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11/06/2024 | FRANCE | N°21/02450

France | France, Cour d'appel de Riom, 1ère chambre, 11 juin 2024, 21/02450


COUR D'APPEL

DE RIOM

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE







Du 11 juin 2024

N° RG 21/02450 - N° Portalis DBVU-V-B7F-FW3A

-LB- Arrêt n° 264



[G] [C], [I] [O], [D] [J] [O], [E] [O] / [Z] [S]



Jugement au fond, origine Juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de CLERMONT- FERRAND, décision attaquée en date du 21 Octobre 2021, enregistrée sous le n° 21/00128



Arrêt rendu le MARDI ONZE JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE



COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

M. P

hilippe VALLEIX, Président

M. Daniel ACQUARONE, Conseiller

Mme Laurence BEDOS, Conseiller



En présence de :

Mme Marlène BERTHET, greffier lors de l'appel des...

COUR D'APPEL

DE RIOM

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

Du 11 juin 2024

N° RG 21/02450 - N° Portalis DBVU-V-B7F-FW3A

-LB- Arrêt n° 264

[G] [C], [I] [O], [D] [J] [O], [E] [O] / [Z] [S]

Jugement au fond, origine Juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de CLERMONT- FERRAND, décision attaquée en date du 21 Octobre 2021, enregistrée sous le n° 21/00128

Arrêt rendu le MARDI ONZE JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

M. Philippe VALLEIX, Président

M. Daniel ACQUARONE, Conseiller

Mme Laurence BEDOS, Conseiller

En présence de :

Mme Marlène BERTHET, greffier lors de l'appel des causes et du prononcé

ENTRE :

Mme [G] [O] épouse [C]

[Adresse 1]

[Localité 5]

et

M. [I] [O]

[Adresse 7]

[Localité 10]

et

M. [D] [J] [O]

[Adresse 3]

[Localité 8]

et

M. [E] [O]

[Adresse 2]

[Localité 9]

Tous quatre représentés par Maître Antoine PORTAL de la SARL TRUNO & ASSOCIES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

Timbre fiscal acquitté

APPELANTS

ET :

M. [Z] [S]

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représenté par Maître Gilles-Jean PORTEJOIE de la SCP PORTEJOIE, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

Timbre fiscal acquitté

INTIME

DÉBATS :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 11 avril 2024, en application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme BEDOS, rapporteur.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 11 juin 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. VALLEIX, président et par Mme BERTHET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Aux termes d'un acte reçu le 15 juin 2012 par maître [K], notaire à [Localité 5], M. [Z] [S] a vendu à [A] [O] et à sa fille, [G] [O] épouse [C], acquéreurs chacun à concurrence de 50 %, une propriété à usage d'habitation, située [Adresse 4] à [Localité 6] (Puy-de-Dôme), comprenant au sous-sol, garage, cave, salle d'eau-wc, au rez-de-chaussée surélevé séjour, salon, cuisine, chambre et salle de bains, au premier étage mansardé deux chambres et un grenier, avec un jardin, au prix de 519 592,32 euros.

Par acte notarié reçu 12 juillet 2012 par maître [K], [A] [O] et [G] [O] épouse [C] ont donné à bail la même propriété à M. [Z] [S] moyennement le règlement d'un loyer annuel de 12'000 euros, payable mensuellement et d'avance le 5 de chaque mois, et pour la première fois le 5 septembre 2012, par termes de 1000 euros. Il était prévu au bail une clause de révision annuelle du loyer.

Par jugement du 28 novembre 2017, le tribunal de grande instance de Saint-Etienne, saisi sur renvoi d'un jugement du 29 mai 2017 du tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand, lui-même saisi par la Caisse nationale des barreaux français, a constaté l'état de cessation des paiements de maître [Z] [S] et ouvert à son égard une procédure de redressement judiciaire.

Par jugement du 28 février 2018, le tribunal de grande instance de Saint-Etienne a prononcé la conversion de la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire

[A] [O] est décédé le 18 août 2019.

