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25/06/2024 | FRANCE | N°21/01229

France | France, Cour d'appel de Riom, Chambre sociale, 25 juin 2024, 21/01229


25 JUIN 2024



Arrêt n°

SN/VS/NS



Dossier N° RG 21/01229 - N° Portalis DBVU-V-B7F-FTP7



[I] [F]



/



S.A.R.L. LES AIRELLES, S.A.S. LE [Adresse 5]





jugement au fond, origine conseil de prud'hommes - formation paritaire de Clermont-Ferrand, décision attaquée en date du 06 mai 2021, enregistrée sous le n° F 19/00415

Arrêt rendu ce VINGT CINQ JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibérÃ

© de :



M. Christophe RUIN, Président



Mme Sophie NOIR, Conseiller



Mme Karine VALLEE, Conseiller



En présence de Mme Valérie SOUILLAT greffier ...

25 JUIN 2024

Arrêt n°

SN/VS/NS

Dossier N° RG 21/01229 - N° Portalis DBVU-V-B7F-FTP7

[I] [F]

/

S.A.R.L. LES AIRELLES, S.A.S. LE [Adresse 5]

jugement au fond, origine conseil de prud'hommes - formation paritaire de Clermont-Ferrand, décision attaquée en date du 06 mai 2021, enregistrée sous le n° F 19/00415

Arrêt rendu ce VINGT CINQ JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :

M. Christophe RUIN, Président

Mme Sophie NOIR, Conseiller

Mme Karine VALLEE, Conseiller

En présence de Mme Valérie SOUILLAT greffier lors des débats et du prononcé

ENTRE :

Mme [I] [F]

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentée par Me Zakia BOURDAT LACROIX suppléant Me Clémence MARCELOT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

APPELANTE

ET :

S.A.R.L. LES AIRELLES prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social sis

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Thomas FAGEOLE de la SAS HDV AVOCATS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND et par Me Sophie LACQUIT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

S.A.S. LE [Adresse 5] prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social sis

[Adresse 7]

[Localité 2]

Représentée par Me Sophie LACQUIT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

et par Me Thomas FAGEOLE, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

INTIMEES

M. RUIN, Président et Mme NOIR, Conseiller après avoir entendu, Mme NOIR, Conseiller en son rapport, à l'audience publique du 08 Avril 2024 , tenue par ces deux magistrats, sans qu'ils ne s'y soient opposés, les représentants des parties en leurs explications, en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré après avoir informé les parties que l'arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l'article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

La SARL LES AIRELLES exploite un commerce de boulangerie/pâtisserie traditionnelle et traiteur à [Localité 4].

La société [Adresse 5] exploite un commerce de réceptions, d'organisation d'événements et d'hébergement.

Mme [I] [F] a été embauchée par la société Les Airelles en qualité de vendeuse au coefficient 155 de la convention collective de la boulangerie Pâtisserie, d'abord par deux CDD, puis par CDI à compter du 15 février 2016.

Mme [F] a été placée en arrêt de travail pour maladie entre le 7 septembre et le 15 octobre 2017, puis entre le 10 novembre 2017 et le 22 juillet 2018.

Le 23 juillet 2018, la salariée a été déclarée inapte par le médecin du travail dans les termes suivants : ' état de santé faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi

Par courrier du 23 août 2018, Mme [F] a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Le courrier est ainsi libellé :

'Madame,

Nous revenons vers vous à la suite de notre entretien du 20 août dernier pour lequel vous étiez assistée de MR [Y] [H], sous l'inscription 1600328 du 25 02 2016.

Nous avons le regret de vous informer que nous avons en définitive pris la décision de vous licencier pour le motif suivant.

Le 23 juillet 2018, le Médecin du travail vous a déclaré dans le cadre d'une visite médicale de reprise, inapte de manière définitive à votre poste de travail de vendeuse.

Le Docteur [C] a conclu que votre état de santé faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

Sur la base de cet avis, nous sommes donc dans l'impossibilité de procéder à une recherche de reclassement et ainsi de vous reclasser, ce dont nous vous avons informé par courrier daté du 2 août dernier.

