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09/04/2024 | FRANCE | N°22/00896

France | France, Cour d'appel de Riom, Chambre pôle social, 09 avril 2024, 22/00896


09 AVRIL 2024



Arrêt n°

KV/VS/NS



Dossier N° RG 22/00896 - N° Portalis DBVU-V-B7G-FZUC



CAF DE L'ALLIER

/

[R] [L]





jugement au fond, origine Pôle Social du TJ de Moulins, décision attaquée en date du 25 mars 2022, enregistrée sous le n° 21/00170

Arrêt rendu ce NEUF AVRIL DEUX MILLE VINGT-QUATRE par la CINQUIEME CHAMBRE CIVILE CHARGEE DU DROIT DE LA SECURITE SOCIALE ET DE L'AIDE SOCIALE de la cour d'appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :



Monsieur Chri

stophe VIVET, président



Mme Karine VALLEE, conseillère



Mme Sophie NOIR, conseillère



En présence de Mme BOUDRY, greffier, lors des débats et Mme ...

09 AVRIL 2024

Arrêt n°

KV/VS/NS

Dossier N° RG 22/00896 - N° Portalis DBVU-V-B7G-FZUC

CAF DE L'ALLIER

/

[R] [L]

jugement au fond, origine Pôle Social du TJ de Moulins, décision attaquée en date du 25 mars 2022, enregistrée sous le n° 21/00170

Arrêt rendu ce NEUF AVRIL DEUX MILLE VINGT-QUATRE par la CINQUIEME CHAMBRE CIVILE CHARGEE DU DROIT DE LA SECURITE SOCIALE ET DE L'AIDE SOCIALE de la cour d'appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :

Monsieur Christophe VIVET, président

Mme Karine VALLEE, conseillère

Mme Sophie NOIR, conseillère

En présence de Mme BOUDRY, greffier, lors des débats et Mme SOUILLAT, greffier, lors du prononcé

ENTRE :

CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES DE L'ALLIER

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me Thomas FAGEOLE, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

APPELANTE

ET :

M. [R] [L]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Me Valérie CAURO, avocat au barreau de CUSSET/VICHY

INTIME

Après avoir entendu Mme VALLEE, conseillère, en son rapport, et les représentants des parties, à l'audience publique du 29 janvier 2024, la cour a mis l'affaire en délibéré, le président ayant indiqué aux parties que l'arrêt serait prononcé ce jour, par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l'article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE

Le 13 mai 1996, M.[R] [L] a été placé en invalidité à la suite d'une longue maladie, et perçoit depuis lors une pension d'invalidité. Par ailleurs, depuis le premier décembre 2011, la caisse d'allocations familiales de l'Allier (la CAF) lui verse l'allocation aux adultes handicapés (l'AAH).

Par courriers des 26 janvier 2021 et 28 janvier 2021, la CAF a rejeté une demande de M.[L] tendant à obtenir l'aide au logement, lui indiquant qu'il n'y était pas éligible au regard des modalités de calcul du montant de l'AAH.

Par courriers des 4 février 2021 et 12 février 2021, M.[L] a contesté le refus d'attribution de l'aide au logement, et le mode de calcul du montant de l'AAH.

Par courrier du 16 février 2021, la caisse a confirmé le refus d'attribution de l'aide au logement.

Par courrier reçu le 19 mars 2021, M.[L] a saisi d'un recours la commission de recours amiable de la CAF (la CRA).

Par décision du 21 mai 2021, la commission de recours amiable a rejeté le recours.

Par requête reçue au greffe le 25 juin 2021, M.[L] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Moulins d'un recours contre la décision de la caisse.

Par jugement contradictoire 25 mars 2022, le tribunal judiciaire de Moulins a statué comme suit:

- déclare le recours de M.[L] recevable en la forme et bien fondé,

- annule la décision de la commission de recours amiable de la caisse d'allocations familiales de l'Allier du 21 mai 2021,

- condamne la caisse d'allocations familiales de l'Allier à payer la somme de 400 euros à M.[L] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- déboute la caisse d'allocations familiales de l'Allier de sa demande de dommages et intérêts,

- condamne la caisse d'allocations familiales de l'Allier aux dépens.

