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14/05/2024 | FRANCE | N°22/00867

France | France, Cour d'appel de Riom, 1ère chambre, 14 mai 2024, 22/00867


COUR D'APPEL

DE RIOM

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE







Du 14 mai 2024

N° RG 22/00867 - N° Portalis DBVU-V-B7G-FZRY

-DA- Arrêt n° 221



S.A. MMA IARD / [H] [G], [P] [U] épouse [G], S.A.S. POLAT ET FILS



Jugement au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 7], décision attaquée en date du 04 Avril 2022, enregistrée sous le n° 21/00683





Arrêt rendu le MARDI QUATORZE MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE



COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibérÃ

© :

M. Philippe VALLEIX, Président

M. Daniel ACQUARONE, Conseiller

Mme Laurence BEDOS, Conseiller



En présence de :

Mme Marlène BERTHET, greffier lors de l'ap...

COUR D'APPEL

DE RIOM

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

Du 14 mai 2024

N° RG 22/00867 - N° Portalis DBVU-V-B7G-FZRY

-DA- Arrêt n° 221

S.A. MMA IARD / [H] [G], [P] [U] épouse [G], S.A.S. POLAT ET FILS

Jugement au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 7], décision attaquée en date du 04 Avril 2022, enregistrée sous le n° 21/00683

Arrêt rendu le MARDI QUATORZE MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

M. Philippe VALLEIX, Président

M. Daniel ACQUARONE, Conseiller

Mme Laurence BEDOS, Conseiller

En présence de :

Mme Marlène BERTHET, greffier lors de l'appel des causes et du prononcé

ENTRE :

S.A. MMA IARD

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Maître Christine EVEZARD-LEPY, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

Timbre fiscal acquitté

APPELANTE

ET :

M. [H] [G]

et Mme [P] [U] épouse [G]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentés par Maître Nathalie DOS ANJOS, avocat au barreau de CLERMONT- FERRAND

Timbre fiscal acquitté

S.A.S. POLAT ET FILS

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentée par Maître Charles FRIBOURG de la SELARL POLE AVOCATS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

Timbre fiscal acquitté

INTIMES

DÉBATS : A l'audience publique du 11 mars 2024

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 14 mai 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par M. VALLEIX, président et par Mme BERTHET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

I. Procédure

Les époux [H] et [P] [G] ont confié à la SAS POLAT ET FILS la rénovation de la façade de leur logement à [Localité 8] (Puy-de-Dôme). Un procès-verbal de réception a été établi le 1er avril 2015, mentionnant des réserves concernant des fissures sur les quatre façades, plus prononcées sur la façade sud.

Faute de trouver une solution amiable, le litige a été porté devant le juge des référés au tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand. La SAS POLAT ET FILS a appelé en cause son assureur la compagnie MMA IARD. Par ordonnance du 17 septembre 2019 le juge des référés a confié une mission d'expertise à M. [N] [V], lequel a remis son rapport le 10 août 2020.

Le 11 février 2021 les époux [G] ont assigné au fond la SAS POLAT ET FILS et la compagnie MMA devant le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand, afin d'obtenir la réparation des désordres au titre de la garantie décennale.

À l'issue des débats, par jugement du 4 avril 2022, le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand a rendu la décision suivante :

« Le Tribunal,

Statuant publiquement, par jugement contradictoire en premier ressort rendu par mise à disposition du greffe,

FIXE la clôture de l'instruction de la présente affaire au 31 janvier 2022 ;

CONDAMNE la SAS POLAT ET FILS à payer à Madame [P] [U] épouse [G] et Monsieur [H] [G] la somme de 17.773,91 € TTC (dix sept mille sept cent soixante-treize euros et quatre-vingt-onze centimes) au titre des travaux de reprise ;

DIT que la compagnie SA MMA IARD, assureur décennal de la SAS POLAT ET FILS sera tenue à garantir la SAS POLAT ET FILS de toutes sommes qui lui incombent au titre de sa responsabilité ;

DÉBOUTE Madame [P] [U] épouse [G] et Monsieur [H] [G] de leur demandes indemnitaires au titre de leur préjudice financier et au titre de leur préjudice moral pour résistance abusive ;

