04 JUIN 2024
Arrêt n°
SN/VS/NS
Dossier N° RG 22/00430 - N° Portalis DBVU-V-B7G-FYP6
[B] [C]
/
S.A.S COMPTE R.,
jugement au fond, origine conseil de prud'hommes - formation paritaire de Clermont Ferrand, décision attaquée en date du 10 février 2022, enregistrée sous le n° F 20/00457
Arrêt rendu ce QUATRE JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :
M. Christophe RUIN, Président
Mme Sophie NOIR, Conseiller
Mme Karine VALLEE, Conseiller
En présence de Mme Valérie SOUILLAT greffier lors des débats et du prononcé
ENTRE :
M. [B] [C]
[Adresse 4]
[Localité 1]
Présent, assisté de Me Pierre ROBILLARD de la SELARL PARALEX, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
APPELANT
ET :
S.A.S COMPTE R., prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social sis,
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représentée par Me Thomas FAGEOLE, avocat au barreau de Clermont Ferrand suppléant Me Caroline DUBUIS de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de CUSSET/VICHY
INTIMEE
M. RUIN, Président et Mme NOIR, Conseiller après avoir entendu, Mme NOIR, Conseiller en son rapport, à l'audience publique du 11 Mars 2024 , tenue par ces deux magistrats, sans qu'ils ne s'y soient opposés, les représentants des parties en leurs explications, en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré après avoir informé les parties que l'arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l'article 450 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE
La Sas Hd Compte-R (RCS 454 093 535) est spécialisée dans la fabrication de radiateurs et de chaudières pour le chauffage central.
Elle applique la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972.
M. [B] [C] a été embauché par la Sas Hd Compte-R par contrat de travail à durée indéterminée à temps complet le 13 avril 2015 en qualité de responsable de développement installation cogénération biomasse, bois classe B et combustibles solides de récupération (CSR), statut cadre.
Au mois de juin 2020, la société HD Compte R a été absorbée par la société Compte R (identification 316 520 048).
M. [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Clermont-Ferrand le 20 octobre 2020 aux fins notamment de voir prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail, produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par courrier daté du 22 octobre 2020, l'employeur a convoqué M. [C] à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement pour motif économique, fixé au 29 octobre suivant.
Le 17 novembre 2020, M. [C] a accepté le contrat de sécurisation professionnelle qui lui a été proposé lors de l'entretien préalable du 29 octobre précédent.
Le contrat de travail a été rompu le 19 novembre 2020, sans lettre de licenciement.
Par jugement du 9 février 2022, le conseil de prud'hommes de Clermont-Ferrand a :
- Dit et jugé que la société Hd Compte-R n'a commis aucun manquement empêchant la poursuite du contrat de travail ;
- Débouté M. [B] [C] de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail ;
- Dit et jugé réelle et sérieuse la rupture du contrat de travail de M. [B] [C] pour motif économique ;
- Débouté M. [B] [C] de ses demandes de :
- 19 788,96 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de 1 978,90 euros brut au titre des congés payés afférents,
- 19 788,96 euros net a titre de dommages et intérêts pour perte d'emploi,
- Dit ne pas avoir lieu a exécution provisoire ;
- Débouté les parties pour le surplus de leurs demandes ;
- Condamné M. [B] [C] aux entiers dépens de l'instance.
M. [C] a interjeté appel de ce jugement le 24 février 2022 à l'encontre de la société HD Compte R.
Par ordonnance du 24 janvier 2023, le conseiller de la mise en état a débouté la société Compte R de sa demande d'irrecevabilité de l'appel.
Vu les conclusions notifiées à la cour le 8 février 2024 par M. [C],
Vu les conclusions notifiées à la cour le 1er août 2022 par la Sas Hd Compte-R,
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 19 février 2024.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions, M. [C] demande à la cour de :
- Infirmer le jugement contesté et,
Sur la rupture du contrat de travail
- Principalement : prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail ;
- Juger que cette résiliation produit les conséquences d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- Subsidiairement : juger que son licenciement pour motif économique est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Dans l'un comme dans l'autre cas,
- Condamner la société Compte-R à lui verser 19 788,96 euros nets à titre de dommages et intérêts pour perte d'emploi ;
- La condamner à lui verser l'indemnité compensatrice de préavis soit 19 788,96 euros bruts et les congés payés afférents (1 978,90 euros bruts).
