COUR D'APPEL
DE RIOM
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
Du 26 mars 2024
N° RG 22/00420 - N° Portalis DBVU-V-B7G-FYPG
-PV- Arrêt n° 142
[H] [Z] divorcée [O] / [I] [D], [F] [J], [R] [N] épouse [W]
Jugement au fond, origine Tribunal Judiciaire hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CUSSET, décision attaquée en date du 31 Janvier 2022, enregistrée sous le n° 21/00434
Arrêt rendu le MARDI VINGT SIX MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE
COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :
M. Philippe VALLEIX, Président
M. Daniel ACQUARONE, Conseiller
Mme Laurence BEDOS, Conseiller
En présence de :
Mme Céline DHOME, greffier lors de l'appel des causes et du prononcé
ENTRE :
Mme [H] [Z] divorcée [O]
[Adresse 9]
[Localité 12]
Représentée par Maître Barbara GUTTON PERRIN de la SELARL LEXAVOUE RIOM-CLERMONT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND et par Maître Patricia POIDEVIN, avocat au barreau de PARIS
Timbre fiscal acquitté
APPELANTE
ET :
M. [I] [D]
[Adresse 16]
[Adresse 15]
[Localité 2]
Non représenté
M. [F] [J]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représenté par Maître Anne Cécile BLOCH de la SELARL ANNE CÉCILE BLOCH AVOCAT, avocat au barreau de CUSSET/VICHY
Timbre fiscal acquitté
Mme [R] [N] épouse [W]
[Adresse 8]
[Localité 17]
Non représentée
INTIMES
DÉBATS : A l'audience publique du 05 février 2024
ARRÊT : PAR DÉFAUT
Prononcé publiquement le 26 mars 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par M. VALLEIX, président et par Mme DHOME, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
Mme [A] [D], née le [Date naissance 6] 1929 à [Localité 14] (Allier), est décédée le [Date décès 13] 2020 à [Localité 17] (Allier). Elle laisse pour lui succéder :
- Mme [R] [N] épouse [W], sa s'ur ;
- Mme [H] [Z], sa nièce venant en représentation de son père M. [C] [N] prédécédé le [Date décès 11] 1985 (frère de la personne défunte) ;
- M. [I] [D], son époux dont elle était séparée de corps suivant un arrêt du 4 décembre 2001 de la cour d'appel de Riom.
Aux termes d'un premier testament olographe établi le 2 juin 2004, Mme [A] [D] avait institué Mme [H] [Z] légataire universelle de ses biens, la rendant également bénéficiaire de l'ensemble de ces contrats d'assurance-vie.
M. [F] [J], disant avoir entretenu « (') une relation amicale extrêmement forte » avec Mme [A] [D], a communiqué après le décès de cette dernière un testament olographe daté du 9 mai 2014, par lequel celle-ci l'institue légataire universel de ses biens.
Suivant une ordonnance rendue le 12 mars 2018, le Juge des tutelles du tribunal d'instance de Vichy du 12 mars 2018 a placé Mme [A] [D] sous sauvegarde de justice, désignant Mme [V] [T] en qualité de mandataure spécial. Par jugement du 14 août 2018 du Juge des tutelles du tribunal d'instance de Vichy une mesure de tutelle a été instaurée à l'égard de Mme [A] [D], Mme [V] [T] étant désignée tutrice.
Le 9 décembre 2020, Me [M] [B], notaire à [Localité 17] (Allier), publiait au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciale (BODACC) un avis d'envoi en possession établi sur le fondement du testament du 9 mai 2014. Le 16 décembre 2020, le conseil de Mme [H] [Z] a fait opposition à cet envoi en possession.