CONDAMNE la SAS POLAT ET FILS à payer à Madame [P] [U] épouse [G] et Monsieur [H] [G] la somme de 2.500 € (deux mille cinq cent euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de plein droit conformément à l'article 514 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SAS POLAT ET FILS aux dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires. »

Concernant la garantie décennale de la SAS POLAT ET FILS, dans les motifs de sa décision le tribunal judiciaire a écrit, page 6 :

Attendu que la mise en 'uvre de la garantie décennale implique un vice grave, qui compromette la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rende impropre à sa destination, et n'ayant pas fait l'objet d'une réserve à la réception ; que toutefois, si un désordre, a fait l'objet de réserves à la réception, et se révèle par la suite dans toute son ampleur et sa gravité au point de porter atteinte à la solidité de l'immeuble ou de le rendre impropre à sa destination, il constitue un vice relevant de la garantie décennale ; qu'ainsi il importe peu qu'un vice soit apparent si ses conséquences graves pour la tenue de l'ouvrage ne peuvent être déterminées lors de la réception ;

Attendu que les ruptures par plaques ou lézardes sont apparues très rapidement puisque signalées dès la réception et confirmées dans les 10 jours suivant la fin des travaux, pendant la période ou l'enduit évolue dans son durcissement, avant qu'il ait obtenu sa pleine résistance à 28 jours ; que le procès-verbal ne qualifie pas l'importance et la nature de la fissuration ;

Attendu que selon l'expert, les lézardes, ouvertures de 12/10e, et localement jusqu'à 25/10e, sont autant de voies d'eau possibles qui finiront par venir imbiber les mortiers de chaux sous-jacents ; que les taches de carbonatation, issues des lézardes, en sont les premières manifestations ; qu'ainsi l'évolution vers l'imbibition des maçonneries constitutives des murs de l'habitation serait la prochaine manifestation ;

Attendu qu'il résulte de l'ensemble des constatations expertales, que les désordres vont de façon certaine évoluer entraînant une impropriété de l'ouvrage à sa destination, alors même que les désordres avaient été révélés dès la réception ; que l'ouvrage n'assurera plus sa fonction d'imperméabilisation du logement, ce qui le rendra impropre à sa destination ;

Attendu, en conséquence, que la société POLAT, qui ne rapporte pas la preuve d'une cause étrangère qui pourrait faire échec à la dite présomption, engage sa responsabilité décennale ;

***

La compagnie MMA a fait appel de cette décision le 21 avril 2022, contre les époux [G] et la SAS POLAT ET FILS, précisant :

« Objet/Portée de l'appel : Il s'agit d'un appel limité en ce que le tribunal a « Dit que la compagnie SA MMA IARD, assureur décennal de la SAS POLAT & FILS sera tenue de garantir la SAS POLAT & FILS de toutes sommes qui lui incombent au titre de sa responsabilité ». Alors qu'il n'était pas possible de dire que la garantie décennale était mobilisable car il est de jurisprudence établie que lorsque les désordres sont connus et ont fait l'objet de réserves lors de la réception et qu'il était prévu un contrôle programmé de l'évolution de ces désordres, les constructeurs et les maîtres d'ouvrage avaient conscience d'une atteinte à la structure du bâtiment au-delà de son seul aspect esthétique, ce dont il résultait que les désordres étaient connus à la réception. La Cour de cassation considère, dès lors, que seule peut être mobilisable, dans un tel cas de figure, la garantie contractuelle de parfait achèvement et non la garantie décennale des constructeurs. Le Tribunal a donc commis une erreur de droit en disant mobilisable la garantie décennale souscrite par la SAS POLAT & FILS auprès de la SA MMA IARD. Le jugement sera donc infirmé sur ce point. Statuant à nouveau, la Cour jugera que, nonobstant la nature des désordres, ces derniers ayant fait l'objet de réserves à réception qui ne portaient pas uniquement sur un aspect esthétique, la réparation de ceux-ci relève exclusivement de la responsabilité contractuelle de parfait achèvement de l'entreprise POLAT & FILS et non de la garantie décennale souscrite auprès de la SA MMA IARD, qui sera purement et simplement mise hors de cause. »

Dans ses conclusions ensuite du 19 juillet 2022 la compagnie MMA IARD demande à la cour de :