A la suite des échanges que vous avez eus avec le médecin et de l'avis d'inaptitude définitive qui a été rendu, vous n'avez pas contesté celui-ci.

Aussi, le médecin du travail ayant considéré que votre état de santé faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi, nous n'avons pas d'autre solution que de procéder à la rupture de votre contrat de travail, à la suite de votre inaptitude définitive à votre poste de vendeuse.

Cette inaptitude fait obstacle à la possibilité d'exécuter votre préavis d'une durée de deux mois.

Votre contrat de travail sera ainsi rompu à la date de notification du présent courrier.

Vous continuerez à bénéficier gratuitement du régime de complémentaire santé d'entreprise à compter de la date de cessation de votre contrat de travail.

Le maintien des garanties s'appliquera pendant une durée égale à votre période d'indemnisation chômage, dans la limite de 12 mois.

Le maintien de la couverture cessera ainsi à l'expiration de la période de maintien des droits, ou en cas de reprise d'un nouvel emploi.

Vous devrez justifier auprès de l'organisme assureur de votre prise en charge par le régime d'assurance chômage et l'informer de l'éventuelle cessation du versement des allocations d'assurance chômage.

Nous profitons du présent courrier pour vous libérer de toute clause de non concurrence qui pourrait vous lier à notre société.

Nous vous transmettrons dans les meilleurs délais les documents relatifs à la rupture de votre contrat de travail ainsi que votre solde de tout compte.

Enfin, nous vous informons que vous pouvez formuler une demande de précision des motifs du licenciement énoncés dans la présente lettre dans les 15 jours suivant sa notification, ce par LRAR ou lettre remise contre récépissé. Nous aurons la faculté d'y donner suite dans les mêmes formes, dans un délai de 15 jours après réception de votre demande.

Nous vous prions de recevoir, Madame, l'expression de nos sentiments distingués.

Pour la société

[X] [W]'

Mme [F] a saisi le conseil de prud'hommes de Clermont-Ferrand le 22 août 2019 de demandes dirigées contre la société Les Airelles (rappel de salaires au titre d'heures supplémentaires, contestation du bien fondé du licenciement) et d'une demande de condamnation in solidum des sociétés Airelles et [Adresse 5] à lui payer une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

Par jugement du 6 mai 2021, le conseil de prud'hommes de Clermont-Ferrand a :

- Dit et jugé que Mme [F] ne démontre pas qu`il y avait une relation de travail entre elle et la Sas Le [Adresse 5] ;

- Met en conséquence hors de cause la Sas Le [Adresse 5] et dit que les demandes de Mme [F] formées à son encontre sont irrecevables :

- S'est déclaré compétent pour statuer sur les demandes de Mme [F] formées à l'encontre de la Sarl Les Airelles ;

- Dit et jugé que la Sarl Les Airelles est redevable d'heures supplémentaires au profit de Mme [F] ;

En conséquence,

- Condamné la Sarl Les Airelles à payer et porter à Mme [F] les sommes de :

* 3 225,74 euros à titre de rappel sur heures supplémentaires, outre celle de ;

* 322,57 euros au titre des congés payés afférents ;

- Dit et jugé que Mme [F] ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un travail dissimulé et ne démontre pas que son inaptitude est imputable au comportement fautif de son employeur ;

- Débouté en conséquence Mme [F] de ses demandes à ce titre ;

- Condamné la Sarl Les Airelles à verser à Mme [F] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Débouté La Sarl Les Airelles et la Sas Le [Adresse 5] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné la Sarl Les Airelles aux entiers dépens.

Mme [F] a interjeté appel de ce jugement le 3 juin 2021.

