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09/04/2024 | FRANCE | N°21/00498

France | France, Cour d'appel de Riom, Chambre sociale, 09 avril 2024, 21/00498


09 AVRIL 2024



Arrêt n°

SN/NB/NS



Dossier N° RG 21/00498 - N° Portalis DBVU-V-B7F-FRVG



S.A.R.L. MTE INTERNATIONAL



/



[E] [Y]





jugement au fond, origine conseil de prud'hommes - formation paritaire de clermont ferrand, décision attaquée en date du 09 février 2021, enregistrée sous le n° f19/00203

Arrêt rendu ce NEUF AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :


r>M. Christophe RUIN, Président



Mme Sophie NOIR, Conseiller



Mme Karine VALLEE, Conseiller



En présence de Mme Nadia BELAROUI greffier lors des débats et du ...

09 AVRIL 2024

Arrêt n°

SN/NB/NS

Dossier N° RG 21/00498 - N° Portalis DBVU-V-B7F-FRVG

S.A.R.L. MTE INTERNATIONAL

/

[E] [Y]

jugement au fond, origine conseil de prud'hommes - formation paritaire de clermont ferrand, décision attaquée en date du 09 février 2021, enregistrée sous le n° f19/00203

Arrêt rendu ce NEUF AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :

M. Christophe RUIN, Président

Mme Sophie NOIR, Conseiller

Mme Karine VALLEE, Conseiller

En présence de Mme Nadia BELAROUI greffier lors des débats et du prononcé

ENTRE :

S.A.R.L. MTE INTERNATIONAL

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Barbara GUTTON PERRIN de la SELARL LX RIOM-CLERMONT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND, avocat constitué, substitué par Me Julien TOURNAIRE de la SELAFA BARTHELEMY, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

APPELANTE

ET :

M. [E] [Y]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Isabelle VERDEAUX-KERNEIS de l'AARPI VERDEAUX-RICHARD AARPI, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

INTIME

M. RUIN, Président et Mme NOIR, Conseiller après avoir entendu, Mme NOIR, Conseiller en son rapport, à l'audience publique du 15 Janvier 2024 , tenue par ces deux magistrats, sans qu'ils ne s'y soient opposés, les représentants des parties en leurs explications, en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré après avoir informé les parties que l'arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l'article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

La Sarl Mte International exerce une activité d'import-export de vins et spiritueux, majoritairement à destination de la chine.

Elle a pour gérante Mme [O] [G].

Elle applique la convention collective nationale les entreprises de commission, de courtage et de commerce intracommunautaire et d'importation-exportation de France métropolitaine.

M. [E] [Y] a été embauché par la Sarl Mte International à compter du 18 août 2014 dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée en qualité de chef de produits, niveau E5.

Par avenant au contrat de travail en date du 11 septembre 2014, il a été muté au poste d'acheteur.

Au dernier état de la relation de travail, le salarié était classé au niveau M12 (agent de maîtrise), après avoir bénéficié entre temps d'une classification au niveau M9.

Par courrier recommandé avec avis de réception en date du 9 avril 2018, la Sarl Mte International a convoqué M. [Y] à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement fixé au 18 avril suivant.

Par courrier daté du 23 avril 2018, la Sarl Mte International a licencié M. [Y].

Le courrier de notification est ainsi libellé :

'Comme suite à l'entretien que nous avons eu le mercredi 18 avril 2018, en application de l'article L 1232-2 du Code du travail, nous vous notifions, par la présente, votre licenciement.

La date de première présentation de cette lettre fixera donc le point de départ du préavis de 2 mois au terme duquel votre contrat de travail sera définitivement rompu.

Nous vous précisons cependant que nous vous dispensons de l'exécution de ce préavis et que vous percevrez donc au mois le mois l'indemnité compensatrice correspondante. Au terme de ce préavis, nous vous adresserons copie de votre attestation destinée au pôle emploi, votre certificat de travail ainsi que le solde de votre compte.

En ce qui concerne les motifs de ce licenciement, il s'agit de ceux qui vous ont été exposés lors de l'entretien précité du mercredi 18 avril 2018, à savoir votre insuffisance professionnelle et votre manque d'implication dans la réalisation de votre travail d'acheteur.

En effet, vous êtes entré au service de notre jeune société créée en août 2014, à votre retour du Brésil où vous aviez vos activités professionnelles, notamment pour le groupe DIAGO comme acheteur. Votre recrutement constituait un investissement financier et humain important pour notre jeune société qui attendait en retour que vous lui apportiez votre expertise.

Après votre intégration au sein de notre société dans des conditions normales et qui laissait augurer des relations professionnelles durables, nous avons eu un échange en août 2016 à l'occasion d'un salon se déroulant à Hongkong, au cours duquel, il vous a clairement été indiqué que nous ne comptions pas vous faire entrer au capital de notre société, contrairement à ce que vous aviez pu a priori imaginer.

Depuis ce moment, nous avons vu votre comportement changé, que ce soit au plan de votre attitude qui est devenue méprisante voire agressive (traitant Madame [G] de « menteuse » à chaque différend ou de « profiteuse » y compris devant d'autres collaborateurs, créant régulièrement un trouble au sein de l'équipe. Vous avez ainsi reproché à plusieurs reprises d'utiliser votre image lors de nos déplacements en CHINE.

Dans le même sens, nous avons eu le regret de constater régulièrement votre hostilité face aux décisions prises, sans raison, comme par exemple pour de multiples demandes d'achats en vrac que vous avez toujours persisté à éviter.

