 000 euros net à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de cette discrimination, outre intérêts de droit à compter de la décision à intervenir avec capitalisation des intérêts conformément aux règles légales ;

- Annuler la mise à pied disciplinaire d'une journée adressée à Mme [RE] le 15 juin 2017 ;

- En conséquence condamner l'Association Croix Marine d'Auvergne à payer et porter à Mme [RE] les sommes suivantes :

*135.87 euros brut au titre du rappel de salaire dû outre 13.5 euros brut de congés payés afférents ;

*300 euros net au titre du préjudice subi du fait de cette sanction injustifiée ;

outre intérêts de droit à compter de la demande avec capitalisation des intérêts conformément aux règles légales ;

- Condamner l'Association Croix Marine d'Auvergne à payer et porter à Mme [RE] la somme de 2 032.52 euros brut à titre de rappel de salaire dû, outre intérêts de droit à compter de la demande avec capitalisation des intérêts conformément aux règles légales ;

- Condamner l'Association Croix Marine d'Auvergne à payer et porter au syndicat Sud Santé Sociaux du Puy-de-Dôme la somme de 5 000 euros net en réparation de l'entier préjudice subi tant par la profession que par le syndicat lui-même ;

- Condamner l'Association Croix Marine d'Auvergne à leur payer et porter la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

- Débouter l'Association Croix Marine d'Auvergne de toutes ses demandes, fins et conclusions contraires à intervenir.

Dans ses dernières conclusions, l'Association Croix Marine d'Auvergne demande à la cour de :

- Confirmer le jugement rendu entre les parties le 10 mai 2021 par le Conseil de prud'hommes

de Clermont-Ferrand, en ce qu'il :

« - Dit et juge que Mme [RE] ne rapporte pas la preuve qu'elle a été victime de discrimination syndicale ;

- Dit et juge que le syndicat Sud Santé Sociaux du Puy de Dôme ne rapporte pas la preuve d'un préjudice ;

Déboute en conséquence Mme [RE] et le syndicat Sud Santé Sociaux du Puy de Dôme de toutes leurs demandes ;

Condamne solidairement Mme [RE] et le syndicat Sud Santé Sociaux du Puy de Dôme aux entiers dépens ».

Statuant à nouveau,

Sur la discrimination syndicale,

À titre principal,

- Déclarer irrecevable car prescrite la demande de reconnaissance d'une discrimination syndicale formulée par Mme [RE] ;

- Débouter Mme [RE] de sa demande de reconnaissance d'une discrimination syndicale ;

- Débouter Mme [RE] de sa demande indemnitaire pour discrimination syndicale ;

Subsidiairement,

- Débouter Mme [RE] de sa demande de reconnaissance d'une discrimination syndicale ;

- Débouter Mme [RE] de sa demande indemnitaire pour discrimination syndicale ;

Sur les autres demandes de Mme [RE],

- Débouter Mme [RE] de sa demande d'annulation de la mise à pied disciplinaire du 15 juin 2017 ;

- Débouter Mme [RE] de sa demande de rappel de salaire sur mise à pied disciplinaire ;

- Débouter Mme [RE] de sa demande indemnitaire pour sanction disciplinaire nulle ;

- Débouter Mme [RE] de sa demande de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire ;

Sur la demande indemnitaire de l'organisation syndicale Sud Santé Sociaux,

- Débouter l'organisation syndicale Sud Santé Sociaux de sa demande indemnitaire.

En toute hypothèse,

- Débouter Mme [RE] et l'organisation syndicale Sud Santé Sociaux du Puy de Dôme de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions ;

- Condamner in solidum Mme [RE] et l'organisation syndicale Sud Santé Sociaux du Puy de Dôme à lui verser une somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, outre aux entiers dépens.

Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions, moyens et arguments des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux dernières conclusions régulièrement notifiées et visées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions recevables des parties et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion contenue dans ces écritures.

Sur la demande d'annulation de la sanction disciplinaire du 15 juin 2017 et la demande de rappel de salaire au titre de cette mise à pied disciplinaire :

Il résulte de l'article L1331-1 du code du travail que constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.

Il ressort par ailleurs de l'article L1333-1 du code du travail :

- qu'en cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction ;

- que l'employeur doit fournir au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction ;

- qu'au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ;

- que si un doute subsiste, il profite au salarié.

Selon l'article L1333-2 du code du travail le conseil de prud'hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

En l'espèce, Mme [S] [RE] conteste l'intégralité des faits qui lui sont reprochés par l'employeur dans son courrier du 15 juin 2017 de notification d'une sanction disciplinaire.

