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07/05/2024 | FRANCE | N°21/01556

France | France, Cour d'appel de Riom, Chambre sociale, 07 mai 2024, 21/01556


07 MAI 2024



Arrêt n°

CHR/VS/NS



Dossier N° RG 21/01556 - N° Portalis DBVU-V-B7F-FUNA



CAISSE REGIONALE DU CREDIT MUTUEL MACIF CENTRAL /

[H] [I]



jugement au fond, origine conseil de prud'hommes - formation paritaire de clermont-ferrand, décision attaquée en date du 16 juin 2021, enregistrée sous le n° 18/00674

Arrêt rendu ce SEPT MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :



M. Christophe RU

IN, Président



Mme Sophie NOIR, Conseiller



Mme Karine VALLEE, Conseiller



En présence de Mme Valérie SOUILLAT greffier lors des déba...

07 MAI 2024

Arrêt n°

CHR/VS/NS

Dossier N° RG 21/01556 - N° Portalis DBVU-V-B7F-FUNA

CAISSE REGIONALE DU CREDIT MUTUEL MACIF CENTRAL /

[H] [I]

jugement au fond, origine conseil de prud'hommes - formation paritaire de clermont-ferrand, décision attaquée en date du 16 juin 2021, enregistrée sous le n° 18/00674

Arrêt rendu ce SEPT MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :

M. Christophe RUIN, Président

Mme Sophie NOIR, Conseiller

Mme Karine VALLEE, Conseiller

En présence de Mme Valérie SOUILLAT greffier lors des débats et du prononcé

ENTRE :

CAISSE REGIONALE DU CREDIT MUTUEL MACIF CENTRAL Société coopérative de crédit au capital de 1.629.081,11 €, immatriculée au RCS de Clermont-Ferrand sous le N° 318.773.439, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège sis

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Andéol LEYNAUD de la SCP VIGNANCOUR ASSOCIES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND -

et par Me Cyril GAILLARD de la SAS BREDIN PRAT, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE

ET :

M. [H] [I]

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représenté par Me Anne-Sophie BRUSTEL suppéant Me Jérôme LANGLAIS de la SCP LANGLAIS BRUSTEL LEDOUX & ASSOCIES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

INTIME

M. RUIN, Président et Mme NOIR, Conseiller après avoir entendu, M. RUIN, Président en son rapport, à l'audience publique du 12 Février 2024 , tenue par ces deux magistrats, sans qu'ils ne s'y soient opposés, les représentants des parties en leurs explications, en ont rendu compte à la

Cour dans son délibéré après avoir informé les parties que l'arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l'article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

La caisse régionale du CRÉDIT MUTUEL MASSIF CENTRAL (société coopérative de crédit à capital variable et responsabilité statutairement limitée au capital de 1.629.081,11 euros, immatriculée au RCS de CLERMONT-FERRAND sous le numéro D 318 773 439 et dont le siège social est sis [Adresse 1]) est une caisse de Crédit Mutuel implantée à [Localité 4] depuis 1985 sous forme de banque à réseau. Elle est spécialisée dans le secteur d'activité bancaire.

Monsieur [H] [I], né le 3 octobre 1983, a été embauché par la caisse régionale du CRÉDIT MUTUEL MASSIF CENTRAL (ci-après dénommé CMMC) à compter du 2 août 2005, suivant un contrat de travail à durée indéterminée, à temps plein, en qualité d'attaché commercial.

Au dernier état de la relation contractuelle, Monsieur [H] [I] occupait le poste de responsable clientèle professionnelle du CRÉDIT MUTUEL MASSIF CENTRAL.

Les bulletins de paie produits mentionnent la convention collective de branche du CRÉDIT MUTUEL et la convention collective UES Arkade.

Par courrier recommandé (avec avis de réception) daté du 23 avril 2018, la CAISSE RÉGIONALE DU CRÉDIT MUTUEL DU MASSIF CENTRAL a notifié à Monsieur [H] [I] un 'rappel à l'ordre'.

Le 30 novembre 2018, Monsieur [H] [I] a saisi le conseil de prud'hommes de CLERMONT-FERRAND aux fins notamment de voir annuler la sanction disciplinaire du 23 avril 2018 et condamner la caisse régionale du CRÉDIT MUTUEL MASSIF CENTRAL à lui payer la somme de 9000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral.

La première audience devant le bureau de conciliation et d'orientation a été fixée au 14 janvier 2019 (convocation notifiée au défendeur le 4 décembre 2018) et, comme suite au constat de l'absence de conciliation, l'affaire était renvoyée devant le bureau de jugement.

Par courrier daté du 1er juillet 2019 adressé au CMMC, Monsieur [H] [I] a pris acte de la rupture de son contrat de travail en reprochant à son employeur des faits de harcèlement moral.

Par jugement (RG 18/00674) rendu contradictoirement le 16 juin 2021 (audience du 10 mars 2021), le conseil de prud'hommes de CLERMONT-FERRAND a :

- dit et jugé que la procédure disciplinaire suivie est régulière ;

- dit et jugé que la sanction est injustifiée et en a prononcé l'annulation ;

- condamné la caisse régionale du CRÉDIT MUTUEL MASSIF CENTRAL (CMMC), prise en la personne de son représentant légal, à payer et porter à Monsieur [H] [I] les sommes suivantes :

*5.000,00 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi,

*1.500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la caisse régionale du CRÉDIT MUTUEL MASSIF CENTRAL (CMMC) aux entiers dépens de l'instance.

Le 13 juillet 2021, la CAISSE RÉGIONALE DU CRÉDIT MUTUEL MASSIF CENTRAL a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié à sa personne le 18 juin 2021.

L'affaire a été enregistrée sous le numéro RG 21/01556 et distribuée à la chambre sociale de la cour d'appel de Riom. Elle a été fixée à l'audience du 19 juin 2023 puis renvoyée au 12 février 2024 pour cause de sous-effectif de magistrats.