Le jugement a été notifié le 28 mars 2022 à la CAF qui en a relevé appel par déclaration reçue au greffe de la cour le 25 avril 2022.

D'autre part, M.[L] a saisi la CAF d'une contestation du montant de son allocation adulte handicapés résiduelle afférente à l'année 2022. Sa contestation ayant été rejetée, M.[L] a saisi la CRA.

Par décision du 11 février 2022 la CRA a rejeté sa contestation.

Par lettre recommandée du 6 avril 2022, M.[L] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Moulins d'un recours contre cette décision de rejet.

Par jugement contradictoire prononcé le 07 juillet 2023, le pôle social du tribunal judiciaire de Moulins a statué comme suit :

- déboute M.[L] de ses demandes au titre de l'allocation aux adultes handicapés résiduelle,

- condamne M.[L] aux dépens de l'instance,

- déboute M.[L] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le jugement a été notifié le 13 juillet 2023 à M.[L] qui en a relevé appel par déclaration reçue à la cour le 7 août 2023.

La jonction des deux procédures d'appel a été prononcée par ordonnance du 10 octobre 2023.

Les parties ont été convoquées à l'audience de la cour du 29 janvier 2024, à laquelle elles ont été représentées par leurs conseils.

DEMANDES DES PARTIES

Par ses dernières conclusions, visées par le greffe le 29 janvier 2024, la CAF de l'Allier présente les demandes suivantes à la cour:

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement du 25 mars 2022,

- confirmer le jugement du 7 juillet 2023,

En conséquence,

- confirmer les décisions de la commission de recours amiable des 21 mai 2021 et 11 février 2022,

- débouter M.[L] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

- condamner M.[L] à lui payer la somme de 1 euro à titre de dommages et intérêts en raison du préjudice subi du fait de ses nombreuses sollicitations abusives, et la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Par ses dernières conclusions, visées par le greffe le 29 janvier 2024, M.[L] présente les demandes suivantes à la cour:

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du 25 mars 2022,

- condamner la CAF à lui payer la somme de 147,70 euros par mois à compter du 1er janvier 2021, soit la somme de 1.772,40 euros pour l'année 2021,

- infirmer le jugement du 07 juillet 2023,

- condamner la CAF à lui payer la somme de de 450,85 euros par mois à compter du premier janvier 2022, soit la somme de 5.410,20 euros pour l'année 2022,

- condamner la CAF de l'Allier en tous dépens de première instance des deux jugements, ainsi qu'aux dépens d'appel.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions susvisées des parties, soutenues oralement à l'audience, pour l'exposé de leurs moyens.

MOTIFS

Sur la recevabilité du recours

La CAF conclut à l'infirmation du jugement prononcé le 25 mars 2022 en ce qu'il a déclaré le recours de M.[L] recevable en la forme. Toutefois, la caisse n'avance aucun moyen d'infirmation quant à la recevabilité du recours judiciaire, qui a été précédé du recours préalable obligatoire devant la commission de recours amiable et valablement introduit dans le délai de deux mois suivant la notification de sa décision. Il y a donc lieu de confirmer le jugement du 25 mars 2022 de ce chef.

Sur le montant de l'AAH

L'article 821-1 du code de la sécurité sociale porte en particulier les dispositions suivantes:

'toute personne résidant sur le territoire métropolitain ['] ayant dépassé l'âge d'ouverture du droit à l'allocation prévue à l'article L.541-1 et dont l'incapacité permanente est au moins égale à un pourcentage fixé par décret perçoit, dans les conditions prévues au présent titre, une allocation aux adultes handicapés [...]