Sur l'exécution du contrat
Avant dire droit, condamner la société Compte R à lui communiquer le chiffre d'affaires réalisé sur le projet Gazobio depuis 2015 ;
A défaut, la condamner à lui verser un rappel de salaire forfaitaire de 50 000 euros bruts outre 5 000 euros bruts de congés payés.
En tout état de cause,
- Condamner la société Compte- R à lui verser la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
- La condamner aux entiers dépens de l'instance.
Dans ses dernières conclusions, la Sas Compte-R demande à la cour de :
A titre principal juger l'appel irrecevable car dirigé contre une personne inexistante ;
A titre subsidiaire juger :
- Qu'elle n'a commis aucun manquement empêchant la poursuite du contrat de travail, par conséquent confirmer le premier jugement et débouter M. [C] de sa demande, à titre principal, de résiliation judiciaire du contrat de travail ;
- Réel et sérieux la rupture du contrat de travail pour motif économique, par conséquent confirmer le premier jugement et débouter M. [C] de ses demandes de subsidiaire de voir juger le licenciement abusif ;
En tout état de cause confirmer le premier jugement et débouter M. [C] de ses demandes de :
- 19 206,48 euros brut au titre du préavis et de 1 920,64 euros brut au titre des congés payés afférents ;
- 19 206,48 euros au titre de dommages et intérêts pour perte d'emploi.
- Débouter M. [C] de ses demandes de communiquer le chiffre d'affaires réalisé sur Gazobio et de condamnation à défaut à un rappel de salaires de 50 000 euros outre 5 000 euros de congés payés afférents et confirmer le premier jugement ;
- Débouter M. [C] de sa demande de 3 200 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Condamner M. [C] aux entiers dépens.
Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions, moyens et arguments des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux dernières conclusions régulièrement notifiées et visées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire la cour rappelle :
- qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions recevables des parties et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion contenue dans ces écritures
- les demandes de 'constater' ou de 'dire et juger' lorsqu'elles ne constituent pas des prétentions mais des rappels de moyens, ne saisissent la cour d'aucune prétention, la cour ne pouvant alors que confirmer le jugement.
Sur la recevabilité de l'appel :
Selon l'article 914 du code de procédure civile : 'Les parties soumettent au conseiller de la mise en état, qui est seul compétent depuis sa désignation et jusqu'à la clôture de l'instruction, leurs conclusions, spécialement adressées à ce magistrat, tendant à :
' prononcer la caducité de l'appel ;
' déclarer l'appel irrecevable et trancher à cette occasion toute question ayant trait à la recevabilité de l'appel ; les moyens tendant à l'irrecevabilité de l'appel doivent être invoqués simultanément à peine d'irrecevabilité de ceux qui ne l'auraient pas été ;
' déclarer les conclusions irrecevables en application des articles 909 et 910 ;
' déclarer les actes de procédure irrecevables en application de l'article 930-1.
Les parties ne sont plus recevables à invoquer devant la cour d'appel la caducité ou l'irrecevabilité après la clôture de l'instruction, à moins que leur cause ne survienne ou ne soit révélée postérieurement. Néanmoins, sans préjudice du dernier alinéa du présent article, la cour d'appel peut, d'office, relever la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel ou la caducité de celui-ci.
Les ordonnances du conseiller de la mise en état statuant sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel, sur la caducité de celui-ci ou sur l'irrecevabilité des conclusions et des actes de procédure en application des articles 909,910, et 930-1 ont autorité de la chose jugée au principal.'
En l'espèce, le conseiller de la mise en état a déjà statué sur la demande d'irrecevabilité de l'appel présentée par la société Compte R, ce par ordonnance du 24 janvier 2023 qui n'a pas donné lieu à déféré sur le fondement de l'article 916 du code de procédure civile et est donc désormais revêtue de l'autorité de chose jugée.