Vu les conclusions notifiées à la cour le 12 octobre 2021 par la CAISSE RÉGIONALE DU CRÉDIT MUTUEL DU MASSIF CENTRAL,

Vu les conclusions notifiées à la cour le 20 décembre 2021 par Monsieur [I],

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 4 septembre 2023.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions la CAISSE RÉGIONALE DU CRÉDIT MUTUEL DU MASSIF CENTRAL demande à la cour de :

- Infirmer le jugement rendu le 16 juin 2021 par le Conseil de Prud'hommes de CLERMONT-FERRAND notifié le 17 juin en ce qu'il a :

'- Dit que la sanction disciplinaire notifiée le 17 avril 2018 à Monsieur [I] est injustifiée et l'a annulée ;

- Condamné la Caisse Régionale du CMMC à payer à Monsieur [I] les sommes de 5.000,00 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi et de 1.500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné la Caisse Régionale du CREDIT MUTUEL MASSIF CENTRAL (CMMC) aux entiers dépens de l'instance'.

Et ainsi de

- Confirmer que la procédure disciplinaire était régulière ;

- Constater que l'observation écrite rappelant Monsieur [I] à l'ordre et notifiée le 17 avril 2018, était une sanction justifiée et proportionnée aux agissements fautifs constatés ;

- Débouter Monsieur [H] [I] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- Condamner Monsieur [H] [I] à lui payer la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du Code de la procédure civile.

La CAISSE RÉGIONALE DU CRÉDIT MUTUEL MASSIF CENTRAL fait valoir que l'usage abusif des outils de communication ainsi que le manquement du salarié à son obligation de loyauté et de discrétion constituent des agissements fautifs justifiant une sanction disciplinaire, étant précisé que le salarié ne doit pas abuser de sa liberté d'expression en tenant notamment des propos qui porteraient atteinte au bon fonctionnement de l'entreprise, à sa direction ou qui seraient de nature à nuire à son image.

La CAISSE RÉGIONALE DU CRÉDIT MUTUEL MASSIF CENTRAL indique qu'elle reproche à son salarié la diffusion sur les boites de messagerie professionnelle des salariés du CMMC ainsi que sur le réseau social TWITTER de messages en faveur du projet indépendantiste porté par le CRÉDIT MUTUEL ARKEA. Elle souligne par ailleurs le caractère particulièrement critique, confinant avec des injures, des propos tenus par Monsieur [H] [I] dans ce cadre.

La CAISSE RÉGIONALE DU CRÉDIT MUTUEL MASSIF CENTRAL soutient que le salarié a de la sorte fait un usage abusif de sa liberté d'expression de nature à avoir porté atteinte au bon fonctionnement de l'entreprise ainsi qu'à la réputation de sa direction. Elle ajoute que la campagne de communication mise en oeuvre par Monsieur [H] [I] était de nature à accroître les risques psychosociaux internes et d'ores et déjà constatés à raison de la pression exercée par le CREDIT MUTUEL ARKEA relativement au choix des salariés.

La CAISSE RÉGIONALE DU CRÉDIT MUTUEL MASSIF CENTRAL considère qu'en agissant de la sorte, Monsieur [H] [I] a contrevenu aux dispositions régissant le bon usage des outils de communication internes, et ce d'autant plus que les communications collectives auprès de tout ou partie du personnel sont exclusivement réservées à la direction.

La CAISSE RÉGIONALE DU CRÉDIT MUTUEL MASSIF CENTRAL soutient que la sanction prononcée à l'encontre de Monsieur [H] [I], consistant un simple rappel à l'ordre, est à la fois bien fondée et proportionnée.

Concernant la régularité de la procédure de sanction disciplinaire, la CAISSE RÉGIONALE DU CRÉDIT MUTUEL MASSIF CENTRAL fait valoir que la procédure instituée par les articles L1332-2 et R1332-1 du Code du travail n'avait pas à s'appliquer au cas d'espèce, en sorte qu'aucun grief ne peut lui être opposé s'agissant de la convocation informelle de Monsieur [I] à un entretien, réalisée par courriel du 27 mars 2018.

A tire subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour prononcerai l'annulation de la sanction disciplinaire litigieuse, la CAISSE RÉGIONALE DU CRÉDIT MUTUEL MASSIF CENTRAL conclut au débouté de Monsieur [H] [I] de sa demande indemnitaire en l'absence de toute démonstration d'un quelconque préjudice subi.

Dans ses dernières écritures, Monsieur [H] [I] conclut à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a annulé la sanction disciplinaire, en ce qu'il a condamné le CMMC à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts et de 1500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance, et demande à la cour, y ajoutant, de condamner en cause d'appel le CMMC aux entiers dépens ainsi qu'à lui payer une somme de 3000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile

Monsieur [H] [I] expose que par courriel du 27 mars 2018 la CAISSE RÉGIONALE DU CRÉDIT MUTUEL MASSIF CENTRAL lui a adressé une une invitation informelle à un entretien, sans toutefois apporter de quelconques précisions quant à la nature, la portée ou l'objet de cet entretien.

Monsieur [H] [I] indique avoir alors sollicité des précisions sur la teneur de cet entretien et qu'il lui a été répondu le 17 avril 2018, par le Directeur général de la caisse, qu'il n'y avait aucune raison particulière de préparer l'entretien ou d'être assisté mais qu'il pouvait néanmoins être accompagné d'un membre élu des instances représentatives du personnel du CMMC. Monsieur [H] [I] en déduit qu'en procédant de la sorte, l'employeur n'a pas respecté la procédure propre aux sanctions disciplinaires, en sorte que la sanction dont il a fait l'objet consécutivement à ladite procédure tronquée, s'avère manifestement illicite et se doit en conséquence être annulée.