Il résulte des termes de ce courrier que Mme [S] [RE] a été sanctionnée par une mise à pied disciplinaire d'une journée le 15 juin 2017 en raison des faits suivants :

- avoir manifesté avec trois autres salariés sa réticence et son mécontentement de participer à une action de formation les 23 et 24 mai 2017 portant sur la communication non violente

- avoir ainsi contraint le formateur à mettre fin à la formation au bout d'une heure et demi.

L'employeur verse aux débats le courrier reçu de M. [SK] [O], intervenant formateur à la formation 'Communication non violente' des 23 et 24 mai 2017, dont un passage est cité dans le courrier de notification de la sanction disciplinaire.

Dans ce courrier, M. [O] indique que plusieurs participants - auxquels il n'est pas contesté que Mme [S] [RE] appartenait - ont 'clairement manifesté leur hostilité à l'égard de cette formation au motif que celle-ci était une 'mauvaise' réponse à un drame survenu en 2012 - le suicide d'un collègue - et qu'il y avait une 'notion de subordination' dans cette 'participation forcée'.

Selon M. [O], ces participants ont ensuite disqualifié le contenu et de la forme de la formation, le contraignant à reprendre avec le groupe tout entier les objectifs et le programme de celle-ci, à rappeler les excellents retours des sessions précédentes, sans succès, au point qu'il a dû arrêter la formation pour venir consulter la responsable des ressources humaines et les administrateurs de l'association présents, pour finalement décider collectivement 'd'arrêter cette session en raison de l'impossibilité d'un déroulé normal'.

Ces éléments sont corroborés par les déclarations d'autres participants :

- Mme [T] qui précise que Mme [S] [RE] a 'clairement dit qu'elle n'était pas là de son plein gré' et précise que ses collègues ont indiqué qu'ils ne souhaitaient pas participer et qu'ils 'auraient mis obstacle à certains moments de la formation'

- Mme [Y] qui désigne également Mme [S] [RE] comme ayant 'lancé la première étincelle' et mentionne que ses 2 collègues et celui de l'Esat ' se sont saisis de l'occasion et ont poussé les choses plus loin'.

Le courrier de Mme [T] adressé à l'inspecteur du travail le 14 novembre 2017 produit par Mme [S] [RE] pour justifier des conditions déloyales dans lequel ces attestations ont été recueillies par l'employeur, les confirme cependant en tous points, Mme [T] faisant en outre état 'd'une ambiance générale devenue tendue'après les déclarations d' 'hostilité' à la formation des trois participants.

Contrairement à ce que soutient Mme [S] [RE], ces pièces font état de faits précis, à savoir des propos et comportement d'hostilité à l'égard de la formation décidée par l'employeur, et non pas de simples 'sentiments' ou 'impression' de leurs auteurs.

La matérialité des faits reprochés à Mme [S] [RE] est établie et caractérise une faute disciplinaire, peu important les motifs invoqués par la salariée pour justifier son comportement réfractaire à la formation décidée par l'employeur dans le cadre plan d'actions contre les risques psycho sociaux faisant suite au suicide en 2012 d'un salarié, Monsieur [X], attribué à des relations professionnelles délétères.

En conséquence la cour, confirmant le jugement de ce chef, rejette la demande d'annulation de la sanction disciplinaire du 15 juin 2017 et la demande de rappel de salaire au titre de la journée de mise à pied disciplinaire.

Sur la demande de dommages-intérêts pour mise à pied disciplinaire injustifiée :

La sanction disciplinaire notifiée à la salariée de 15 juin 2017 étant justifiée, la cour confirme le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts pour mise à pied disciplinaire injustifié

Sur la demande de rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire :

Il est constant que Mme [S] [RE] a été mise à pied à titre conservatoire le 23 octobre 2017 dans le cadre de la procédure de licenciement que l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser le 27 décembre 2017.

De ce fait, cette mise à pied était effectivement injustifiée et Mme [S] [RE] peut prétendre à un rappel de salaire durant cette mise à pied.

Il est également constant que la salariée a été placée en arrêt de travail pour maladie du 6 novembre 2017 au 15 janvier 2018.

Au soutien de sa demande de rappel de salaire, Mme [S] [RE] fait valoir que l'employeur a retenu le montant correspondant aux indemnités journalières et a refusé de lui payer l'intégralité de son salaire durant la période de mise à pied, ce que conteste l'association Croix Marine Auvergne Rhône Alpes qui affirme que les indemnités journalières n'ont pas été déduites et qu'elle a assuré le maintien du salaire.

Il ressort des bulletins de salaire de Mme [S] [RE] des mois de novembre et décembre 2017 que l'employeur a assuré le maintien du salaire pendant la période de mise à pied à titre conservatoire.