« Vu les dispositions des articles 1789 et suivants du Code civil ;

Vu les jurisprudences citées ;

Vu les pièces et justifications à l'appui des présentes ;

Infirmer le jugement déféré en ce qu'il a « DIT que la compagnie SA MMA IARD assureur décennal de la SAS POLAT & FILS sera tenu de garantir la SAS POLAT & FILS de toute somme qui lui incombe au titre de sa responsabilité » ;

Statuant à nouveau :

Juger que, nonobstant la nature des désordres, ces derniers ayant fait l'objet de réserves à réception qui ne portaient pas uniquement sur un aspect esthétique, la réparation de ceux-ci relève exclusivement de la responsabilité contractuelle de l'entreprise POLAT & FILS et non de la garantie décennale souscrite auprès de la SA MMA IARD ;

Mettre purement et simplement la SA MMA IARD hors de cause ;

Condamner les époux [G], ou tout autre partie succombant à l'instance, à payer et porter à la SA MMA IARD une somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner les mêmes aux entiers dépens de la présente instance et de celle de référé, outre les frais d'expertise judiciaire. »

***

La SAS POLAT ET FILS a conclu le 10 janvier 2023, pour demander à la cour de :

« Vu les articles 1792 et suivants du Code civil,

- CONFIRMER purement et simplement le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de CLERMONT-FERRAND en date du 4 Avril 2022 ;

- CONDAMNER la Société MMA IARD ou tout autre succombant à payer et porter à la société POLAT ET FILS la somme de 3.500 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'appel dont distraction au profit de la SELARL PÔLE AVOCATS sur son affirmation de droit ;

- DÉBOUTER la SA MMA IARD de l'ensemble de ses demandes, fins, moyens et conclusions contraires ;

- DÉBOUTER les époux [G] de l'ensemble de leurs demandes, fins, moyens et conclusions, en ceux compris leur appel incident. »

***

Enfin, les époux [G] ont pris des conclusions nº 2 le 7 novembre 2023, dans lesquels ils demandent à la cour de :

« Vu les articles 1792 et suivant du Code civil

Vu les articles 1104 et 1231-1 du Code civil

Vu le rapport d'expertise judiciaire

À titre principal :

Confirmer le jugement rendu le 4 avril 2022 en ce qu'il a retenu la responsabilité décennale de la S.A.S. POLAT ET FILS et l'a condamnée à payer les frais de remise en état

Condamner la S.A.S. POLAT ET FILS à payer aux époux [G] la somme de 21.141,11 € TTC au titre des frais de remise en état, et à tout le moins la somme de 17.773,91 € TTC.

Confirmer le jugement rendu le 4 avril 2022 en ce qu'il a dit que la compagnie SA MMA IARD, assureur décennal de la SAS POLAT ET FILS, sera tenue à garantir la SAS POLAT ET FILS de toutes sommes qui lui incombent au titre de sa responsabilité ;

À titre subsidiaire :

Dire que la société POLAT engage sa responsabilité contractuelle ;

Confirmer le jugement rendu le 4 avril 2022 en ce qu'il a condamné la S.A.S. POLAT ET FILS à payer les travaux de remise en état

Condamner la S.A.S. POLAT ET FILS à payer aux époux [G] la somme de 21.141,11 € TTC au titre des frais de remise en état, et à tout le moins la somme de 17.773,91 € TTC.

Dire que la S.A.S. POLAT ET FILS sera tenue d'adresser le montant des frais de remise en état directement à la MMA IARD, sans restitution des fonds par les époux [G] à la MMA IARD.

En tout état de cause :

Infirmer le jugement rendu le 4 avril 2022 en ce qu'il a débouté les époux [G] de leur demande indemnitaire au titre du préjudice financier ;

Et, statuant de nouveau de ce chef.

Condamner la S.A.S. POLAT ET FILS à leur payer la somme de 400 € TTC au titre du préjudice financier, somme qui sera garantie par la MMA IARD.

Infirmer le jugement rendu le 4 avril 2022 en ce qu'il a débouté les époux [G] de leur demande indemnitaire au titre de leur préjudice moral

Et, statuant de nouveau de ce chef.