Le droit à l'allocation aux adultes handicapés est ouvert lorsque la personne ne peut prétendre, au titre d'un régime de sécurité sociale, d'un régime de pension de retraite ou d'une législation particulière, à un avantage de vieillesse, à l'exclusion de l'allocation de solidarité aux personnes âgées mentionnée à l'article L.815-1, ou d'invalidité, à l'exclusion de la prestation complémentaire pour recours à constante d'une tierce personne visée à l'article L.355-1, ou à une rente d'accident du travail, à l'exclusion de la prestation complémentaire pour recours à tierce personne mentionnée à l'article L.434-2, d'un montant au moins égal à cette allocation.

Lorsque cet avantage ou le montant mensuel perçu au titre de l'allocation de solidarité aux personnes âgées mentionnée à l'article L.815-1 est d'un montant inférieur à celui de l'allocation aux adultes handicapés, celle-ci s'ajoute à la prestation sans que le total des deux avantages puisse excéder le montant de l'allocation aux adultes handicapés.'

L'article L821-3 du code de la sécurité sociale porte en particulier les dispositions suivantes:

'l'allocation aux adultes handicapés peut se cumuler avec les ressources personnelles de l'intéressé et, s'il y a lieu, de son conjoint, concubin ou partenaire d'un pacte civil de solidarité dans la limite d'un plafond fixé par décret, qui varie selon qu'il est marié, concubin ou partenaire d'un pacte civil de solidarité et a une ou plusieurs personnes à sa charge. Les rémunérations de l'intéressé tirées d'une activité professionnelle en milieu ordinaire de travail et les indemnités de fonction des élus locaux sont en partie exclues du montant des ressources servant au calcul de l'allocation selon des modalités fixées par décret.'

L'article R.821-4 du code de la sécurité sociale dispose en particulier que, lorsque le demandeur ou le bénéficiaire de l'allocation aux adultes handicapés ne perçoit pas de revenu d'activité professionnelle ou est admis dans un établissement ou un service d'aide par le travail mentionnés à l'article L.344-2 du code de l'action sociale et des familles, la condition de ressources prévue à l'article L. 821-3 s'applique conformément aux règles qu'il fixe.

L'article D.821-2 du code de la sécurité sociale porte en particulier les dispositions suivantes:

'la personne qui satisfait aux autres conditions d'attribution peut prétendre à l'allocation aux adultes handicapés si l'ensemble des autres ressources perçues par elle durant l'année civile de référence n'atteint pas douze fois le montant de l'allocation aux adultes handicapés fixé selon les modalités prévues à l'article L.821-3-1 ou, pour la personne dont les ressources sont appréciées conformément à l'article R.821-4-1, si l'ensemble des autres ressources perçues par elle durant le trimestre de référence n'atteint pas trois fois ce même montant. Lorsque le demandeur est marié ou lié par un pacte civil de solidarité, et non séparé, ou qu'il vit en concubinage, le plafond mentionné au premier alinéa est majoré de 81 %'.

L'article R.532-3 du code de la sécurité sociale porte en particulier les dispositions suivantes:

'les ressources retenues sont celles perçues pendant l'année civile de référence. L'année civile de référence est l'avant-dernière année précédant la période de paiement.

Sous réserve des dispositions des articles R.532-4 à R.532-8 et des alinéas suivants du présent article, les ressources prises en considération s'entendent du total des revenus nets catégoriels retenus pour l'établissement de l'impôt sur le revenu d'après le barème des revenus taxés à un taux proportionnel ou soumis à un prélèvement libératoire de l'impôt sur le revenu, ainsi que les revenus perçus hors de France ou versés par une organisation internationale, à l'exclusion des revenus des enfants ayant fait l'objet d'une imposition commune et après:

a) La déduction au titre des créances alimentaires mentionnée au 2° du II de l'article 156 du code général des impôts et majorées dans les conditions prévues au 7 de l'article 158 du code général des impôts ;

b) L'abattement mentionné à l'article 157 bis du code général des impôts en faveur des personnes âgées ou invalides.'

En l'espèce, il ressort des conclusions de M.[L] soutenues oralement que la contestation soumise à la cour porte uniquement sur le calcul des ressources prises en compte pour la fixation du montant résiduel de l'AAH auquel il prétend pour les années 2021 et 2022.