Vu les conclusions notifiées à la cour le 30 août 2021 par Mme [F],

Vu les conclusions notifiées à la cour le 25 mars 2024 par la Sarl Les Airelles et la Sas Le [Adresse 5],

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 8 avril 2024.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions, Mme [F] demande à la cour de :

- Recevoir son appel, limité aux chefs de demande expressément critiqués ;

- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- Dit et jugé qu'elle ne démontrait pas qu'il y avait une relation de travail entre elle et la Sas le [Adresse 5] ;

- Mis en conséquence, hors de cause la Sas le [Adresse 5] et dit que les demandes de Mme [F] formées à son encontre sont irrecevables ;

- Dit et jugé que Mme [F] ne rapportait pas la preuve de l'existence d'un travail dissimulé et ne démontrait pas que son inaptitude est imputable au comportement fautif de l'employeur ;

- L'a déboutée en conséquence, de ses demandes à ce titre.

Statuant de nouveau :

- Dire et juger que son inaptitude résulte du comportement fautif de son employeur ;

En conséquence,

- Dire et juger que le licenciement intervenu est dénué de cause réelle et sérieuse ;

- Condamner la société Les Airelles à lui payer et porter la somme 3.088 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 308,80 euros à titre de congés payés afférents ;

- Condamner la société Les Airelles à lui payer et porter la somme 4.632 euros à titre de justes

dommages et intérêts ;

- Dire et juger qu'elle est victime de travail dissimulé de la part de la société Les Airelles et de la société [Adresse 5] ;

En conséquence,

- Condamner solidairement les sociétés Les Airelles et [Adresse 5] à lui payer et porter la somme de 9.264 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de l'article l. 8223-1 du code du travail ;

- Condamner solidairement les sociétés Les Airelles et [Adresse 5] à lui payer et porter la somme de 2.000 euros au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique

- Statuer ce que de droit sur les dépens ;

- Pour le surplus, confirmant le jugement entrepris :

- Dire et juger qu'elle a effectué des heures supplémentaires non rémunérées par son employeur ;

En conséquence,

- Condamner la société Les Airelles à lui payer et porter la somme 2.698 euros à titre de rappels

de salaire sur heures supplémentaires au titre de l'année 2016, outre la somme de 269,80 euros à titre de congés payés afférents ;

- Condamner la société Les Airelles à lui payer et porter la somme 527,74 euros à titre de rappels

de salaire sur heures supplémentaires au titre de l'année 2017, outre la somme de 52,77 euros à

titre de congés payés afférents.

Dans leurs dernières conclusions, la Sarl Les Airelles et la Sas Le [Adresse 5] demandent à la cour de :

- Infirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Clermont-Ferrand en date du 06 mai 2021 en ce qu'il a :

- Débouté la Sas Le [Adresse 5] de sa demande formée au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile et au titre des dépens ;

- Dit et jugé que la Sarl Les Airelles est redevable d'heures supplémentaires au profit de Mme [F] ;

- Condamné la Sarl Les Airelles à payer et porter à Mme [F] les sommes de :

* 3.225,74 euros à titre de rappel sur heures supplémentaires ;

* 322,57 euros au titre des congés payés afférents ;

* 1.000 euros au titre de l'article 70 du Code de Procédure Civile, outre les entiers dépens ;

- Débouté la Sarl Les Airelles de sa demande formée au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- Confirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Clermont-Ferrand en date du 06 mai 2021 pour le surplus ;

En conséquence,

- Débouter Mme [F] de l'ensemble des demandes, fins et prétentions présentées à l'encontre de la Sas Le [Adresse 5] ;

- Débouter Mme [F] de l'ensemble des demandes, fins et prétentions présentées à l'encontre de la Sarl Les Airelles ;

- Condamner Mme [F] au règlement d'une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile au profit de la Sas Le [Adresse 5] ;

- Condamner Mme [F] au règlement d'une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile au profit de la Sarl Les Airelles ;

- Condamner Mme [F] aux entiers dépens.

Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions, moyens et arguments des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux dernières conclusions régulièrement notifiées et visées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire la cour rappelle :

- qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions recevables des parties et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion contenue dans ces écritures

- les demandes de 'constater' ou de 'dire et juger' lorsqu'elles ne constituent pas des prétentions mais des rappels de moyens, ne saisissent la cour d'aucune prétention, la cour ne pouvant alors que confirmer le jugement.