Presque systématiquement, vous manifestez votre opposition aux instructions en réunion avec le reste du personnel mais chaque fois sans apporter vos recommandations ni aucune suggestion constructive.

De même, malgré votre expertise en votre qualité d''nologue ainsi que votre position d'acheteur qui fait de vous un référent au sein de la société, vous ne prenez jamais d'initiatives et n'êtes jamais force de proposition dans votre domaine de compétences comme le montre :

- votre refus persistant depuis octobre 2017 d'organiser des achats de vin et brandy en vrac pour diminuer le cout d'achat ;

- votre absence de sélection de fournisseurs nouveaux (depuis votre entrée au service de la société, seuls 4 fournisseurs nous ont rejoints sur votre entremise, lesquels représentent tout au plus 15 % de notre chiffre d'affaires) ;

- vous restez constamment sédentaire alors que votre mission commanderait de rechercher sur le terrain de nouveaux partenaires ou de visiter nos fournisseurs. De façon provocante, vous avez même répondu à madame [G] que vous «étiez bien à travailler au bureau comme un assistant » ou encore nous reprochant de pas être « conscients de vos capacités » sachant qu'il « touchait 10 000 euros quand il travaillait pour Diago » ou autrement dit « je ne te donne pas mes informations au vu de mon salaire »;

- votre travail purement administratif auquel vous vous limitez désormais, sans apporter la valeur ajoutée ce pour quoi vous avez été recruté ; votre activité se limite ainsi à transmettre les informations à nos fournisseurs pour réaliser les transactions, sans négociation, sans conseil au plan 'nologique, technique ou encore logistique, ni aucune action pour améliorer nos marges.

De surcroît, votre travail, déjà éloigné de celui que nous attendions, est loin d'être satisfaisant comme le montre :

- la perte d'un gros client à Shanghai à qui vous avez fait livrer du Cognac dont vous n'avez pas vérifié le niveau de remplissage de sorte que les bouchons avaient tous sautés à l'arrivée ;

- la commande de mauvais bouchons pour brandy qui n'étaient pas ceux prévus et étaient même plus chers ;

- Votre non-respect de la demande émanant des Douanes Chinoises concernant un mauvais numéro de lots pour 2 conteneurs obligeant le fournisseur à perdre 3 jours de travail supplémentaires pour refaire le numéro de lot sur les capsules du produits ;

Pour terminer, votre manque d'investissement va même jusqu'à de la rétention d'informations utiles au bon fonctionnement de l'entreprise lorsque vous refusez par exemple de répondre à des questions considérant que vous n'allez « pas donner toutes vos connaissance de 20 ans d'expérience » ou plus simplement quand vous répondez laconiquement et de manière ironique, à une demande pour trouver un fournisseur de carafe, « vous trouverez ' ».

Subsidiairement, vous ne tolérez en revanche aucune critique ni observation sur votre travail. Lorsque nous émettons une remarque sur votre travail, vous créez un incident où la polémique au sein de l'entreprise, de manière stérile, comme par exemple, en dernier lieu quand nous vous avons signalé une anomalie sur des étiquettes pour une expédition en Chine, vous avez tenu des propos très agressifs finalement au seul motif que nous avions mis en copie notre comptable, Madame [U] [X].

Votre insuffisance professionnelle et votre manque persistant d'implication pour la société, qui semblent davantage résulter d'une mauvaise volonté de votre part que d'un manque de compétence, ont créé progressivement une perte de confiance et généré une impossibilité de communiquer efficacement ou de manière constructive, ce qui rend désormais inconcevable la poursuite de saines relations de travail'.

Par requête réceptionnée au greffe le 18 avril 2019, M. [Y] a saisi le conseil de prud'hommes de Clermont-Ferrand pour obtenir une reclassification au niveau C15 à compter du 11 septembre 2014, obtenir le rappel de salaires afférent à cette reclassification, le paiement d'un rappel de salaire sur heures supplémentaires ainsi que diverses indemnités au titre du travail dissimulé, de l'atteinte au droit au repos, pour voir juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse, obtenir les indemnités de rupture afférentes ainsi que l'indemnisation du préjudice subi à raison du licenciement abusif et du caractère vexatoire de ce licenciement.

Par jugement du 9 février 2021, le conseil de prud'hommes de Clermont-Ferrand a :

- Dit et jugé les demandes formulées par M. [Y] recevables et en partie bien fondées ;

- Dit et jugé que M. [Y] occupait les fonctions d'un Chef de Produits ;

- Constaté que M. [Y] n'a pas été rempli de la totalité de ses pleins droits pour ce qui concerne :

- Les heures supplémentaires ;

- Les congés payés ;

- La contrepartie obligatoire en repos ;

- Le salaire conventionnel ;

- Constaté que la Sarl Mte International est coupable de travail dissimulé ;

- Dit et jugé que le salaire moyen de M. [Y] s'établit à 3 153.48 euros ;

- Dit et jugé que le licenciement de M. [Y] est abusif car ne reposant pas sur une cause réelle et sérieuse mais qu'il n'a pas été particulièrement vexatoire et que la procédure a été respectée ;

- Condamné en conséquence la Sarl Mte International, prise en la personne de son représentant légal, a payer et porter à M. [Y] les sommes suivantes :

- 3 595.50 euros au titre de rappel de salaire sur la qualification ;

- 359.55 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur rappel de salaire ;

