19 MARS 2024
Arrêt n°
ChR/NB/NS
Dossier N° RG 21/01151 - N° Portalis DBVU-V-B7F-FTIS
S.A.S. MAROQUINERIE DU PUY
/
[J] [W]
jugement au fond, origine conseil de prud'hommes - formation paritaire du puy en velay, décision attaquée en date du 27 avril 2021, enregistrée sous le n° f 19/00096
Arrêt rendu ce DIX NEUF MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :
M. Christophe RUIN, Président
Mme Sophie NOIR, Conseiller
Mme Frédérique DALLE, Conseiller
En présence de Mme Nadia BELAROUI greffier lors des débats et du prononcé
ENTRE :
S.A.S. MAROQUINERIE DU PUY
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis
[Adresse 7]
[Localité 4]
Représentée par Me Barbara GUTTON PERRIN de la SELARL LX RIOM-CLERMONT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND, avocat constitué, substitué par Me Séverine FOURVEL de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND, avocat plaidant
APPELANTE
ET :
Mme [J] [W]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Karine ENGEL, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND, avocat constitué, substitué par Me Pascale GRAMMAGNAC-YGOUF, avocat au barreau de CAEN, avocat plaidant
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/007450 du 12/05/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de CLERMONT-FERRAND)
INTIMEE
M. RUIN, Président et Mme NOIR, Conseiller après avoir entendu, M. RUIN, Président en son rapport, à l'audience publique du 11 décembre 2023, tenue par ces deux magistrats, sans qu'ils ne s'y soient opposés, les représentants des parties en leurs explications, en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré après avoir informé les parties que l'arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l'article 450 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE
La SAS MAROQUINERIE DU PUY (RCS LE-PUY-EN-VELAY 531 040 053), dont le siège social est situé à [Localité 4] (43), exerce une activité de fabrication d'articles de voyage, de maroquinerie et de sellerie et fait application des dispositions de la convention collective nationale de la maroquinerie. Elle emploie habituellement environ 240 salariés (équivalents temps plein).
Le 23 octobre 2017, Madame [J] [W], née le 5 avril 1969, a conclu avec le GRETA un contrat pédagogique en vue d'une période de formation au sein de la SAS MAROQUINERIE DU PUY et ce, pour une période de 4,5 mois.
Madame [J] [W] a ensuite été embauchée par la SAS MAROQUINERIE DU PUY à compter du 10 mars 2018 dans le cadre d'un contrat de professionnalisation.
Madame [J] [W] a connu un arrêt de travail pour maladie du 19 au 25 avril 2018.
A l'issue du contrat de professionnalisation qui a pris fin le 30 septembre 2018, Madame [J] [W] a été embauchée, à compter du 1er octobre 2018, par la SAS MAROQUINERIE DU PUY selon un contrat de travail à durée déterminée dont le terme était fixé au 30 mars 2019.
Du 6 au 28 février 2019, Madame [J] [W] a été placée en arrêt de travail pour maladie.
La relation contractuelle entre les parties s'est achevée le 30 mars 2019 avec l'arrivée à terme du contrat de travail à durée déterminée.
Par requête expédiée le 26 septembre 2019, Madame [J] [W] a saisi le conseil de prud'hommes du PUY-EN-VELAY aux fins notamment de voir requalifier le contrat pédagogique, le contrat de professionnalisation et le contrat à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée, obtenir l'indemnité de requalification afférente, juger qu'elle a été victime de harcèlement moral et obtenir l'indemnisation du préjudice en ayant résulté, juger à titre principal son licenciement nul et en tout état de cause sans cause réelle et sérieuse, outre obtenir la condamnation de l'employeur à lui verser les indemnités de rupture afférentes ainsi qu'à indemniser le préjudice subi, outre à lui payer un rappel de salaire sur classification conventionnelle et lui remettre les bulletins de salaire rectifiés.
L'affaire a directement été portée devant le bureau de jugement du conseil de prud'hommes.
Par jugement rendu contradictoirement le 27 avril 2021 (audience du 2 février 2021), le conseil de prud'hommes de LE PUY-EN-VELAY a :
- requalifié le contrat pédagogique, le contrat de professionnalisation et le contrat à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée ;
- dit que la rupture de la relation contractuelle entre Madame [J] [W] et la SAS
MAROQUINERIE DU PUY s'analyse comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse;
En conséquence,
- condamné la SAS MAROQUINERIE DU PUY à payer et porter à Madame [J] [W] les sommes suivantes :
* 1.507 euros à titre d'indemnité de requalification,
* 6.857 euros à titre de rappel de salaire du 16 octobre 2017 au 9 mars 2018,
* 1.645,07 euros à titre d'indemnité de préavis, outre 164,51 euros à titre d'indemnité de congés payés sur préavis,
* 599,77 euros à titre d'indemnité de licenciement,
* 3.060 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- dit que les créances salariales sont productrices d'intérêts au taux légal à compter de la réception par le défendeur de la convocation à comparaître à l'audience de jugement et à défaut de demande initiale, à compter de la date à laquelle ces sommes ont été réclamées et les créances indemnitaires à compter du prononcé du présent jugement ;
- rappelé l'exécution provisoire de droit du jugement dans la limite de neuf mois de salaires ;
- dit que la moyenne des trois derniers mois de salaire est de 1.530 euros ;
- condamné la SAS MAROQUINERIE DU PUY à remettre à Madame [J] [W] l'ensemble des documents de fin de contrat rectifiés et conformes au présent jugement ;
- débouté Madame [J] [W] de ses autres demandes plus amples ou contraires;
- débouté la SAS MAROQUINERIE DU PUY de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- rejeté les autres demandes plus amples ou contraires ;
- condamné la SAS MAROQUINERIE DU PUY aux entiers dépens.
Le 25 mai 2021, la SAS MAROQUINERIE DU PUY a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié à sa personne morale le 29 avril 2021.
L'affaire a été fixée à l'audience de la chambre sociale de la cour d'appel de Riom du 13 mars 2023 puis a été renvoyée à l'audience du 11 décembre 2023pour cause de sous-effectif de magistrats.
Vu les conclusions notifiées à la cour le 22 novembre 2021 par Madame [J] [W],
Vu les conclusions notifiées à la cour le 10 février 2022 par la SAS MAROQUINERIE DU PUY,
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 13 février 2023.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions, la SAS MAROQUINERIE DU PUY demande à la cour de :
SUR L'APPEL PRINCIPAL
- Réformer le jugement du 27 avril 2021 rendu par le Conseil de prud'hommes du Puy-en-Velay en ce qu'il a :
' - requalifié le contrat pédagogique, le contrat de professionnalisation et le contrat à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée ;
- dit que la rupture de la relation contractuelle entre Madame [J] [W] et la SAS MAROQUINERIE DU PUY s'analyse comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse' ;
- Réformer le jugement du 27 avril 2021 rendu par le Conseil de prud'hommes du Puy-en-Velay en ce qu'il l'a condamnée aux sommes suivantes :
- 1.507 euros à titre d'indemnité de requalification ;
- 6.857 euros à titre de rappel de salaire du 16 octobre 2017 au 9 mars 2018 ;
- 1.645,07 euros à titre d'indemnité de préavis ;
- 164,51 euros à d'indemnité de congés payés sur préavis ;
- 599,77 euros à titre d'indemnité de licenciement ;
- 3.060 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Constater que Madame [W] est particulièrement mal fondée dans ses demandes ;
- Statuer à nouveau et débouter Madame [W] de l'intégralité de ses demandes ;
A titre subsidiaire :
- Limiter la condamnation à titre de rappel de salaires à la somme de 6820,62 euros, outre les congés payés afférents ;
- Limiter la condamnation à titre d'indemnité de licenciement à la somme de 557,81 euros.
SUR L'APPEL INCIDENT
- Confirmer le jugement du 27 avril 2021 rendu par le Conseil de prud'hommes du Puy-en-Velay en ce qu'il a débouté Madame [W] des demandes suivantes :
- 10.000 euros au titre de la réparation du préjudice subi par Madame [W] en raison du harcèlement moral dont elle aurait été victime ;
- 10.000 euros à Madame [W] au titre de l'absence de prévention du harcèlement moral ;
- 10.000 euros à Madame [W] en réparation de l'atteinte à la santé de Madame [W] ;
- 171,87 euros au titre du rappel de salaire correspondant au niveau 2 de la convention collective ;
- Outre 17,19 euros au titre des congés payés y afférents ;
- 10.000 euros à Madame [W] au titre de la mauvaise foi ;
- 9042 euros au titre de l'indemnité pour travail dissimulé ;
- 3.500 euros au titre de l'article 700 du CPC ;
En tout état de cause :
- Condamner Madame [W] à lui payer et porter la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile;
- Condamner Madame [W] aux entiers dépens.
La SAS MAROQUINERIE DU PUY fait valoir, au soutien de sa contestation du bien fondé de la demande de requalification du contrat pédagogique en contrat de travail à durée indéterminée, que :
- la présente relation était régie par les dispositions relatives au statut de stagiaire de la formation professionnelle institué aux articles L. 6341-1 et suivants du code du travail, les dispositions de l'article L. 124-1 du code de l'éducation, telles qu'invoquées par l'intimée, étant inapplicables puisque ne concernant que les stages d'élèves ou d'étudiants réalisés dans le cadre d'un cursus scolaire ou universitaire, ce qui n'était pas le cas en l'espèce de Madame [J] [W], en sorte que l'ensemble des développements relatifs au contenu du contrat pédagogique et aux conventions de stage sont inopérants en l'espèce car hors sujet. Elle précise en tout état de cause que le contrat pédagogique a été établi et signé par le GRETA en sorte qu'aucun grief ne peut lui être opposé par l'intimée s'agissant de son contenu ;
- Madame [J] [W] a bénéficié d'une formation préalable nécessaire à son embauche au sein de l'entreprise, et a bénéficié à ce titre de deux tuteurs, de même qu'elle a régulièrement fait l'objet d'évaluations au cours de ce processus et a notamment bénéficié d'un contrôle continu ;
- les objectifs définis étaient en réalité des références de temps pour l'exécution des tâches ;
- le GRETA a remis à Madame [J] [W] une attestation de stage ;
- alors que la charge de la preuve de l'existence d'un contrat de travail incombe au salarié qui s'en prévaut, Madame [J] [W] ne démontre pas au cas présent l'existence d'une telle relation contractuelle de travail sur la période de son contrat de formation ;
- la circonstance selon laquelle elle aurait détourné la convention de stage de Madame [J] [W] aux fins d'emploi déguisé, dont elle conteste la matérialité, constitue donc une affirmation diffamatoire.