Condamner la S.A.S. POLAT ET FILS à leur payer la somme de 500 € TTC à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi, somme qui sera garantie par la MMA IARD.

Condamner la S.A.S. POLAT ET FILS à payer aux époux [G] la somme de 2.500 € au titre de ses frais irrépétibles, somme qui sera garantie par la MMA IARD

Condamner S.A.S. POLAT ET FILS aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise judiciaire, engagés tant en référé que dans la cadre de la présente procédure au fond, somme qui sera garantie par la MMA IARD

Confirmer le jugement rendu le 4 avril 2022 en ce qu'il a débouté tant la SAS POLAT ET FILS que la MMA IARD de l'intégralité de leurs demandes. »

***

La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fait ici expressément référence au jugement entrepris ainsi qu'aux dernières conclusions déposées, étant précisé que le litige se présente céans de la même manière qu'en première instance.

Une ordonnance du 11 janvier 2024 clôture la procédure.

II. Motifs

Il résulte du dossier les éléments suivants.

La réception des travaux a été constatée contradictoirement sur un procès-verbal signé le 1er avril 2015 par l'entreprise POLAT et les maîtres de l'ouvrage. Ce document mentionne :

Fissures sur les quatre façades, plus prononcées sur la façade sud. Je prends des réserves sur les travaux. À revoir fin septembre avec M. [Z] [K].

Dans une lettre que les maîtres de l'ouvrage adressent ensuite à la société POLAT le 15 avril 2015, ils se plaignent de ce que des fissures supplémentaires sont apparues, et estiment que « ce n'est pas que de l'esthétique ».

La compagnie MMA tire argument de ces éléments pour dénier sa garantie décennale au motif que les désordres avaient été réservés à la réception.

Il convient tout d'abord d'observer que seul le procès-verbal de réception contradictoire du 1er avril 2015 répond à la définition qui en est donnée par l'article 1792-6 du code civil. Les désordres supplémentaires signalés par les maîtres de l'ouvrage dans leur lettre du 15 avril 2015 ne sont que le témoignage de l'évolution du problème qui, comme on le comprend au moyen des termes employés, prend rapidement de l'ampleur au fil des jours. On ne saurait par ailleurs attribuer au contenu de ce courrier une valeur technique dont il est manifestement dépourvu dans la mesure où les époux [G] ne sont nullement des professionnels du bâtiment.

Or dans pareille situation il a été jugé de manière constante, et de longue date, que les désordres réservés à la réception, engagent néanmoins la responsabilité décennale du constructeur s'il s'avère qu'il était impossible à ce moment-là de les évaluer dans toute leur ampleur, ni d'en déterminer précisément la gravité. Le dommage, bien que réservé, est donc considéré comme caché à la réception, s'il ne s'est révélé que postérieurement dans son ampleur et dans ses conséquences. Il en résulte que les dispositions de l'article 1792-6 du code civil ne sont pas exclusives de l'application des articles 1792, 1792-2 et 1792-3, de sorte que le maître de l'ouvrage peut demander à l'entrepreneur, sur le fondement de la garantie décennale, réparation des défauts qui, signalés à la réception, ne se sont révélés qu'ensuite dans leur ampleur et leurs conséquences (cf. 3e Civ., 12 octobre 1994, nº 92-16.533, Bull. nº 172 ; 3e Civ., 21 septembre 2022, nº 21-16.402).

En l'espèce, le procès-verbal de réception du 1er avril 2015 mentionne l'existence de fissures nombreuses sur toutes les façades de la maison, et plus particulièrement sur la façade sud. Or l'expertise judiciaire de M. [V] en date du 10 août 2020 permet de comprendre que ces fissures apparentes n'étaient que l'aspect visible d'un problème caché et beaucoup plus important affectant gravement l'enduit posé par la SAS POLAT ET FILS.

L'expert judiciaire note en effet dans son rapport page 15 :

À savoir toutes les façades sont concernées par les désordres.

Les lézardes atteignent des largeurs de 12/10 mm en façade Sud, avec localement, des désafleurs (photos 7 et 8).

L'importance de celles-ci les qualifient bien de « lézardes » et non de fissures, lesquelles pré déterminent des panneaux d'enduit aléatoires, dont la surface comprise de 1 à 3 m2 (photos 5, 6, 9, 10).