-Sur le montant de l'AAH pour l'année 2021

Dans sa version applicable à l'année 2021 en question, l'article R.821-4 du code de la sécurité sociale fixe comme suit les conditions dans lesquelles les ressources du demandeur à l'AAH non bénéficiaire de revenus d'activité professionnelle, doivent être appréciées :

'II-La condition de ressources s'apprécie au regard des revenus perçus au cours de l'année civile de référence mentionnée à l'article R.532-3.

Les revenus pris en compte sont ceux définis aux articles R.532-3 à R.532-7, sous réserve de l'application des articles R.821-4-3, R.821-4-4, D.821-9 et D.821-10, ainsi que des dispositions suivantes:

1° Ne sont pas pris en compte les revenus appartenant aux catégories suivantes:

a) Les rentes viagères mentionnées aux 1° et 2° du I de l'article 199 septies du code général des impôts lorsqu'elles ont été constituées en faveur d'une personne handicapée ou, dans la limite d'un montant fixé par décret, lorsqu'elles ont été constituées par une personne handicapée pour elle-même;

b) Le salaire perçu en application du deuxième alinéa de l'article L.245-12 du code de l'action sociale et des familles par le conjoint, concubin ou partenaire lié par un pacte civil de solidarité;

c) La prime d'intéressement à l'excédent d'exploitation versée à une personne handicapée admise dans un établissement ou service d'aide par le travail mentionnée à l'article R.243-6 du code de l'action sociale et des familles;

2° Il est appliqué un abattement de 20 % aux pensions et rentes viagères à titre gratuit perçues par l'allocataire ainsi qu'aux revenus perçus par le conjoint, concubin ou partenaire lié par un pacte civil de solidarité qui n'est pas allocataire de l'allocation aux adultes handicapés, lorsque ces revenus relèvent des catégories suivantes:

a) Les revenus d'activités commerciales, artisanales, libérales ou agricoles;

b) Les traitements et les salaires, les pensions, les rentes viagères à titre gratuit et les rémunérations des gérants et associés de sociétés mentionnées à l'article 62 du code général des impôts;

c) Les bénéfices agricoles soumis à l'évaluation forfaitaire prévue aux articles 64 et suivants du code général des impôts;

d) La rémunération garantie mentionnée à l'article L.243-4 du code de l'action sociale et des familles;

3° L'abattement prévu à l'article 157 bis du code général des impôts en faveur des personnes âgées ou invalides n'est pas applicable aux revenus d'activité professionnelle perçus par l'allocataire.

III.-Les ressources déterminées conformément au II sont prises en compte pour déterminer le droit à l'allocation servie au titre de chaque période de douze mois commençant le 1er janvier, sous réserve de l'application des articles R.532-4 à R.532-7, R.821-4-3, R.821-4-4, D.821-9 et D.821-10, ainsi que, en cas de modification de la situation familiale en cours de période de paiement, des dispositions prévues à l'article L.552-1.'

Le tribunal, par son jugement du 25 mars 2022, a fait droit aux demandes de M.[L], considérant que, dans la mesure où il n'était pas démontré que celui-ci percevait un avantage vieillesse, ses ressources n'étant constituées que d'une pension d'invalidité et de l'AAH, et qu'il n'y avait donc pas lieu de rechercher, comme le demandait la CAF, si pendant la période concernée, le montant de l'avantage vieillesse perçu ne dépassait pas le montant de l'AAH versée. Le tribunal a déduit de cette considération que la décision de la CRA devait être annulée et a fait droit aux demandes de M.[L].

A l'appui de sa demande d'infirmation du jugement du 25 mars 2022, la CAF expose que le premier juge a méconnu les règles applicables pour apprécier la condition de ressources, exposant que les droits de M.[L] au titre de l'année 2021 doivent être calculés sur la base des revenus fiscaux de l'année 2019, en prenant en compte les revenus de l'ensemble du foyer. Elle soutient que, au vu des revenus déclarés et des abattements à appliquer, l'assiette de ressources pour l'année 2019 doit être ramenée à 18.864 euros, soit un montant inférieur au plafond justifiant l'octroi de l'AAH, pour un montant différentiel mensuel de 61,89 euros.