Par jugement du 6 février 2020, le tribunal judiciaire de Saint-Etienne a prononcé la clôture de la liquidation judiciaire de maître [Z] [S] pour insuffisance d'actif.

Par acte d'huissier en date du 2 décembre 2020, Mme [C] a fait délivrer à M. [S] un commandement, visant la clause résolutoire prévue au bail, de payer la somme de 45'630,59 euros en principal au titre de loyers impayés, suivant décompte arrêté au 5 novembre 2020, hors charges.

Par courriel du 9 décembre 2020, maître [P], huissier mandaté par Mme [C] pour le recouvrement de la créance, a informé M. [S] qu'en considération du « versement intermédiaire » intervenu, et après échange avec maître [K] et Mme [C], celle-ci renonçait aux causes du commandement.

Par acte d'huissier en date du 8 janvier 2021, établi au nom de Mme [G] [O] épouse [C], Mme [B] [L], Mme [H] [X], M. [D] [J] [O], M. [N] [O], M. [E] [O], M.[I] [O], Mme [U] [R] épouse [M], Mme [W] [R], M. [Y] [R] et M. [T] [R], un congé pour vendre a été signifié à M. [Z] [S].

Par acte d'huissier délivré le 18 février 2021 au nom des mêmes personnes, il a été signifié à M. [S] un commandement, visant la clause résolutoire prévue au bail, de payer la somme de 5034,44 euros au titre des loyers impayés postérieurs à la délivrance du commandement du 2 décembre 2020 (décembre 2020, janvier et février 2021, soit trois mensualités de 1067 euros outre 1027,68 euros au titre d'un retard d'indexation sur cinq années) et de la somme de 634, 30 euros au titre de la clause pénale,

Par acte du 4 mars 2021, M. [Z] [S] a fait assigner devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand Mme [G] [O] épouse [C], Mme [B] [L], Mme [H] [X], M. [D] [J] [O], M. [N] [O], M. [E] [O], M.[I] [O], Mme [U] [R] épouse [M], Mme [W] [R], M. [Y] [R] et M. [T] [R] pour obtenir le prononcé de la nullité du congé pour vendre signifié le 8 janvier 2021 et du commandement de payer les loyers visant la clause résolutoire signifié le 18 février 2021.

Par jugement rendu le 21 octobre 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand a statué en ces termes :

-Déclare nul et de nul effet le congé pour vendre délivré le 8 janvier 2021 ;

-Déclare nul et de nul effet le commandement de payer visant la clause résolutoire délivré le 18 février 2021 ;

-Donne acte à M. [Z] [S] de ce qu'il se désiste de toutes ses demandes à l'encontre de Mme [H] [X] ;

-Condamne solidairement Mme [G] [O] épouse [C], Mme [B] [L], M. [D] [J] [O], M. [N] [O], M. [E] [O], M.[I] [O], Mme [U] [R] épouse [M], Mme [W] [R], M. [Y] [R] et M. [T] [R] à payer à M. [Z] [S] la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Portejoie et Associés, avocat, en application de l'article 699 du code de procédure civile ;

-Rappelle que la présente décision est de droit exécutoire à titre provisoire ;

-Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

Mme [G] [O] épouse [C], M.[I] [O], M. [D] [J] [O] et M. [E] [O] ont relevé appel de cette décision par déclaration électronique enregistrée le 22 novembre 2021.

Par ordonnance rendue le 21 décembre 2023, le magistrat chargé de la mise en état a :

-Rejeté les demandes des appelants tendant à constater le dessaisissement du conseiller de la mise en état ;

-Rejeté la demande formée par les appelants tendant à décliner la compétence d'attribution du conseiller de la mise en état pour statuer sur l'incident formalisé par M. [Z] [S] ;

-Rejeté la demande formée par M. [Z] [S] aux fins d'irrecevabilité de l'appel interjeté le 22 novembre 2021 par Mme [G] [O] épouse [C], M.[I] [O], M. [D] [J] [O] et M. [E] [O] ;

-Condamné M. [Z] [S] aux dépens de la procédure d'incident et à payer aux appelants la somme de 1000 euros en dédommagement de leurs frais irrépétibles.