En conséquence la cour, confirmant le jugement de ce chef, rejette la demande de rappel de salaire au titre de la mise à pied à titre conservatoire et de congés payés afférents.

Sur la demande de dommages-intérêts pour discrimination syndicale :

- Sur la recevabilité de la demande :

Selon l'article L 1134-5 du code du travail l'action en réparation d'une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination. Les dommages-intérêts réparent l'entier préjudice résultant de la discrimination pendant toute sa durée.

L'association Croix Marine Auvergne Rhône Alpes demande à la cour de déclarer prescrite la demande de reconnaissance d'une discrimination syndicale aux motifs que :

- la salariée fait état de faits de l'année 2007, date à laquelle elle aurait pris conscience d'agissements caractéristiques d'une discrimination syndicale

- or, elle a saisi le conseil des prud'hommes le 12 juin 2019 soit 12 ans après la révélation des faits prétendument discriminatoires.

Mme [S] [RE] répond que :

- elle ne disposait pas, en 2007 de tous les éléments lui permettant d'établir qu'elle était victime d'une discrimination en raison de son appartenance syndicale

- les faits qu'elle invoque ' n'ont pas cessé de produire leurs effets avant la période non atteinte par la prescription'.

La cour relève en page 32 des conclusions de Mme [S] [RE] que cette dernière invoque une discrimination syndicale en matière de promotion professionnelle puisqu'elle fait état de 'ses perspectives d'évolution au sein de l'association Croix Marine réduites à néant du seul fait de son engagement syndical'.

Parmi les faits constitutifs de discrimination, Mme [RE] fait état, notamment :

- de plusieurs refus de formation entre le mois de février 2017 et le 14 décembre 2018

- d'une surcharge de travail depuis le mois de décembre 2016

- d'un entretien d'évaluation du 19 octobre 2017 mentionnant son engagement syndical

- de la demande d'autorisation administrative de licenciement de 2017.

Dans ces conditions et dès lors que ces faits n'avaient pas cessé de produire leurs effets avant la période non atteinte pas la prescription (12 juin 2014 - 12 juin 2019) la demande n'est pas prescrite.

Le jugement déféré, qui a omis de statuer sur ce chef de demande sera complété.

- Sur le bien fondé de la demande :

Selon l'article 1 de la Loi n°2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, dans sa version en vigueur à compter du 2 mars 2017 : ' Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son origine, de son sexe, de sa situation de famille, de sa grossesse, de son apparence physique, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son patronyme, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, de son état de santé, de sa perte d'autonomie, de son handicap, de ses caractéristiques génétiques, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne le serait dans une situation comparable.

L'article L.1132-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable en la cause, interdit toute sanction ou toute mesure discriminatoire, directe ou indirecte, en raison d'un certain nombre de motifs qui y sont listés et parmi lesquels figurent notamment les activités syndicales du salarié.

L'article L 2141-5 du code du travail énonce en son premier alinéa :

« Il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail. »

Il résulte de l'article L. 1132-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, et de l'article L. 1134-1 du code du travail que, lorsque le salarié présente des éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Au soutien de sa demande de dommages et intérêts pour discrimination syndicale, Mme [S] [RE] soutient tout d'abord que, du fait de son appartenance au syndicat Sud et de ses différents mandats de représentante du personnel, elle est confrontée depuis le mois de janvier 2009 à un dialogue social dégradé et conflictuel propice à la discrimination syndicale.

Elle attribue ce contexte facilitateur de discrimination à l'égard des représentants du personnel membres du syndicat Sud à l'engagement de ces derniers contre les risques psychosociaux créés par la réorganisation, à compter de l'année 2007, du service des tutelles par Mme [W], directrice (démissionnaire en 2009) et M. [V], directeur général (démissionnaire en janvier 2020), réorganisation génératrice de stress et d'un état de souffrance des salariés.

Les pièces versées aux débats démontrent l'existence d'un climat social délétère au sein de l'association Croix Marine Auvergne Rhône Alpes, qualifié de ' déplorable' par l'inspecteur du travail dans un courrier adressé à l'employeur le 20 mai 2009 dans lequel l'inspecteur du travail évoque des tensions entre les salariés, les représentants du personnel et la direction du service (absentéisme en forte augmentation, désorganisation du service, tensions exacerbées entre les salariés ...).