La SAS MAROQUINERIE DU PUY considère ainsi que Madame [J] [W] échoue à rapporter la preuve de l'existence d'un contrat de travail et conclut subséquemment à son débouté s'agissant de l'ensemble des demandes qu'elle formule au titre de requalification du contrat pédagogique en contrat à durée indéterminée.
Concernant ensuite le contrat de professionnalisation, elle fait valoir que Madame [J] [W] a bénéficié d'une formation nécessaire à l'acquisition des techniques et compétences utiles à l'exercice d'un poste de maroquinier au sein de l'entreprise, qu'elle s'est dans ce cadre vu remettre un livret personnalisé concernant son parcours de professionnalisation suivi par l'organisme SEGECO dans le cadre du dispositif PRODIAT, étant précisé que Madame [J] [W] a bénéficié du tutorat de Madame [P] qui remplissait l'ensemble des conditions pour l'exercice de cette mission. Elle ajoute qu'au cours de cette période, Madame [J] [W] a régulièrement bénéficié de bilans et qu'à l'issue, elle s'est vue remettre une attestation de fin de contrat ainsi que l'attestation de qualification aux fonctions. Elle considère ainsi que l'intimée a bénéficié d'un suivi régulier et sérieux conforme aux engagements pris par l'employeur dans le cadre de son contrat de professionnalisation. Elle conclut ainsi au débouté de la salariée s'agissant de l'ensemble des demandes qu'elle formule au titre de la requalification du contrat de professionnalisation en contrat de travail à durée indéterminée.
S'agissant du contrat de travail à durée déterminée du 1er octobre 2018, la SAS MAROQUINERIE DU PUY fait valoir qu'il a été conclu au motif d'un surcroît d'activité. Elle explique plus spécialement avoir rencontré à l'automne 2018 un surcroît d'activité lié à la reprise de produits défectueux. Elle conteste ainsi que la salariée ait pourvu un emploi lié à l'activité permanente et durable de l'entreprise, et conclut à son débouté de l'ensemble des demandes qu'elle formule au titre de la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée.
La SAS MAROQUINERIE DU PUY réfute ensuite avoir intentionnellement dissimulé l'emploi de Madame [J] [W], étant rappelé que celle-ci a bénéficié d'une réelle période de formation et qu'elle n'a commis aucune fraude à l'égard de la situation de l'intimée. Elle conclut ainsi au débouté de Madame [J] [W] de sa demande formulée au titre du travail dissimulé.
L'appelante fait ensuite valoir qu'alors qu'il appartient à Madame [J] [W] d'établir l'existence de faits laissant présumer une situation de harcèlement moral à son encontre, celle-ci échoue à rapporter la preuve d'une part de ce que des objectifs lui auraient été assignés et, d'autre part qu'elle aurait été victime de pressions et d'une surveillance permanente ayant conduit à une dégradation de son état de santé. Elle ajoute que Madame [J] [W] a bénéficié d'une formation sur la gestion du stress les 25 janvier 2018 et 18 décembre 2017, outre d'un accompagnement poussé en particulier pour sa santé physique et mentale. Elle considère avoir de la sorte satisfait à son obligation de sécurité à l'égard de l'intimée et qu'en tout état de cause, celle-ci ne rapporte pas la preuve de faits laissant présumer l'existence d'une situation de harcèlement moral à son encontre. Elle conclut ainsi au débouté de Madame [J] [W] s'agissant de l'ensemble des demandes indemnitaires qu'elle formule de ces chefs.
En l'absence de tout manquement commis dans le cadre de l'exécution des différents contrats de Madame [J] [W], la société MAROQUINERIE DU PUY conclut au rejet des prétentions de Madame [J] [W] relatives à un licenciement et à son débouté s'agissant des demandes qu'elle formule au titre de la rupture du contrat de travail.
Concernant la requalification de l'emploi occupé par Madame [J] [W], la société MAROQUINERIE DU PUY conteste que celle-ci ait pu, au regard de la seule détention d'un CAP de maroquinerie, prétendre à un positionnement conventionnel au niveau 2, en lieu et place du niveau 1 qui lui était appliqué. La société MAROQUINERIE DU PUY ajoute que Madame [J] [W] ne démontre pas qu'elle aurait effectivement accompli les tâches et fonctions relevant d'un tel niveau 2, et ce alors même que le bénéfice de celui-ci implique que l'ensemble des critères conventionnels prévus soit cumulativement rempli, ce qui n'est présentement pas le cas. Elle conclut ainsi au débouté de Madame [J] [W] de sa demande de rappel de salaire afférente.
La société MAROQUINERIE DU PUY conteste enfin, au regard de l'ensemble des éléments qui précèdent, avoir exécuté fautivement et/ou de mauvaise foi le contrat de Madame [J] [W].
Dans ses dernières conclusions, Madame [J] [W] demande à la cour de :
SUR L'APPEL PRINCIPAL
CONFIRMER le jugement du Conseil des Prud'hommes en ce qu'il a :
- requalifié le contrat pédagogique en contrat de travail à durée indéterminée ;
- requalifié le contrat de professionnalisation en contrat de travail à durée indéterminée;
- requalifié le contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée ;
EN CONSEQUENCE :
- condamné la société MAROQUINERIE DU PUY à payer la somme de 1.507 euros au titre de l'indemnité de requalification ;
- condamné la société MAROQUINERIE DU PUY à payer la somme de 6.857 euros au titre du rappel de salaire pour la période du 16 octobre 2017 au 5 mars 2018 outre les congés payés y afférents ;
- dit que la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement nul, à tout le moins abusif ;
- condamné en conséquence la société MAROQUINERIE DU PUY à lui payer les sommes suivantes :
* 1.645,07 euros au titre de l'indemnité de préavis ;
* 164,51 euros au titre des congés payés y afférents ;
* 599,77 euros au titre de l'indemnité de licenciement ;
- réformer le jugement sur le chef de condamnation au titre des indemnités de licenciement abusif.
JUGER À NOUVEAU :
- condamner la SAS MAROQUINERIE DU PUY à lui verser la somme de 8.255,35 euros au titre du licenciement nul ou à tout le moins abusif.
SUR L'APPEL INCIDENT
- réformer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses autres demandes plus amples ou contraires, à savoir, au titre du harcèlement moral et du travail dissimulé.
JUGER A NOUVEAU :
- condamner la société MAROQUINERIE DU PUY à lui payer la somme de 9.042 euros au titre du travail dissimulé ;
- juger qu'elle a été victime de harcèlement moral de la part de l'employeur et condamner en conséquence celui-ci à payer la somme de 10.000 euros au titre de la réparation du préjudice subi ;
- condamner la société MAROQUINERIE DU PUY à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l'absence de prévention du harcèlement moral ;
- condamner la société MAROQUINERIE DU PUY à lui payer la somme de 10.000 euros en réparation de l'atteinte à sa santé ;
- juger qu'elle relève de la classification Niveau 2 de la convention collective et condamner en conséquence l'employeur à verser la somme de 171,87 euros au titre du rappel de salaire outre 17,19 euros au titre des congés payés y afférents ;
- condamner la société MAROQUINERIE DU PUY à payer la somme de 10.000 euros au titre de la mauvaise foi ;
EN TOUT ETAT DE CAUSE :
- condamner la société MAROQUINERIE DU PUY à lui remettre les documents de fin contrat sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la notification du jugement à intervenir;
- assortir les condamnations des intérêts au taux légal ayant commencé à courir au jour de la délivrance de sa saisine ;
- débouter la société MAROQUINERIE DU PUY de l'ensemble de ses demandes;
- condamner la société MAROQUINERIE DU PUY à lui payer la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens.
Madame [J] [W] expose avoir été engagée initialement dans le cadre d'un contrat pédagogique soumis aux dispositions du code de l'éducation suivi d'un contrat de professionnalisation, mais qu'en réalité, elle a exercé une réelle prestation de travail dans le cadre d'un contrat de travail.
Concernant spécialement le contrat pédagogique, elle considère que celui-ci, notamment s'agissant de son formalisme, doit répondre aux dispositions prévues par le code de l'éducation et non le code du travail comme l'excipe à tort l'employeur dès lors que la formation est dispensée par un organisme formateur, le GRETA. Madame [J] [W] relève ainsi que ce document ne satisfait pas aux conditions légalement instituées, aux motifs que celui-ci s'abstient de mentionner :
- la gratification, alors même que le contrat est conclu pour une durée supérieure à 2 mois;
- l'intitulé du cursus de formation. Seul l'intitulé de l'emploi est indiqué ;
- les modalités d'encadrement ;
- le régime social du stagiaire ;
- le tuteur désigné ;
Madame [J] [W] considère en outre ne pas avoir bénéficié d'une réelle formation notamment en l'absence de tout accompagnement et soutien de sa tutrice et fait valoir qu'au regard de son parcours et expériences antérieures, elle disposait des qualifications nécessaires pour exercer en toute autonomie le poste de travail de maroquinier auquel elle était affectée et remplir les objectifs de productivité qui lui étaient assignés.