- 34.783.42 euros au titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires ;

- 3.478.34 euros à titre d'indemnité de congés payés sur rappel de salaire sur heures supplémentaires ;

- 7 492.41 euros au titre d'indemnité concernant la contrepartie obligatoire en repos ;

- 1 000.00 euros au titre de dommages et intérêts pour non-respect du droit au repos ;

- 18 920.88 euros au titre de l'indemnité pour travail dissimulé ;

- 12 613.92 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif;

- 3 153.48 euros au titre d'indemnité compensatrice complémentaire de préavis ;

- 315.34 euros a titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ;

- 1.000.00 euros sur le fondement de 1'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- Ordonne la remise des pièces administratives rectifiées (dernier bu1letin de salaire, attestation Pole Emploi, certificat de travail) dans les 8 jours qui suivent la notification du présent jugement sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et cela au maximum pendant 30 jours, le Conseil se réservant le droit de procéder à la liquidation de ladite astreinte ;

- Débouté la Sarl Mte International, prise en la personne de son représentant légal, de sa demande relative à l'application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ,

- Ordonné la capitalisation des intérêts à compter de la demande pour les sommes à caractère de salaire et à partir de la décision pour les sommes à caractère indemnitaire ;

- Dit et jugé qu'il n'y a pas lieu d'ordonner le remboursement par l'employeur à Pole Emploi,des sommes versées à M. [Y] au titre des indemnités de chômage, du jour de la rupture de son contrat au jour du prononcé du présent jugement dans la limite d'une durée de 6 mois au maximum sur le fondement de l'article L.1235-4 du Code du Travail, M. [Y] ayant plus de 2 ans d'ancienneté mais dans une entreprise de moins de 11 salariés à la date du licenciement ;

- Dit et jugé que les sommes supra à caractère salarial s'entendent comme brutes avant précompte des charges sociales et les sommes à caractère indemnitaire comme brutes de CSG et de CRDS ;

- Débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

- Dit qu'il n'y a pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire pour les condamnations qui ne le sont pas de droit ;

- En vertu des dispositions de l'article 696 du Code de Procédure Civile, condamné la Sarl Mte International qui succombe aux éventuels entiers frais et dépens de la présente instance.

La Sarl Mte International a interjeté appel de ce jugement le 1er mars 2021.

Vu les conclusions notifiées à la cour le 23 mars 2023 par la Sarl Mte International ;

Vu les conclusions notifiées à la cour le 6 mars 2023 par M. [Y]

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 27 mars 2023.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions, la Sarl Mte International demande à la cour de :

- Rejeter, comme étant une demande nouvelle sur le fondement de l'article 564 du code de procédure civile, la demande de condamnation à hauteur de 3.000 euros pour indemnisation des temps de déplacements,

- Annuler et à défaut réformer le jugement en ce qu'il a dit et jugé que M. [Y] occupait un poste de chef de produits et l'a condamnée à lui payer les sommes de 3595,55 euros au titre de

rappels de salaire outre 359,55 euros au titre des congés payés ;

- Si la cour d'appel devait confirmer ce chef de jugement, il est demandé de limiter les condamnations à :

- 2032,20 euros bruts au titre des rappels de salaire,

- 203,2 euros bruts au titre des rappels de congés payés,

- Annuler et à défaut réformer le jugement en ce qu'il a jugé que licenciement ne reposait sur aucune cause réelle et sérieuse et :

- l'a condamnée à lui payer les sommes de 12.613,92 euros ;

- l'a condamnée à lui payer la somme de 3153,48 euros bruts au titre de l'indemnité complémentaire compensatrice de préavis ;

- Si la cour d'appel devait confirmer ce chef de jugement, il est demandé de limiter les condamnations à une somme comprise entre :

- 3100,84 euros bruts,

- Et 12.403,36 euros,

- Confirmer le jugement en ce qu'il a écarté la demande de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire,

- Annuler et à défaut réformer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à M. [Y] :

- 34.783,82 euros au titre de rappels de salaire sur heures supplémentaires,

- 3.478,34 euros au titre de l'indemnité de congés payés sur rappel de salaire sur heures supplémentaires,

- 7.492,41 euros au titre de l'indemnité concernant la contrepartie obligatoire en repos,

- 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect du droit au repos,

- 18.920,88 euros au titre de l'indemnité de travail dissimulé,

- Annuler et à défaut réformer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à M. [Y] :

- 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Débouter la société de le voir condamner à payer à la société la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Débouter M. [Y] de ses demandes reconventionnelles basées sur un salaire horaire erroné,

- Le condamner à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions, M. [E] [Y] demande à la cour de :

- Confirmer le jugement en ce qu'il a :

'- Jugé que Monsieur [E] [Y] occupait les fonctions d'un chef de produit,

- Jugé qu'il n'avait pas été rempli de la totalité de ses pleins droits,

- Jugé que la SARL MTE international est coupable de travail dissimulé,

- Jugé le licenciement de Monsieur [E] [Y] sans cause réelle et sérieuse, et abusif ,

- Condamné la Sarl Mte International à payer et porter à Monsieur [E] [Y] les sommes

suivantes :

- 3595,50 euros à titre de rappel de salaire sur qualification

- 359,55 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur rappel de salaire

- 34 783,42 euros à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires

- 3478,34 euros à titre d'indemnité de congés payés sur rappel de salaire sur heures

supplémentaires

- 7492,41 euros à titre d'indemnité concernant la contrepartie obligatoire en repos