La cour relève également :

- les termes d'un courrier de Mme [W] du 3 décembre 2007adressé à M. [V] dans lequel la directrice du service tutelles évoque l'inefficacité du dispositif ' cellules d'appui au dialogue social' mis en place au printemps 2007 pour tenter d'améliorer le climat social et dénonce des manifestations publiques d'agressivité, mises en cause personnelle, accusations mensongères et publiques ou encore de menaces de la part de l'une des représentants du personnel, Mme [RE], à son égard mais également à l'égard de M. [X], victime d'agressions verbales (' sort de mon bureau, dégage')

- les termes du courrier du syndicat interdépartemental CFDT santé sociaux du Puy-de-Dôme Haute-Loire adressé au président de l'association Croix Marine Auvergne Rhône Alpes le 25 novembre 2009 dans lequel ce syndicat attire l'attention du dirigeant sur 'les agissements du syndicat Sud à l'encontre de notre délégué syndical Monsieur [D] [X]' confirme les agressions verbales commises par Mme [S] [RE] sur son collègue (' dégage, sort de mon bureau') et par un autre élu DP Sud (' je t'attendrai à la fin de la réunion') et attire l'attention sur la dégradation de l'état de santé de M. [X] consécutive au comportement de Mme [S] [RE].

Si Mme [S] [RE] n'a effectivement pas été sanctionnée suite à ces deux courriers, il ne peut être tiré de cette abstention la conséquence que son comportement et ses propos agressifs n'étaient pas fautifs. En effet, cette absence de réaction de l'association Croix Marine Auvergne Rhône Alpes aux courriers des 3 décembre 2007 et 25 novembre 2009 a été retenue par le tribunal des affaires de sécurité sociale dans son jugement du 10 octobre 2013 parmi les motifs caractérisant 'une faute inexcusable de l'employeur qui est directement à l'origine du suicide de M. [X] sur son lieu de travail'.

Dans ces conditions, Mme [S] [RE] et le syndicat Sus Santé' Sociaux sont mal fondés à imputer au seul employeur l'existence du dialogue social dégradé et conflictuel régnant au sein de l'association.

En toute hypothèse, les pièces versée aux débats ne démontrent pas que ce dialogue social très dégradé, qui a manifestement impacté d'autres salariés que les représentants du personnel appartenant au syndicat Sud Santé Sociaux, était propice à une discrimination syndicale à l'encontre de ces derniers et plus particulièrement à l'encontre de la salariée.

La matérialité de ce fait n'est donc pas établie.

Mme [S] [RE] fait également état de pressions accrues visant particulièrement les représentants du personnel appartenant au syndicat Sud Santé Sociaux.

Elle allègue à cet égard que :

- en sa qualité de secrétaire du CE, Mme [RE] a alerté l'inspection du travail au mois de décembre 2012 sur une discrimination des membres du syndicat Sud et, la concernant personnellement, sur un refus d'autorisation d'absence pour participer à un congrès syndical contrairement, alors que cette autorisation avait été donnée à une représentante de la section syndicale FO

- le matériel de vote par correspondance du mois d'octobre 2014 ne comportait aucun bulletin de la liste Sud Santé Sociaux

- M. [V], directeur général de l'association Croix Marine Auvergne Rhône Alpes d'octobre 2014 à février 2020, a manifesté un acharnement personnel à l'égard des élus du syndicat Sud solidaire à de nombreuses reprises et a encouragé les actions visant à les discréditer, à les mettre en défaut ou à les pousser à la porte

- le 15 décembre 2021, l'association Croix Marine Auvergne Rhône Alpes a justifié le défaut de paiement d'une prime aux salariés par le coût d'une expertise sollicitée par le CSE dans le but de stigmatiser les représentants du personnel en les rendant responsables du non-paiement de cette prime individuelle

- depuis de nombreuses années, les élus Sud font l'objet de plus de sanctions disciplinaires que les autres salariés et ces sanctions sont injustifiées : Mme [Z] (en 2015), Mme [C] (en 2015), Mme [G] (en 2013), M. [AE] (en 2013), Mme [RE] et mme [A] (en 2017)

- face à ce climat délétère et aux difficultés rencontrées dans l'exercice de leur mandat, certains élus ont préféré quitter l'association pour éviter de mettre leur santé en danger : Mme [I] en 2014, M. [AE] en 2017, M. [N], Mme [F], Mme [EN] en 2017, Mme [MH] en 2012 et M. [E].

M. [WJ], délégué syndical Sud et membre du Comité d'entreprise de l'association Croix Marine Auvergne Rhône Alpes étant parti à la retraite à la fin de l'année 2009, son témoignage du 4 avril 2018 ne permet pas d'établir l'existence d'une pression accrue de l'employeur sur les représentants du personnel et les élus du syndicat Sud car il n'a manifestement pas assisté au phénomène qu'il dénonce.

Les allégations de Mme [S] [RE] contenues dans un courrier adressé à la DDTEFP du 4 décembre 2012 dans lequel elle évoque une discrimination assimilable à du harcèlement des membres du C.E. s'exprimant notamment au travers d'un refus d'autorisation d'absence pour participer à un congrès alors que cette autorisation a été accordée à Melle [L], RSS FO et de l'absence de mention sur le tableau récapitulatif de sa demande de formation ne sont corroborées par aucune pièce.