Monsieur [H] [I] soutient, concernant les griefs même ayant conduit à la sanction disciplinaire litigieuse, qu'il n'a fait qu'user de sa liberté d'expression, qu'il demeurait libre d'adhérer à un mouvement de soutien au projet ARKEA du CMMC, dès lors que l'ensemble de ces communications, parmi lesquelles son nom patronymique apparaît certes, ne comportent aucun termes ou propos injurieux mais relèvent au contraire de la simple critique légitime des actions du CMMC et de son président. Monsieur [H] [I] relève enfin que l'adresse mail utilisée n'est pas une messagerie professionnelle en sorte que l'employeur apparaît mal fondé à lui opposer un quelconque manquement aux règles régissant l'utilisation des moyens de communication internes.

Monsieur [H] [I] conclut de la sorte à l'absence de bien fondé de la sanction disciplinaire qui lui a été notifiée le 23 avril 2018 et sollicite son annulation ainsi que l'indemnisation du préjudice subi.

Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions, moyens et arguments des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux dernières conclusions régulièrement notifiées et visées.

MOTIFS

- Sur les demandes en matière disciplinaire -

Aux termes de l'article L. 1331-1 du code du travail : 'Constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.'.

Il n'est pas contesté que le 'rappel à l'ordre' notifié par l'employeur à Monsieur [H] [I] le 23 avril 2018 constitue une sanction disciplinaire. D'ailleurs le courrier de notification mentionne : 'Je suis donc contraint, par la présente, de vous adresser un rappel à l'ordre et de vous enjoindre de cesser ... J'ose espérer que vous en tiendrez compte et que vous ne m'obligerez pas à devoir user à nouveau de mon pouvoir disciplinaire.'

Aux termes de l'article L. 1332-1 du code du travail : 'Aucune sanction ne peut être prise à l'encontre du salarié sans que celui-ci soit informé, dans le même temps et par écrit, des griefs retenus contre lui.'

Aux termes de l'article L. 1332-2 du code du travail :

'Lorsque l'employeur envisage de prendre une sanction, il convoque le salarié en lui précisant l'objet de la convocation, sauf si la sanction envisagée est un avertissement ou une sanction de même nature n'ayant pas d'incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l'entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié.

Lors de son audition, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise.

Au cours de l'entretien, l'employeur indique le motif de la sanction envisagée et recueille les explications du salarié.

La sanction ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables, ni plus d'un mois après le jour fixé pour l'entretien. Elle est motivée et notifiée à l'intéressé.'

Aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail : 'Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.'

Aux termes de l'article L.1333-1 du code du travail :

'En cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction.

L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction.

Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.'

Aux termes de l'article L.1333-1 du code du travail : 'Le conseil de prud'hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.'

- Sur le contexte -

Vu les explications données par les parties et les pièces versées aux débats, il apparaît que :

- le groupe Crédit Mutuel est un groupe bancaire mutualiste, principalement constitué de 18 fédérations régionales, toutes adhérentes à un organe central constitué sous la forme d'une association, la Confédération Nationale du Crédit Mutuel, qui est chargée d'une mission de service public et dispose de prérogatives étendues sur l'ensemble du groupe en vertu de la réglementation bancaire française et européenne ;

- les 1400 caisses de crédit mutuel adhérentes à ces onze fédérations exercent leur activité bancaire sous un agrément collectif délivré à la Caisse Fédérale de Crédit Mutuel, dont le siège est à [Localité 7] ;

- parmi ces 18 fédérations régionales (également constituées sous la forme d'associations), 11 se sont associées pour former le sous-groupe régional Alliance Fédérale (auparavant dénommé CM-11) ;

- jusqu'au 1er janvier 2020, 3 fédérations régionales (Bretagne, Sud-Ouest et Massif Central) s'étaient associées pour former le sous-groupe régional Crédit Mutuel Arkéa. Les 336 caisses de crédit mutuel adhérentes à ces trois fédérations exerçaient leurs activités sous un agrément collectif délivré à la Caisse Interfédérale du Crédit Mutuel Arkéa, dont le siège est dans le Finistère ;

- 3 autres fédérations régionales disposent de leur propre Caisse Fédérale: le Crédit Mutuel Nord Europe, le Crédit Mutuel Océan et le Crédit Mutuel Maine-Anjou-Basse-Normandie ;

- au sein du groupe Crédit Mutuel, il existe ainsi différents sous-groupes régionaux ;

- la Fédération et la Caisse Régionale du CMMC regroupent environ 30 caisses locales de Crédit Mutuel, réparties sur les départements du Puy-de-Dôme, de l'Allier, du Cantal et de l'Aveyron, qui appartiennent à plus de 118.000 sociétaires représentés par leurs conseils d'administration respectifs et, au niveau fédéral, par les conseils d'administration de la Fédération et de la Caisse Régionale ;

- en 2002, la Fédération et les Caisses du CMMC ont fait le choix d'adhérer à la Caisse Interfédérale du Crédit Mutuel Arkéa. Dans le cadre de cette adhésion, un certain nombre de fonctions techniques et administratives auparavant assurées par la Fédération et la Caisse Régionale du CMMC furent déléguées au Crédit Mutuel Arkéa. Entre 2007 et 2019, la Fédération et la Caisse Régionale du CMMC formaient, avec les autres fédérations et caisses ayant adhéré au Crédit Mutuel Arkéa, une Unité Economique et Sociale, dénommée Arkade, qui permettait aux salariés concernés de pouvoir bénéficier d'une représentation commune et d'un statut collectif harmonisé. La Fédération et la Caisse Régionale du CMMC constituaient, au sein de l'UES Arkade, un établissement distinct doté de ses propres institutions représentatives du personnel (CE et IDP-HSCT) ;

- depuis 2014, le Crédit Mutuel Arkéa est entré en conflit avec la Confédération Nationale du Crédit Mutuel en relevant notamment une situation de concurrence entre les sous-groupes régionaux ;

- le 22 juin 2017, le conseil d'administration de la Fédération du CMMC, qui représente l'ensemble des sociétaires du Crédit Mutuel Massif Central, a décidé d'élire à sa présidence Monsieur [E] [X], lequel était déjà le président de la Caisse Régionale depuis le 15 décembre 2016. Monsieur [X] est donc depuis lors le représentant légal de ces deux entités ;