- 1.000 euros à titre d'indemnité de l'article 700 du code de procédure civile

- Ordonné la capitalisation des intérêts à compter de la demande pour les sommes à caractère

de salaires, et à partir de la décision de première instance pour les sommes à caractère

indemnitaire' ;

L'infirmer pour le surplus,

Statuant à nouveau :

- Juger que son salaire moyen s'établit à 4026,36 euros ;

- Condamner la Sarl Mte International au paiement de la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour atteinte au droit au repos ;

- Condamner la Sarl Mte International au paiement de dommages et intérêts de 3.000 euros au titre de l'absence des contreparties prévues à l'article L 3121-4 du Code du Travail,

- Condamner la Sarl Mte international au paiement de la somme de 24.158,16 euros à titre d'indemnité de travail dissimulé ;

- Condamner la Sarl Mte International au paiement de la somme de 5.909,20 euros à titre de rappel de salaire sur indemnité de préavis ;

- Condamner la Sarl Mte International au paiement de la somme de 590,92 euros à titre de rappel de salaire sur indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ;

- Condamner la Sarl Mte International au paiement de la somme de 819,77 euros à titre de rappel d'indemnité de licenciement ;

- A titre principal, juger que son licenciement est abusif, et vexatoire ;

- Condamner la Sarl Mte International au paiement de la somme de 16.105,44 euros au titre du licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, sur le fondement de l'article L 1235 ' 3 du Code du Travail ;

- Condamner la Sarl Mte International à lui payer la somme de 15 000,00 euros, à titre principal au titre du licenciement abusif sur le fondement de l'article 1780 du Code Civil, ou subsidiairement sur le fondement de l'article L 1222-1 du Code du Travail compte tenu des circonstances particulièrement vexatoires du licenciement,

- A titre très subsidiaire, juger la procédure de licenciement irrégulière, et sur le fondement de l'article L 1235'2 du Code du Travail, condamner la Sarl Mte International au paiement d'une indemnité à hauteur d'un mois de salaire, soit 4.026,36 euros.

En tout état de cause :

- Indiquer le salaire de référence en application de l'article R.1454-28 du code du travail ;

- Ordonner à la Sarl Mte International de lui transmettre les bulletins de salaire, attestation Pôle Emploi et certificat de travail rectifiés sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 5ème jour suivant la notification de la décision à intervenir ;

- Condamner la Sarl Mte International à lui payer la somme de 3000 euros au titre de la procédure d'appel, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions, moyens et arguments des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux dernières conclusions régulièrement notifiées et visées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de rappel de salaires au titre d'une reclassification au niveau C 15 (emploi chef de produits) :

Il appartient au salarié qui se prévaut d'une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail, de démontrer qu'il assure de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu'il revendique, ce qui ne peut résulter des simples mentions de la fiche du poste occupé.

Cependant, le juge est lié par les critères de la convention collective applicable.

En l'espèce, M. [E] [Y] sollicite un rappel de salaires fondé sur une reclassification au coefficient C15 au motif que, nonobstant la signature de l'avenant au contrat de travail du 11 septembre 2014, il exerçait, dans les faits, l'emploi de chef de produits en plus de ses missions d'acheteur.

Ainsi que le fait justement valoir la société M.T.E International, les parties ont signé un avenant au contrat de travail de septembre 2014 stipulant que le salarié exerce les fonctions d'acheteur et il n'est aucunement démontré que cet avenant a été signé sous la contrainte de l'employeur.

Selon la convention collective nationale les entreprises de commission, de courtage et de commerce intracommunautaire et d'importation-exportation de France métropolitaine :

- sont considérés comme cadres les collaborateurs qui exercent une fonction complète d'encadrement et d'animation ou une fonction requérant des connaissances et capacités adaptées. Ils remplissent leurs fonctions dans des conditions impliquant initiative, décision et responsabilité, pouvant engager l'entreprise dans la limite de leur délégation.

- sont classés au niveau C15 les cadres totalisant trois années de pratique au minimum, gérant sous contrôle soit une activité bien identifiée relevant d'une spécialisation professionnelle précise, soit un ensemble d'activités dont il assure la coordination et la liaison avec les autres fonctions.

Cette convention collective mentionne comme exemples d'emplois de la classification C15 les emplois suivants : Analyste.

Responsable de service des fonctions supports.

Chef comptable.

Chef de produits.

Chef de mission.

Cadre commercial.

Selon la fiche métier produite par M. [E] [Y] en pièce 7, le chef de produit 'a pour mission principale d'analyser les besoins d'un marché et de contribuer au développement des ventes sur une zone pour un produit ou une gamme de produits.

Il participe à l'animation de la force de vente, gère un budget défini et établit des objectifs de vente. Il effectue le suivi des marges et la gestion des stocks.

Il assure la promotion de l'image de l'entreprise ou du groupe par ses contacts avec les fournisseurs ou en participant à des salons ou manifestations'.

M. [E] [Y] verse aux débats des éléments qui démontrent que :

- il participait à l'élaboration du packaging des produits

- il participait à la gestion de non-conformités des produits avec les fournisseurs

- il a ponctuellement assuré la gestion de livraisons de marchandises par containers

- il a assuré ponctuellement la gestion d'une demande de subvention européenne au titre de la promotion des vins sur les marchés des pays tiers en 2017

- il assurait l'achat des stocks de vin chez les fournisseurs

- il gérait le suivi de la relation fournisseurs.