Contrairement à ce que soutient la salariée, le courriel de Mme [H] [EN], déléguée MJMP, adressé à M. [V] le 29 octobre 2014 pour lui signaler que le matériel de vote envoyé à son domicile ne comporte pas le bulletin de la liste Sud Santé Sociaux ne permet pas d'établir que tout le matériel de vote adressé aux salariés votants par correspondance au mois d'octobre 2014 comportait la même anomalie.

De même, l'attestation de M. [P], du 24 août 2021 par lequel ce dernier affirme qu'à de très nombreuses reprises, M. [V] a manifesté en sa présence ' un acharnement personnel envers les élus du syndicat Sud Solidaire' et encouragé ses collaborateurs à des actions les mettant en défaut, les discréditant ou les poussant ' à la porte' ne comporte l'énoncé d'aucun fait précis.

En revanche, il ressort d'une note d'information adressée par M. [XP], président de l'association Croix Marine Auvergne Rhône Alpes, à l'ensemble des salariés le 15 décembre 2021 que l'employeur a justifié le refus du conseil d'administration d'accorder une prime exceptionnelle de pouvoir d'achat de fin d'année à l'ensemble du personnel de l'association par les dépenses extrêmement importantes engagées par le CSE pour financer le recours à différents experts, recours qualifié de 'pas toujours opportun'.

Dans cette note, le président de l'association Croix Marine Auvergne Rhône Alpes regrette également ' que le dialogue avec certains représentants du personnel ne puisse se faire de façon organisée et constructive pour le bien des salariés de l'association' et ' déplore l'existence d'un climat de défiance non justifié et coûteux'.

Les termes de cette note d'information sont bien de nature à stigmatiser l'action des représentants du personnel en leur faisant endosser la responsabilité de l'absence de paiement de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat à la fin de l'année 2021.

Mme [S] [RE] verse aux débats :

- un avertissement notifié à Mme [Z], déléguée du personnel du syndicat Sud, le 4 novembre 2015, que cette salariée a contesté par courrier du 30 novembre 2015 au motif que les fautes professionnelles qui lui étaient reprochées étaient validées par l'équipe pluridisciplinaire et étaient prescrites

- une mise à pied disciplinaire d'une journée notifiée à Mme [Z] le 18 décembre 2015

- une mise à pied disciplinaire notifiée à Mme [C], membre du CHSCT appartenant au syndicat Sud santé sociaux, le 8 juin 2015

- une convocation à entretien préalable de Mme [G], déléguée du personnel du syndicat Sud Santé Sociaux en date du 29 novembre 2013

- un avertissement notifié à M. [AE], délégué du personnel et du Comité d'entreprise et membre du syndicat Sud Santé Sociaux le 22 août 2013.

Cependant, outre que ces sanctions disciplinaires ne la concernent pas directement, Mme [S] [RE] ne rapporte pas la preuve de ce que, comme elle le soutient, les élus du syndicat Sud étaient plus souvent sanctionnés que les autres salariés. En effet, les déclarations de Madame [J], représentante CGT, lors du Comité d'entreprise du 27 février 2018, dénoncant l'absence de réaction de l'employeur vis à vis de certains salariés ne respectant pas les procédures et ne 'faisant rien' sont trop imprécises.

S'agissant de la mise à pied disciplinaire notifiée à Mme [S] [RE] le 15 juin 2017, il résulte des motifs ci-dessus que cette sanction était fondée.

De même, Mme [S] [RE] ne rapporte pas la preuve de ce que les élus du syndicat Sud étaient plus souvent sanctionnés que les autres salariés dans la mesure où les déclarations de Madame [J], représentante CGT, lors du Comité d'entreprise du 27 février 2018, dénoncant l'absence de réaction de l'employeur vis à vis de certains salariés ne respectant pas les procédures et ne 'faisant rien' sont trop imprécises à ce sujet.

Mme [S] [RE] ne démontre pas non plus que les départs des autres élus du syndicat Sud Santé Sociaux sont liés à des difficultés d'exercice de leurs mandats en ce que :

- l'extrait des délibérations de la réunion plénière du Comité d'entreprise du 30 janvier 2014 relatif à l'avis sur la signature d'une rupture conventionnelle présentée par Mme [I], élue du syndicat Sud au Comité d'entreprise, mentionne que le choix de la salariée est lié à son constat qu'elle n'apporte plus rien aux résidents

- il n'est pas justifié des motifs de la démission de M. [AE], élu du syndicat Sud et des ruptures conventionnelles de M. [N] et de Mme [F]

- lors de la réunion extraordinaire du Comité d'entreprise du 29 juin 2017 Mme [EN], déléguée du personnel et membre du syndicat Sud a expliqué qu'elle avait demandé une rupture conventionnelle en raison d'une dégradation de ses conditions de travail ayant des conséquences sur sa santé et non pas en raison de difficultés d'exercice de son mandat.