- le 27 juin 2017, les conseils d'administration de la Fédération et de la Caisse Régionale du CMMC ont exprimé leur attachement au maintien de l'unité du Crédit Mutuel autour de son organe central, la Confédération Nationale du Crédit Mutuel

- le 17 janvier 2018, le Crédit Mutuel Arkéa a annoncé son projet de quitter le groupe Crédit Mutuel ;

- le 29 juin 2018, après consultation des institutions représentatives du personnel, malgré l'opposition du Crédit Mutuel Arkéa, le projet du CMMC de se rattacher au Crédit Mutuel Alliance Fédérale a été définitivement approuvé par les conseils d'administration et les assemblées générales de la Fédération et de la Caisse Régionale du CMMC ;

- le 18 octobre 2018, le Comité Central d'Entreprise de l'UES Arkade a rendu un avis défavorable sur le projet d'indépendance présenté par la direction du Crédit Mutuel Arkéa ;

- le 1er janvier 2020, le CMMC a quitté le sous-groupe régional Crédit Mutuel Arkéa pour rejoindre le Crédit Mutuel Alliance Fédérale ;

- à ce jour, le Crédit Mutuel Arkéa, n'a pas quitté le groupe Crédit Mutuel.

Le Crédit Mutuel comprenait plusieurs caisses fédérales dont le Crédit Mutuel Arkéa, caisse fédérale d'importance au sein du groupe Crédit Mutuel. Accusant notamment l'organe central de vouloir porter atteinte à son autonomie et de favoriser des fédérations rivales, le Crédit Mutuel Arkéa a développé un projet ou une démarche d'indépendance qui a profondément divisé les salariés du groupe et engendré des positions et réactions très marquées et opposées, voire conflictuelles. En 2017 et surtout début 2018, la polémique atteignait un niveau assez élevé.

Début 2018, certains salariés du CMMC, favorables au projet d'indépendance Arkéa et au maintien du CMMC dans ce sous-groupe régional Crédit Mutuel Arkéa, et donc opposés au rattachement du CMMC au sous-groupe régional Alliance Fédérale CM11, ont souhaité communiquer en ce sens, notamment via le 'mouvement pour le projet Arkéa au CMMC' qui a échangé à partir d'une adresse mail '[Courriel 6]' et a diffusé dans ce cadre une 'newsletter' ainsi que des messages afin d'informer les salariés du CMMC en leur apportant 'un éclairage sur les contre-vérités que nous recevons ou entendons', de dire 'non à la désinformation et aux intimidations' mais 'oui aux faits, à la vérité, au respect, au projet Arkéa pour que rien ne change et afin de poursuivre le projet mutualiste ainsi que la stratégie pertinente d'un groupe aux résultats exceptionnels et solide financièrement, d'inciter les salariés du CMMC à échanger en direct sur cette démarche via l'adresse mail précitée, de rappeler que chacun a le choix d'adhérer au projet d'indépendance Arkéa.

Il apparaît également qu'à l'époque considérée Monsieur [H] [I] était très favorable au projet d'indépendance Arkéa et au maintien du CMMC dans le sous-groupe régional Crédit Mutuel Arkéa, alors que Monsieur [E] [X], président de la Fédération et de la Caisse Régionale CMMC, et Monsieur [B] [J], directeur général de la Caisse Régionale CMMC, y étaient très hostiles et souhaitaient que le CMMC rejoigne le Crédit Mutuel Alliance Fédérale.

Il n'est pas contesté que la Caisse Régionale CMMC était le seul employeur de Monsieur [H] [I] entre le 2 août 2005 et le 1er juillet 2019.

- Sur la procédure disciplinaire -

Le 27 mars 2018 et début avril 2018, par courriels, Monsieur [H] [I] était convoqué à un entretien avec le directeur général de la caisse régional du CMMC (Monsieur [J]) avec pour seul objet indiqué au salarié : 'entretien RH informel'. Malgré plusieurs demandes en ce sens, Monsieur [H] [I] n'obtenait pas plus de précisions sur l'objet et la nature de l'entretien demandé par le directeur général de la Caisse Régionale CMMC.

Le 17 avril 2018, par courriel, Monsieur [J] confirmait à Monsieur [H] [I] un rendez-vous fixé au 20 avril 2018 en lui indiquant qu'il n'y avait pas de raison particulière de préparer l'entretien ou d'être assisté mais qu'il était d'accord pour que le salarié convoqué soit accompagné d'un représentant du personnel.

Lors de l'entretien du 20 avril 2018, Monsieur [H] [I] était assisté d'un collègue de travail (Monsieur [R] [U]).

Monsieur [H] [I] soutient que l'employeur n'a pas respecté la procédure disciplinaire puisqu'il l'a convoqué sans lui préciser l'objet de cette convocation et la nature de l'entretien projeté.

Selon le règlement intérieur UES Arkade, la sanction de rappel à l'ordre (observation écrite sans avertissement ni blâme) correspond à la plus faible des sanctions disciplinaires du premier degré (échelle disciplinaire de deux degrés). Ce règlement intérieur précise qu'un entretien doit avoir lieu avec un supérieur hiérarchique avant notification d'une observation écrite ou d'un avertissement écrit mais que ce type de sanction n'ouvre pas droit à la communication préalable du dossier ni à une assistance par un membre du personnel.

Comme le premier juge, la cour relève qu'en l'espèce le CMMC n'était pas tenu de respecter strictement les dispositions de l'article L. 1332-2 du code du travail s'agissant des garanties accordées au salarié. Néanmoins, Monsieur [H] [I] a bénéficié d'un entretien préalable, d'une assistance par un collègue de travail pendant cet entretien et les délais disciplinaires ont été respectés par l'employeur.

Pour le surplus, vu le dispositif des dernières conclusions de Monsieur [H] [I], l'intimé ne demande pas la réformation ou l'infirmation du jugement en ce que le conseil de prud'hommes a dit et jugé que la procédure disciplinaire suivie est régulière.