C'est dans ces conditions que, par actes de commissaire de justice des 25 mars et12 et 28 avril 2021, Mme [H] [Z] a assigné M. [I] [D], M. [F] [J] et Mme [R] [N] devant le tribunal judiciaire de Cusset qui, suivant un jugement n° RG-21/00434 rendu le 31 janvier 2022, a :
- débouté Mme [H] [Z] de sa demande d'annulation du testament olographe du 9 mai 2014 de Mme [A] [D], instituant M. [F] [J] en qualité de légataire universel ;
- débouté Mme [H] [Z] de sa demande tendant à juger seul valable le testament rédigé le 2 juin 2004 par Mme [A] [D], l'établisssant légataire et bénéficiaire des contrats d'assurance-vie SEQUOÏA 216/6111529-1, TOP CROISSANCE REVENUE 600108/0004940-3 et PERCAP 022/0086044-5 ;
- débouté Mme [H] [Z] de sa demande de condamnation de M. [F] [J] à rembourser la somme de 119.873,20 €, avec intérêts au taux légal et anatocisme ;
- débouté Mme [H] [Z] de sa demande d'ouverture des opérations de comptes, de liquidation et de partage de la succession de Mme [A] [D] ;
- débouté en conséquence Mme [H] [Z] de ses demandes de désignation de Me [M] [B], notaire à [Localité 17] (Allier), et de désignation d'un juge commis ;
- constaté qu'il n'y a lieu de statuer concernant la désignation d'un expert graphologue en l'absence de demande de désignation formulée dans les dispositifs respectifs des écritures des parties ;
- débouté M. [F] [J] de sa demande de condamnation de Mme [H] [Z] à lui verser la somme de 2.000,00 € en allégation de préjudice moral ;
- condamné Mme [H] [Z] à verser à M. [F] [J] une indemnité de 4.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté Mme [H] [Z] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné Mme [H] [Z] aux entiers dépens ;
- débouté Mme [H] [Z] de sa demande au titre des dépens.
Par déclaration formalisée par le RPVA le 24 février 2022, le conseil de Mme [H] [Z] a interjeté appel du jugement susmentionné, l'appel portant partiellement sur la décision en ce qu'elle a :
- débouté Mme [H] [Z] de sa demande d'annulation du testament du 9 mai 2014 de Mme [A] [D], instituant M. [F] [J] comme légataire universel ;
- débouté Mme [H] [Z] de sa demande tendant à juger seul valable le testament rédigé le 2 juin 2004 par Mme [A] [D] l'établisssant légataire universel et bénéficiaire des contrats d'assurance-vie SEQUOÏA 216/6111529-1, TOP CROISSANCE REVENUE 600108/0004940-3 et PERCAP 022/0086044-5 ;
- débouté Mme [H] [Z] de sa demande de condamnation de M. [F] [J] à rembourser la somme de 119.873,20 €, avec intérêts au taux légal et anatocisme ;
- débouté Mme [H] [Z] de sa demande d'ouverture des opérations de compte, de liquidation et de partage de la succession de Mme [A] [D] ;
- débouté en conséquence Mme [H] [Z] de sa demande de désignation de Me [M] [B], notaire à [Localité 17] (Allier), et de désignation d'un juge commis ;
- constaté qu'il n'y a lieu de statuer concernant la désignation d'un expert graphologue en l'absence de demande de désignation formulée dans les dispositifs respectifs des écritures des parties ;
- condamné Mme [H] [Z] à verser à M. [F] [J] une indemnité de 4.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté Mme [H] [Z] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné Mme [H] [Z] aux entiers dépens ;
- débouté Mme [H] [Z] de sa demande au titre des dépens.
' Par dernières conclusions d'appelant notifiées par le RPVA le 29 décembre 2023, Mme [H] [Z] a demandé de :
- au visa des articles 414-1, 476, 815, 901, 970 et suivants, 1231-6 et 1343-2 du Code civil, 699, 700 et 1360 du code de procédure civile ainsi que de l'article L.313-3 du code monéaire et financier ;
- [à titre principal] :
- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Cusset du 31 janvier 2022 en ce qu'il a :
* débouté Mme [H] [Z] de sa demande d'annulation du testament du 9 mai 2014 de Mme [A] [D], instituant M. [J] en qualité de légataire universel ;
* débouté Mme [H] [Z] de sa demande tendant à juger seul valable le testament rédigé le 2 juin 2004 par Mme [A] [D], l'établissant légataire universel et bénéficiaire des contrats d'assurance-vie SEQUOÏA 216/6111529-1, TOP CROISSANCE REVENUE 600108/0004940-3 et PERCAP 022/0086044-5 ;
* débouté Mme [H] [Z] de sa demande de condamnation de M. [F] [J] à rembourser la somme de 119.873,20 euros avec intérêts au taux légal et anatocisme ;