- il ressort des déclarations de Mme [MH], élue suppléante du syndicat Sud au CSE, à l'occasion de la réunion extraordinaire du 31 mars 2021 que cette dernière a pris la décision de démissionner en raison de l'absence de prise en compte des preuves de dysfonctionnement des directeurs de services apportées par le CSE mais ne vise pas les seuls élus du syndicat Sud.

- si Mme [MH] ajoute qu''il lui avait été avancé que le fait qu'elle soit représentante du personnel, qui plus est sur la liste Sud', ' était un 'réel souci', l'auteur de ces propos n'a pas été sollicité pour les confirmer et de telles accusations s'avèrent trop imprécises pour caractériser une pression exercée sur les élus du syndicat Sud dans l'exercice de leurs mandats.

Enfin, Mme [S] [RE] invoque des faits de discrimination syndicale qui lui sont personnels.

Elle allègue à cet égard que :

- elle s'est vue abusivement refuser des formations

- elle n'a bénéficié que de deux formations sans lien avec ses fonctions de représentante du personnel depuis 2008, soit en 13 ans

- elle était surchargée de travail

- elle devait insister auprès de l'employeur pour qu'il prenne en compte l'exercice de ses mandats dans le calcul de sa charge de travail

- l'employeur a indiqué en octobre 2007 que les heures supplémentaires effectuées ne lui seraient pas payées

- dans le compte rendu d'entretien d'évaluation annuel du 19 octobre 2017 l'employeur précise que 'au vu de son parcours et de son engagement syndical et malgré ses qualités professionnelles, [S] sait ne pas devoir envisager quoi que ce soit au sein de l'association'

- elle a fait l'objet d'une procédure disciplinaire injustifiée au mois de février 2015, au lendemain de l'exercice d'un droit d'alerte par les délégués du personnel

- en juin 2017, l'association lui a adressé un courrier l'informant qu'à compter du 1er juin 2017, elle ne rembourserait plus les frais de dépenses inhérents à ses déplacements de conseiller prud'hommes, comme tel était le cas depuis 2008

- lors d'une réunion du Comité d'entreprise du 20 mars 2014, elle a été prise à partie sans que l'employeur n'intervienne

- la direction du service SMJPM a décidé de regrouper les trois salariés membres du syndicat Sud au fond du service, isolé des autres salariés

- la demande d'autorisation de licenciement rejetée par une décision de l'inspecteur du travail faisant le lien entre son mandat et la demande de l'employeur.

S'agissant des formations il ressort des pièces versées aux débats que :

- lors de la réunion du Comité entreprise du 30 octobre 2012, la demande de formation pour deux sessions de formation de conseiller prud'homal déposée par Mme [S] [RE] ne figurait pas dans les tableaux des demandes transmises, ce dont la salariée s'est de nouveau étonnée lors de la réunion du Comité entreprise du 29 novembre 12.

Cependant, il résulte du courriel de Mme [M] du 30 novembre 2012 que cette dernière avait oublié de transmettre la demande de formation de Mme [RE] avec les autres demandes et aucun élément ne permet d'établir que cet oubli était volontaire.

De plus, l'association Croix Marine Auvergne Rhône Alpes justifie de ce que Mme [S] [RE] a bénéficié de plusieurs formations de conseiller prud'hommes en 2012, 2014 et 2015 ainsi qu'en 2017 et la salarié l'a également reconnu dans son entretien d'évaluation du 19 octobre 2017.

- par courrier du 3 février 2015 l'Unifaf a refusé de prendre en charge la formation à la conduite sur glace de Mme [S] [RE] au motif que, d'après les informations apportées lors des échanges avec l'employeur, cette formation n'était pas indispensable pour l'exécution des missions professionnelles de cette salariée. Or, il résulte du document d'évaluation des risques professionnels du 31 octobre 2013 que la formation du personnel au risque routier et en conduite en situation d'urgence (pluie, neige, verglas ...) figurait parmi les actions de prévention

- par courriel du 22 février 2017, l'employeur a informé Mme [S] [RE] de ce qu'aucune place n'était disponible pour le service dans la formation 'Personne de confiance' en lui précisant qu'elle serait inscrite pour la prochaine session.