L'intimée soutient qu'aucun cursus pédagogique n'a été poursuivi à son encontre, évoquant notamment l'absence de toute évaluation, tant au cours qu'à l'issue du contrat pédagogique.
Madame [J] [W] excipe de ce que l'employeur était coutumier du recours aux contrats pédagogiques pour en réalité affecter les bénéficiaires à des postes de travail de l'entreprise, et bénéficier de la sorte d'une main d'oeuvre à moindre coût.
Madame [J] [W] en déduit qu'elle a, sous couvert de la régularisation d'un contrat pédagogique, pourvu un emploi permanent et durable de l'entreprise et sollicite ainsi la requalification de ce contrat en contrat de travail à durée indéterminée.
S'agissant ensuite du contrat de professionnalisation, l'intimée soutient de même ne pas avoir bénéficié de formation dès lors qu'elle disposait déjà des compétences et qualifications (CAP maroquinier) utiles à l'exercice de ce poste de travail. Madame [J] [W] considère, comme précédemment, avoir été placée dans une situation d'emploi et sollicite ainsi la requalification du contrat de professionnalisation en contrat de travail à durée indéterminée.
Concernant ensuite le contrat de travail à durée déterminée du 1er octobre 2018, Madame [J] [W] conteste la réalité du motif 'surcroît temporaire d'activité', objectant du caractère permanent de l'emploi occupé et de la fictivité de ce contrat de travail. Elle relève à cet égard l'absence de tout élément produit par l'employeur de nature à objectiver un prétendu surcroît d'activité sur la période d'emploi considérée. Madame [J] [W] sollicite ainsi la requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée.
Madame [J] [W] prétend ensuite, au regard de ses compétences et qualifications, qu'elle aurait dû relever du niveau 2 de la convention collective, et non du niveau 1. Elle réclame le rappel de salaire afférent.
Madame [J] [W] soutient ensuite avoir été victime de harcèlement moral de la part de l'employeur et objecte plus spécialement que l'employeur a usé de méthodes de management inadéquates, notamment en recourant à des pressions, surveillance constantes et mises en concurrence des maroquinières destinées à ce que les objectifs qui lui étaient fixés soient atteints, lesquelles ont conduit à une dégradation de son état de santé médicalement constatée, en sorte que la société MAROQUINERIE DU PUY a de la sorte contrevenu à son obligation de préserver la santé et la sécurité de ses salariés, le bénéfice de formations étant insuffisant à considérer que l'employeur a rempli l'ensemble des obligations qui lui incombent de ce chef. Elle considère avoir été victime de harcèlement moral et sollicite la condamnation de l'employeur à indemniser le préjudice résultant de l'absence de prévention du harcèlement moral et en tout état de cause, à raison du manquement à l'obligation de sécurité qui lui incombe.
Vu l'existence d'une situation de harcèlement moral à son encontre, Madame [J] [W] demande à ce que la rupture du contrat de travail produise les effets d'un licenciement nul et, en tout état de cause, sans cause réelle et sérieuse, outre la condamnation de l'employeur à lui verser les indemnités de rupture afférentes ainsi qu'à indemniser le préjudice subi.
Madame [J] [W] expose ensuite qu'en recourant de manière fictive à des contrats de formation pour en réalité affecter les bénéficiaires à des postes de travail permanents de l'entreprise, la société MAROQUINERIE DU PUY a volontairement dissimulé son emploi et s'est de la sorte rendue coupable de travail dissimulé à son encontre. Elle réclame la condamnation de l'employeur à lui payer l'indemnité forfaitaire afférente.
Madame [J] [W] considère par ailleurs, au vu de l'ensemble des manquements commis par l'employeur dans l'exécution de ses différents contrats, que celui-ci a fait preuve de mauvaise foi et de déloyauté, l'ensemble de ces circonstances lui ayant occasionné un préjudice dont elle demande réparation.
Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions, moyens et arguments des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux dernières conclusions régulièrement notifiées et visées.
MOTIFS
- Sur le contrat pédagogique -
Il résulte des documents versés aux débats que, le 16 octobre 2017, Madame [J] [W], désignée en qualité de 'stagiaire', a conclu avec le lycée [B] [L] [X], désigné comme 'établissement support du GRETA [Localité 5]-[Localité 6]', un contrat intitulé 'contrat pédagogique', en exécution duquel le GRETA [Localité 5]-[Localité 6] s'est engagé à organiser l'action de formation intitulée 'artisan maroquinier' ayant pour objectif une 'formation qualifiante devant déboucher sur un emploi au sein de la Maroquinerie [Localité 2]'.
Selon ce contrat, l'action de formation était prévue pour une durée de 644 heures, du 23 octobre 2017 au 9 mars 2018, et devait déboucher, au titre de la 'validation des acquis', sur la délivrance d'une 'attestation de compétences'. Le contenu de la formation devait aborder 'l'apprentissage des techniques et gestes de base, un entraînement au maniement d'outils, une consolidation des gestes et réflexes techniques'. La formation en entreprise devait aussi être 'l'occasion de fabriquer des parties d'articles réelles'.
La prise en charge financière de cette formation était assurée, à hauteur de 100% par le Conseil Régional Rhône Alpes Auvergne et par un autre organisme.
Aux termes de ce contrat, l'organisme de formation s'est engagé à dispenser la formation prévue, à mettre en oeuvre les moyens pédagogiques et matériels nécessaires et à fournir à la stagiaire un soutien pédagogique personnalisé, Madame [J] [W] s'engageant à être assidue, à respecter le règlement intérieur du GRETA et des établissements d'accueil et à suivre les indications notifiées par les notes de service.
Madame [J] [W] explique qu'après avoir été enseignante, elle a décidé d'une reconversion professionnelle dans la maroquinerie et qu'après une première formation et une première expérience dans ce métier, alors qu'elle était inscrite en qualité de demandeur d'emploi sur le site de Pôle Emploi, elle a présenté sa candidature au poste d'artisan maroquinier auprès de la société MAROQUINERIE DU PUY. Elle précise que c'est dans ces conditions, sa candidature ayant été retenue, qu'elle a intégré l'entreprise en qualité de stagiaire en formation.
Pour solliciter la requalification de son contrat pédagogique en un contrat de travail, Madame [J] [W] soutient que le stage, tel qu'organisé par le contrat du 16 octobre 2017, est soumis au code de l'éducation et, plus précisément, aux articles L. 124-1 à L. 124-20 de ce code, de sorte que les stages initiés en entreprise doivent être intégrés dans un cursus pédagogique scolaire ou universitaire, les stages et formations étant définis par l'article L 124-1 alinéa 3 du code de l'éducation.
L'alinéa 3 de l'article L. 124-1 du code de l'éducation dispose : 'Les périodes de formation en milieu professionnel et les stages correspondent à des périodes temporaires de mise en situation en milieu professionnel au cours desquelles l'élève ou l'étudiant acquiert des compétences professionnelles et met en 'uvre les acquis de sa formation en vue d'obtenir un diplôme ou une certification et de favoriser son insertion professionnelle. Le stagiaire se voit confier une ou des missions conformes au projet pédagogique défini par son établissement d'enseignement et approuvées par l'organisme d'accueil'.
En s'appuyant sur ce texte, Madame [J] [W] se plaint de ce que son contrat pédagogique ne contient pas les mentions prévues par le code de l'éducation concernant la gratification, l'intitulé du cursus de formation et qu'aucune modalité d'encadrement n'était prévue.
Il doit être cependant relevé que le contrat pédagogique souscrit par Madame [J] [W] a été conclu avec le seul GRETA qui, ainsi qu'elle le rappelle elle-même, est un groupement d'établissements qui est régi par les articles L. 423-1 et suivants du code de l'éducation et l'article D. 423-1 du même code.
Les GRETA ont une 'mission de formation continue' (article L. 423-1) et exercent des 'missions de formation continue dans le cadre de l'éducation et la formation tout au long de la vie' (article D. 423-1). Ils ont notamment pour mission de permettre l'acquisition d'une formation professionnelle, le développement des compétences des salariés, leur remise à niveau, l'accompagnement des demandeurs d'emploi vers le retour à l'emploi. Cette mission passe par l'organisation de formations dont l'objet dépend de l'objectif poursuivi et qui peuvent prendre la forme de stages en entreprise. Elles sont conçues en fonction de chaque profil et peuvent donc revêtir des modalités très variables.
Or, les missions de l'enseignement scolaire, précisés par les articles D. 122-1 et suivants du code de l'éducation distinguent les 'missions de formation initiale' et les 'missions de formation pour adultes'. L'article D. 122-5 précise que 'la mission de formation continue des adultes s'exerce dans le cadre général fixé par le code du travail, notamment son livre III de la sixième partie réglementaire'.
La sixième partie réglementaire du code du travail est, en effet, consacrée à 'la formation professionnelle tout au long de la vie'. Elle comporte un livre III 'formation professionnelle continue', qui précise les différentes dispositions applicables à la formation continue. D'ailleurs, l'alinéa 2 de l'article L. 124-1 du code de l'éducation invoqué par Madame [J] [W] précise que les dispositions du code de l'éducation concernant les stages en entreprises ne s'appliquent qu'aux périodes de formation en milieu professionnel et aux stages 'ne relevant ni du 2° de l'article L. 4153-1 du code du travail, ni de la formation professionnelle tout au long de la vie, définie à la sixième partie du même code'.