* débouté Mme [H] [Z] de sa demande d'ouverture des opérations de compte, de liquidation et de partage de la succession de Mme [A] [D] ;
* débouté en conséquence Mme [Z] de sa demande de désignation de Me [M] [B], notaire à [Localité 17] (Allier), et de désignation d'un juge commis ;
* condamné Mme [H] [Z] à payer à M. [F] [J] une indemnité de 4.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
* condamné Mme [Z] aux entiers dépens ;
- y faisant droit et statuant à nouveau ;
- déclarer Mme [H] [Z] recevable et bienfondé en ses demandes, fins et conclusions ;
- débouter M. [F] [J] de l'intégralité de ses demandes ;
- juger que le testament daté du 9 mai 2014 n'a pas été écrit à cette date et prononcer en conséquence la nullité de ce testament ;
- à titre subsidiaire ;
- « JUGER qu'à cette date feue [A] [D] était déjà insane d'esprit en mai 2014 » ;
- « JUGER qu'à la date de rédaction en 2018, feue [A] [D] était sous tutelle » ;
- en toute hypothèse ;
- prononcer la nullité du testament daté du 9 mai 2014 et juger que seul le testament daté du 2 juin 2004, instituant Mme [H] [Z] en qualité de légataire universelle et de bénéficiaire de tous ses contrats d'assurance vie, doit s'appliquer, avec de toutes conséquences de droit ;
- « CONDAMNER Monsieur [F] [J] à rembourser à la succession de Mme [A] [D] la somme de 119.873,20 €, sauf à parfaire, correspondant aux versements reçus par M.[J] au détriment de la succession emportant intérêt au taux légal à compter du 8 octobre 2020 date du décès de feue [A] [D] et anatocisme conformément aux articles 1231-6 et 1343-2 du Code civil, les intérêts étant majorés de 5 points dans les conditions de l'article L.313-3 du code monétaire et financier » ;
- à titre subsidiaire ;
- ordonner une mesure d'expertise judiciaire en matière de comparaison d'écritures, comprenant la mission ci-après libellée :
* examiner le testament appliqué à la succession de Mme [A] [D] en date du 9 mai 2014 ;
* dire si l'écriture qui y est apposée correspond à l'écriture du testeur à la même période;
* dire s'il est entièrement écrit, daté et signé de la main de Mme [A] [D] ;
* dire le cas échéant si la main du rédacteur a été guidée ou forcée ;
Et notamment
* de comparer l'écriture du testament avec :
o Des documents écrits par le testeur au moment de la période de la date mentionnée faussement dans le testament (mai 2014) ;
o Des documents écrits par le testeur après son AVC intervenu en juin 2015 et notamment des documents écrits en 2018 ;
* de déterminer, si l'étude des documents permet d'affirmer que le testament a pu être écrit en mai 2014, tel que mentionné sur l'acte, ou s'il est exclu qu'il ait pu être écrit à cette date ;
* de déterminer, en comparaison avec des écrits postérieurs à 2014, si l'écriture du testament correspond à la date d'un des documents comparé ;
* dire si la date du 9 mai 2014 est la date à laquelle le testament litigieux a réellement été rédigé ;
- dire que l'expert pourra se faire assister de tout sachant de son choix et fixera le délai de fourniture du rapport ;
- dire ce que de droit à l'égard de l'avance des frais d'expertise.
- en toute hypothèse ;
- prononcer l'application du précédent testament daté du 2 juin 2004 ;
- ordonner l'ouverture des opérations de compte liquidation partage de la succession de Mme [A] [D] [Z], décédée le [Date décès 13] 2020 ;
- désigner pour y procéder Me [M] [B], notaire à [Localité 17], [Adresse 5] ;
- commettre un juge du siège afin de surveiller lesdites opérations et dire qu'il pourra si nécessaire être pourvu à son remplacement sur simple requête de la plus diligente des parties ;
- à titre subsidiaire ;
- « PRONONCER que la clause bénéficiaire modifiée par la Tutrice n'inclut pas le légataire à titre universel » ;
- « PRONONCER l'attribution des assurances-vie au profit de Mme [H] [Z] en application du testament du 2 juin 2004 » ;
- en tout état de cause ;
- condamner M. [F] [J] à payer une indemnité de 7.500,00 € à Mme [H] [Z] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner M. [F] [J] aux entiers dépens, avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, au profit de Me Gutton, avocat au barreau de Clermont-Ferrand.