En revanche, les éléments produits ne permettent pas d'établir que M. [E] [Y] disposait d'une délégation lui permettant d'engager l'entreprise ni qu'il gérait un ensemble d'activités dont il assurait la coordination et la liaison avec les autres fonctions de l'entreprise.

Les différents éléments produits par le salarié, qui ne donnent qu'une vision très partielle de ses tâches et responsabilités, ne permettent pas d'établir que M. [E] [Y] assurait, de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification C15.

En conséquence la cour, infirmant le jugement de ce chef, rejette la demande de rappel de salaires fondée sur une reclassification au niveau C15.

Sur la demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires:

La durée légale du travail effectif de 35 h par semaine prévue à l'article à l'article L.3121-10 du code du travail dans sa rédaction antérieure au 10 août 2016 et à l'article L 3121-27 du code du travail dans sa rédaction applicable depuis le 10 août 2016, constitue le seuil de déclenchement des heures supplémentaires payées à un taux majoré.

Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments de contrôle de la durée du travail. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Au soutien de sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, M. [E] [Y] produit des comptes très complets des heures de travail qu'il allègue avoir effectuées entre le 20 avril 2015 et le 9 avril 2018. Ce tableau produit en pièce 36 mentionne ses plages horaires de travail journalier ainsi que les pauses méridienne.

Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre en produisant ses propres éléments de décompte du temps de travail du salarié.

Au vu de la faible taille de l'entreprise (trois salariés en 2014 et quatre salariés en 2018), de l'heure d'envoi de certains des nombreux courriels adressés à la gérante de l'entreprise pour rendre compte de son activité (21h58 le 28 mai 2015, 20h53 le 20 juin 2015, 21h47 21 juillet 2015, 00h44 le 5 septembre 2015 notamment), l'employeur avait une connaissance complète des heures de travail réalisées par le salarié et ne peut valablement soutenir qu'il ne lui a jamais demandé de travailler plus de sept heures par jour, qu'il n'a jamais autorisé la réalisation d'heures supplémentaires ou encore que ces heures ne correspondent pas à un travail commandé qui plus est pour celles réalisées le week-end et les jours fériés.

De plus, la société M.T.E International ne produit aucun élément de contrôle de la durée du travail du M. [E] [Y].

L'existence des heures supplémentaires alléguées est ainsi démontrée et la cour, confirmant le jugement déféré, condamne la société M.T.E International à payer à M. [E] [Y] la somme de 34 783,42 euros à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires et 3 478,34 euros au titre des congés payés afférents.

Sur l'indemnisation des contreparties obligatoires en repos :

L'article L 3121-11 du contrat de travail dans sa version antérieure à la Loi 2016-1088 du 8 août 2016 dispose que des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d'un contingent annuel défini par une convention ou un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche.

L'article L 3121-30 du code du travail dans sa version issue de la Loi n°2016-1088 du 8 août 2016 dispose que des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d'un contingent annuel, que les heures effectuées au-delà de ce contingent annuel ouvrent droit à une contrepartie obligatoire sous forme de repos et que les heures prises en compte pour le calcul du contingent annuel d'heures supplémentaires sont celles accomplies au-delà de la durée légale.

Toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel ouvre droit à une contrepartie obligatoire en repos fixée à 50% pour les entreprises de 20 salariés au plus et 100% pour celles de plus de 20 salariés.

En vertu de l'article D 3121-14 du code du travail, le salarié qui, du fait de la rupture de son contrat de travail n'a pas été en mesure de formuler la demande de repos compensateurs à laquelle il avait droit, reçoit une indemnité en espèces dont le montant correspond à ses droits acquis.

L'indemnité de la contrepartie obligatoire en repos a le caractère de salaire et donne donc lieu à une indemnité de congés payés afférents.

En l'espèce, il résulte des calculs figurant en page 37 des conclusions de M. [E] [Y], non spécialement discutés, que ce dernier a réalisé :

- 139,25 heures supplémentaires au-delà du contingent annuel de 220 heures en 2015 correspondant à une indemnité de 1 165,52 euros sur la base d'un salaire horaire de 16,74 euros de l'heure

- 317,50 heures supplémentaires au-delà du contingent annuel en 2016, correspondant à une indemnité de 3 181,35 euros sur la base d'un salaire horaire de 20,04 euros de l'heure

- 246,25 heures supplémentaires au-delà du contingent annuel en 2017, correspondant à une indemnité de 2 467,42 euros sur la base d'un salaire horaire de 20,04 euros.

En conséquence la cour, confirmant le jugement de ce chef, condamne la société M.T.E International à payer à M. [E] [Y] la somme de 7 492,41 euros à titre d'indemnisation des contreparties obligatoires en repos (6 811,29 euros et 681,12 euros de congés payés afférents).

Sur la demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé :

L' article L. 8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé, et l'article L. 8221-5, 2° du même code dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié, le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

Aux termes de l' article L.8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours en commettant les faits prévus à l'article L.8221-5 précité a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Le caractère intentionnel du travail dissimulé ne peut ainsi se déduire de la seule absence de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie et il incombe au salarié de rapporter la preuve d'une omission intentionnelle de l'employeur.

La dissimulation d'emploi peut résulter de ce que l'employeur a imposé au salarié de travailler au-delà des jours prévus dans la convention de forfait en jours, sans mentionner ces jours de travail sur les bulletins de paie ou de ce que l'employeur n'a pas respecté son obligation de suivi du temps de travail du salarié soumis au forfait.