- Sur la sanction disciplinaire -

Par courrier recommandé daté du 23 avril 2018, l'employeur a notifié à Monsieur [H] [I] un 'rappel à l'ordre' dans les termes suivants :

'Monsieur,

Plusieurs salariés m'ont signalé et se sont plaints de recevoir, via leur outil informatique professionnel, de nombreuses communications intempestives les incitant à soutenir activement et par tout moyen le projet d'indépendance du Crédit Mutuel Arkéa.

Or, comme vous avez pu en discuter avec M. [B] [J], Directeur Général, lors de votre entretien en date du 20 avril, entretien au cours duquel vous étiez assisté par M. [R] [U], je suis au regret de constater que vous apparaissez comme étant signataire de certaines de ces communications à l'occasion desquelles le mouvement pour le projet Arkéa au CMMC auquel vous appartenez, se permet de porter de graves accusations de 'désinformation », d'intimidations et de contrevérité, de mensonge, à l'égard de ceux, à l'instar de la Fédération et la Caisse Régionale du CMMC, se prononcent pour le maintien dans l'unité du Crédit Mutuel.

Vous ne pouvez ignorer qu'en agissant de la sorte, vous enfreignez les dispositions tant du règlement intérieur de l'UES Arkade que de la charte informatique qui rappellent les règles de bon usage du matériel et des outils de communication professionnelle et précisent notamment que :

- Le matériel mis à la disposition des salariés dans le cadre de l'exécution de leur fonction doit être réservé à un usage professionnel ;

- Les communications collectives auprès de tout ou partie du personnel sont réservées à la direction et aux services de l'entreprise pour la transmission d'informations à caractère professionnel. Les utilisateurs ne peuvent utiliser les listes de diffusion de la messagerie à titre personnel ;

- La loi sanctionne l'émission de messages susceptibles de constituer des spams ou pourriels soit l'envoi massif de messages non-autorisés.

Qui plus est, quelques soient vos convictions personnelles sur le projet d''indépendance' du Crédit Mutuel Arkéa, vous ne pouvez, sans enfreindre l'obligation de loyauté inhérente à votre contrat de travail et outrepasser les limites de votre droit d'expression :

- Etre à l'initiative d'une communication massive destinée aux salariés de la Caisse régionale du CMMC promouvant un projet allant manifestement à l'encontre des choix et des intérêts de leur employeur et de ses représentants ;

- Diffuser des propos de nature à dénigrer et désavouer votre employeur et ses représentants.

Je suis donc contraint, par la présente, de vous adresser un rappel à l'ordre et de vous enjoindre de cesser d'être le vecteur d'informations qui s'avèrent aussi alarmistes qu'erronées et de nature à accroître l'anxiété et les tensions au sein d'une collectivité déjà durement éprouvée.

J'ose espérer que vous en tiendrez compte et que vous ne m'obligerez pas à devoir user à nouveau de mon pouvoir disciplinaire.

Je vous prie d'agréer, Monsieur l'expression de mes salutations distinguées.

[E] [X]

Président Fédération et Caisse Régionale CMMC'.

Par courrier en réponse, Monsieur [H] [I] a contesté cette sanction disciplinaire que Monsieur [X] a toutefois maintenue selon courrier recommandé daté du 30 mai 2018.

' Conformément à l'article L. 1222-1 du code de travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi. Le salarié et l'employeur ont la même obligation : exécuter le contrat de travail de bonne foi. La bonne foi se présumant, la charge de la preuve de l'exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur incombe au salarié, et la charge de la preuve de l'exécution déloyale du contrat de travail par le salarié incombe à l'employeur.

Le salarié est tenu d'exécuter personnellement et consciencieusement le travail prévu au contrat. Le salarié doit respecter les directives de l'employeur et se soumettre aux instructions de celui-ci, sous réserve qu'elles soient conformes à ses attributions et ne soient pas illicites, vexatoires ou immorales. Le salarié, qui a l'obligation d'exécuter le contrat de travail de bonne foi, doit s'abstenir de tout acte contraire à l'intérêt de l'entreprise et, en particulier, de tout acte de concurrence, y compris lorsque le contrat de travail est suspendu. Il ne doit pas commettre un acte moralement, voire pénalement, répréhensible à l'égard de l'entreprise ou de ses collègues, tel que tromperie, manoeuvre indélicate ou frauduleuse, vol ou malversation. Il lui est interdit d'abuser de ses fonctions pour s'octroyer un avantage particulier ou accorder une faveur à d'autres salariés ou à des tiers dans accord de l'employeur. Le salarié ne doit pas divulguer d'informations confidentielles dont il a connaissance dans l'exercice de ses fonctions, ni à l'extérieur, ni à l'intérieur de l'entreprise.

' L'utilisation à des fins personnelles par un salarié des moyens mis à sa disposition par l'employeur pour le travail n'est pas en soi fautive. Elle peut cependant le devenir si des abus sont constatés. En pratique, les abus tiennent généralement à la fréquence d'utilisation, à son ampleur ou à son objet, ou encore à l'usage illicite de l'outil de travail.

À titre de tolérance, le salarié a la possibilité d'utiliser, de manière raisonnable, l'ordinateur, ou un outil informatique, mis à sa disposition par l'employeur pour exécuter le contrat de travail, à des fins personnelles. Cependant, s'il souhaite préserver la confidentialité des fichiers créés dans ce cadre, il devra les identifier comme personnels car l'employeur a un droit d'accès de principe aux documents contenus dans l'ordinateur professionnel qui sont présumés avoir un caractère professionnel.

Le salarié ayant droit à un espace de vie personnelle même au temps et au lieu du travail, il peut envoyer et recevoir des courriels privés en passant par la messagerie électronique de l'entreprise.

Cette utilisation personnelle par le salarié de sa messagerie professionnelle est un droit dont il doit user de manière raisonnable, pour exécuter de façon loyale le contrat de travail et afin de ne pas porter atteinte au bon fonctionnement de l'entreprise.