' Par dernières conclusions d'intimé notifiées par le RPVA le 9 janvier 2024, M. [F] [J] a demandé de :
- au visa de l'article 901 du Code civil ;
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de Cusset le 31 janvier 2022 ;
- confirmer que le testament faisant de M. [F] [J] le légataire universel de Mme [A] [D] n'est pas antidaté ;
- confirmer qu'il n'est pas établi que Mme [A] [D] n'aurait pas été en capacité d'établir le testament critiqué au profit de M. [F] [J] ;
- dire que le placement sous tutelle de Mme [A] [D] est largement postérieur à la rédaction du testament ;
- confirmer que les donations faites par Mme [A] [D] à l'égard de M. [F] [J] l'ont été alors qu'elle avait l'intégralité de ses facultés mentales ;
- dire que la demande de nomination d'un « Expert graphologue » n'est pas recevable ;
- rejeter l'ensemble des demandes présenté par Mme [H] [Z] tant à titre principal que subsidiaire ;
- dire que la demande visant à annuler les clauses désignant les bénéficiaires des assurances-vie est nouvelle et que Mme [H] [Z] était en capacité d'opter ;
- nommer Me [M] [B], notaire à [Localité 17] (Allier), pour procéder aux opérations de liquidation-partage ;
- condamner Mme [H] [Z] à lui payer la somme de 2.000,00 à titre de réparation de son préjudice moral ;
- condamner Mme [H] [Z] à lui payer une indemnité de 5.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- à titre subsidiaire, réduire à de plus justes proportions, le montant de l'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile auquel il pourrait être condamné ;
- condamner Mme [H] [Z] aux dépens.
' M. [I] [L] Mme [R] [N] n'ont pas constitué avocat et sont donc non-comparants. Pour chacun d'entre eux les significations de déclaration d'appel et de conclusions d'appelant ont été effectuées en l'étude de l'huissier de justice instrumentaire (respectivement les 28 avril 2022 et 16 juin 2022 et les 28 avril 2022 et 2 juin 2022). La présente décision sera en conséquence rendue par défaut.
Par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, les moyens développés par la partie appelante à l'appui de ses prétentions sont directement énoncés dans la partie MOTIFS DE LA DÉCISION.
Par ordonnance rendue le 11 janvier 2024, le Conseiller de la mise en état a ordonné la clôture de cette procédure. Lors de l'audience civile collégiale du 5 février 2024 à 14h00, au cours de laquelle cette affaire a été évoquée, chacun des conseils des parties a réitéré et développé ses moyens et prétentions précédemment énoncés. La décision suivante a été mise en délibéré au 26 mars 2024, par mise à disposition au greffe.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
1/ Questions liminaires
Il importe préalablement de rappeler les dispositions de l'article 815 du Code civil suivant lesquelles « Nul ne peut être contraint à demeurer dans l'indivision et le partage peut toujours être provoqué, à moins qu'il n'y ait été sursis par jugement ou convention. ». De plus, l'article 721 alinéa 2 du Code civil dispose que « [Les successions] peuvent être dévolues par les libéralités du défunt dans la mesure compatible avec la réserve héréditaire. ».
En l'occurrence, en application des dispositions de l'article 734 du Code civil relatives à l'ordre de dévolution successorale, en l'absence de descendants de Mme [A] [D] et à supposer que son conjoint survivant séparé de corps M. [I] [D] ne soit pas successible, celle-ci laisse en tout état de cause comme héritiers réservataires sa s'ur Mme [R] [N] et sa nièce Mme [H] [Z] fille de son frère prédécédé M. [C] [N].
Dans ces conditions, le jugement de première instance sera infirmé en ce qu'il a refusé de prononcer préalablement l'ouverture des opérations de comptes, de liquidation et de partage de la succession laissée par Mme [A] [D], cette mesure devant être ordonné indépendamment de la discussion portant sur la validité du testament litigieux du 9 mai 2014.
Par voie de conséquence, ce même jugement sera également infirmé en ce qu'il a rejeté la désignation d'un notaire instrumentaire et d'un juge en cas de difficultés de ce règlement successoral.
2/ Sur l'application testamentaire
L'article 970 du Code civil dispose que « Le testament olographe ne sera point valable, s'il n'est écrit en entier, daté et signé de la main du testateur : il n'est assujetti à aucune autre forme. ». Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, la fausseté de la date énoncée dans un testament olographe équivaut à son absence et entraîne la nullité de l'acte lorsque les éléments émanés de celui-ci ne permettent pas de lui restituer sa date véritable.
En application des dispositions législatives et de la jurisprudence qui précèdent, Mme [H] [Z] soulève en premier lieu la nullité du testament olographe du 9 mai 2014 en considérant que ce testament n'a pas été établi à cette date, la fausseté de cette date entraînant selon elle l'absence de consentement. En application des dispositions de portée générale de l'article 9 du code de procédure civile suivant lesquelles « Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. », elle ne conteste pas la situation de présomption légale d'exactitude de cette date et en conséquence la charge de la preuve contraire qui lui incombe quant à la véracité des contradictions qu'elle entend opposer.