Par application des principes susvisés, la demande d'irrecevabilité de l'appel est donc irrecevable.
Sur la demande de condamnation de la société Compte R à communiquer à M. [B] [C] le chiffre d'affaires réalisé sur le projet Gazobio depuis 2015 :
Avant dire droit, M. [B] [C] demande à la cour de condamner la société Compte R à lui communiquer le chiffre d'affaires réalisé sur le projet Gazobio (projet Biomasse financé par une subvention de l'Etat) depuis 2015 mais n'invoque aucun moyen au soutien de sa demande.
De plus et comme le soutient justement la société Compte R, M. [B] [C] reconnaît en page 20 de ses conclusions que ce projet n'a jamais abouti de sorte que cette demande est sans intérêt sur l'issue du litige.
En conséquence, cette demande sera rejetée.
Sur la demande de rappel de salaire forfaitaire de 50 000 euros bruts, outre 5 000 euros de congés payés :
Le contrat de travail stipule que M. [B] [C] percevra une commission de 5 % du prix de reviens des projets énumérés à l'annexe un du contrat de travail ' à la mise en service de ces derniers'.
Au soutien de sa demande de rappel de salaire, présentée à titre subsidiaire de la demande de production des justificatifs du chiffre d'affaires réalisé sur le projet Gazobio, M. [B] [C] fait seulement valoir qu'il peut prétendre à une commission sur ce projet en application de l'avenant à son contrat de travail du '1er octobre 2017" et que, à défaut de production de cette pièce, 'l'intimée sera condamnée à l'indemniser forfaitairement pour 50 000 euros (outre congés payés).
Cependant, il est constaté ci-dessus que le projet Gazobio n'a jamais été mis en service de sorte que M. [B] [C] ne peut prétendre à aucune commission à ce titre.
En conséquence, la cour rejette la demande de rappel de salaire forfaitaire.
Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail :
Aux termes de l'article L 1221-1 du code du travail, le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun des contrats synallagmatiques pour tout ce sur quoi il n'est pas dérogé par des dispositions légales particulières. L'action en résiliation d'un contrat de travail est donc recevable, conformément à l'article aux articles 1224 et 1227 nouveaux du code civil, dans leur rédaction postérieure au 1er octobre 2016, dès lors qu'elle est fondée sur l'inexécution par l'employeur de ses obligations.
Le juge saisi d'une demande de résiliation judiciaire d'un contrat de travail, doit examiner l'ensemble des griefs invoqués au soutien de celle-ci, quelle que soit leur ancienneté.
Il dispose d'un pouvoir souverain pour apprécier si les manquements établis à l'encontre de l'employeur sont suffisamment graves pour justifier cette mesure, ces manquements devant être d'une gravité telle qu'elle empêche toute poursuite de l'exécution du contrat de travail, la résiliation judiciaire du contrat prononcée par le juge produisant alors les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Les juges peuvent prendre en considération les faits intervenus jusqu'au jour du jugement.
Lorsqu'un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat de travail était justifiée, et c'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur.
La prise d'effet de la résiliation est fixée en principe au jour du jugement qui la prononce dès lors qu'à cette date, le salarié est toujours au service de l'employeur. Toutefois, si le contrat a déjà été rompu dans l'intervalle, la résiliation prend effet au jour à partir duquel le salarié a cessé de se tenir à la disposition de l'employeur, ou en cas de licenciement, au jour du licenciement.
Au soutien de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, M. [B] [C] fait valoir que :
- l'employeur a modifié unilatéralement ses fonctions pour ' préparer le terrain' à l'arrêt du développement du projet Gazobio
- l'employeur a insisté pour lui faire signer un avenant pour, finalement, le licencier
- ces deux manquements caractérisent une exécution déloyale du contrat de travail
- la décision d'arrêter le projet Gazobio a été déguisée en motif économique a posteriori pour ne pas avoir à lui payer ses commissions.