Vu les conclusions en date du 6 septembre 2023 aux termes desquelles Mme [G] [O] épouse [C], M.[I] [O], M. [D] [J] [O] et M. [E] [O] présentent à la cour les demandes suivantes :

« -Infirmer le jugement rendu entre les parties par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand le 21 octobre 2021 en ce qu'il :

- Déclare nul et de nul effet le congé pour vendre délivré le 8 janvier 2021 ;

-Déclare nul et de nul effet le commandement de payer visant la clause résolutoire délivré le 18 février 2021 ;

-Condamne solidairement Mme [G] [O] épouse [C], Mme [B] [L], M. [D] [J] [O], M. [N] [O], M. [E] [O], M.[I] [O], Mme [U] [R] épouse [M], Mme [W] [R], M. [Y] [R] et M. [T] [R] à payer à M. [Z] [S] la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Portejoie et Associés, avocat, en application de l'article 699 du code de procédure civile ;

-Rappelle que la présente décision est de droit exécutoire à titre provisoire ;

-Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Statuant à nouveau,

-Déclarer irrecevables les demandes de M. [Z] [S] visant à déclarer irrecevable l'appel interjeté par Mme [G] [O] épouse [C], M.[I] [O], M. [D] [J] [O] et M. [E] [O] ;

-Dire et juger régulier le congé pour vendre du 8 janvier 2021 ;

-Dire et juger régulier le commandement de payer les loyers visant la clause résolutoire du 18 février 2021 ;

-Rejeter les moyens de nullité présentés par M. [Z] [S] ;

En conséquence,

-Débouter M. [Z] [S] de sa demande d'annulation du congé pour vendre du 8 janvier 2021 ;

-Débouter M. [Z] [S] de sa demande d'annulation du commandement de payer les loyers visant la clause résolutoire du 18 février 2021 ;

-Condamner M. [Z] [S] à payer et porter à chacun des appelants une somme de 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre aux entiers dépens. »

Vu les conclusions en date du 19 février 2024 aux termes desquelles M. [Z] [S] présente à la cour les demandes suivantes :

« -Dire bien jugé, mal appelé,

En conséquence,

-Débouter Mme [G] [O] épouse [C], M.[I] [O], M. [D] [J] [O] et M. [E] [O] de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

-Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 21 octobre 2021 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand ;

-Condamner solidairement Mme [G] [O] épouse [C], M.[I] [O], M. [D] [J] [O] et M. [E] [O] à payer et porter à M. [Z] [S] une somme de 2000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Portejoie et Associés, sur son affirmation de droit. »

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions susvisées pour l'exposé complet des prétentions respectives des parties et de leurs moyens.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Il sera rappelé en premier lieu qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et qu'elle n'a pas à se prononcer sur les demandes de « constater que... » ou de « dire et juger que...» lorsque celles-ci ne correspondent pas à des prétentions au sens des articles 4, 31 et 954 du code de procédure civile, mais en réalité à des moyens ou arguments invoqués au soutien des véritables prétentions.

-Sur la demande de nullité du congé pour vendre signifié le 8 janvier 2021 :

En application de l'article 15-I de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, le bailleur peut donner congé au preneur d'un bail d'habitation notamment pour vendre le logement. Dans ce cas, le locataire bénéficie d'un droit de préemption, prévu par l'article 15-II de la même loi, qui dispose que le congé doit, à peine de nullité, indiquer le prix et les conditions de la vente projetée et que ce congé vaut offre de vente au profit du locataire. Cette offre est valable pendant les deux premiers mois du délai de préavis. Si le locataire accepte l'offre, la vente est parfaite. À défaut, à l'expiration du délai de préavis, il est déchu de plein droit de tout titre d'occupation sur le local.

M. [Z] [S] conclut en l'espèce à la nullité du congé pour vendre qui lui a été signifié le 8 janvier 2021 en se prévalant d'une part de la violation des dispositions de l'article 815-3 du code civil, d'autre part de l'irrégularité du congé pour vendre au regard de la date d'échéance du contrat de bail, enfin du caractère frauduleux du congé.