Ce testament est ainsi libellé sur une feuille simple, de manière entièrement manuscrite, sans aucune rature ni surcharge : « Testament olographe / Ceci est mon testament / [A] [D] [Adresse 10], disposant de mes facultés mentales, je lèg [tâche d'encre visiblement sur le ue de lègue] à / [F] [J] / [Adresse 4] / tous mes biens [petit signe circulaire illisible] / il sera mon légataire universel / fait à [Localité 17] le 9 mai 2014 / [signature : lettre illisible suivie de [D]] ». Ce testament manuscrit a fait l'objet le 1er décembre 2020 par Me [M] [B], notaire associé à [Localité 17] (Allier), d'un procès-verbal de dépôt et de description après lui avoir était remis le 7 février 2018, date de sa communication par ce notaire au Fichier central de dispositions de dernières volontés (FCDDV).
On peut d'abord s'étonner que ce testament olographe daté du 9 mai 2014 n'ait été remis au notaire susnommé que près de quatre années plus tard le 7 février 2018, alors par ailleurs qu'il est établi que Mme [A] [D] avait été hospitalisée du 30 janvier 2018 au 16 février 2018 pour une prise en charge de rectorragies et de traumatisme du pied gauche. Ce testament olographe a donc fait l'objet d'un dépôt notarié alors que Mme [A] [D] faisait l'objet d'une hospitalisation complète. Le compte rendu médical de cette hospitalisation établi le 16 février 2018 par le Centre hospitalier de [Localité 17] renseigne notamment un antécédent personnel d'Accident vasculaire cérébral (AVC) occipital gauche survenu en 2015 et un état de dénutrition sévère constaté en début de séjour hospitalier. Un bilan d'évaluation neuropsychologique établi le 6 février 2018 au cours de ce séjour hospitalier fait par ailleurs notamment état chez cette patiente d'« un syndrome dysexécutif cognitif modéré associé à un ralentissement psychomoteur et une fragilité de la vitesse de traitement » avec « une altération du jugement et du raisonnement, une perte de la notion de l'argent et des biens », une « perte d'autonomie (') mal vécue », des « troubles cognitifs [qui] ne sont pas entièrement perçus témoignant d'une certaine anosognosie. » et une apparence de « pathologie neurodégénérative avec un profil hippocampique ».
Toujours est-il que Mme [A] [D] a ensuite été placée sous tutelle par besoin d'être représentée d'une manière continue dans les actes de la vie civile, tant en ce qui concerne l'exercice de ses intérêts patrimoniaux que la protection de sa personne, par ordonnance du 14 août 2018 du Juge des tutelles du tribunal d'instance de Vichy faisant suite à l'instauration d'une mesure de sauvegarde de justice le 12 mars 2018. Cette mesure de protection a été instaurée au visa d'un certificat médical établi le 17 février 2018 par un médecin spécialiste inscrit sur la liste établie par le Procureur de la république en lecture d'un certificat médical établi le 8 décembre 2017.
Il n'apparaît dès lors pas sérieusement contestable qu'à la date du 7 février 2018 de dépôt notarié de ce testament daté du 9 mai 2014, et en tout cas au moins à partir de la fin de l'année 2017, Mme [A] [D] était de toute évidence dans l'incapacité totale de disposer de ses biens.
Or, Mme [H] [Z] verse aux débats un rapport établi à sa demande le 5 février 2021 par Mme [X] [P], expert en écritures près la la cour d'appel de Paris et agréée par la Cour de cassation, dont il résulte notamment que :
- les 12 lignes d'écriture manuscrite du testament daté du 9 mai 2014 révèlent des tremblements, des hésitations, des carottages de lettres et un graphisme qui reste structuré mais abîmé par une forme semi-anguleuse et un rythme d'exécution ralenti, en ce compris la signature, ce testament apparaissant homogène dans ses inégalités au regard du texte et de la signature alors que le graphisme correspondant à celui d'une personne âgée sans signes d'intervention extérieure ;
- l'écriture de ce testament daté du 9 mai 2014 apparaît conforme à celui d'une lettre de comparaison du 30 mars 2018 de Mme [A] [D], cet exemplaire retrouvant de manière similaire un graphisme hésitant et en voie de désorganisation, des lettres cabossées et hésitantes et des tremblements marqués ;
- au contraire, deux lettres manuscrites du 14 février 2013 et du 29 septembre 2014 de Mme [A] [D] révèlent une écriture tout à fait différente de calibre moyen à grand, structurée, claire, lisible, avec un rythme contrôlé d'exécution quoique lent dans sa conduite, des lettres homogènes entre elles et de légers tremblements ;
- le testament litigieux daté du 9 mai 2014 apparaît ainsi contemporain de la lettre précitée du 30 mars 2018 tout en étant de la même main, en termes de similitude de traits, de formes, de direction et de tremblements, alors que l'étude de l'ensemble des documents de comparaison mettent en évidence une évolution graphique avec une tendance à la détérioration nette de l'écriture qui garde cependant ses caractéristiques propres ;
- en conclusion générale, le graphisme du testament daté du 9 mai 2014 correspond au graphisme de Mme [A] [D] en 2018, le document précité apparaissant donc avoir été antidaté.