Sur la demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires :

La durée légale du travail effectif de 35 h par semaine prévue à l'article L 3121-27 du code du travail, dans sa rédaction issue de la Loi 2016-1088 du 8 août 2016, constitue le seuil de déclenchement des heures supplémentaires payées à un taux majoré dans les conditions de l'article L3121-28 du même code, dans sa rédaction issue de la Loi 2016-1088 du 8 août 2016.

Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'agent de contrôle de l'inspection du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments de contrôle de la durée du travail. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce, Mme [I] [F] produit au soutien de sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires des années 2007 et 2017 dirigée contre la société Les Airelles des tableaux manuscrits récapitulant ses horaires de travail et le total des heures réalisées chaque jour entre le 1er août 2016 et le 31 octobre 2017 (pièce 12).

Ces éléments sont suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'elle prétend avoir accomplies afin de permettre à la société Les Airelles, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement.

Or, la société Les Airelles se borne à critiquer le caractère des éléments produits par la salariée et à rappeler les horaires de travail contractuels mais ne verse pas aux débats ses propres éléments de contrôle de la durée du travail.

En conséquence la cour, confirmant le chef, condamne la société Les Airelles à payer à Mme [I] [F] la somme de 3 225,74 euros à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires outre 322,57 euros au titre des congés payés afférents.

Sur la demande de condamnation in solidum des sociétés Les Airelles et le [Adresse 5] au paiement d'une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé :

Sur l'existence d'un contrat de travail entre Mme [I] [F] et la société Domaines des Plaines :

L'existence d'une relation de travail salariée ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité professionnelle.

La preuve de l'existence d'un contrat de travail incombe à la partie qui s'en prévaut.

Pour qu'une convention soit qualifiée de contrat de travail, il faut qu'une personne (le salarié) accepte de fournir contre rémunération une prestation de travail au profit d'une autre personne (l'employeur) en se plaçant dans un état de subordination juridique vis-à-vis de cette dernière.

Le lien de subordination juridique est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

La jurisprudence ne caractérise pas toujours l'établissement des trois critères de contrôle, directive et sanction.

La preuve de l'existence d'un contrat de travail se rapporte par tous moyens et le juge se détermine selon un faisceau d'indices révélant l'exercice de contraintes imposées pour l'exécution du travail, par exemple :

- le pouvoir de donner des directives et d'en contrôler l'exécution

- le pouvoir disciplinaire

- l'exercice de l'activité dans les locaux de l'entreprise ou dans les lieux et aux conditions fixées par l'employeur

- l'obligation de rendre compte de l'activité

- la fourniture du matériel par l'employeur.

Au soutient de sa demande de condamnation solidaire de la société Les Airelles et de la société Le [Adresse 5] à lui payer une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, Mme [I] [F] soutient qu'elle a été mise à la disposition de la société Le [Adresse 5] en dehors de tout cadre légal.

Toutefois, le travail dissimulé suppose qu'une relation salariale soit caractérisée.

Or, la société Les Airelles fait justement valoir que Mme [I] [F] ne rapporte aucune preuve de l'existence d'un travail réalisé pour le compte de la société Le [Adresse 5] dans un état de subordination juridique vis-à-vis de cette dernière.

En effet, il résulte des attestations de M. [V], de M. [U] et de Mme [R] que le premier a entendu dire que Mme [I] [F] travaillait au [Adresse 5] mais qu'il ne l'a jamais constaté par lui-même, et que les deux autres ont simplement constaté que Mme [I] [F] a travaillé au [Adresse 5] mais ils ne font état d'aucun élément permettant de caractériser un lien de subordination entre Mme [I] [F] et cette société.

La preuve de l'existence d'un contrat de travail entre Mme [I] [F] et la société [Adresse 5] n'est donc pas rapportée.

Sur le travail dissimulé :

L' article L. 8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé, et l'article L. 8221-5, 2° du même code dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié, le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

Aux termes de l' article L.8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours en commettant les faits prévus à l'article L.8221-5 précité a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Le caractère intentionnel du travail dissimulé ne peut ainsi se déduire de la seule absence de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie et il incombe au salarié de rapporter la preuve d'une omission intentionnelle de l'employeur.