Il résulte des motifs ci-dessus que l'employeur était parfaitement informé des heures supplémentaires réalisées par M. [E] [Y] qu'il n'a pourtant pas mentionnées sur les bulletins de salaires ni payées.

La dissimulation intentionnelle est ainsi démontrée.

Contrairement à ce que soutient M. [E] [Y], le montant de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé doit être calculé en tenant compte des heures supplémentaires accomplies par le salarié au cours des six derniers mois précédant la rupture du contrat de travail et non pas des 12 derniers mois de salaire.

Compte tenu du salaire de base des 6 derniers mois d'octobre 2017 à mars 2018 (3 100,84 euros bruts) et du rappel d'heures supplémentaires accordé au titre des cette même période (3 705,38 euros), le salaire de base à prendre en compte pour le calcul de l'indemnité forfaitaire s'élève à 3 551,73 euros.

En conséquence la cour, infirmant le jugement de ce chef, condamne la société M.T.E International à payer à M. [E] [Y] la somme de 21'310,38 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

Sur la demande de dommages-intérêts pour non-respect du droit au repos :

Le jugement déféré a accordé à M. [E] [Y] la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect du droit au repos.

La société M.T.E International Fait valoir que ce calcul n'est pas justifié.

M. [E] [Y] soutient qu'à plusieurs reprises en 2015 (semaine 24, 36 et 37), 2016 (du 7 mars au 2 avril et du 10 avril au 16 avril) et 2017 (du 13 au 25 mars, du 2 au 12 mai et du 14 au 20 mai), il a travaillé six jours consécutifs sans bénéficier de son droit au repos, ce qui a affecté sa vie personnelle et a fait peser un risque non négligeable sur sa santé et sur sa sécurité.

Il considère que la somme de 1 000 euros allouée par les premiers juges est insuffisante au vu de la durée et des atteintes commises.

Cependant, au vu des éléments produits aux débats, la cour dit que la somme de 1 000 euros alloués en première instance est suffisante pour indemniser le préjudice subi par M. [E] [Y].

Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

Sur la demande d'indemnisation des temps de déplacement professionnel :

Selon l'article 564 précité : 'A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait'.

Selon l'article 565 code procédure civile : 'Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.'

Demandes nouvelles en cause d'appel

L'article 566 du même code dispose : 'Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.'

En l'espèce, M. [E] [Y] forme à hauteur de cour une demande de dommages et intérêts pour absence d'indemnisation des temps de déplacement professionnel.

La société M.T.E International conclut à l'irrecevabilité de cette demande au motif qu'elle est nouvelle.

M. [E] [Y] répond que ' sa demande en cause vise à obtenir le paiement de temps professionnels non réglés ; elle tend donc aux mêmes fins que son action initiale en paiement de supplémentaire et doit s'analyser en une demande complémentaire à cette action'.

La demande tendant à l'indemnisation des temps de déplacements professionnel est effectivement nouvelle car elle ne tend pas aux mêmes fins que la demande de paiement des heures supplémentaires, laquelle vise au paiement des temps de travail effectifs.

Elle n'est pas non plus le complément nécessaire à la demande de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires.

La demande est donc irrecevable.

Sur le licenciement :

Par application de l'article L. 1232-1 du code du travail, tout licenciement individuel doit reposer sur une cause réelle et sérieuse.

Selon l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

Ainsi l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables, qu'il doit reprendre dans la lettre de licenciement prévue par l'article L1232-6 du code du travail, cette lettre fixant ainsi les limites du litige.

Le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties.

Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Lorsqu'il résulte des termes de la lettre de licenciement que l'employeur a reproché des fautes au salarié, le licenciement prononcé a un caractère disciplinaire, et les juges du fond doivent se prononcer sur le caractère fautif ou non du comportement du salarié.

L'employeur, à condition de respecter les règles applicables à chaque cause de licenciement, peut invoquer dans les lettres de licenciement des motifs différents de rupture inhérents à la personne du salarié, dès lors qu'ils procèdent de faits distincts.

En l'espèce, il ressort de la lettre de licenciement dont les termes ont été restitués ci-dessus que la société reproche au salarié à la fois une insuffisance professionnelle et un comportement fautif puisqu'il est fait état d'une attitude méprisante voire agressive, d'une hostilité injustifiée aux décisions prises, d'une opposition aux instructions, d'un refus persistant d'organiser des achats devant ou encore de la rétention d'information, c'est-à-dire d'agissements fautifs se manifestant par des actes positifs ou par une abstention volontaire.

S'agissant des motifs de licenciement, la lettre de licenciement reproche à M. [E] [Y] :

- de ne jamais prendre d'initiative et ne jamais être force de proposition en refusant depuis octobre 2017 d'organiser des achats de vin en vrac, en ne prenant pas l'initiative de chercher de nouveaux fournisseurs, en se limitant à un travail purement administratif, sans négociation avec les fournisseurs, sans conseil au plan oenologique, technique ou logistique ni action pour améliorer les coûts de revient et en ne négociant pas avec les fournisseurs lors de la survenue de problèmes de fabrication :

La matérialité de ces faits n'est pas établie par les différentes pièces versées aux débats.