Pour les besoins de la démonstration, le moyen tiré de l'irrégularité du congé au regard de la date d'échéance du contrat de bail sera examiné en premier lieu.

-Sur la demande de nullité de congé au regard de la date d'échéance du contrat de bail :

M. [S] explique que le 6 janvier 2019, un tiers agissant dans son intérêt a versé à [A] [O] la somme de 35'696,41 euros, destinée à être affectée, une fois prononcée la clôture de la liquidation, au règlement futur de trois années de loyer, de sorte que, la clôture ayant été prononcée le 6 février 2020, le contrat de bail aurait été prorogé, sur l'ensemble de la « période provisionnée », soit selon lui au moins jusqu'au 12 juillet 2024.

Il expose que [A] [O], avec qui il entretenait des relations très amicales, l'avait dans un premier temps dispensé du règlement des loyers depuis l'année 2014, lui conférant ainsi la jouissance gratuite du logement, et avait ensuite accepté cette « avance de loyers », versée, selon les termes du courriel en date du 13 décembre 2020 adressé par M. [S] à maître [P], « en son temps, par erreur par un tiers qui croyait que le jugement de clôture était déjà intervenu ».

L'intimé prétend ainsi que cette opération avait pour finalité de lui permettre de se maintenir dans les lieux et d'assumer à nouveau la charge des loyers une fois rétabli dans ses droits et doté d'une capacité financière lui permettant d'assumer de nouveau la charge d'un loyer.

La réalité du versement effectué n'est pas contestée. Toutefois, aucune pièce n'est communiquée devant la cour permettant d'appréhender la cause et les circonstances de ce règlement, ni même d'en connaître la date, au-delà des affirmations de l'intimé. Au regard des pièces versées aux débats, la seule certitude sur ce point est que l'existence de ce versement était connue des bailleurs à la date du 9 décembre 2020, ainsi que cela résulte du courriel adressé à M. [S] par maître [P], qui a alors indiqué au locataire que, du fait de ce règlement, il était à jour de sa dette locative à la date du 1er décembre 2020 et que sa mandataire renonçait en conséquence aux causes du commandement délivré le 2 décembre 2020.

Il convient de rappeler qu'il appartient à M. [S], qui se prévaut de l'accord d'[A] [O] pour anticiper la reconduction tacite du contrat de bail à compter du 12 juillet 2021, date de son terme, d'en rapporter la preuve.

Sur ce point, l'intimé soutient qu'en considération des règles gouvernant les procédures de redressement judiciaire et de liquidation judiciaire, s'agissant de l'interdiction des poursuites individuelles, du dessaisissement du débiteur, de l'égalité des créanciers lors des procédures de concours et de l'absence de recouvrement par les créanciers de leur droit de poursuite individuel après le jugement de clôture pour insuffisance d'actif, le règlement opéré doit nécessairement être imputé sur la période postérieure à la date de clôture de la liquidation, le 6 février 2020, et ne peut s'expliquer que comme correspondant à un versement fait pour l'avenir dans la perspective de la prorogation du bail.

Force est de constater cependant que l'argumentation avancée par M. [S] est uniquement déductive, puisqu'elle repose sur le postulat que le versement opéré par un tiers en sa faveur, si la somme devait être affectée à l'apurement de la dette locative, serait alors intervenu en violation du principe d'interdiction des paiements des créances antérieures au jugement d'ouverture, ce qu'il n'appartient pas à la cour de juger dans le cadre de la présente procédure.

Ces éléments sont ainsi insuffisants pour démontrer que, comme le soutient M. [S], le bail aurait dû être reconduit tacitement à compter du 12 juillet 2021 et que le congé délivré aurait donc été délivré irrégulièrement.

-Sur la demande de nullité du congé pour violation des dispositions de l'article 815-3 du code civil :

En application de l'article 815-3 du code civil, le consentement de tous les indivisaires est requis pour effectuer tout acte qui ne ressortit pas à l'exploitation normale des biens indivis et pour effectuer tout acte de disposition autre que ceux visés au 3°( vente des meubles indivis pour payer les dettes et charges de l'indivision).