La société Compte R répond que :
- M. [B] [C] S'est présenté à l'entreprise en 2015 en mettant en avant son savoir-faire en matière de combustion et sa conviction de pouvoir mettre en place un gazogène, à savoir une chaudière utilisant comme combustible un gaz fabriqué avec une combustion particulière du bois (bois de classe B majoritairement issus des déchets du domaine du bâtiment). Elle a décidé d'investir massivement dans ce projet dont elle a confié la commercialisation à M. [B] [C], lequel lui avait en outre indiqué qu'il disposait d'une liste de prospects - désignés en annexe à son contrat de travail - potentiellement intéressés par l'achat d'une nouvelle chaudière. Après des années dédiées à ce projet, force a été de constater son échec car le prototype de M. [B] [C] n'était pas du tout abouti, le gaz produit étant trop chargé en goudron. Au bout de cinq ans, il aurait fallu investir à nouveau des sommes importantes, sans garantie de réussite (2 millions d'euros pour une subvention non intégralement perçue de l'ordre de 400'000 euros)
- la société n'a jamais eu ' une quelconque nouvelle' de la part desdits prospects qui, selon M. [B] [C], étaient potentiellement intéressés par le Gazobio
- elle n'a jamais réalisé aucun chiffre d'affaires sur ce projet
- M. [B] [C] ne démontre pas qu'elle a commis des manquements d'une gravité telle qu'elle empêchait la poursuite du contrat de travail
- si le salarié a été affecté à des opérations de maintenance de chaudières classiques et à des développements de chaudières pilotes, ces activités marginales n'étaient pas incompatibles avec les termes de son contrat de travail et de sa mission qui impliquait des déplacements et de lui interdisait nullement de travailler sur d'autres projets ou sur une chaudière pilote
- M. [B] [C] se déplaçait sans opposition de sa part depuis plusieurs années de sorte qu'il ne s'agit pas d'un manquement suffisamment grave pour justifier une résiliation judiciaire
- le projet Gazobio a été arrêté pour des considérations économiques et non pas pour interdire au salarié de percevoir ses commissions
- M. [B] [C] n'était commissionné que sur les affaires conclues avec les dix prospects qu'il avait lui-même désignés à la société et qui figurent dans l'annexe au contrat de travail mais aucun chiffre d'affaires n'a été généré par ces prospects
- la mission du salarié visait le projet Gazobio avec deux volets, le premier relatif à la recherche développement et le second relatif à la participation à l'industrialisation et à la commercialisation de la gamme installation cogénération biomasse.
Selon les termes du contrat de travail, M. [B] [C] occupait le poste de Responsable de développement installation cogénération biomasse bois classe B et combustibles solides de récupération comportant les tâches suivantes :
- une tâche de recherche-développement comprenant la conception, la réalisation et l'installation d'une unité pilote et la participation au dimensionnement, à l'industrialisation et à la commercialisation de la gamme
- une tâche de commercialisation consistant à aider l'ensemble du service commercial à la réalisation des documents techniques et commerciaux et à participer, avec l'ensemble du service commercial, au développement des affaires (accompagnement commercial, défense des dossiers ...).
Il est constant que :
- le salarié était en charge de la recherche-développement et de la participation à la commercialisation du projet Gazobio
- cinq ans après la signature du contrat de travail, la phase recherche-développement du projet Gazobio n'avait toujours pas abouti.
M. [B] [C] ne rapporte pas la preuve d'une insistance de l'employeur à lui faire signer un avenant au contrat de travail.
Le projet d'avenant du 18 février 2020 soumis à la signature du salarié prenait acte du terme du projet de cogénération biomasse intervenu à la fin de l'année 2019 et de l'affectation à compter du 1er février 2022 M. [B] [C] au poste de responsable expérimentation du service recherche développement avec possibilité de lui confier, de façon ponctuelle, des tâches de technicien SAV sous l'autorité du responsable du service SAVP.
La rémunération fixe du salarié était maintenue et les commissions variables associées à la mise en service de projet de vente de machines de cogénération et d'installation de gazéification quel que soit le projet étaient supprimées.