- d'avoir fait livrer du cognac à un gros client de Shanghai sans s'assurer du niveau de remplissage de sorte que tous les bouchons avaient sauté à l'arrivée et que le client a été perdu :

Le courriel de M. [E] [Y] daté du 12 février 2018 adressé au fournisseur dans lequel ce dernier l'informe d'une 'sortie de bouchons sur la référence Majesté', lui indique que ' nous avions déjà discuté de ce risque potentiel suite à votre production' ne permet pas, à lui seul, d'établir que M. [E] [Y] est à l'origine de ce problème de bouchons. D'autre part, aucun élément de démontre l'ampleur du préjudice subi par la société M.T.E International, ni la perte du client.

- d'avoir commandé de mauvais bouchons pour Brandy, qui n'étaient pas ceux prévus et étaient plus chers :

M. [E] [Y] soutient qu'au mois de décembre 2017, M. [E] [Y] a acheté des bouchons non compatibles avec les bouteilles (bouchons de type TP 29 et ronlins non lestés), ce qui a entraîné une perte d'environ 600 euros.

Aucune pièce ne vient établir l'existence de l'erreur alléguée dans la mesure où, comme le relève M. [E] [Y], il ressort du bon de commande produit en pièce 21 que la commande par M. [Y] des bouchons 'Delage Prestige 51" porte le numéro MTE2017VINS1204-1 tandis que les deux mails adressés les 22 et 27 décembre 2017 par M. [E] [Y] au fournisseur pour 'ajuster les quantités' de trois types de produits, dont les 'bouchons Ronlis Delage (non lesté doré + liège composite', portent également sur une autre commande n°MTE2017VINS1206.

Il n'est donc pas possible de déterminer si la demande d'ajustement des quantités portait, également sur les bouchons de la commande MTE2017VINS1204-1.

Il n'est pas non plus justifié de la perte d'environ 600 euros alléguée.

- une mauvaise spécification du numéro de lot de deux conteneurs par rapport à l'exigence de la règlementation des douanes Chinoises ayant contraint le fournisseur à perdre 3 jours pour refaire le numéro de lot sur les capsules des produits :

M. [E] [Y] précise qu'en mars 2018, M. [E] [Y] a été responsable d'une erreur d'étiquetage entraînant un blocage de la douane chinoise par suite de l'impression d'un mauvais numéro de lot sur les capsules de deux containers de vin de marque 'Soleil de tempus'

Cependant, aucun élément ne permet d'établir que les numéros de lots indiqués par M. [E] [Y] au fournisseur ne respectaient pas les exigences des douanes chinoises.

En effet, il n'est pas justifié de cette réglementation, pas plus que de la nécessité pour le fournisseur de refaire le numéro de lot sur les capsules des produits.

- une attitude méprisante et agressive à l'égard de Mme [G], la traitant de menteuse, de profiteuse, y compris devant d'autres collaborateurs :

Aucun élément n'est versé aux débats pour établir la matérialité de ce fait.

- une hostilité régulière face aux décisions prises, par exemple pour plusieurs demandes d'achats en vrac de vin :

Madame [L], salariée de la société M.T.E International, affirme : ' avoir vu à plusieurs reprises Monsieur [Y] contredire les ordres et instructions de Mme [G]. Ex: quand Mme [G] annonçait qu'on doit acheter les vins en vrac et faire travailler les embouteiller, il a répondu qu'on n'est pas assez nombre ... cela provoque des disputes entre Mme [G] et M. [Y].

De cette situation, découlait une mauvaise ambiance dans l'entreprise, pendant le travail est également lors des réunions'.

Cette attestation ne concerne que les achats de vin en vrac et ne permet pas d'établir une hostilité régulière de M. [E] [Y] aux ordres et instructions de Mme [G].

De plus, M. [E] [Y] démontre au moyen de plusieurs courriels (pièces 23, 25, 26 et 27) qu'il a participé au salon du vrac d'Amsterdam et qu'il a commandé du vin en vrac à plusieurs reprises.

L'hostilité régulière aux ordres et instructions de Mme [G] n'est donc pas démontrée.

- une rétention d'informations utiles au bon fonctionnement de l'entreprise:

Ainsi que le fait valoir M. [E] [Y], aucun fait caractérisant une rétention d'informations n'est établi par les pièces versées aux débats.

- une intolérance à la critique ou aux observations sur son travail et des propos très agressifs à l'égard de Mme [G] après un signalement d'une anomalie sur les étiquettes pour une expédition en Chine :

L'attestation de Mme [R] dont les termes sont reproduits ci-dessus ne permet pas d'établir que M. [E] [Y] n'acceptait aucune remarque sur son travail et n'évoque pas non plus les propos agressifs reprochés au salarié à la suite du signalement d'une anomalie sur les étiquettes d'une expédition en Chine.

À l'issue de cette analyse, il apparaît que la matérialité des faits invoqués au soutien du licenciement n'est pas établie.

En conséquence la cour, confirmant le jugement de ce chef, dit que le licenciement n'est pas fondé sur une cause réelle et sérieuse.

M. [E] [Y] sollicite une augmentation du montant des indemnités de rupture accordées par les premiers juges au motif que, du fait de sa reclassification au statut cadre, coefficient C 15 et des rappels de salaires afférents, il aurait dû bénéficier d'une indemnité compensatrice de préavis de trois mois et non pas de deux mois et du calcul des indemnités de rupture sur la base d'un salaire de référence de 4 026,36 euros.

Cependant, il résulte des motifs ci-dessus que ces demandes de reclassification et de rappel de salaires ne sont pas fondées.

Sur la base du salaire de référence de 3 551,73 euros mentionné ci-dessus, l'indemnité compensatrice de préavis s'élève à la somme de 7 103,46 euros.