Or, l'association Croix Marine Auvergne Rhône Alpes ne justifie pas avoir proposé ultérieurement cette formation à la salariée

- par courrier du 18 décembre 2017 l'employeur a informé Mme [S] [RE] de ce que la formation 'La communication sereine et sans violence' ne pouvait être introduite dans le programme annuel d'utilisation des fonds - Pauf', de sorte que le motif du refus lui a bien été expliqué

- par courrier du 14 décembre 2018 la demande de formation PNL de Mme [RE] a également été refusée pour le même motif

- la fiche des formations suivies par Mme [S] [RE], produite en pièce 79 par l'association Croix Marine Auvergne Rhône Alpes, démontre que la salariée a suivi plusieurs formations sans lien avec ses fonctions de représentante du personnel à savoir plusieurs stages d'analyse des pratiques professionnelles, 'incendie et EPI' ou 'approche de la maladie mentale'.

S'agissant de la surcharge de travail alléguée, il ressort de la grille d'entretien annuel du 11 octobre 2007 que Mme [S] [RE] a demandé à ce que ses heures de délégation lui soient payées, demande que l'employeur a refusée en lui indiquant qu'elle serait plutôt déchargée de dossiers.

Par courrier du 20 novembre 2007, la salariée a signalé qu'elle continuait à assurer le suivi de 48 mesures de protection soit une charge de travail supérieure à celle dévolue à un délégué à la tutelle à temps plein, ce que l'employeur a contesté par courrier du 17 décembre 2007.

Ces éléments ne sont pas suffisants pour établir une surcharge de travail au cours de l'année 2007.

La surcharge de travail alléguée est également incompatible avec le refus de Mme [RE], le 12 avril 2017, de se décharger du dossier hors secteur d'une majeure protégée résident en Corrèze.

Le courriel de Mme [B] du 11 juillet 2019 dans lequel la salariée demande à Mme [R] de ne plus 'attribuer de nouvelles mesures à Mme [RE] et ce même si elle le demande' ne vaut pas reconnaissance de ce que Mme [RE] était surchargée de travail jusqu'à cette date.

Mme [S] [RE] produit également des tableaux récapitulant la charge de travail des mandataires au cours des années 2016 à 2019.

Cependant, l'employeur rapporte la preuve par des tableaux synthétiques établis au titre des années 2016, 2017, 2018 et 2019 sur la base des données extraites des tableaux produits par Mme [S] [RE] que la charge de travail de celle-ci n'était pas supérieure à celle de ses collègues exerçant les mêmes fonctions et la cour observe que Mme [S] [RE] n'apparaît jamais parmi les salariés les plus chargés.

L'existence d'une surcharge de travail de Mme [S] [RE] n'est pas établie.

En revanche, il est démontré que Mme [S] [RE] a demandé à l'employeur de prendre en compte l'exercice de ses mandats dans sa charge de travail et que ce dernier lui a indiqué en octobre 2007 que les heures supplémentaires effectuées en raison de l'exercice de ses activités syndicales ne lui seraient pas payées.

De même, Mme [S] [RE] rapporte la preuve, par la production de la trame d'entretien professionnel du 19 octobre 2017, que l'employeur a effectivement mentionné : ' au vu de son parcours et de son engagement syndical et malgré ses qualités professionnelles, [S] sait ne pas devoir envisager quoi que ce soit au sein de l'association.

[S] aspire à la retraite'.

Mme [S] [RE] démontre également que le 26 février 2015, l'association Croix Marine Auvergne Rhône Alpes lui a notifié un 'rappel à l'ordre par écrit en raison de propos agressifs tenus les 10 et 16 décembre 2014 envers deux collègues de travail sur lesquels l'employeur a refusé de lui fournir plus de précisions lors de l'entretien préalable du 23 février 2015.

Or, contrairement à ce que mentionne l'employeur dans son du 26 février 2015, ce courrier s'analyse bien en une notification d'une sanction disciplinaire.

En effet, selon l'article L. 1331-1 du code du travail, constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.

En outre, l'association Croix Marine Auvergne Rhône Alpes n'a pas contesté que cette procédure disciplinaire avait été initiée au lendemain d'une réunion DP-CHSCT dont l'objet était d'envisager les suites du droit d'alerte lancé par les DP du service MJPM.

Le courrier adressé le 6 juin 2017 par l'association Croix Marine Auvergne Rhône Alpes à la salariée démontre que l'employeur a décidé de ne plus lui rembourser ses frais de déplacement jusqu'au conseil des prud'hommes à compter du 1er juin 2017.

En revanche, le seul courriel adressé à l'inspection du travail par Mme [K], élue du syndicat Sud au CE du 21 mars 2014 n'est pas suffisant pour établir que Mme [S] [RE] a été prise à partie lors d'une réunion du comité d'entreprise du 20 mars 2014 sans que l'employeur n'intervienne.