M. [B] [C] ne démontre pas que ses fonctions de Responsable développement installation cogénération biomasse ont été modifiées unilatéralement par l'employeur avant l'arrêt du projet Gazobio et la proposition d'avenant du 18 février 2020.
En effet, le salarié produit une sommation interpellative adressée à M. [Y] [A], responsable d'atelier du site de [Localité 3] depuis le mois de juin 2020 seulement, qui indique : 'M. [C] ne travaillait pas exclusivement sur le projet gazobio mais sur d'autres projets, partait en déplacement et il travaillait également sur la chaudière pilote à [Localité 3] (c'est celle qui chauffe l'atelier de [Localité 3] et sur la petite chaudière de secours)'.
Cependant, il ne démontre pas en quoi ces tâches ne présentaient aucun lien avec celles de Responsable développement installation cogénération biomasse et la cour relève à cet égard, que le salarié ne travaillait pas uniquement pour le projet Gazobio puisque les parties avaient conclu un avenant le 30 octobre 2017 pour le commissionner sur le prix de vente d'installations de gazéification autres que celles relevant de ce projet.
Enfin, il n'est pas démontré en quoi la décision d'arrêter le projet Gazobio a été ' déguisée' en motif économique pour ne pas avoir à payer des commissions au salarié, la cour observant que, au contraire, l'employeur a agi de façon tout à fait officielle puisqu'il a soumis à M. [C] un projet d'avenant au contrat de travail afin de recueillir son accord sur un changement de poste et sur la suppression de son droit à commission.
Il résulte de ce qui précède que M. [B] [C] ne rapporte la preuve d'aucun manquement de l'employeur et que sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail est infondée.
En conséquence la cour, confirmant le jugement de ce chef, rejette la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et la demande de dommages-intérêts pour perte d'emploi et indemnité compensatrice de préavis.
Sur le licenciement :
La rupture du contrat de travail résultant de l'acceptation par le salarié d'un contrat de
sécurisation professionnelle doit avoir une cause économique réelle et sérieuse.
L'employeur est en conséquence tenu d'énoncer le motif économique dans un écrit remis ou adressé au salarié au cours de la procédure de licenciement et au plus tard au moment de l'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle par le salarié, afin qu'il soit informé des
raisons de la rupture lors de son acceptation.
La notification de la cause économique de la rupture par envoi postal peut résulter de la lettre de convocation à l'entretien préalable.
En l'espèce, M. [B] [C] soutient tout d'abord qu'il a été licencié verbalement puisqu'il n'a reçu aucune lettre de licenciement et que l'employeur a invoqué un motif de licenciement uniquement dans la lettre de convocation à entretien préalable, juste avant de lui adresser les documents de fin de contrat.
La société Compte R répond qu'en application des dispositions de l'article L1233-67 du code du travail l'adhésion du salarié au contrat de sécurisation professionnelle est un mode spécifique de rupture du contrat de travail et que la notification d'une lettre de licenciement n'est adressée qu'à titre conservatoire et ne prend effet qu'à défaut d'adhésion au CSP.
Elle ajoute que l'employeur est alors tenu d'adresser au salarié un document écrit détaillant le motif économique de la rupture du contrat de travail au plus tard au moment de l'acceptation du CSP.
Il est constant que le contrat de travail a été rompu sans lettre de licenciement.
Il ressort des pièces versées aux débats que la société Compte R a convoqué M. [B] [C] à un entretien préalable à licenciement fixé le 29 octobre 2020 par lettre recommandée avec accusée réception du 22 octobre 2020.
Ce courrier détaille bien le motif économique de la rupture du contrat de travail et précise qu'un contrat de sécurisation professionnelle sera remis au salarié lors de l'entretien préalable et que ce dernier disposera d'un délai de 21 jours expirant le 19 novembre 2020 pour y adhérer.
Le bulletin d'acceptation du CSP a bien été remis au salarié lors de l'entretien préalable et ce dernier l'a signé le 17 novembre 2020.