Il résulte de ces diverses dispositions que, dans le secteur de la formation et de l'enseignement, les formations dites 'initiales' désignent les cursus de l'enseignement public ou privé qui s'inscrivent dans la continuité des études d'une personne ayant la qualité d'élève ou d'étudiant en vue de l'obtention d'un diplôme. De telles formations comprennent des enseignements théoriques mais peuvent aussi comprendre des périodes de stage en entreprise. Elles sont soumises aux règles du code de l'éducation. Ces formations initiales se distinguent de la formation dite 'continue' qui permet à une personne qui a achevé sa formation initiale d'acquérir de nouvelles compétences. La formation continue s'adresse donc à des personnes qui envisagent une nouvelle formation ou l'acquisition de compétences spécifiques. A la différence de la formation initiale, la formation continue peut être financée par divers organismes, notamment par Pôle Emploi. Elles sont régies par les dispositions prévues par le code du travail.
En l'espèce, il apparaît que le stage dont a bénéficié Madame [J] [W] ne s'inscrit pas dans le cadre d'un cursus scolaire ou universitaire. Aux termes du contrat pédagogique conclu avec le GRETA, ce stage vise, par le biais d'une formation en entreprise, à l'acquisition de compétences spécifiques 'devant déboucher sur un emploi au sein de la Maroquinerie [Localité 2]'. Un tel contrat s'inscrit donc dans le cadre de la formation continue au sens de l'article D. 122-5 du code de l'éducation et est soumis aux règles du droit du travail et non à celles du code de l'éducation.
Il s'ensuit que Madame [J] [W] n'est pas fondée à se plaindre de ce que son contrat pédagogique ne réponde pas aux exigences posées par le code de l'éducation, et plus particulièrement, qu'il ne prévoit ni gratification, ni cursus pédagogique sanctionné par un examen, ni désignation d'un tuteur, ces exigences n'étant posées que pour les stagiaires inscrits dans un cursus scolaire ou universitaire.
Dans le cadre des dispositions du code du travail relatives à la formation continue (sixième partie consacrée à 'la formation professionnelle tout au long de la vie'), les articles L. 6313-1 et suivants du code du travail, dans leur version applicable au présent litige, précisent que 'la formation professionnelle continue a pour objet de favoriser l'insertion ou la réinsertion professionnelle des travailleurs, de permettre leur maintien dans l'emploi, de favoriser le développement de leurs compétences et l'accès aux différents niveaux de qualification professionnelle' (article L. 6311-1).
L'action de formation se définit comme un parcours pédagogique permettant d'atteindre un objectif professionnel qui peut être réalisé en situation de travail (article L. 6313-2). Selon l'article L. 6313-3, les actions de formation ont, notamment, pour objet de permettre à toute personne sans qualification professionnelle ou sans contrat de travail d'accéder dans les meilleures conditions à un emploi, de favoriser l'adaptation des travailleurs à leur poste de travail, à l'évolution des emplois ainsi que leur maintien dans l'emploi et de participer au développement de leurs compétences en lien ou non avec leur poste de travail, d'acquérir une qualification plus élevée. Les organismes assurant des actions de formation continue sont régis par les articles L. 6351-1 et suivants du code du travail. Si les formations sont variables selon le profil des intéressés, les prestations de formation en entreprise doivent répondre à diverses exigences (identification précise des objectifs de la formation, suivi pédagogique, évaluation des stagiaires, etc.).
En l'espèce, la société MAROQUINERIE DU PUY produit le livret du stagiaire correspondant à la formation assurée par le GRETA au sein de l'entreprise du 23 octobre 2017 au 9 mars 2018 qui précise notamment, les noms des formatrices, l'objectif du stage et le programme de celui-ci (un module 1 'connaissance et techniques de base' du 23 octobre au 11 décembre 2017, suivi d'un module 2 'perfectionnement technique') avec une réunion de bilan intermédiaire à l'issue du premier module et une réunion de bilan de fin de formation. Ce livret détaille l'activité attendue du stagiaire ainsi que le rôle de la coordinatrice chargée d'effectuer le suivi pédagogique en effectuant des visites sur site et des entretiens prévus à l'avance ou spontanés tout au long du parcours de formation.
Il est versé aux débats :
- le compte rendu de l'enquête effectuée au cours du premier module daté du 10 novembre 2017 et mentionnant le nom des formateurs, les appréciations de Madame [J] [W] et sa signature ;
- l'évaluation effectuée par le formateur le 4 décembre 2017 mentionnant les appréciations de ce dernier sur les différentes compétences mises en oeuvre et ses observations générales pour conclure notamment à une 'belle progression', ce document étant signé par Madame [J] [W], le responsable de l'entreprise, le formateur et la coordinatrice ;
- l'évaluation de fin de module en date du 5 décembre 2017 sous la forme d'un questionnaire renseigné par Madame [J] [W], suivi de son appréciation ('tout est mis en oeuvre pour que l'on réussisse, matériel, encadrement, conseils bienveillants et encouragements') et de sa signature ;
- l'évaluation finale effectuée par les formateurs à l'issue du stage où sont analysés le degré d'acquisition des différents savoir-faire dans les domaines abordés ainsi que les capacités et les qualités montrées par Madame [J] [W]. Ce document, qui qualifie les résultats obtenus de 'bons', étant signé par Madame [J] [W], le responsable de l'entreprise, le formateur et la coordinatrice ;
- le compte rendu de 'l'enquête finale de satisfaction stagiaire' du 27 février 2018 dans lequel Madame [J] [W] donne son avis sur la formation suivie, les critères de satisfaction proposés étant évalués par elle, pour la plupart, comme étant 'satisfaisant' ou 'très satisfaisant'.
Pour soutenir qu'elle n'aurait bénéficié d'aucune formation et qu'elle aurait, en réalité, occupé un poste de travail salarié, Madame [J] [W] fait valoir qu'elle disposait déjà d'un diplôme de maroquinier et qu'elle était simplement en recherche d'emploi. Toutefois, une telle situation n'est pas, en elle-même, de nature à exclure l'existence d'une période de formation (dont, au demeurant, Madame [J] [W] a accepté le principe en signant le contrat pédagogique).
Selon la société MAROQUINERIE DU PUY, l'acquisition des qualifications suffisantes et des savoir-faire nécessaires pour travailler au sein de l'entreprise passe par une formation. A l'appui de ses dires, elle verse aux débats le document remis à Madame [J] [W] à l'occasion d'une réunion collective préalable au stage, docuement dans lequel il est expliqué que la formation se compose d'une période de stage de 644 heures suivie d'une période de 6 mois en contrat de professionnalisation avec un suivi tutoral en atelier afin d'atteindre le niveau attendu pour obtenir un contrat de travail de droit commun.
Les éléments versés aux débats ne permettent nullement de vérifier les affirmations de Madame [J] [W] selon lesquelles elle aurait été soumise, pendant son stage, à des objectifs de production à l'instar des salariés de l'entreprise. La fiche qu'elle qualifie de 'fiche de productivité' et celle intitulée 'étapes de fabrication du Birkin' ne présentent aucun caractère probant, ces fiches qui ne mentionnent que des temps correspondant à certaines opérations, ne démontrent aucunement que des objectifs lui auraient été imposés. Quant aux bilans mensuels la concernant pour la période d'avril 2018 à mars 2019 dans lesquels il est fait état des 'objectifs' de 'productivité' et de 'qualité' à atteindre, ils ne correspondent pas à la période pendant laquelle s'est exécuté le contrat pédagogique.
Madame [V], qui dit avoir travaillé dans le même atelier que Madame [J] [W], évoque 'la pression permanente' qu'elles subissaient ('on nous demandait d'aller toujours plus vite'), mais il n'est fait état d'aucune circonstance de fait permettant d'apporter une appréciation sur cette affirmation ni d'aucune circonstance de date alors qu'à l'issue de son contrat pédagogique et de son contrat de professionnalisation, Madame [J] [W] a bénéficié aussi d'un contrat de travail à durée déterminée, contrat de droit commun par lequel elle s'est trouvée dans un lien de subordination avec la société MAROQUINERIE DU PUY.
Madame [J] [W] n'est pas fondée à se plaindre de ce qu'aux termes du contrat conclu entre le GRETA et la société MAROQUINERIE DU PUY, Madame [D] a été mise à la disposition de cette dernière en qualité de formatrice et non pas de tuteur. Outre que le type de formation qui a été prodigué n'exigeait pas la désignation d'un tuteur, il y a lieu de relever que Madame [J] [W] a bénéficié de formateurs qui l'ont suivie tout au long de sa formation, qui ont procédé à son évaluation dans le cadre d'un contrôle continu et que son stage a également été suivi par une coordinatrice du GRETA.
Il ressort des documents produits que le niveau d'acquisition des apprentissages a été évalué à différentes reprises et que les progrès réalisés ont été appréciés dans les différents savoir-faire étudiés. Même si Madame [J] [W] laisse entendre que les questionnaires qu'elle a remplis au sein de l'entreprise ne l'ont pas été en totale liberté alors qu'elle a, pourtant, apporté des appréciations sur des points qui étaient, selon elle, à améliorer dans la formation, ces questionnaires démontrent, à tout le moins, qu'elle a confirmé avoir bénéficié des apprentissages convenus.
La seule circonstance, soulignée par Madame [J] [W], que la société MAROQUINERIE DU PUY organise régulièrement des formations en annonçant aux stagiaires la perspective d'un emploi en contrat à durée indéterminée à l'issue alors que, selon elle, seule une petite partie de ces stagiaires obtient effectivement un tel contrat (allégation au demeurant contestée par la société MAROQUINERIE DU PUY), n'est pas de nature, en elle-même, à confirmer ses dires selon lesquelles qu'il ne s'agirait pas de réelles formations mais d'un 'mode de fonctionnement habituel de l'entreprise à moindre coût', en l'absence de tout autre élément.