Il est constant que la société M.T.E International a payé à M. [Y] la somme de 6 169,88 euros à ce titre.

En conséquence la cour, infirmant le jugement de ce chef, condamne la société M.T.E International à payer à M. [E] [Y] la somme de 933,58 euros à titre de rappel d'indemnité compensatrice de préavis et 93,35 euros au titre des congés payés afférents.

Sur la base d'un salaire de référence de 3 551,73 euros, l'indemnité de licenciement s'élève à la somme 3 403,70 euros.

Il est constant que la société M.T.E International a payé à M. [E] [Y] la somme de 3 038,82 euros à titre d'indemnité de licenciement.

En conséquence la cour condamne la société M.T.E International à payer à M. [E] [Y] la somme de 364,88 euros à titre de rappel d'indemnité de licenciement.

En considération de l'ancienneté du salarié (3 ans et 10 mois), de sa rémunération mensuelle moyenne (3 551,73 euros), de son âge lors de la rupture du contrat de travail, de sa formation et de sa capacité à retrouver un nouvel emploi, de la durée de sa période de recherche d'emploi (3 mois), il convient de lui allouer, en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.

Enfin, contrairement à ce que soutient M. [E] [Y], il ne ressort pas des pièces versées aux débats que son licenciement n'a pas été entouré de circonstances vexatoires.

Le jugement déféré, qui a rejeté sa demande de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire sera donc confirmé de ce chef.

Sur le remboursement des sommes payées au salarié par Pôle Emploi, devenu France Travail :

Selon l'article L1235-4 du code du travail dans sa version applicable au litige : 'Dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé.

Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées'

S'agissant d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, il y a lieu d'ordonner, d'office et par application de l'article L 1235-4 du code du travail, le remboursement par la société M.T.E International à Pôle Emploi, devenu France Travail, des indemnités de chômage payées à M. [E] [Y] à la suite de son licenciement, dans la limite de 1 mois de prestations.

Sur la capitalisation des intérêts légaux :

La capitalisation des intérêts sera ordonnée, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil.

Sur le salaire de référence :

Les dispositions de l'article R1454-28 du code du travail n'étant pas applicables devant la cour, il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de M. [E] [Y] tendant à voir fixer le salaire de référence.

Sur la remise des documents de fin de contrat sous astreinte :

La société M.T.E International sera également condamnée à remettre à M. [E] [Y] dans les 6 semaines du prononcé du présent arrêt les documents de fin de contrat et un dernier bulletin de salaire dûment rectifiés au vu des dispositions du présent arrêt.

Dans la mesure où il n'y a pas lieu de douter de la bonne exécution de cette condamnation, la demande d'astreinte sera rejetée.

Le jugement sera infirmé sur ce dernier point.

Sur les demandes accessoires :

Partie perdante, la société M.T.E International supportera la charge des dépens de première instance et d'appel.

Par ailleurs, M. [E] [Y] a dû pour la présente instance exposer tant en première instance qu'en appel des frais de procédure et honoraires non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser intégralement à sa charge.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société M.T.E International à lui payer la somme de 1 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, et de condamner cet employeur à lui payer sur le même fondement une indemnité de 2 000 euros au titre des frais qu'il a dû exposer en appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement entrepris, SAUF en ce qu'il a :

- dit et jugé que M. [Y] occupait les fonctions d'un Chef de Produits ;

- condamné la Sarl Mte International à payer M. [Y] les sommes suivantes :

- 3 595.50 euros au titre de rappel de salaires sur la qualification ;

- 359.55 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur rappel de salaire ;

- 12 613.92 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

- 3 153.48 euros au titre d'indemnité compensatrice complémentaire de préavis ;

- 315.34 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ;

- 18 920.88 euros euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;

- ordonné la remise des pièces administratives rectifiées (dernier bu1letin de salaire, attestation Pole Emploi, certificat de travail) dans les 8 jours qui suivent la notification du présent jugement sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et cela au maximum pendant 30 jours, le Conseil se réservant le droit de procéder à la liquidation de ladite astreinte ;

Statuant à nouveau sur ces chefs et y ajoutant :

DECLARE irrecevable la demande d'indemnisation des temps de déplacement professionnel ;

REJETTE la demande de rappel de salaire fondée sur une reclassification au niveau C15 ;

CONDAMNE la société M.T.E International à payer à M. [E] [Y] les sommes suivantes :

- 21'310,38 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;

- 933,58 euros à titre de rappel d'indemnité compensatrice de préavis et 93,35 euros au titre des congés payés afférents ;

- 364,88 euros à titre de rappel d'indemnité de licenciement ;

- 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

DIT que les sommes allouées supporteront, s'il y a lieu, le prélèvement des cotisations et contributions sociales ;

CONDAMNE la société M.T.E International à remettre à M. [E] [Y] dans les 6 semaines du prononcé du présent arrêt les documents de fin de contrat et un dernier bulletin de salaire dûment rectifiés au vu des dispositions du présent arrêt ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière;

ORDONNE le remboursement par la société M.T.E International à Pôle Emploi, devenu France Travail, des indemnités de chômage payées à M. [E] [Y] à la suite de son licenciement, dans la limite de 1 mois de prestations ;

CONDAMNE la société M.T.E International à payer à M. [E] [Y] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société M.T.E International aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.

Le greffier, Le Président,

N. BELAROUI C. RUIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Riom
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/00498
Date de la décision : 09/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 17/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-09;21.00498 ?
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