' Aux termes de l'article L. 1121-1 du code du travail : 'Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.'

La Cour de cassation considère la liberté d'expression du salarié comme une liberté fondamentale et juge qu'en conséquence le salarié peut exercer pleinement son droit d'expression, dans comme hors de l'entreprise, en principe dépourvu de sanction, sauf abus, toute atteinte à cette liberté étant sanctionnée par la nullité.

Selon une jurisprudence constante, le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, d'une liberté d'expression à laquelle il ne peut être apporté que des restrictions justifiées par la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché. Cette liberté d'expression du salarié, dans et hors de l'entreprise, trouve sa limite dans la caractérisation d'un abus, constitué notamment par des propos injurieux, diffamatoires, excessifs, outranciers, menaçants, dénigrants, agressifs ou méprisants. En cas de litige, il appartient au juge de contrôler la qualification de termes injurieux, diffamatoires ou excessifs caractérisant l'abus dans l'exercice de la liberté d'expression, en tenant compte des circonstances dans lesquelles les propos litigieux ont été tenus, notamment de l'étendue de leur diffusion.

Cette liberté d'expression du salarié ne se confond pas avec le droit d'expression reconnu par l'article L. 2281-1 du code du travail. On distingue ainsi la liberté d'expression de chaque salarié, droit exercé individuellement au sein ou en dehors de l'entreprise, protégé par l'article L. 1121-1 du code du travail, et le droit d'expression, droit collectif portant sur le contenu, les conditions d'exercice et l'organisation du travail.

Il ne faut pas confondre la liberté d'expression avec la liberté d'opinion qui est une liberté fondamentale à laquelle aucune restriction ne peut être apportée.

Hors de l'entreprise, la liberté d'expression du salarié s'exerce pleinement, toujours sauf abus. Le salarié peut s'exprimer via les réseaux sociaux ,sauf à respecter son obligation de loyauté vis-à-vis de l'employeur. Les propos tenus par le salarié sur un site en accès restreint relèvent de sa sphère privée et ne peuvent donc pas être invoqués par l'employeur à l'appui d'une sanction disciplinaire. Par contre, si le salarié laisse ses propos ou commentaires accessible au public et s'exprime de façon abusive, il commet une faute vis-à-vis de l'employeur.

Dans l'entreprise, même si les conversations non professionnelles entre des salariés au travail peuvent devenir abusives si elles empêchent le travail, le Conseil d'État a jugé qu'un règlement intérieur ne pouvait valablement interdire toute conversation étrangère au service. La Cour de cassation reconnaît une liberté d'expression entre salariés dans l'entreprise ainsi qu'une liberté d'expression entre salarié et employeur, toujours sous la même réserve de l'abus (propos injurieux, diffamatoires, excessifs...).

En conséquence, sauf abus caractérisé, les salariés jouissent, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de leur liberté d'expression à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées par l'employeur.

La liberté d'expression ne justifie ni les injures ni la violence verbale ni le manquement au devoir de réserve ni le harcèlement moral ou le harcèlement sexuel ni des propos nuisibles, fallacieux ou discriminatoires.

' À titre liminaire, il échet de relever que si dans la lettre de rappel à l'ordre du 23 avril 2018 l'employeur reproche à Monsieur [H] [I] des griefs assez précis quant à leur nature, ce courrier ne vise aucun fait matériel ou événement précisément daté.

Dans le contexte précité, la cour ne va pas relever tous les échanges, parfois aigres, entre les dirigeants du CMMC (Monsieur [X] notamment) et du CRÉDIT MUTUEL Arkéa (Monsieur [S] et Monsieur [V] notamment) ni les actions du CRÉDIT MUTUEL Arkéa auxquelles Monsieur [H] [I] n'a pas directement participé. Monsieur [H] [I] n'est pas responsable de façon générale des projets, démarches et actions du CRÉDIT MUTUEL Arkéa. De même, l'employeur ne saurait faire reproche à Monsieur [H] [I], sans violer les libertés individuelles de l'intimé, d'être l'un des salariés du CMMC adhérents, sympathisants ou membres actifs du 'mouvement pour le projet Arkéa au CMMC' et de partager ainsi avec d'autres collègues de travail des convictions tranchées sur la question de l'opposition, à l'époque considérée, entre un projet Arkéa dit 'indépendant' et un projet de maintien de l'unité du groupe Crédit Mutuel, avec rattachement du CMMC au Crédit Mutuel Alliance Fédérale (sous-groupe régional CM11), opinions qui ne seraient pas celles des dirigeants ou de la majorité des représentants du personnel ou des salariés du CMMC.

Seuls les faits ou événements imputables à l'action directe de Monsieur [H] [I] et en rapport avec les griefs énoncés dans la lettre de rappel à l'ordre du 23 avril 2018 seront examinés sur le plan disciplinaire.

La cour ne relève pas de preuve de l'implication personnelle et directe de Monsieur [H] [I] s'agissant (pièce 6 employeur) de la diffusion en date du 9 mars 2018 sur 'Zimbra' (qui serait la messagerie professionnelle de l'entreprise pour les salariés du CMMC et du groupe Crédit Mutuel), depuis la seule adresse mail du 'mouvement pour le projet Arkéa au CMMC', d'un document indiquant que des salariés du CMMC ne veulent plus rester silencieux, en conséquence disent 'NON' et 'OUI' à certaines choses et s'engagent en faveur du 'projet Arkéa au CMMC'. Si ce document mentionne en bas de page des noms de salariés CMMC (12 personnes dont Monsieur [H] [I] et Madame [Y] [O]), qui seraient ainsi membres ou sympathisants du 'mouvement pour le projet Arkéa au CMMC', rien ne vient établir que Monsieur [H] [I] ait lui-même envoyé ce document à des salariés du CMMC ou sur Zimbra ou sur une messagerie professionnelle ou qu'il soit à l'origine d'une diffusion de ce document sur twitter. Les mots de 'désinformation', 'intimidations' et 'contre-vérités' sont utilisés dans ce document, mais sans citer les auteurs visés ni mettre en cause ou désigner quiconque, pas même le CMMC ou certains de ses dirigeants ou la direction de l'entreprise, de façon injurieuse, diffamatoire ou excessive.