Il est, au contraire, démontré par les éléments versés aux débats qu'à l'occasion de son stage au sein de l'entreprise, dans le cadre d'un contrat pédagogique conclu régulièrement avec le GRETA selon les règles du code du travail, Madame [J] [W] a bénéficié d'une formation véritable, avec un suivi réel et régulier, une analyse périodique de ses progrès et un contrôle de l'acquisition des compétences attendues, sa formation étant suivie non seulement par des formateurs de l'entreprise mais également par le GRETA lui-même.
Rien ne permettant de démontrer que Madame [J] [W] aurait été employée selon un lien de subordination analogue à celui liant les salariés de l'entreprise MAROQUINERIE DU PUY à leur employeur, le jugement sera infirmé en ce qu'il a prononcé la requalification du contrat pédagogique en un contrat de travail, et Madame [J] [W] sera déboutée de sa demande de requalification.
- Sur le contrat de professionnalisation -
Aux termes de l'article L. 6325-1 du code du travail, 'le contrat de professionnalisation a pour objet de permettre d'acquérir une des qualifications prévues à l'article L. 6314-1 et de favoriser l'insertion ou la réinsertion professionnelle'.
L'article L. 6314-1 visé par ce texte, précise que :
'Tout travailleur engagé dans la vie active ou toute personne qui s'y engage a droit à la qualification professionnelle et doit pouvoir suivre, à son initiative, une formation lui permettant, quel que soit son statut, de progresser au cours de sa vie professionnelle d'au moins un niveau en acquérant une qualification correspondant aux besoins de l'économie prévisibles à court ou moyen terme :
1° Soit enregistrée dans le répertoire national des certifications professionnelles mentionné à l'article L. 6113-1 ;
2° Soit reconnue dans les classifications d'une convention collective nationale de branche ;
3° Soit ouvrant droit à un certificat de qualification professionnelle de branche ou interbranche'.
Il résulte de ces dispositions que le contrat de professionnalisation a pour but de permettre l'acquisition, dans le cadre de la formation continue, d'une qualification professionnelle. Il se caractérise par des périodes d'enseignements alternant avec des périodes de travail en entreprise, le salarié devant être accompagné par un tuteur désigné par l'employeur. L'obligation de formation constitue un élément essentiel d'un tel contrat, l'employeur s'engageant à assurer au salarié une qualification professionnelle. Il appartient donc à l'employeur d'apporter la preuve qu'il a satisfait à ses engagements, le salarié étant, à défaut, en droit de solliciter la requalification du contrat en un contrat de travail à durée indéterminée de droit commun.
En l'espèce, à l'issue de son contrat pédagogique, Madame [J] [W] a conclu avec la société MAROQUINERIE DU PUY, un contrat de professionnalisation le 9 mars 2018, en vue d'acquérir la qualification ainsi décrite : 'maroquinière niveau 1 échelon 2'.
Les pièces produites démontrent que Madame [J] [W] a bénéficié d'une véritable formation. Il apparaît, en effet, qu'à la suite de la signature de son contrat de professionnalisation, l'employeur, la société MAROQUINERIE DU PUY, a signé avec la société SEGECO Consulting, en application des dispositions de la sixième partie du code du travail, une convention par laquelle l'entreprise et la société SEGECO Consulting se sont engagées à mettre en oeuvre, dans le cadre du contrat de professionnalisation, un parcours de formation permettant l'acquisition, au bénéfice de Madame [J] [W], nommément désignée, de la qualification prévue par le contrat.
Cette convention qui définit les modalités de la formation et les moyens mis en oeuvre, précise qu'il s'agit d'un parcours de professionnalisation relevant du dispositif PRODIAT et rappelle les principes applicables, le contenu et la durée du parcours ainsi que les modalités d'exécution de celui-ci. Il précise encore que l'entreprise a désigné Madame [P] en qualité de tutrice et il est complété par plusieurs annexes détaillant le référentiel métier, le parcours de professionnalisation, les modalités d'exécution et d'organisation de celui-ci, les conditions du tutorat ainsi que les attestations de capacité de la tutrice (avec indication, notamment, de sa qualification professionnelle et de son expérience professionnelle) et des 6 formateurs désignés (avec mention de leurs aptitudes pédagogiques et de leur expérience professionnelle).
Les documents établis en cours d'exécution montrent que le contrat de professionnalisation s'est déroulé selon plusieurs séquences précisément identifiées et définies tant dans leurs contenus que dans leurs objectifs, que Madame [J] [W] a été accompagnée par une première tutrice (Madame [P]) avec laquelle elle ne s'est pas entendue, ainsi qu'il résulte du 1er bilan intermédiaire, et qu'elle a été accompagnée par une autre tutrice jusqu'à la fin de la formation. Les bilans intermédiaires et le bilan final font état des compétences mises en oeuvre et des progrès réalisés pour parvenir à la délivrance de l'attestation de qualification le 30 septembre 2018. Les différents bilans sont signés par Madame [J] [W] et par la tutrice.
Pour soutenir qu'elle n'aurait reçu aucune formation, Madame [J] [W] fait valoir qu'elle disposait déjà d'un CAP Maroquinerie, qu'elle relevait donc du niveau 2 et que, dès lors, sa formation au niveau 1 serait totalement artificielle.
L'employeur conteste cette allégation en se référant au répertoire national des certifications professionnelles qui précise les compétences requises pour être titulaire du CAP Maroquinerie (travailler le cuir et les autres matériaux, utiliser différents matériels tels que machine à coudre, à parer, etc., en assurer la maintenance, etc.). Il soutient que seul l'un des 4 blocs de compétence défini par le référentiel est transposable au sein de la société et il souligne que le CAP Maroquinerie suppose une activité notamment sur les machines à coudre alors qu'au sein de la société, toutes les opérations où étaient affectées Madame [J] [W] sont réalisées à la main.
Selon l'employeur, Madame [J] [W] ne maîtrisait pas toutes les techniques et il se prévaut des bilans intermédiaires de la formation montrant qu'un certain nombre de compétences n'étaient pas acquises ou ne l'étaient que partiellement.
En effet, Madame [J] [W] se fonde, certes, sur le bilan final de son contrat pédagogique mentionnant qu'elle 'travaille en autonomie' mais ce bilan fait aussi ressortir certaines compétences non encore totalement acquises. Au cours de l'exécution du contrat de professionnalisation, il a été noté, lors du 1er bilan intermédiaire, une 'production actuelle difficile en astiquage', des 'problèmes', des 'difficultés', des points à 'améliorer'. Le 2ème bilan intermédiaire fait ressortir la progression réalisée, tout en notant certains points à 'améliorer' et une 'marge de progression'.
Si Madame [J] [W] était titulaire du CAP de maroquinier (qui est, certes, nécessaire pour accéder au niveau II de la grille de classification), il ne s'ensuit pas que la formation dispensée était inutile puisqu'elle a eu pour effet de permettre l'acquisition de compétences que la salariée ne possédait pas et, par conséquent, l'acquisition d'une qualification professionnelle.
La fixation d'objectifs à atteindre, critiquée par la salariée et non contestée par l'employeur, n'est pas, en soi, incompatible avec une démarche de formation et n'est pas de nature, en l'absence de tout autre élément, à confirmer les dires de Madame [J] [W] selon laquelle elle aurait occupé un poste permanent de l'entreprise.
Madame [J] [W] soutient, en se référant aux mêmes éléments d'appréciation que ceux évoqués à propos de son contrat pédagogique, qu'elle se serait trouvée 'dans une situation de véritable emploi', mais ces éléments ne permettent pas de confirmer ses dires. Il apparaît, au contraire que le contrat de professionnalisation a eu pour objet de lui faire bénéficier d'une formation et non de lui faire exécuter une prestation de travail.
Le jugement sera, en conséquence, infirmé en ce qu'il a requalifié le contrat de professionnalisation en un contrat de travail à durée indéterminée, et Madame [J] [W] sera déboutée de sa demande de requalification.
- Sur le contrat de travail à durée déterminée -
Il résulte des articles L. 1242-1 et L. 1242-2 du code du travail que le contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas énumérés à l'article L. 1242-2, à savoir le remplacement d'un salarié en cas d'absence, l'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise, les emplois à caractère saisonnier et le remplacement d'un chef d'entreprise ou d'exploitation agricole.
S'agissant de l'accroissement temporaire d'activité, celui-ci doit s'entendre que de l'exécution d'une tâche précisément définie et non durable qui ne relève pas de l'activité normale de l'entreprise. Ce surcroît doit présenter un caractère inhabituel et être précisément délimité dans le temps.
En l'espèce, le contrat litigieux conclu le 1er octobre 2018 indique qu'il a été conclu afin de faire face à un surcroît temporaire d'activité.
Pour soutenir qu'elle aurait été embauchée pour occuper un emploi permanent de l'entreprise et non pour faire face à un surcroît d'activité, Madame [J] [W] se prévaut de messages diffusés par l'entreprise aux fins de recrutement ('nous formons pendant 5 mois sur nos métiers avant d'intégrer en CDI nos ateliers de fabrication', '11 mois de formation indemnisée avant une embauche en CDI', etc.). Toutefois, si les messages versés aux débats font état d'une formation devant déboucher sur un contrat à durée indéterminée, il n'en résulte nullement que cette issue soit garantie et ils ne permettent pas d'apporter la preuve que l'embauche dans le cadre d'un contrat à durée déterminée à l'issue de la formation viserait à pourvoir un emploi permanent.