Ces lézardes sont ponctuellement infiltrantes vers le corps d'enduit (spectre de carbonatation au droit des lézardes - voir photos 9, 10, 12).

À terme, la progression de l'humidité dans les maçonneries sous-jacentes est certaine, la sous couche n'ayant pas de capacité d'imperméabilisation.

Au vu des dimensions des zones fracturées, il ne s'agit pas de « micro faïençage » mais de rupture par plaques de la couche de finition [']

Le corps d'enduit apparaît friable et anormalement tendre au point de sondage. Cette singularité traduit un défaut de mise en 'uvre.

Causes de fragilité du corps d'enduit : soit un excès d'eau de gâchage, soit défaut de préparation du support (absence de gobetis) ou bien, une mise en 'uvre sous condition de température extérieure non conforme pendant la prise, sachant que la réalisation a été faite en février et que la prise de l'enduit n'est pas acquise si l'enduit frais est exposé à des températures inférieures à + 5 °C, pendant les 72 heures suivant l'application (la phase nocturne est à prendre en considération).

Poursuivant ses commentaires à la page 16 de son rapport, M. [V] explique pourquoi les lézardes constatées, de par leur importance et leur nombre, exposent l'ensemble de la maçonnerie à de graves désordres :

Les lézardes observées, ouvertures de 12/10, et localement jusqu'à 25/10, sont autant de voie d'eau possible qui finiront par venir imbiber les mortiers de chaux sous-jacents. Les taches de carbonatation, issues des lézardes, en sont les premières manifestations. L'évolution vers l'imbibition des maçonneries constitutives des murs de l'habitation sera la prochaine manifestation.

Logiquement, au vu de ces constatations, l'expert judiciaire conclut pages 16 et 17 :

La dégradation des enduits des façades et la précocité de leur manifestation, sont caractéristiques d'une mise en 'uvre non conforme au DTU 26.1.

La responsabilité contractuelle de la société POLAT ET FILS est engagée au titre d'un désordre d'ores et déjà révélé dès la réception (prononcée avec réserves). L'évolution des désordres vers un caractère décennal, au titre de l'article 1792 du Code Civil, est certaine, entraînant à terme une impropriété à destination.

Il en résulte que si les fissures ne sont pas traitées, au fur et à mesure des intempéries, l'eau s'infiltrera à travers l'enduit, atteindra la maçonnerie, et imprègnera les murs jusqu'à rendre l'habitation impropre à sa destination par défaut d'étanchéité à l'eau. Dès lors que l'expert judiciaire retient l'hypothèse d'une impropriété à destination au sens de l'article 1792 du code civil, cela signifie qu'il considère qu'elle se manifestera dans le délai de la garantie. Il s'agit par conséquent d'un désordre décennal dont la SAS POLAT ET FILS doit répondre, sous la garantie de son assureur la compagnie MMA.

Concernant les réparations, dans la mesure où le rapport de M. [V] est récent (10 août 2020) il convient de retenir son estimation de 17 016,77 EUR TTC pour la réfection complète des quatre façades (rapport page 17).

Les époux [G] allèguent par ailleurs un préjudice financier et moral.

Concernant le préjudice financier, ils disent qu'ils vont subir une perte de 400 EUR, résultant de la réduction du loyer mensuel de leur locataire pendant le mois des travaux. La proposition de réduction du loyer en conséquence, adressée le 16 décembre 2019 par les époux [G] à leur locataire, n'est pas de nature à prouver le préjudice de manière certaine.

Concernant le préjudice moral, il n'est nullement justifié par les éléments du dossier.

Le jugement sera donc intégralement confirmé.

2500 EUR sont justes pour l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, au bénéfice des époux [G], à charge de la compagnie MMA. Il n'y a pas lieu de faire autrement application de ce texte.

La compagnie MMA supportera les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement ;

Condamne la compagnie MMA à payer aux époux [G] ensemble la somme unique de 2500 EUR en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la compagnie MMA aux dépens d'appel ;

Déboute les parties de leurs autres demandes.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Riom
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22/00867
Date de la décision : 14/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-14;22.00867 ?
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