La méconnaissance de ces dispositions n'est pas sanctionnée par la nullité de l'acte mais par son inopposabilité à l'indivisaire n'y ayant pas consenti. L'acte accompli au mépris des règles de consentement édictées par l'article 815-3 du code civil peut faire l'objet d'une ratification par les coïndivisaires qui n'ont pas donné leur accord.

Si le congé donné au locataire est considéré comme un acte d'administration et peut donc être délivré par un ou plusieurs indivisaires détenant au moins deux tiers des droits indivis, il est constant que le congé pour vendre, en ce qu'il est indissociable de l'offre de vente, est un acte ne relevant pas de « l'exploitation normale des biens indivis », et qui nécessite de ce fait l'accord unanime des indivisaires.

En l'espèce, il est acquis aux débats que Mme [H] [X] veuve [O] n'a pas donné son accord à la délivrance du congé pour vendre signifié à M. [S] le 8 janvier 2021. Celle-ci a en effet expliqué dans ses écritures devant le premier juge n'avoir aucunement été informée du congé pour vendre délivré le 8 janvier 2021 à M. [S], situation qui n'est pas contestée par les appelants.

Il en résulte que si M. [S] avait entendu exercer son droit de préemption suite à l'offre émise dans le cadre du congé, la cession du bien indivis alors intervenue à son profit aurait été inopposable à Mme [H] [X].

Pour autant, M. [S], tiers à l'indivision, n'est pas fondé à se prévaloir de la violation des règles édictées par l'article 815-3 du code civil, dans le seul intérêt des coïndivisaires et sanctionnées par l'inopposabilité de l'acte accompli au mépris de leurs droits, pour obtenir la nullité du congé délivré, alors que cette cause de nullité n'est prévue par aucun texte.

Il n'en demeure pas moins que l'acte du 8 janvier 2021 est affecté d'une irrégularité dans la mesure où le nom de Mme [H] [X] veuve [O] apparaît sur la première page de l'acte parmi les personnes ayant demandé la signification du congé à M. [S], ce qui constitue manifestement une mention inexacte.

Cette irrégularité, qui n'est pas au nombre des irrégularités de fond mentionnées à l'article 117 du code de procédure civile, est en conséquence une irrégularité de forme, étant rappelé qu'en application de l'article 649 du code de procédure civile, la nullité des actes de commissaire de justice est régie par les dispositions qui gouvernent la nullité des actes de procédure.

Aux termes de l'article 114 du code de procédure civile, la nullité d'un acte de procédure ne peut être prononcée pour vice de forme qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public.

M. [S], qui conclut à titre principal à l'existence d'une nullité de fond, se prévaut toutefois à titre subsidiaire d'un grief caractérisé par le fait qu'il aurait déboursé en pure perte la somme de 35'696,41 euros, destinée selon lui à lui assurer la prorogation du bail au-delà de son terme.

Il sera observé cependant d'une part que cet éventuel grief, s'il était caractérisé, serait sans lien avec le motif de nullité allégué, à savoir la mention inexacte sur le congé du nom d'un des demandeurs à cet acte, d'autre part que, nonobstant les explications de M. [S], il n'est pas démontré que [A] [O] avait consenti à la reconduite anticipée du contrat de bail à son terme prévu, soit le 12 juillet 2021 de sorte que cette argumentation est inopérante.

-Sur le caractère frauduleux du congé :

La charge de la preuve d'une fraude animant le bailleur lors de la délivrance du congé pour vendre pèse sur le locataire.

M. [S] soutient que le congé délivré est frauduleux, ce qui résulte selon lui du prix excessif proposé pour l'acquisition du bien, à savoir 520'000 euros.

Il expose qu'une expertise immobilière du bien a officiellement été effectuée courant 2020 par le cabinet d'expertise immobilière Astruc qui en a fixé la valeur vénale à 223'000 euros.