L'employeur explique qu'au cours du second semestre 2018, l'entreprise a dû faire face à une crise de qualité très importante qui a affecté les résultats, la productivité et les livraisons. Selon lui, pendant cette période, 420 produits défectueux ont dû être démontés et repris au sein des ateliers, entraînant la nécessité de 'recaler le savoir-faire' des salariés, voire d'assurer de nouvelles formations, une chute de la productivité, des retards significatifs de livraison et la réalisation d'heures supplémentaires. La la société MAROQUINERIE DU PUY précise que le contrat à durée déterminée de Madame [J] [W] a démarré au coeur de ce plan d'action suite à cette crise et que les pièces concernées ont été remises en état, ce qui a entraîné des retards pour d'autres opérations.
La société MAROQUINERIE DU PUY verse aux débats des extraits des procès-verbaux de réunions de la Délégation Unique du Personnel qui font état des difficultés survenues :
- 12 juillet 2018 : 'un audit de Produits Finis a été réalisé chez le client début juillet avec un nombre trop important de non-conformités. Un plan d'action immédiat a été mis en place et sera alimenté par un nouvel audit (...)',
- 13 septembre 2018 : 'Nos résultats ne sont pas en ligne avec nos attendus avec le retour des pièces auditées en juillet (...). Les 600 pièces auditées en juillet (...) seront en cours de reprise sur la seconde quinzaine de septembre a minima (...). Le démarrage du semestre est compliqué compte tenu du retard pris sur le début de ce semestre (-1,5 point) et des mises à niveau que nous avons souhaité organiser pour tous. Nous déploierons l'ensemble des mesures possibles pour réaliser la commande de notre client (...)',
- 24 septembre 2018 : 'Notre vision de septembre est très loin de l'attendu en terme de livraison (...). Les causes en sont multiples mais nous retiendrons : - une productivité en chute libre (...), - la gestion des retours qualité et des recadrages qui n'étaient pas budgétés (...). Afin de limiter au maximum la perte de livraison sur le prochain trimestre, nous devons rester à 39 heures tout le trimestre (...)',
- 11 octobre 2018 : 'Les 420 pièces que nous avons auditées en juillet à [Localité 3] ont été reprises et clôturent la crise qualité sur cet aspect. Nous devons donc désormais poursuivre nos efforts et les recalages SF vont reprendre sur octobre (...)', 'la tendance n'est pas bonne et nous mettons tout en oeuvre pour limiter la perte de commandes sur le semestre'.
Lors de la réunion annuelle de février 2019, le directeur des ressources humaines a résumé la situation ainsi : 'la crise qualité de l'été 2018 a entraîné nombre de dysfonctionnements impactant :
1) nos résultats qualité,
2) notre productivité et 3) nos livraisons.
En effet, nous avons dû démonter et reprendre l'ensemble des sacs défectueux, puis mettre en place des actions de recalage (formation) des artisans table, ce qui a entraîné une chute de notre productivité ainsi que des retards significatifs de livraison. Nous avons passé le dernier trimestre en HS obligatoires pour essayer de tenir la commande semestrielle, ce que nous n'avons d'ailleurs pas réussi à faire'.
Contrairement à ce que soutient Madame [J] [W], ces documents sont de nature à démontrer la réalité de la crise connue par l'entreprise au cours du second semestre 2018 et du surcroît de travail qu'elle a entraîné. S'il semble que les pièces défectueuses ont été remises en état dès le mois d'octobre 2018, soit au moment même de son embauche, il est néanmoins établi que cette crise a eu des répercussions certaines sur le fonctionnement de l'entreprise et qu'un surcroît de travail a été manifeste pendant les mois suivant pour faire face aux retards et retrouver un fonctionnement normal.
Il est donc établi que l'embauche de Madame [J] [W] en contrat à durée déterminée repose sur un motif valable et que le motif invoqué correspond à la réalité, l'entreprise ayant dû faire face à un surcroît d'activité inhabituel et délimité dans le temps.
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a prononcé la requalification de ce contrat en un contrat à durée indéterminé, et Madame [J] [W] sera déboutée de sa demande de requalification.
- Sur les demandes afférentes à la requalification -
Les prétentions de Madame [J] [W] tendant à la requalification des différents contrats souscrits n'étant pas fondées (cf supra) et les contrats successifs étant parvenus régulièrement à leur terme, ses demandes subséquentes (indemnité de requalification, rappel de salaire, indemnité de préavis, indemnités de congés payés afférentes, indemnité de licenciement, dommages-intérêts pour licenciement abusif) doivent être rejetées et le jugement sera infirmé en ce qu'il y a fait droit.
- Sur la demande de dommages-intérêts pour travail dissimulé -
Il résulte des dispositions de L. 8223-1 du code du travail qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié dont l'employeur a volontairement dissimulé une partie du temps de travail a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
Madame [J] [W] soutient que la société MAROQUINERIE DU PUY utilise les contrats de formation de manière abusive afin d'occuper des postes de salariés correspondant à des emplois permanents.
Cependant, ainsi qu'il a été vu ci-dessus, il est établi que Madame [J] [W] a bénéficié d'un contrat pédagogique conclu non pas avec la société MAROQUINERIE DU PUY mais avec le GRETA et que ce contrat correspond à une véritable formation dispensée au sein de l'entreprise. Madame [J] [W] ne saurait valablement se plaindre de ce que des heures de travail n'ont pas été déclarées et de ce qu'elle n'a pas perçu de rémunération de la société puisque, précisément, il ne s'agissait pas d'un contrat de travail et qu'elle était prise en charge par Pôle Emploi dans le cadre de la formation continue. Les éléments versés aux débats démontrent que ce contrat n'a pas eu pour objet de pourvoir un emploi permanent de l'entreprise même, si, pour les besoins de sa formation, Madame [J] [W] a pu être amenée à participer à la fabrication de produits destinés à la vente.
Il en va de même en ce qui concerne le contrat de professionnalisation qui a permis à la salariée de bénéficier d'une formation véritable et le contrat à durée déterminée motivé par un surcroît d'activité.
Madame [J] [W] ne saurait se fonder utilement sur le fait que la société MAROQUINERIE DU PUY procède à des sessions de recrutement de stagiaires. Outre que son affirmation selon laquelle la plupart des stagiaires ne bénéficient pas d'un emploi à la suite de leur stage est contestée par la société qui verse aux débats des documents tendant à démontrer un taux d'embauche important en contrat à durée indéterminée à l'issue des stages, l'organisation de stages préalables à l'embauche ne peut en lui-même caractériser une dissimulation de travail en l'absence de tout autre élément.
Rien en l'espèce ne permet de caractériser l'existence d'une dissimulation d'activité salariée par la société MAROQUINERIE DU PUY.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de Madame [J] [W] sur ce point.
- Sur la demande au titre du harcèlement moral -
Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En application de l'article L.1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l'application de l'article L.1152-1, il appartient au salarié concerné de présenter des faits laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En l'espèce, pour présenter la situation de harcèlement moral dont elle se plaint d'avoir été victime, Madame [J] [W] fait valoir que l'employeur lui a imposé des objectifs à atteindre, établis par temps de production de sacs, qu'il a mis en place des méthodes de management sous pression, la surveillant en permanence et contrôlant les taux de productivité. Elle ajoute que, dans le cadre des sessions de formation où 23 personnes ont intégré la promotion, l'employeur l'a mise en concurrence, a usé d'humiliation afin d'accentuer la productivité.
Madame [J] [W] se plaint d'avoir développé des crises apnéiques en raison de ce contexte angoissant et des douleurs dorsales en raison de la couture-main sans avoir été informée de l'existence au sein de l'entreprise d'un service de kinésithérapeutes. Elle ajoute qu'elle s'est plainte en vain auprès de sa tutrice et du responsable d'atelier et que, dans ce contexte délétère, elle a sombré dan un état dépressif. Elle soutient, par ailleurs, avoir été prise à partie par la responsable d'atelier qui n'enregistrait pas l'intégralité de sa production.
A l'appui de ses dires, Madame [J] [W] verse aux débats la fiche qu'elle qualifie de 'fiche de productivité' qui mentionne des 'temps par sac' pour diverses opérations ('doublures', 'poches', etc.) ainsi que ses bilans mensuels pour la période d'avril 2018 à mars 2019 dans lesquels il est fait état des 'objectifs' fixés au titre de la 'productivité' et des résultats atteints (sa production atteignant, selon les mois, entre 71% et 92% de l'objectif sauf en février 2019 où elle a dépassé 200%).
Elle se prévaut de l'attestation de Madame [V] qui explique avoir travaillé avec elle et selon laquelle il leur était demandé 'd'aller toujours plus vite', ce qui engendrait 'beaucoup de stress', précisant qu' 'on se motivait (...) malgré cette pression'. Madame [V] rapporte qu'un jour, le responsable a dit à Madame [J] [W] qu'elle partait faire une 'mission commando pour se remettre au niveau', ce qui l'a 'démoralisée' et qu'à son retour, 'la nouvelle chef d'atelier [M] s'est littéralement acharnée sur elle'. Elle cite, à titre d'exemple : 'changement de place très fréquente au sein de l'atelier, ces caisses étaient très souvent incomplètes ce qui lui faisait perdre énormément de temps sur sa productivité'. Elle dit avoir 'aussi constaté que quelque fois, [M] était très limite dans ces propos lorsqu'elle s'adressait à [J]'.
Madame [I], collègue de travail, atteste, quant à elle, avoir constaté, s'agissant de Madame [J] [W], la 'bonne qualité pour la production des sacs'. Elle dit n'avoir 'jamais constaté de retard pour son travail'. Elle précise : 'la seule difficulté était que ses caisses étaient incomplètes, ce qui faisait prendre du retard dans la production des sacs'. Elle ajoute : 'Pour sa manière de s'exprimer, cela dépendait de certaines personnes. Elle parlait parfois avec agressivité à certains artisans (responsable atelier)'.