Selon les mêmes observations, la cour ne relève pas plus de preuve de l'implication personnelle et directe de Monsieur [H] [I] s'agissant (pièce 7 employeur) de la diffusion en février et mars 2018 sur 'Zimbra' (ou autre messagerie professionnelle) des quelques documents annexés au constat d'huissier du 12 mars 2018.

S'agissant du constat d'huissier sur les messages postés (essentiellement par des sympathisants du mouvement) ou figurant sur le site du 'mouvement pour le projet Arkéa au CMMC' (pièce 9 employeur), la cour ne relève pas plus de preuve de l'implication personnelle et directe de Monsieur [H] [I].

Selon les mêmes observations, la cour ne relève pas plus de preuve de l'implication personnelle et directe de Monsieur [H] [I] s'agissant (pièces 11, 12 et 14 employeur) de la diffusion sur 'Zimbra' de 'newsletter du mouvement pour le projet Arkéa au CMMC' datées des 16 mars 2018, 28 mars 2018 et 6 avril 2018, et ce depuis la seule adresse mail du 'mouvement pour le projet Arkéa au CMMC'. Ces documents révèlent, de la part du ou de leurs auteurs, anonymes et non clairement identifiés, un soutien au 'projet Arkéa au CMMC' et des opinions contraires à celles des dirigeants du CMMC (notamment Messieurs [X] et [J]), mais ils ne contiennent pas de propos injurieux, diffamatoires ou excessifs.

La cour ne saurait, parce que le nom de Monsieur [H] [I] figure (parmi une douzaine de noms) sur un document diffusé le 9 mars 2018 sur 'Zimbra' par le 'mouvement pour le projet Arkéa au CMMC', considérer que Monsieur [H] [I] est nécessairement l'auteur ou l'un des auteurs de tous les écrits de ce mouvement, ou nécessairement responsable de tous les propos mentionnés par ce mouvement, ou nécessairement à l'origine de toutes les diffusions et actions de ce mouvement.

La cour ne relève pas de preuve de l'implication personnelle et directe de Monsieur [H] [I] s'agissant de la 'propagande agressive du CRÉDIT MUTUEL Arkéa à destination des salariés du CMMC', via notamment le fil d'actualité Twitter, dénoncée par Monsieur [X] (pièce 20 employeur).

Le 22 février 2018, Monsieur [H] [I] a posté le message suivant sur twitter : 'Le CMMC ne quittera pas CMArkéa au 1er janvier 2019 c'est maintenant une certitude. Un énième mensonge. À nous maintenant de nous mobiliser pour qu'il ne le quitte jamais'.

Vu les observations précitées, l'appelante ne démontre pas le grief selon lequel Monsieur [H] [I] serait responsable du fait que 'plusieurs salariés ont signalé et se sont plaints de recevoir, via leur outil informatique professionnel, de nombreuses communications intempestives les incitant à soutenir activement et par tout moyen le projet d'indépendance du Crédit Mutuel Arkéa' ni que l'intimé serait 'le signataire de certaines de ces communications'.

' L'employeur reproche au salarié une utilisation abusive du matériel et des outils de communication professionnelle de l'entreprise.

Le CMMC invoque les articles 3.10 (interdiction d'utiliser à des fins personnelles le matériel, les équipements, les outils ou les systèmes de l'entreprise, sauf autorisation générale ou spéciale de la direction) et 3.11 ('il ne peut être tiré parti de sa qualité de salarié pour utiliser les circuits, procédures, ou informations confidentielles, soit à des fins personnelles, soit pour effectuer, au profit de tiers, des opérations autres que celles résultant de l'exercice normal de sa fonction') du règlement intérieur UES Arkade, les articles 3 (interdiction de communications collectives et d'urilisation des listes de diffusion de la messagerie à titre personnel) et 9 (interdiction des spams ou pourriels envoyés sans l'accord des destinataires) de la charte éthique informatique de l'entreprise, les termes de la convention collective sur le droit d'expression des salariés.

Reste que l'employeur ne démontre nullement que Monsieur [H] [I] aurait directement utilisé le matériel et les outils de communication professionnelle de l'entreprise, notamment la messagerie Zimbra, pour diffuser auprès des salariés du CMMC la 'propagande' du 'mouvement pour le projet Arkéa au CMMC'. Le seul fait que son nom soit mentionné, parmi d'autres, en bas d'un seul document de ce mouvement, diffusé le 9 mars 2018 dans les circonstances précitées, ne caractérise pas une utilisation par Monsieur [H] [I] de la messagerie professionnelle à des fins personnelles, encore moins une utilisation abusive de cette messagerie professionnelle ou des moyens de l'entreprise.

' L'employeur reproche au salarié d'avoir manqué à son obligation de loyauté et d'outrepasser les limites de son droit d'expression en étant 'à l'initiative d'une communication massive destinée aux salariés de la Caisse régionale du CMMC promouvant un projet allant manifestement à l'encontre des choix et des intérêts de leur employeur et de ses représentants', en diffusant 'des propos de nature à dénigrer et désavouer votre employeur et ses représentants'.

L'employeur semble confondre en l'espèce opinion, adhésion et diffusion.

Il est incontestable que Monsieur [H] [I] adhérait ostensiblement à l'époque considérée aux opinions et écrits du 'mouvement pour le projet Arkéa au CMMC', mais son implication directe dans leur diffusion (ou leur communication) auprès des salariés de CMMC n'est pas caractérisée, pas plus qu'une implication directe dans la diffusion des opinions et écrits du Crédit Mutuel Arkéa, ou dans les actions de Monsieur [S] et Monsieur [V].