Il ressort en effet d'un courrier émanant de l'étude de notaires [K] en date du 26 février 2024, relatif à la déclaration de succession de [A] [O], qu'à l'initiative de ses héritiers la maison louée à M. [S] a fait l'objet d'une expertise.

M. [S] fait également référence à un état liquidatif de la succession communiqué en pièce n°11, qui lui aurait été transmis par un des coïndivisaires, M. [N] [O] et faisant état de la valeur de la maison pour 223'000 euros. La force probante de cette pièce est toutefois contestée utilement par les appelants, alors qu'elle ne comporte aucun entête et n'est pas signée, étant précisé que la preuve de l'authenticité des mentions figurant sur le document n'est pas suffisamment rapportée par le courriel en date du 28 janvier 2021, qui émanerait de M. [N] [O].

M. [S] souligne à juste titre que l'expertise qui aurait été réalisée en 2020 n'est pas communiquée par les appelants, ce qui pourrait constituer un indice de leur réticence à s'expliquer de manière transparente sur la valeur vénale de la maison. Il sera observé toutefois que M. [S] ne produit de son côté aucun avis de valeur de la maison, qu'il aurait pourtant aisément pu faire visiter et estimer puisqu'il l'occupe encore actuellement.

En toute hypothèse, l'éventuelle ambition excessive des vendeurs quant au prix de vente proposé par rapport au prix du marché ne saurait à elle seule caractériser une man'uvre destinée à frauder les droits de M. [S] alors qu'il apparaît qu'il a lui-même vendu ce bien à [A] [O] et à [G] [C] au prix de 519 592,32 euros, aux termes de l'acte reçu le 15 juin 2012 par maître [K].

M. [S] soutient que le prix de vente du bien avait à l'époque été surestimé en raison des relations d'amitié suivies qu'il entretenait avec [A] [O], celui-ci ayant voulu de cette façon le remercier d'avoir été son conseil, ce gracieusement, dans de nombreuses affaires. Il explique qu' [A] [O] avait ainsi accepté dans le cadre de cette transaction immobilière d'éteindre des créances qu'il détenait à son égard.

S'il ressort en effet de l'acte authentique établi le 15 juin 2012 qu'une partie du prix de vente a été réglée par compensation avec des créances détenues tant par Mme [C] que par [A] [O] sur M. [S], aucun élément du dossier ne vient confirmer que ces modalités de paiement dissimulaient l'intention de ces derniers d'acquérir le bien pour une somme supérieure à sa valeur vénale, étant précisé en outre qu'il n'est communiqué aucune pièce permettant d'établir la réalité des liens d'amitié dont M. [S] fait état au soutien de son argumentation, le seul courrier attribué par ce dernier à [A] [O], produit en pièce n°8, n'étant pas particulièrement significatif à cet égard.

Dans ce contexte, il ne peut être considéré que M. [S] rapporte la preuve que la fixation du prix de vente à 520'000 euros traduirait l'intention frauduleuse des bailleurs.

***

Il ressort de l'ensemble de ces explications que la demande de M. [S] tendant au prononcé de la nullité du congé pour vendre signifié le 8 janvier 2021 doit être rejetée. Le jugement sera infirmé de ce chef.

-Sur la demande de nullité du commandement visant la clause résolutoire signifié le 18 février 2021 :

Le commandement signifié le 18 février 2021 concerne les loyers des mois de décembre 2020, janvier 2021 et février 2021, soit trois mensualités d'un montant de 1067 euros. Il est également réclamé la somme de 1027,68 euros au titre d'un retard d'indexation sur cinq ans, outre la somme de 634,30 euros au titre de la clause pénale.

M. [S] se prévaut en premier lieu des irrégularités formelles affectant le commandement de payer en ce qu'il vise notamment un montant de 1027,68 euros au titre de l'indexation des loyers, calculée sur les cinq années précédentes, alors que l'indexation n'a jamais été réclamée par le bailleur, ainsi qu'une somme au titre de la clause pénale, étrangère au paiement des loyers et des charges, et en ce qu'il ne distingue pas entre le loyer et les charges.