M. [F] [J] ne peut d'abord objecter du caractère prétendument non contradictoire de cette mesure d'expertise amiable. En effet, ce document a été normalement soumis à la discussion contradictoire des parties avant la clôture des débats en première instance comme en cause d'appel, alors que la méthodologie de cet expert amiable n'est aucunement différente de celle qui aurait résulté d'une mesure d'expertise judiciaire. Il s'agit en effet exclusivement d'un travail d'étude et de vérification sur pièces. De plus, les dispositions de l'article 1373 du Code civil relatives aux désaveu d'écriture ou de signature en matière d'acte sous seing privé, incluant donc les allégations de fausseté de la signature d'un tiers, renvoient simplement au processus de la vérification d'écriture et non à l'expertise judiciaire. Ce processus de vérification d'écriture peut donc valablement se pratiquer dans le cadre d'une consultation amiable auprès d'un spécialiste, d'autant qu'il s'agit ici d'un expert judiciaire dont la compétence technique apparaît totalement acquise. Enfin, il était aisément loisible à M. [F] [J] de communiquer pendant les débats d'autres exemplaires de comparaison de l'écriture de Mme [A] [D] à des dates proches de la datation litigieuse du 9 mai 2014 ou de produire des pièces médicales justificatives quant à ses allégations d'arthrose pour expliquer les tremblements de l'écriture de cette dernière, ce qu'il s'abstient totalement de faire.
Il apparaît donc suffisamment établi que l'écriture manuscrite de Mme [A] [D] s'est très nettement dégradée postérieurement à l'AVC occipital gauche dont elle a été victime et pour lequel elle a été hospitalisée du 11 au 20 juillet 2015 au service de neurologie du Centre hospitalier de [Localité 17], alors que cette pathologie lui a laissé des troubles cognitifs n'ayant visiblement fait l'objet d'aucune rémission jusqu'à son décès survenu le 8 octobre 2020. Il en est donc également résulté sans aucune contestation sérieuse une régression majeure dans le graphisme de l'écriture qui est très nettement documentée dans le cadre de cette mesure d'expertise amiable en lecture comparée , d'une part des courriers précités des 14 février et 29 septembre 2014 antérieurs à la survenance de cet AVC et d'autre part du courrier précité du 30 mars 2018 postérieur à la survenance de cet AVC.
Il ressort donc des débats de manière suffisamment objectivée que l'écriture de ce testament aurait été formée dans un graphisme retrouvant celui des courriers précités des 14 février et 29 septembre 2014 s'il avait été effectivement rédigé à la date indiquée du 9 mai 2014. Bien au contraire, ce graphisme retrouve l'écriture très nettement dégradée du courrier précité du 30 mars 2018. Dans ces conditions, il importe de considérer que Mme [H] [Z] rapporte la preuve de l'anti-datage de ce testament olographe prétendument daté du 9 mai 2014. Dans ces conditions, le jugement de première instance sera infirmé en ce qu'il a rejeté la demande formée par Mme [H] [Z] aux fins d'annulation de ce testament, ce testament devant au contraire être annulé en raison de la fausseté de sa datation équivalant à une absence de consentement de la personne testatrice.
Par voie de conséquence, la demande formée à titre subsidiaire par Mme [H] [Z] au visa de l'article 901 du Code civil aux fins d'annulation de ce même testament en allégation d'insanité d'esprit de Mme [A] [D] devient sans objet. Il en est de même en ce qui concerne sa demande subsidiaire d'expertise judiciaire en matière de comparaison d'écritures ainsi que la question de recevabilité de cette demande mesure d'instruction objectée par M. [F] [J].
Également par voie de conséquence, le jugement de première instance sera infirmé en ce qu'il a refusé de reconnaître la validité du testament olographe du 2 juin 2004, en rappelant au demeurant à ce sujet que M. [F] [J] ne présente de son côté aucune demande d'annulation de ce précédent testament olographe.