Madame [C] rapporte les difficultés qu'elle a elle-même rencontrées au sein de l'entreprise en raison du refus de l'employeur de prendre en compte son handicap (syndrome d'intolérance aux ondes électro-magnétiques) et d'adapter son poste, ce qui l'a conduite à démissionner.
Madame [J] [W] produit les certificats médicaux d'arrêts de travail prescrits pour la période du 19 avril 2018 au 25 avril 2018, celui prescrit pour la période du 18 octobre 2018 au 19 octobre 2018 et celui du 6 février 2019 portant arrêt de travail jusqu'au 15 février 2019. Elle souligne que, malgré ses arrêts de travail, elle a enregistré une productivité de 200% en février 2019, ainsi qu'en atteste le bilan de ce mois.
Face à ces éléments, l'employeur conteste les allégations de Madame [J] [W] en ce qu'elle ne produit aucune pièce pouvant les justifier, se contentant de faits généraux, sans date précise.
Il fait valoir que l'attestation de Madame [V] reste vague et imprécise et n'évoque que sa situation particulière et qu'il en va de même de celle de Madame [C].
Il souligne et justifie que Madame [W] a bénéficié de deux formations spécifiques sur les troubles musculo-squelettiques en juin 2018, une formation 'HSE' (hygiène-sécurité-environnement) en septembre 2018, une formation aux procédures d'urgence en octobre 2018 ainsi qu'une formation sur la gestion du stress en décembre 2017 et en janvier 2018. Il en tire la conclusion que la salariée a ainsi pu bénéficier d'un 'accompagnement poussé' pour sa santé physique et mentale.
Il justifie, par un échange de courriels du 11 juin 2018, que le responsable de Madame [J] [W] a prévenu du souhait de celle-ci de voir le kinésithérapeute de l'entreprise le 12 juin 2018. M. [S], responsable d'atelier, affirme avoir indiqué à Madame [J] [W] la procédure à suivre pour les demandes de rendez-vous auprès du kinésithérapeute, précisant que les demandes sont à faire auprès du responsable et il ajoute qu'il a formulé une telle demande pour elle. Il rappelle que, pendant son cursus, un accompagnement individuel a été réalisé avec Madame [J] [W] sur les bons gestes et postures.
L'employeur ne conteste pas l'existence d'objectifs fixés à la salariée estimant que l'existence d'objectifs n'est pas en soi critiquable et il souligne que Madame [J] [W] n'a jamais atteint les siens. Il souligne que son taux de 'BPC' (Bon du Premier Coup) était très bas, ainsi que le révèlent ses bilans, ce qui signifie que nombre de ses produits revenait vers elle pour être repris.
Contestant les conditions de travail difficiles alléguées par la salariée, il verse aux débats des photographies des locaux de l'entreprise pour soutenir qu'elles sont 'plus qu'agréables'.
Il fait valoir que Madame [J] [W] n'apporte aucun élément de preuve à l'appui de ses affirmations concernant les crises apnéiques dont elle fait état ni sur les propos qu'elle prête à son responsable.
Il conteste également que la salariée aurait travaillé sous pression et sous surveillance. Il se prévaut de l'attestation de Madame [E] qui a participé à la même remise à niveau que Madame [J] [W] d'août à novembre 2018 et qui se plaint de ce que 'l'ambiance était pesante au sein du groupe à cause du comportement d'[J]'. Selon elle, 'cette personne ne voulait aucune aide et soufflait à longueur de journée. Toute remarque était bonne à prendre pour nous faire progresser et améliorer notre travail mais celle-ci se sentait persécutée autant par nous que par les encadrantes. Elle était très négative sur son savoir-faire et ne se remettait pas en question'.
L'employeur conteste les dires de Madame [J] [W] s'agissant des 'caisses incomplètes', expliquant que des caisses dites incomplètes concernent l'organisation de plusieurs maroquiniers et non pas d'une seule personne. Selon lui, affirmer que le responsable d'atelier aurait refusé d'enregistrer ses pièces serait mensonger et incompréhensible puisque le fait de ne pas enregistrer des pièces nuit au respect et à l'atteinte des objectifs dont le chef de production est responsable.
Il ajoute que le taux de productivité de 200% invoqué par Madame [J] [W] pour le mois de février 2019 est faussé par le fait qu'elle était en retard et qu'elle n'a remis sa production de janvier qu'en février.
Il se réfère à l'attestation de M. [S] qui dit avoir été alerté par sa tutrice 'sur des difficultés techniques, d'intégration dans l'équipe et de communication interpersonnelle' qu'il précise avoir 'également pu constaté'. Il explique :'Comme pour tout salarié de l'entreprise, ces points d'amélioration lui ont été remontés, assorties d'objectifs de progrès sur ces trois points, pour le prochain bilan mensuel. Face à cela, Madame [W] a adopté une attitude de plus en plus fermée, pouvant dévier vers de l'agressivité auprès de sa tutrice et de ses autres collègues de travail. Aucun effort d'intégration et de communication n'a été réalisé de sa part, au contraire de sa tutrice qui a réalisé des points réguliers dans la journée pour l'aider à améliorer ses difficultés techniques et qui a fait preuve de flexibilité face aux comportements de Madame [W]. Lors de l'entretien mensuel suivant, Madame [W] s'est alors plainte, je cite, d'être 'fliquée' par sa tutrice et a demandé à changer. J'ai réalisé dans la foulée un entretien tripartite pour mettre à plat la situation. Madame [W] a reconnu ne pas vouloir aucun effort. J'ai été témoin, lors de cet entretien, de son agressivité et de son manque de respect vis-à-vis de sa tutrice. Après réflexion avec le service RH, nous avons décidé de proposé à Madame [W] un changement de tutrice et d'atelier pour le mois suivant par souci de simplification administrative, les ateliers étant gérés au mois. Selon moi, nous avons écouté Madame [W] et avons pris en compte ses difficultés. Nous avons répondu favorablement à ses demandes dans l'objectif qu'elle atteigne chez nous les objectifs fixés'.
Il est vrai que l'attestation de M. [S] n'est pas conforme aux exigences de l'article 202 du code de procédure civile mais elle n'en reste pas moins recevable en ce qu'elle contient des éléments d'appréciation vérifiables qui peuvent être retenus à titre d'élément de preuve, sous réserve de la preuve contraire.
Il convient de relever que les explications de M. [S] quant aux difficultés rencontrées par Madame [J] [W] avec sa tutrice trouvent un écho dans les bilans établis dans le cadre du contrat de professionnalisation dans lesquels il est, en effet, fait état d'un 'problème de relation entre la salariée et le tuteur' dans le bilan du 24 mai 2018. Il a ainsi été noté : 'contexte tutoral en inadéquation avec les attentes de la salariée. Problème de compréhension des questions et demandes de la salariée', 'la salariée a du mal à s'entendre avec sa tutrice. L'accompagnement de celle-ci ne correspond pas aux attentes de la salariée'. Le bilan du 18 juillet 2018 fait état du 'changement de tutrice et d'atelier'.
S'il apparaît qu'il a été demandé à Madame [J] [W], dans le cadre du contrat de professionnalisation et du contrat de travail à durée déterminée, d'atteindre certains objectifs pour réaliser son travail, une telle demande ne peut révéler, en elle-même, un quelconque agissement de harcèlement moral dés lors qu'il ne s'agit que d'un outil visant à développer la motivation de l'intéressée ou à évaluer sa progression. Il convient de relever, en l'espèce, que, si les objectifs fixés ne semblent jamais avoir été atteints, rien ne permet de vérifier l'existence de pressions ou d'attitudes excessives de la part de l'employeur. Les éléments versés aux débats ne font pas ressortir l'existence de circonstances de fait précises par lesquelles l'employeur aurait fait preuve d'un 'acharnement' à l'encontre de Madame [J] [W] ni qu'il aurait eu à son égard un comportement humiliant ou abusif. Il ressort, au contraire, des pièces produites et notamment des bilans régulièrement effectués sur son activité que Madame [J] [W] a bénéficié d'un accompagnement constant pour lui permettre d'atteindre les résultats escomptés, qu'elle a été informée régulièrement des progrès à réaliser et des points à améliorer et que ses doléances ont été écoutées, ainsi qu'en témoignent ses difficultés avec sa tutrice qui ont conduit à ce qu'il soit procédé au remplacement de celle-ci. Le 'bilan tutoral final' fait ainsi état de l'appréciation du 'manager' de la salariée : 'des actions de correction ont été mises en place en interne pour répondre aux besoins d'[J]'. Dans ce même bilan, Madame [J] [W] indique quant à elle :'objectifs de production très présents. Difficulté à les atteindre. Bonne gestion après le changement de tuteur et d'atelier : principe de recadrage apprécié'.
Au vu de l'ensemble des éléments versés aux débats, il apparaît que, tant pendant son stage que pendant le contrat de professionnalisation, Madame [J] [W] a bénéficié d'un accompagnement permanent en vue de lui permettre l'acquisition des compétences souhaitées, qu'elle a été informée à chaque étape des difficultés rencontrées et des progrès à réaliser et qu'elle a pu bénéficier intégralement de la formation promise.
Les pièces produites par l'employeur tendent à démontrer que les décisions prises à son égard à l'occasion des trois contrats successifs étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement et qu'elles sont exclusives de tout agissement pouvant être constitutif d'un harcèlement moral.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Madame [J] [W] sur ce point.
- Sur la demande de dommages-intérêts en réparation de l'atteinte à la santé -
Madame [J] [W] présente, en plus de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral, une demande de dommages-intérêts pour 'atteinte à sa santé', en expliquant dans un paragraphe de ses écritures, inséré dans la partie consacrée à ses prétentions au titre d'un harcèlement moral, que l'employeur aurait manqué à son obligation d'assurer la sécurité et la santé de ses salariés.