S'agissant de l'avenir de la gouvernance du CMMC, il apparaît clairement que Monsieur [H] [I] soutenait, comme d'autres salariés de l'entreprise, le projet 'indépendant' Arkéa, alors que ce projet était combattu par les plus hauts dirigeants du CMMC, mais l'employeur ne démontre pas que Monsieur [H] [I] serait dans ce cadre 'à l'initiative d'une communication massive destinée aux salariés de la Caisse régionale du CMMC'.

La notion de respect des intérêts et des choix de l'entreprise ne saurait limiter a priori la liberté d'expression d'un salarié, sauf abus, et en l'espèce, ces choix et intérêts n'ont été véritablement déterminés, de façon formelle et définitive, qu'après la sanction disciplinaire du 23 avril 2018. À l'époque considérée, le débat restait d'actualité sur la question politique de la gouvernance et de l'orientation stratégique du CMMC, du sous-groupe Arkéa et même du groupe Crédit Mutuel.

Seul le message sur twitter du 22 février 2018 peut être directement imputé à Monsieur [H] [I] en terme de diffusion ou communication mais l'intimé a utilisé dans ce cadre un réseau social non professionnel qui permet à ses utilisateurs de bloguer et de suivre différentes actualités. Les termes ou propos de Monsieur [H] [I] ne sont pas injurieux, diffamatoires ou excessifs dans ce document, et la mention'un énième mensonge' ne vise quiconque directement, pas même le CMMC ou certains de ses dirigeants ou la direction de l'entreprise.

Il n'est pas établi que Monsieur [H] [I] aurait manqué à son obligation de loyauté vis-à-vis de son employeur, notamment en dénigrant l'entreprise (ou ses représentants) ou en voulant nuire à celle-ci, ni qu'il ait abusé de sa liberté d'expression en apportant de façon manifeste son soutien au 'mouvement pour le projet Arkéa au CMMC' ou au projet 'indépendant' Arkéa, et ce même si déjà à l'époque considérée les plus hauts dirigeants du CMMC, notamment Messieurs [X] et [J], affichaient de façon ostensible leur choix pour une solution contraire.

' L'employeur reproche au salarié d'avoir aggravé les risques psycho-sociaux en étant le 'vecteur d'informations qui s'avèrent aussi alarmistes qu'erronées et de nature à accroître l'anxiété et les tensions au sein d'une collectivité déjà durement éprouvée'. Il s'agirait donc d'un grief de manquement à l'obligation de sécurité reproché par l'employeur à Monsieur [H] [I].

Dès l'été 2017, le médecin du travail, le CHSCT et la caisse primaire d'assurance maladie ont signalé le mal-être, particulièrement l'état de stress, des salariés du CMMC, du fait des différends entre le CMMC et le CRÉDIT MUTUEL Arkéa, et alerté les dirigeants sur une situation délétère qui ne sera pas apaisée tant que la situation ne sera pas clarifiée, notamment s'agissant de déterminer avec clarté qui est l'employeur des salariés CMMC.

À compter de mars-avril 2018, les représentants du personnel et le CHSCT ont alerté la direction du CMMC sur le contexte de risques psycho-sociaux (climat délétère, risque de conflits internes) de façon plus spécifique en raison de 'l'escalade de communications dépourvues de caractère professionnel sur le postes de travail et publications provenant de quelques salariés, mails émis d'une adresse externe' et ont demandé à l'employeur de mettre fin à une telle 'propagande'.

Il apparaît clairement que le conflit apparu suite au projet 'indépendant' Arkéa a profondément divisé les salariés et collaborateurs du CMMC, et instauré un état de stress au sein de l'entreprise alors que l'avenir de la gouvernance semblait incertain, voire chaotique.

Toutefois, les éléments d'appréciation dont la cour dispose ne permettent pas d'imputer, en tout ou partie, la responsabilité de ces risques psycho-sociaux à Monsieur [H] [I], et, en tout état de cause, l'exercice sans abus de sa liberté d'expression ne saurait constituer pour un salarié un manquement à l'obligation de sécurité.

' Après analyse des éléments de la cause, la cour considère que les griefs invoqués par l'employeur pour notifier le 23 avril 2018 une sanction disciplinaire à Monsieur [H] [I] ne sont pas établis et relève que le salarié a été sanctionné parce qu'il adhérait (ou sympathisait) ostensiblement au projet d'indépendance Arkéa ainsi qu'à l'argumentaire du 'mouvement pour le projet Arkéa au CMMC'. Le salarié n'a toutefois pas abusé de sa liberté d'expression dans ce cadre ni manqué à ses obligations à l'égard de l'employeur. La sanction disciplinaire visant à restreindre la liberté d'expression de Monsieur [H] [I], voire sa liberté d'opinion sur une question politique ou stratégique de gouvernance du CMMC, est injustifiée et doit en conséquence être annulée. Le jugement sera confirmé sur ce point.

' Vu l'atteinte portée à une liberté fondamentale du salarié par la sanction disciplinaire injustifiée du 23 avril 2018, le jugement sera confirmé en ce que la caisse régionale du CRÉDIT MUTUEL MASSIF CENTRAL a été condamnée à payer à Monsieur [H] [I] la somme de 5.000 euros, à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice moral subi.

- Sur les dépens et frais irrépétibles -

Le jugement sera confirmé en ses dispositions sur les dépens et frais irrépétibles de première instance.

La caisse régionale du CRÉDIT MUTUEL MASSIF CENTRAL, qui succombe au principal en son recours, sera condamnée aux entiers dépens d'appel ainsi qu'à verser à Monsieur [H] [I] une somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

- Confirme le jugement ;

Y ajoutant,

- Condamne la caisse régionale du CRÉDIT MUTUEL MASSIF CENTRAL à payer à Monsieur [H] [I] une somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

- Condamne la caisse régionale du CRÉDIT MUTUEL MASSIF CENTRAL aux dépens d'appel ;

- Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.

Le greffier, Le Président,

V. SOUILLAT C. RUIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Riom
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/01556
Date de la décision : 07/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-07;21.01556 ?
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