3/ Sur les contrats d'assurance-vie
Les demandes formées par Mme [H] [Z] concernant les trois contrats d'assurance-vie susmentionnés ne peuvent être considérées comme nouvelles, ainsi que l'objecte inutilement M. [F] [J], les demandes étant toujours susceptibles d'évolution en ce qui concerne les procédures de règlements successoraux ou les procédures ayant pour bases des règlements successoraux. Ces chefs de demande apparaissent dès lors normalement recevables.
Le testament olographe du 2 juin 2004 stipule que Mme [H] [Z] (alors désignée sous son nom marital [O] avant son divorce) est également désignée comme bénéficiaire de ses contrats d'assurance-vie. Il n'est pas contesté qu'il s'agit ici des contrats d'assurance-vie SEQUOÏA 216/6111529-1, TOP CROISSANCE REVENUE 6-00108/0004940-3 et PERCAP 022/0086044-5.
Toutefois, suivant une ordonnance rendue le 15 janvier 2019, le Juge des tutelles du tribunal d'instance de Vichy a modifié la clause bénéficiaire des contrats TOP CROISSANCE REVENUE 6-00108/0004940-3 et PERCAP 022/0086044-5 en désignant comme bénéficiaires : « les héritiers de l'assurée ».
Il convient donc ici simplement de rappeler que le contrat SEQUOÏA 216/6111529-1 a pour bénéficiaire Mme [H] [Z] et à défaut les héritiers légaux de Mme [A] [D] et que les contrats TOP CROISSANCE REVENUE 6-00108/0004940-3 et PERCAP 022/0086044-5 ont pour bénéficiaires les héritiers légaux de Mme [A] [D].
Le jugement de première instance sera en conséquence infirmé en ce qu'il a refusé de reconnaître Mme [H] [Z] bénéficiaire du contrat d'assurance-vie SEQUOÏA 216/6111529-1 mais confirmé en ce qu'il a refusé de reconnaître Mme [H] [Z] bénéficiaire des contrats d'assurance-vie TOP CROISSANCE REVENUE 6-00108/0004940-3 et PERCAP 022/0086044-5, les bénéficiaires de ces deux derniers contrats étant les héritiers de Mme [A] [D].
4/ Sur le remboursement des dons
Mme [H] [Z] demande par ailleurs à M. [F] [J] le remboursement de la somme totale de 119.873,20 € que ce dernier reconnaît avoir encaissée, affirmant qu'il s'agit de différents versements faits à son profit par Mme [A] [D] à titre de donations à des périodes où celle-ci ne souffrait d'aucune altération de ses facultés personnelles. Il précise qu'il s'agit de « multiples donations faites au fil du temps, pendant les dizaines d'années » au cours desquelles il a fréquenté Mme [A] [D] en l'entourant et en lui rendant divers services.
En cette occurrence, Mme [H] [Z] n'établit aucun décompte récapitulatif et détaillé de cette somme totale de 119.873,20 €, ce qui ne permet aucunement de vérifier, à travers les différents documents bancaires qu'elle communique sans aucun commentaire particulier, à quelles dates les différentes sommes aboutissant à ce montant total ont été versées à M. [F] [J] et donc si ces versements ont été effectués avant ou après l'altération des facultés personnelles de Mme [A] [D] consécutivement à l'AVC dont elle a été victime en 2015.
Dans ces conditions, le premier juge sera confirmé en ce qu'il a rejeté ce chef de demande, et par voie de conséquence les demandes additionnelles formées à ce sujet au titre des intérêts de retard au taux légal et de l'anatocisme ainsi que des majorations prévues par le code monétaire et financier.
5/ Sur les autres demandes
Dans la mesure où M. [F] [J] succombe dans ses prétentions à être reconnu légataire universel de Mme [A] [D], le jugement de première instance sera purement et simplement confirmé en ce qu'il a rejeté sa demande de dommages-intérêts formée à hauteur de 2.000,00 € à l'encontre de Mme [H] [Z] en allégation de préjudice moral.
Le jugement de première instance sera infirmé en sa décision de condamnation de Mme [H] [Z] à payer au profit de M. [F] [J] une indemnité de 4.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que d'imputation des dépens de première instance à Mme [H] [Z].
Mme [H] [Z] ne formant aucune demande dédiée sur les frais de première instance au titre de l'article 700 du code de procédure civile, le jugement de première instance sera purement et simplement confirmé en ce qu'il a rejeté sa demande formée à ce titre.