La dissimulation d'emploi peut résulter de ce que l'employeur a imposé au salarié de travailler au-delà des jours prévus dans la convention de forfait en jours, sans mentionner ces jours de travail sur les bulletins de paie ou de ce que l'employeur n'a pas respecté son obligation de suivi du temps de travail du salarié soumis au forfait.

Le montant de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé doit être calculé en tenant compte des heures supplémentaires accomplies par le salarié au cours des six derniers mois précédant la rupture du contrat de travail.

S'agissant de la société Le [Adresse 5], il résulte des motifs ci-dessus que Mme [I] [F] ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un contrat de travail avec cette société, élément préalable nécessaire à la caractérisation d'un travail dissimulé.

En conséquence la cour, confirmant le jugement de ce chef, prononce la mise hors de cause de la société Le [Adresse 5].

S'agissant de la société Les Airelles, Mme [I] [F] soutient que cette société n'a pas mentionné les heures supplémentaires effectuées et a dissimulé le prêt de main d'oeuvre auprès de la société Le [Adresse 5].

Cependant, l'existence d'un prêt de main d'oeuvre ne résulte d'aucune des pièces versées aux débats et l'intention de la société Les Airelles de dissimuler les heures supplémentaires impayées n'est pas démontrée.

En conséquence la cour, confirmant le jugement de ce chef, rejette la demande de paiement d'une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

Sur le licenciement :

Est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude lorsqu'il est démontré que l' inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée.

Au soutient de sa contestation du bien fondé du licenciement, Mme [I] [F] fait valoir que le comportement de l'employeur est à l'origine de l'inaptitude.

Elle invoque une situation d'épuisement professionnel liée à son cumul d'emploi et un harcèlement moral et sexuel de son employeur.

La cour relève que :

- les arrêts de travail produits par Mme [I] [F] ne mentionnent pas de motif médical hormis le dernier du 22 juin 2018 qui indique un état dépressif majeur

- par courrier du 20 mars 2018, Mme [I] [F] a demandé à la société Les Airelles une rupture conventionnelle

- aucun élément de démontre l'existence d'un épuisement lié aux conditions de travail de Mme [F] ni que l'état dépressif de la salariée est en lien avec son travail

- le dossier de la médecine du travail ne mentionne aucun fait précis imputable à l'employeur mais uniquement 'qqs soucis avec le patron' à la reprise le 15 octobre 2017, sans précision sur la nature de ces problèmes

- la plainte déposée par Mme [I] [F] pour harcèlement sexuel contre M. [W] le 13 juillet 2018 a été classée sans suite

- aucune des pièces versées aux débats ne vient corroborer les allégations de Mme [I] [F] sur les faits d'agressions sexuelles imputées à M. [W] depuis le mois de janvier 2016, relatées dans son PV d'audition du 13 juillet 2018.

Ces éléments, pris dans leur ensemble, ne laissent pas présumer l'existence d'un harcèlement moral ou sexuel de la part de l'employeur.

De plus, Mme [I] [F] ne produit aucun élément permettant d'établir l'origine de son inaptitude et notamment l'existence d'un lien entre cette inaptitude et le comportement de son employeur.

En conséquence la cour, confirmant le jugement de ce chef, rejette les demande tendant à voir juger que le licenciement de Mme [I] [F] n'est pas fondé sur une cause réelle et sérieuse et de condamnation de la société Les Airelles à lui payer une indemnité compensatrice de préavis et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les demandes accessoires :

Partie perdante au principal, la société Les Airelles supportera la charge des dépens de première instance et d'appel.

Par ailleurs, Mme [I] [F] a dû pour la présente instance exposer tant en première instance qu'en appel des frais de procédure et honoraires non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser intégralement à sa charge.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Les Airelles à lui payer la somme de 1000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans la mesure où Mme [I] [F] succombe en son appel, sa demande d'indemnisation des frais irrépétibles sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant :

CONDAMNE la société Les Airelles aux dépens de la procédure d'appel ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.

Le greffier, Le Président,

V. SOUILLAT C. RUIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Riom
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/01229
Date de la décision : 25/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-25;21.01229 ?
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