Pour contester l'analyse soutenue par M.[L] et retenue par le tribunal, la CAF invoque une circulaire SS-n°37 du 06 octobre 1976 aux termes de laquelle 'il ne suffit pas de voir si le bénéficiaire de l'avantage remplit les conditions de ressources pour bénéficier de l'AAH, mais il doit être recherché si pendant cette période le montant de l'avantage vieillesse ne dépassait pas le montant de l'allocation'. La caisse soutient donc que la détermination de l'AAH différentielle est soumise à un double calcul générant deux résultats, dont le moins avantageux pour le bénéficiaire doit être retenu. Les deux formules proposées sont les suivantes :

* AAH différentielle = AAH à taux plein - montant PI et montant ASI

* Montant mensuel de l'AAH = montant du plafond - ressources de l'année de référence.

La caisse en conclut que, si le calcul de base comparatif entre le montant de l'AAH et la pension correspond bien à un droit résiduel de 147,75 euros, le comparatif sur la base des ressources compte tenu de l'assiette retenue pour l'exercice de paiement 2021 n'ouvre droit qu'à un résiduel de 61,89 euros.

A l'appui de sa demande de confirmation du jugement du 25 mars 2022, M.[L] soutient que, compte tenu du montant mensuel de l'AAH à taux plein (soit 902,70 euros) et du montant de sa pension d'invalidité (754,95 euros) qu'il y a lieu de déduire, le montant résiduel de l'AAH auquel il a droit s'établit à 147,75 euros, l'assiette des revenus du couple marié à prendre en compte étant inférieure au plafond fixé à 19.606 euros.

M.[L] soutient à ce titre, en substance, qu'il découle des dispositions de l'article L.821-1 que, lorsque le montant de la pension d'invalidité est d'un montant inférieur à celui de l'AAH, celle-ci est versée à hauteur d'un montant différentiel s'ajoutant à la pension d'invalidité, dans la limite du taux plein de l'AAH.

SUR CE

Il est constant que, après application des divers abattements prévus sur les revenus de M.[L] et de son épouse, l'assiette des revenus du couple pour l'année 2019, prise en compte pour la détermination des droits à l'AAH au titre de l'année 2021, est inférieure au plafond de ressources fixé pour cet exercice. Il en résulte que M.[L] satisfait à la condition de ressources, ce qui au demeurant n'est plus contesté.

Les parties s'opposent sur les modalités de calcul du montant différentiel de l'AAH auquel peut prétendre M.[L].

Il y a lieu de relever que la règle du calcul le moins avantageux invoquée par la caisse ne ressort pas des textes légaux et réglementaires applicables, mais uniquement d'une ancienne circulaire dénuée de force obligatoire, qui n'est donc pas opposable à M.[L] et ne saurait s'imposer aux juridictions saisies à l'occasion d'un litige.

Il y a donc lieu de retenir que doit être fait application du mode de calcul proposé par M.[L] sur la base de l'article L.821-1, dont le résultat s'élève à une AAH différentielle de 147,75 euros, en conséquence de quoi il sera fait droit à la demande de M.[L] de fixation de l'allocation à 147,70 euros.

Il n'y a pas lieu, pour autant, de confirmer le jugement dès lors que celui-ci se limite à prononcer l'annulation de la décision de la CRA, alors que l'annulation d'une décision de nature administrative n'entre pas dans les pouvoirs du juge judiciaire qui se limitent à se prononcer sur le fond de la contestation dont il est saisi. Le jugement sera donc infirmé sur ce point.

La demande formée par M.[L] aux fins de voir condamner la CAF, en conséquence de la fixation à hauteur de 147,70 euros du montant mensuel différentiel de l'AAH, à lui payer la somme totale de 1.772,40 euros au titre de l'année 2021 apparaît bien fondée eu égard aux motifs qui précèdent et à l'exactitude du calcul opéré.