Il serait effectivement inéquitable, au sens des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, de laisser à la charge de Mme [H] [Z] les frais irrépétibles qu'elle a été contrainte d'engager à l'occasion de cette instance et qu'il convient d'arbitrer à la somme totale de 6.000,00 €, en tenant compte à la fois des frais de première instance et en cause d'appel.
Enfin, succombant à l'instance, M. [F] [J] sera purement et simplement débouté de sa demande de défraiement formée au visa de l'article 700 du code de procédure civile et en supportera les entiers dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et par défaut,
INFIRME le jugement n° RG-21/00434 rendu le 31 janvier 2022 par le tribunal judiciaire de Cusset en ce qu'il a :
- DÉBOUTÉ Mme [H] [Z] de sa demande d'ouverture des opérations de comptes, de liquidation et de partage de la succession laissée par Mme [A] [D], décédée le [Date décès 13] 2020 ;
- DÉBOUTÉ Mme [H] [Z] de sa demande d'annulation du testament olographe de Mme [A] [D], prétendument daté du 9 mai 2014 ;
- DÉBOUTÉ Mme [H] [Z] de sa demande tendant à juger que seul le testament olographe du 2 juin 2004 est valable pour l'établir légataire universel des biens de Mme [A] [D] et bénéficiaire du contrat d'assurance-vie SEQUOÏA 216/6111529-1 ;
- CONDAMNÉ Mme [H] [Z] à payer au profit de M. [F] [J] une indemnité de 4.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- CONDAMNÉ Mme [H] [Z] aux entiers dépens de première instance ;
- DÉBOUTÉ Mme [H] [Z] de sa demande au titre des dépens de première instance.
CONFIRME ce même jugement en ce qu'il a :
- DÉBOUTÉ Mme [H] [Z] de sa demande tendant à la déclarer bénéficiaire des contrats d'assurance-vie TOP CROISSANCE REVENUE 6-00108/0004940-3 et PERCAP 022/0086044-5 ;
- DÉBOUTÉ Mme [H] [Z] de sa demande formée à l'encontre de M. [F] [J] aux fins de remboursement de la somme de 119.873,20 € avec intérêts de retard au taux légal et anatocisme ainsi que majorations au titre de l'article L.313-1 du code monétaire et financier ;
- REJETÉ la demande d'expertise judiciaire formée par Mme [H] [Z] ;
- DÉBOUTÉ M. [F] [J] de sa demande de dommages-intérêts formée à hauteur de 2.000,00 € à l'encontre de Mme [H] [Z] en allégation de préjudice moral ;
- DÉBOUTÉ Mme [H] [Z] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Statuant de nouveau.
ORDONNE l'ouverture des opérations de comptes, de liquidation et de partage de la succession laissée par Mme [A] [D], décédée le [Date décès 13] 2020.
COMMET pour procéder à ce règlement successoral :
Maître François ROBELIN
[Adresse 7]
ou à défaut :
Me Michaël MIDROUILLET
[Adresse 7]
DÉSIGNE le Président de la 1ère Chambre civile de la cour d'appel de Riom pour le contrôle de ce règlement successoral, à qui il pourra en être directement référé en cas de difficultés.
ANNULE le testament olographe de Mme [A] [D], faussement daté du 9 mai 2014.
RAPPELLE en tant que de besoin la validité du testament olographe de Mme [A] [D], daté du 2 juin 2004.
JUGE RECEVABLES les demandes formées par Mme [H] [Z] en ce qui concerne les trois contrats d'assurance-vie ci-après énoncés.
RAPPELLE en tant que de besoin que le contrat d'assurance-vie SEQUOÏA 216/6111529-1 a pour bénéficiaire Mme [H] [Z] et à défaut les héritiers légaux de Mme [A] [D] et que les contrats d'assurance-vie TOP CROISSANCE REVENUE 6-00108/0004940-3 et PERCAP 022/0086044-5 ont pour bénéficiaires les héritiers légaux de Mme [A] [D].
CONDAMNE M. [F] [J] à payer au profit de Mme [H] [Z] une indemnité de 6.000,00 €, en dédommagement de ses frais irrépétibles prévus à l'article 700 du code de procédure civile.
REJETTE le surplus des demandes des parties.
CONDAMNE M. [F] [J] aux entiers dépens, avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, au profit de Me Barbara Gutton, avocat au barreau de Clermont-Ferrand.
Le greffier Le président