Le courriel de l'employeur du 22 mars 2018 adressant aux salariés la répartition des bureaux accompagné du plan de localisation des bureaux démontre que ce projet prévoyait de regrouper Mme [S] [RE], Mme [A] et M. [E], tous trois représentants du syndicat Sud Santé Sociaux, au fond des bureaux, à l'écart des autres salariés.

Enfin, il est constant que la demande d'autoriser le licenciement de Mme [S] [RE] présentée par l'association Croix Marine Auvergne Rhône Alpes le 31 octobre 2017 a été rejetée.

Contrairement à ce que soutient l'association Croix Marine Auvergne Rhône Alpes, tous les faits dont la matérialité est établie, pris dans leur ensemble, laissent présumer l'existence d'une discrimination syndicale.

Or, l'employeur ne rapporte pas la preuve que toutes ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Il est ainsi établi que Mme [S] [RE] a été victime d'une discrimination syndicale.

Au vu des pièces médicales versées aux débats qui démontrent l'existence d'un état anxio dépressif et de l'absence d'évolution professionnelle liée aux activités syndicales de la salariée reconnue dans l'entretien du 19 octobre 2017, la cour évalue à la somme de 10 000 euros le montant des dommages et intérêts permettant de réparer le préjudice subi, assortis d'intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.

Sur la demande de dommages et intérêts du syndicat Sud Santé Sociaux du Puy de Dôme :

Au soutien de sa demande de dommages et intérêts, le syndicat Sud Santé Sociaux du Puy-de-Dôme soutient que 'la défiance et l'acharnement ostensibles dont fait preuve l'association à l'égard de trois de ses membres, en l'espèce, Monsieur [U] [E], Madame [A] et Madame [RE]', lui ont porté atteinte et que le comportement apparent de l'employeur à l'encontre de ces mêmes salariés a été de nature à décrédibiliser le syndicat.

Il sollicite l'indemnisation 'de l'entier préjudice subi du fait de l'atteinte à la profession et du fait de l'atteinte particulière à Sud Santé Sociaux'.

Cependant, s'il est établi que Mme [S] [RE] a bien été victime de discrimination syndicale, il n'est pas démontré de lien entre cette discrimination et la perte de crédit alléguée par le syndicat Sud Santé Sociaux du Puy-de-Dôme.

Il n'est par ailleurs ni démontré, ni justifié d'une atteinte à l'intérêt de la profession causée par la discrimination dont a été personnellement victime Mme [S] [RE].

En conséquence la cour, confirmant le jugement de ce chef, rejette la demande de dommages-intérêts présentée par le syndicat Sud Santé Sociaux du Puy-de-Dôme.

Sur la capitalisation des intérêts légaux :

La capitalisation des intérêts sera ordonnée, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil.

Sur les demandes accessoires :

Partie perdante, l'association Croix Marine Auvergne Rhône Alpes supportera la charge des dépens de première instance et d'appel.

Par ailleurs, Mme [S] [RE] a dû pour la présente instance exposer tant en première instance qu'en appel des frais de procédure et honoraires non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser intégralement à sa charge.

Il y a donc lieu d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a déboutée de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner l'employeur à lui payer sur le même fondement une indemnité de 2 000 euros au titre des frais qu'elle a dû exposer en première instance et en appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement entrepris, SAUF en ce qu'il a :

- dit que Mme [S] [RE] ne rapporte pas la preuve qu'elle a été victime de discrimination syndicale ;

- rejeté la demande de dommages-intérêts pour discrimination syndicale de Mme [S] [RE] ;

- rejeté la demande présentée par Mme [S] [RE] sur le fondement de l'article 700 du code civil ;

- condamné solidairement Mme [S] [RE] et le syndicat Sud Santé Sociaux du Puy-de-Dôme aux dépens ;

Statuant à nouveau sur ces chefs et y ajoutant :

DECLARE la demande de reconnaissance d'une discrimination syndicale recevable ;

DIT que Mme [S] [RE] est victime de discrimination en raison de son activité syndicale ;

CONDAMNE l'association Croix Marine Auvergne Rhône Alpes à payer à Mme [S] [RE] la somme de 10 000 euros pour discrimination syndicale ;

DIT que les sommes allouées supporteront, s'il y a lieu, le prélèvement des cotisations et contributions sociales ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière ;

CONDAMNE l'association Croix Marine Auvergne Rhône Alpes à payer à Mme [S] [RE] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE l'association Croix Marine Auvergne Rhône Alpes aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.

Le greffier, Le Président,

V. SOUILLAT C. RUIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Riom
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/01260
Date de la décision : 25/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-25;21.01260 ?
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