- Sur le montant de l'AAH pour l'année 2022

Dans sa version applicable à l'année 2022 examinée, l'article R.821-4 du code de la sécurité sociale fixe comme suit les conditions dans lesquelles les ressources du demandeur à l'AAH non bénéficiaire de revenus d'activité professionnelle, doivent être appréciées :

'II.-La condition de ressources s'apprécie au regard des revenus perçus au cours de l'année civile de référence mentionnée à l'article R. 532-3.

Les revenus pris en compte sont ceux définis aux articles R. 532-3 à R. 532-7, sous réserve de l'application des articles R. 821-4-3, R. 821-4-4, D. 821-8-1, , D. 821-9 et D. 821-10, ainsi que des dispositions suivantes :

1° Ne sont pas pris en compte les revenus appartenant aux catégories suivantes :

a) Les rentes viagères mentionnées aux 1° et 2° du I de l'article 199 septies du code général des impôts lorsqu'elles ont été constituées en faveur d'une personne handicapée ou, dans la limite d'un montant fixé par décret, lorsqu'elles ont été constituées par une personne handicapée pour elle-même ;

b) Le salaire perçu en application du deuxième alinéa de l'article L. 245-12 du code de l'action sociale et des familles par le conjoint, concubin ou partenaire lié par un pacte civil de solidarité;

c) La prime d'intéressement à l'excédent d'exploitation versée à une personne handicapée admise dans un établissement ou service d'aide par le travail mentionnée à l'article R. 243-6 du code de l'action sociale et des familles ;

2° Il est appliqué un abattement de 20 % aux pensions et rentes viagères à titre gratuit perçues par l'allocataire ;

3° L'abattement prévu à l'article 157 bis du code général des impôts en faveur des personnes âgées ou invalides n'est pas applicable aux revenus d'activité professionnelle perçus par l'allocataire.

III.-Les ressources déterminées conformément au II sont prises en compte pour déterminer le droit à l'allocation servie au titre de chaque période de douze mois commençant le 1er janvier, sous réserve de l'application des articles R. 532-4 à R. 532-7, R. 821-4-3, R. 821-4-4, D. 821-9 et D. 821-10, ainsi que, en cas de modification de la situation familiale en cours de période de paiement, des dispositions prévues à l'article L. 552-1.'

M.[L] demande que les droits qui lui sont ouverts au titre de l'AAH différentielle pour l'année 2022 soient fixés à la somme de 450,85 euros par mois, et non à la somme de 148,60 euros comme le demande la CAF.

Pour approuver le montant proposé par la CAF, le tribunal, par le jugement du 07 juillet 2023, a rappelé le caractère différentiel de l'allocation, permettant aux bénéficiaires de pensions d'invalidité de prétendre à cette allocation uniquement dans la limite de son plafond. Le tribunal a relevé que M.[L] ne contestait ni le montant de ses ressources perçues en 2020, année de référence à prendre en considération pour l'examen des droits ouverts au titre de l'année 2022, tel que calculé par la CAF, ni le montant mensuel de 755 euros versé au titre de sa pension d'invalidité. Il a donc jugé qu'au regard du plafond de l'AAH à taux plein, fixé à 903,60 euros par mois, M.[L] ne pouvait prétendre qu'à une allocation différentielle de 148,60 euros.

M.[L] objecte que le total des ressources du couple, inférieur au plafond de l'AAH pour l'année 2022, justifie qu'après comparaison du résultat obtenu selon les deux modes de calcul présentés par la CAF pour l'année précédente, ci-avant exposés, il bénéficie du calcul qui lui est le plus favorable.

Les mêmes motifs que ceux retenus pour l'examen des droits à l'AAH au titre de l'année 2021 s'opposent à cette argumentation. En effet, pas plus que pour l'année 2021, il n'y a lieu d'entériner des modalités de calcul qui ne reposent que sur les directives d'une circulaire sans portée obligatoire dans le cadre d'un litige soumis aux juridictions, chargées d'appliquer les dispositifs légaux et réglementaires en vigueur.