Elle invoque la situation de stress auquel elle aurait été soumise qui aurait été à l'origine de crises apnéiques et qui ont eu pour conséquence les premiers arrêts de travail. Elle invoque également des douleurs dorsales dont elle a été victime sans être informée de l'existence d'un kinésithérapeute au sein de l'entreprise. Elle soutient s'être plainte en vain auprès de ses responsables et que c'est dans ce contexte 'délétère' qu'elle aurait sombré dans un état dépressif.
Il est vrai que l'article L. 4121-1 du code du travail oblige l'employeur à prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs (actions de prévention, d'information et de formation, mise en place d'une organisation et de moyens adaptés).
Il convient, toutefois, de relever qu'en l'espèce, Madame [J] [W] a bénéficié de plusieurs formations en matière de sécurité et de protection de la santé et qu'il a été accédé à son souhait d'obtenir une consultation auprès du kinésithérapeute de l'entreprise.
Il apparaît, par ailleurs, qu'il n'est aucunement justifié des problèmes de santé allégués qui ne font l'objet que des affirmations de Madame [J] [W] sans que soit fourni le moindre document médical, les seuls certificats médicaux portant arrêts de travail étant, en eux-mêmes, sans valeur probante quant à l'existence de pathologies en lien avec le travail et quant à un éventuel manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.
Aucun des éléments versés aux débats n'étant de nature à mettre en évidence un tel manquement, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Madame [J] [W] de sa demande de dommages-intérêts à ce titre.
- Sur la demande de dommages-intérêts pour absence de prévention du harcèlement moral -
Aux termes de l'article L. 1152-4 du code du travail, 'l'employeur prend toute disposition en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral'.
Il s'ensuit que l'employeur a une obligation de prévention du harcèlement moral et que le manquement à cette obligation est susceptible de donner lieu à indemnisation.
Madame [J] [W] forme une demande de dommages-intérêts à ce titre sans que ses écritures fassent mention de développements spécifiques sur ce point, indépendamment de ceux présentés au titre du harcèlement moral et de l'atteinte à la santé.
Si elle fait état de problèmes de santé qui, selon ses dires (contestés par l'employeur), n'auraient pas été entendus, il convient de relever qu'elle ne justifie pas avoir informé l'employeur ou ses responsables hiérarchiques d'une quelconque situation de harcèlement moral dont elle aurait été victime.
Dès lors, en l'absence de toute dénonciation d'une situation qui aurait pu présenter les caractères d'un harcèlement moral, Madame [J] [W] n'est pas fondée à reprocher à l'employeur de ne pas avoir pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Madame [J] [W] de sa demande de dommages-intérêts à ce titre.
- Sur la demande au titre de la reclassification -
Il incombe à Madame [J] [W] qui, tant pendant son contrat de professionnalisation que pendant le contrat à durée déterminée, occupait l'emploi d'ouvrière maroquinerie niveau I de la convention collective, de démontrer que les tâches réellement exécutées par elle justifieraient son classement au niveau II de la convention collective qu'elle revendique tant dans le cadre du contrat de professionnalisation que dans celui du contrat à durée déterminée.
Selon la classification définie dans la convention collective, le niveau II correspond à 'l'exécution de travaux qualifiés' (alors que le niveau I s'applique à l'exécution de travaux simples). Il suppose une certaine autonomie, la prise d'initiatives, la détention au minimum du CAP ainsi que 'la polyvalence d'activité portant sur deux ou trois postes d'une même section dont au moins un poste de niveau II-1" et 'l'exécution d'opérations plus complexes en qualité et en variété exigeant une expérience professionnelle').
Madame [J] [W] se prévaut de ce qu'elle est titulaire du CAP et de ce que ces bilans d'évaluation reconnaissent qu'elle travaille en autonomie.
Toutefois, l'employeur est bien fondé à faire valoir que les critères énoncés par la convention collective sont cumulatifs et que la seule détention du diplôme et l'existence d'une certaine autonomie dans l'exécution des tâches demandées ne suffisent pas pour justifier l'accès au niveau II. Il explique que les maroquiniers qui travaillent au sein de la société doivent faire preuve de polyvalence puisque, contrairement à d'autres marques, ils ont la charge de l'élaboration de l'ensemble du produit et pas seulement d'une partie de celui-ci, ce qui rend les tâches à réaliser plus complexes et exigeantes.
La convention collective définit ainsi la polyvalence exigée:
'La polyvalence est caractérisée par la capacité d'un salarié à exécuter régulièrement :
- plusieurs travaux de nature différente au sein d'un même secteur d'activité ou dans le cadre d'une même spécialité,
- l'ensemble des travaux au sein d'un même secteur d'activité ou dans le cadre d'une même spécialité ou d'une même fonction,
- différents travaux qualifiés au sein de secteurs d'activité distincts,
- l'ensemble des travaux les plus qualifiés d'une même spécialité ou d'un métier'.
Or, Madame [J] [W] ne fournit pas d'éléments permettant d'apprécier la nature et la qualité des tâches réellement exécutées par elle au sein de l'entreprise et, plus précisément, sur la plus ou moins grande diversité des travaux qui lui ont été confiés.
Les bilans périodiques établis au cours de son contrat de professionnalisation démontrent, certes, qu'elle a été formée pour exécuter des tâches diverses mais ils mettent aussi en évidence, qu'elle était alors en formation et que les compétences, objets de la formation, n'ont été acquises que progressivement.
Quant aux tâches exécutées au cours du contrat à durée déterminée, pendant la période du 1er octobre 2018 au 30 mars 2019, Madame [J] [W] ne fournit aucune explication ni justification quant aux tâches réellement exécutées par elle durant cette période.
Il s'ensuit que Madame [J] [W] ne justifie pas de la polyvalence d'activité exigée par la convention collective pour accéder au niveau II de la grille de classification et qu'elle doit être déboutée de sa demande à ce titre. Le jugement sera confirmé sur ce point.
- Sur la demande de dommages-intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail -
A l'appui de sa demande d'indemnisation, Madame [J] [W] reproche à l'employeur d'avoir exécuté le contrat de travail de façon déloyale.
Cependant, il ressort des éléments versés aux débats, ainsi qu'il a été vu ci-dessus, qu'aucune irrégularité n'a été caractérisée ni dans la formation, ni dans l'exécution des contrats successifs dont a bénéficié Madame [J] [W], que celle-ci a bénéficié de la formation qui lui avait été promise avec un suivi et un accompagnement dont il a été justifié.
La cour a considéré qu'aucun agissement de harcèlement moral ne peut être reproché à l'employeur et que tous les griefs formulés à son encontre par Madame [J] [W] se révèlent non fondés.
Madame [J] [W] qui n'invoque pas d'autres manquements de l'employeur dans sa demande de dommages-intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail, ne rapporte pas la preuve de ses allégations et doit être déboutée de sa demande, le jugement devant été confirmé sur ce point.
- Sur la demande de documents -
Les prétentions de Madame [J] [W] étant rejetées dans leur intégralité, le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné l'employeur à lui remettre des documents de fin de contrat rectifiés conformément au jugement.
- Sur les dépens et frais irrépétibles -
Le jugement sera infirmé en ses dispositions sur les dépens et frais irrépétibles de première instance.
Madame [J] [W], qui succombe totalement en ses prétentions, sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel, et sera déboutée de ses demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu l'aide juridictionnelle dont bénéficie Madame [J] [W], en, première instance comme en appel, la SAS MAROQUINERIE DU PUY sera déboutée
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
- Infirme le jugement en ce que le conseil de prud'hommes a requalifié le contrat pédagogique, le contrat de professionnalisation et le contrat à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée, et, statuant à nouveau de ces chefs, déboute Madame [J] [W] de toutes ses demandes de requalification ;
- Infirme le jugement en ce que le conseil de prud'hommes a dit que la rupture de la relation contractuelle entre Madame [J] [W] et la SAS MAROQUINERIE DU PUY s'analyse comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et, statuant à nouveau de ce chef, déboute Madame [J] [W] de sa demande afin de voir analyser la rupture du contrat de travail en un licenciement nul ou abusif;
- Infirme le jugement en ce que le conseil de prud'hommes a condamné la SAS MAROQUINERIE DU PUY à payer à Madame [J] [W] les sommes de 1.507 euros à titre d'indemnité de requalification, 6.857 euros à titre de rappel de salaire du 16 octobre 2017 au 9 mars 2018, 1.645,07 euros à titre d'indemnité de préavis, outre 164,51 euros à titre d'indemnité de congés payés sur préavis, 599,77 euros à titre d'indemnité de licenciement, 3.060 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et, statuant à nouveau de ces chefs, déboute Madame [J] [W] de toutes ses demandes en ce sens ;
- Infirme le jugement en ce que le conseil de prud'hommes a condamné la SAS MAROQUINERIE DU PUY à payer à Madame [J] [W] une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et, statuant à nouveau de ce chef, déboute Madame [J] [W] de sa demande au titre des frais irrépétibles de première instance ;
- Infirme le jugement en ce que le conseil de prud'hommes a condamné la SAS MAROQUINERIE DU PUY à remettre à Madame [J] [W] l'ensemble des documents de fin de contrat rectifiés et conformes au présent jugement, et, statuant à nouveau de ce chef, déboute Madame [J] [W] de sa demande de remise de documents par la société MAROQUINERIE DU PUY ;
- Infirme le jugement en ce que le conseil de prud'hommes a condamné la SAS MAROQUINERIE DU PUY aux entiers dépens, et, statuant à nouveau de ce chef, condamne Madame [J] [W] aux dépens de première instance ;
- Confirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions non contraires ;
Y ajoutant,
- Condamne Madame [J] [W] aux dépens d'appel;
- Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.
Le greffier, Le Président,
N. BELAROUI C. RUIN