Il en résulte que la société Compte R a bien énoncé le motif économique dans un écrit adressé au salarié au cours de la procédure de licenciement et au plus tard au moment de l'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle.
L'existence d'un licenciement verbal n'est pas démontrée.
M. [B] [C] soutient ensuite qu'un seul poste de reclassement lui a été proposé le 18 février 2020, que la société Compte R ne justifie pas avoir procédé à une recherche de reclassement jusqu'à la date du licenciement, notamment en produisant son registre d'entrées et de sortie du personnel, alors que d'autres postes auraient pu se libérer entre ces deux dates.
La société Compte R répond que :
- les trois premières des quatre sociétés du groupe exerçant les mêmes activités (HD Compte R, Compte R, Atlantique Thermique et Sancy Développement) ont fusionné au 1er janvier 2020 de sorte que ne subsistent que les sociétés HD Compte R et la holding Sancy développement
- elle a procédé à des recherches de classement qui ont révélé qu'elle ne disposait pas de poste vacant autre que celui de Responsable expérimentation au service Recherche développement, créé pour reclasser M. [C], qu'elle a vainement proposé à ce dernier le 18 février 2020 puis à nouveau le 22 juillet 2020
- les recherches de reclassement n'ont pas permis d'identifier d'autres postes disponibles
- les dernières recherches de reclassement ont été engagées le 8 octobre 2020, ont donné lieu à une réponse le 15 octobre 2020 de la part des entités interrogées et le courrier de convocation à entretien préalable est daté du 22 octobre 2020. Aucun poste n'a été identifié
- elle a également saisi la commission paritaire de la branche de la métallurgie alors qu'elle n'y était pas contrainte.
Selon l'article L 1233-4 du code du travail dans sa rédaction issue de l'ordonnance 2017-1718 du 20 décembre 2017 : 'Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.
Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce.
Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure.
L'employeur adresse de manière personnalisée les offres de reclassement à chaque salarié ou diffuse par tout moyen une liste des postes disponibles à l'ensemble des salariés, dans des conditions précisées par décret.
Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.'.
Il résulte de l'article L. 1233-4 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance 2017-1718 du 20 décembre 2017 et de l'article 5 de la convention Unédic relative au contrat de sécurisation professionnelle du 19 juillet 2011, agréée par arrêté du 6 octobre 2011 qu'au titre de son obligation de reclassement l'employeur doit proposer au salarié les emplois disponibles au moment où il manifeste sa volonté de mettre fin au contrat de travail en notifiant la lettre de licenciement, quand bien même le licenciement serait subordonné au refus par le salarié du contrat de sécurisation professionnelle qui lui a été proposé.
En l'espèce, la société Compte R ne démontre pas avoir de nouveau proposé au salarié le poste de Responsable expérimentation au service recherche-développement le 22 juillet 2020, cette fois à titre de reclassement.
En effet, aucun justificatif d'envoi de son courrier n'est versé aux débats.
L'employeur justifie en revanche de l'envoi d'une recherche de reclassement à l'UIMM le 27 juillet 2020 mais cette recherche est bien antérieure au courrier de convocation à entretien préalable du 22 octobre 2020 par lequel il a notifié au salarié les motifs économiques du licenciement.
Il ne démontre pas non plus l'existence d'une fusion des sociétés HD Compte R, Compte R, et Atlantique Thermique au 1er janvier 2020 et il résulte du courriel de recherche de reclassement adressé par le Président de la société Compte R à Mme [F] [V], DRH de la société Compte R, le 8 octobre 2015, que le groupe comptait également une société Sancy Energies.
Il n'est ainsi pas démontré que la société Compte R a proposé au salarié les emplois disponibles au moment où il a manifesté sa volonté de mettre fin au contrat de travail, ce d'autant que les registres d'entrée et de sortie du personnel des sociétés du groupe incluses dans le périmètre de l'obligation de recherche de reclassement ne sont pas produits.
En conséquence la cour, infirmant le jugement de ce chef, dit que le licenciement de M. [B] [C] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse.