Au surplus, la circulaire dont se prévaut la CAF ne prévoit pas que le montant de l'AAH différentielle à retenir soit celui qui est le plus avantageux au bénéficiaire, la règle inverse étant au contraire posée. La demande de M.[L] doit donc être rejetée et le jugement du 7 juillet 2023 confirmé.

Sur la demande indemnitaire de la CAF

L'article 1240 du code civil dispose que 'tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.'

En vertu de cet article, le succès d'une demande indemnitaire suppose que celui qui la forme démontre l'existence d'une faute ayant causé un dommage.

Pour justifier sa demande en dommages et intérêts, la CAF fait état des nombreuses sollicitations à ses services de M.[L], qu'elle estime abusives, et ne fait pas état devant la cour des propos injurieux qu'elle lui imputait.

Il ressort des pièces produites que, par courrier adressé à M.[L] le 21 avril 2021, la directrice de la CAF lui a demandé de ne plus contacter ses services par téléphone, lui reprochant d'avoir appelé 24 fois au cours de la période du premier février 2021 au 21 avril 2021, et lui a expliqué que 'ces contacts répétés s'ajoutent au rendez-vous dans notre accueil et aux très nombreux échanges de courriers détaillés portant sur votre situation et vous expliquant les droits qui vous sont attribués. La multiplication de vos démarches est à ce stade clairement abusive.'

S'il peut être admis que le droit à l'information des allocataires de la CAF puisse dégénérer en abus fautif en cas d'excès avéré et caractérisé dans l'exercice de ce droit, il apparaît en l'espèce, d'une part, que le nombre de courriers adressés par M.[L] à la CAF n'apparait pas excessif, ce d'autant qu'ils visaient à voir consacrer des droits qui lui étaient au moins en partie ouverts, et, d'autre part, que le nombre des appels téléphoniques qui lui sont prêtés n'est pas démontré et n'est en tout état de cause pas nécessairement abusif, le fait d'appeler 24 fois en trois mois ne suffisant pas à caractériser cette circonstance. En conséquence, le jugement du 25 mars 2022 sera confirmé en ce qu'il a débouté la CAF de sa demande indemnitaire.

Sur les dépens

En application de l'article 696 du code de procédure civile, les deux jugements déférés à la cour seront confirmés en leur disposition relative aux dépens. La CAF, devant être considérée comme la partie perdante en appel, sera condamnée aux dépens d'appel.

Sur les demandes présentées en application de l'article 700 du code de procédure civile

L'article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer:

1° à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens;

2° et, le cas échéant, à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991.

Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.

En l'espèce, les deux jugements seront confirmés en leurs dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile, l'équité ne commandant pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés devant la cour.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

- Déclare recevables les appels relevés à l'encontre des deux jugements contestés,

- Infirme le jugement prononcé le 25 mars 2022 par le pôle social du tribunal judiciaire de Moulins en ce qu'il a annulé la décision de la commission de recours amiable du 21 mai 2021,

Statuant à nouveau:

- Dit n'y avoir lieu à annuler la décision de la commission de recours amiable de la caisse d'allocations familiales de l'Allier du 21 mai 2021,

- Confirme le jugement pour le surplus des dispositions soumises à la cour, et y ajoutant:

- Condamne la caisse d'allocations familiales de l'Allier à payer à M.[R] [L] la somme de 1.772,40 euros au titre de l'allocation aux adultes handicapés différentielle à laquelle il pouvait prétendre pour l'année 2021,

- Confirme le jugement prononcé le 07 juillet 2023 par le pôle social du tribunal judiciaire de Moulins en toutes ses dispositions soumises à la cour,

Y ajoutant:

- Condamne la caisse d'allocations familiales de l'Allier aux dépens d'appel,

- Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

Ainsi fait et prononcé le 09 avril 2024 à Riom.

Le greffier, Le président,

V. SOUILLAT C.VIVET


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Riom
Formation : Chambre pôle social
Numéro d'arrêt : 22/00896
Date de la décision : 09/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 17/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-09;22.00896 ?
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