Il convient d'observer cependant que le commandement de payer est explicite sur le fait que la réclamation n'est formulée que s'agissant du loyer et non des charges récupérables, qui selon le contrat de bail sont remboursées directement au bailleur sur justificatifs.

Il sera rappelé ensuite qu'un commandement de payer visant la clause résolutoire délivré pour une somme supérieure à la dette véritable reste valable pour la partie des sommes réclamées effectivement due, de sorte que la référence à un arriéré d'indexation et à la clause pénale, créances contestées, est sans incidence sur la validité du commandement.

Par ailleurs, il sera souligné qu'il appartient au locataire de démontrer qu'il s'est acquitté de son obligation de régler le loyer au terme convenu. En l'occurrence, les sommes réclamées correspondent aux loyers dus à partir du mois de décembre 2020.

M. [S] prétend avoir été dispensé du paiement de tout loyer jusqu'en 2023, compte tenu

du règlement de la somme de 35'696,41 euros, effectué selon lui à la date du 6 janvier 2019 et prenant effet à la date de clôture de la liquidation intervenue le 6 février 2020.

Il ressort cependant des développements précédents que la thèse de M. [S] quant à l'avance sur loyers qu'aurait représenté le versement de cette somme a été écartée, nonobstant ses explications quant à l'irrégularité du paiement qu'aurait constitué l'affectation de la somme de 35'696,41 euros à une dette locative pour la période comprise entre le jugement de redressement judiciaire et décembre 2020, au regard des règles applicables aux « créances postérieures » prévues par l'article L. 641-13 du code du commerce, irrégularité sur laquelle la cour n'a pas à se prononcer dans le cadre de la présente procédure, étant observé au demeurant que les circonstances précises et la cause du versement opéré restent pour le moins obscures en l'état des pièces communiquées par M. [S].

M. [S] invoque en dernier lieu la mauvaise foi des bailleurs dans la mise en 'uvre de la clause résolutoire, ceux-ci s'étant abstenus d'appeler mois après mois le montant du loyer et n'ayant jamais formulé aucune réclamation au titre d'un arriéré jusqu'au premier commandement de payer en date du 2 décembre 2020 émis pour un montant de plus de 45'000 euros, et ayant en outre réclamé une indexation rétroactive sur 60 mois.

Cependant, si la mauvaise foi du bailleur dans la délivrance du commandement peut conduire le juge, saisi d'une demande tendant à la constatation de la résiliation du bail en application de la clause résolutoire, à écarter les effets de celle-ci, ce en application de l'article 1104 du code civil, anciennement 1134, dont il ressort que les contrats doivent être exécutés de bonne foi, la mauvaise foi ne constitue pas pour autant une cause de nullité du commandement, étant observé que l'objet du litige soumis à la cour est relatif à la validité de cet acte et non pas à sa mise en 'uvre.

En considération de l'ensemble de ces explications, M. [S] doit être débouté de sa demande tendant au prononcé de la nullité du commandement visant la clause résolutoire prévue au bail signifié le 18 février 2021. Le jugement sera infirmé sur ce point.

- Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Le jugement sera infirmé sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [Z] [S] supportera les dépens de première instance et d'appel et sera condamné à payer à chacun des appelants la somme de 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement, excepté en ce qu'il a donné acte à M. [Z] [S] du désistement de toutes ses demandes formulées à l'encontre de Mme [H] [X] [O],

Statuant à nouveau sur les points infirmés,

-Déboute M. [Z] [S] de sa demande tendant au prononcé de la nullité du congé pour vendre qui lui a été signifié le 8 janvier 2021 ;

-Déboute M. [Z] [S] de sa demande tendant au prononcé de la nullité du commandement de payer visant la clause résolutoire qui lui a été signifié le 18 février 2021 ;

-Condamne M. [Z] [S] aux dépens de première instance et d'appel ;

-Condamne M. [Z] [S] à payer à Mme [G] [O] épouse [C], M. [D] [J] [O], M. [E] [O], M.[I] [O] la somme de 500 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Riom
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21/02450
Date de la décision : 11/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 17/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-11;21.02450 ?
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