En l'absence de motif économique de licenciement, le contrat de sécurisation professionnelle n'a pas de cause et l'employeur est alors tenu à l'obligation du préavis et des congés payés afférents, sauf à tenir compte des sommes déjà versées à ce titre en vertu dudit contrat.
En conséquence la cour, infirmant le jugement de ce chef, condamne la société Compte R à payer à M. [B] [C] la somme de 19 788,96 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 1 978,90 euros au titre des congés payés afférents, montants non discutés.
Selon l'article L1235-3 dans sa rédaction issue de la Loi n°2018-217 du 29 mars 2018, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.
Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le même article.
Compte tenu notamment de l'effectif de la société Compte R dont il n'est pas discuté qu'il est équivalent ou supérieur à 11 salariés, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [B] [C] (3 201,08 euros), de son âge au jour de son licenciement (57 ans), de son ancienneté à cette même date (5 ans et 7 mois), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels que ces éléments résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L.1235-3 du code du travail dans sa version en vigueur, une somme de 9 700 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le jugement déféré sera infirmé de ces chefs.
Sur le remboursement des sommes payées au salarié par Pôle Emploi, devenu France Travail :
Selon l'article L1235-4 du code du travail dans sa version applicable au litige : 'Dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé.
Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.
Pour le remboursement prévu au premier alinéa, le directeur général de Pôle emploi ou la personne qu'il désigne au sein de Pôle emploi peut, pour le compte de Pôle emploi, de l'organisme chargé de la gestion du régime d'assurance chômage mentionné à l'article L. 5427-1, de l'Etat ou des employeurs mentionnés à l'article L. 5424-1, dans des délais et selon des conditions fixés par décret en Conseil d'Etat, et après mise en demeure, délivrer une contrainte qui, à défaut d'opposition du débiteur devant la juridiction compétente, comporte tous les effets d'un jugement et confère le bénéfice de l'hypothèque judiciaire'.
S'agissant d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, il y a lieu d'ordonner, d'office et par application de l'article L 1235-4 du code du travail, le remboursement par la société Compte R à Pôle Emploi, devenu France Travail, des indemnités de chômage payées à M. [B] [C] à la suite de son licenciement, dans la limite de 2 mois de prestations.
Sur les demandes accessoires :
Partie perdante, la société Compte R supportera la charge des dépens de première instance et d'appel.
Par ailleurs, M. [B] [C] a dû pour la présente instance exposer tant en première instance qu'en appel des frais de procédure et honoraires non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser intégralement à sa charge.
Il y a donc lieu d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a débouté de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner l'employeur à lui payer sur le même fondement une indemnité de 1 900 euros au titre des frais qu'il a dû exposer en première instance et en appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement entrepris, SAUF en ce qu'il a :
- dit que le licenciement de M. [B] [C] est fondé sur une cause réelle et sérieuse ;
- rejeté les demande d'indemnité compensatrice de préavis et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Et statuant à nouveau sur ces chefs et y ajoutant :
DECLARE irrecevable la demande d'irrecevabilité de l'appel présentée par la société Compte R ;
REJETTE la demande de condamnation de la société Compte R à communiquer à M. [B] [C] le chiffre d'affaires réalisé sur le projet Gazobio depuis 2015 ;
REJETTE la demande de rappel de salaire forfaitaire ;
DIT que le licenciement de M. [B] [C] n'est pas fondé sur une cause réelle et sérieuse ;
CONDAMNE la société Compte R à payer à M. [B] [C] les sommes suivantes :
- 19 788,96 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 1 978,90 euros au titre des congés payés afférents ;
- 9 700 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
DIT que les sommes allouées supporteront, s'il y a lieu, le prélèvement des cotisations et contributions sociales ;
ORDONNE le remboursement par la société Compte R à Pôle Emploi, devenu France Travail, des indemnités de chômage payées à M. [B] [C] à la suite de son licenciement, dans la limite de 2 mois de prestations ;
CONDAMNE la société Compte R à payer à M. [B] [C] la somme de 1 900 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société Compte R aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.
Le greffier, Le Président,
V. SOUILLAT C. RUIN