COUR D'APPEL
DE RIOM
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
Du 04 juillet 2023
N° RG 21/01287 - N° Portalis DBVU-V-B7F-FTVI
-LB- Arrêt n°
[P] [W] / [A] [B], [D] [S] épouse [B], [I] [X] [H] [U], [C] [W], [G] [K], S.C.P. [K]
Jugement au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CLERMONT-FERRAND, décision attaquée en date du 26 Mai 2021, enregistrée sous le n° 18/03068
Arrêt rendu le MARDI QUATRE JUILLET DEUX MILLE VINGT TROIS
COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :
M. Philippe VALLEIX, Président
M. Daniel ACQUARONE, Conseiller
Mme Laurence BEDOS, Conseiller
En présence de :
Mme Céline DHOME, greffier lors de l'appel des causes et du prononcé
ENTRE :
M. [P] [W]
[Adresse 4]
[Localité 9]
Représenté par Maître Charles FRIBOURG de la SELARL POLE AVOCATS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
Timbre fiscal acquitté
APPELANT
ET :
M. [A] [B]
et Mme [D] [S] épouse [B]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 8]
et
Mme [I] [T] [U]
[Adresse 12]
[Adresse 1]
[Localité 8]
Représentés par Maître Jean-Michel DE ROCQUIGNY de la SCP COLLET DE ROCQUIGNY CHANTELOT BRODIEZ GOURDOU & ASSOCIES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
Timbre fiscal acquitté
M. [C] [W]
[Adresse 1]
[Localité 13]
Représenté par Maître François Xavier DOS SANTOS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
Timbre fiscal acquitté
M. [G] [K]
[Adresse 7]
[Localité 10]
Représenté par Maître Emmanuelle BONNET-MARQUIS de la SELARL BONNET- EYMARD -NAVARRO - TEYSSIER, avocat au barreau de HAUTE-LOIRE
Timbre fiscal acquitté
S.C.P. FABRE, non représentée, initialement intimée à la procédure ayant fait l'objet d'un désistement partiel constaté par ordonnance le 18 novembre 2021
INTIMES
DÉBATS : A l'audience publique du 06 mars 2023
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 4 juillet 2023, après prorogé du délibéré initiallement prévu le 9 mai 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par M. VALLEIX, président et par Mme DHOME, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Par commandement délivré le 18 février 2015, la SAS La Maison du Bon Café, en qualité de créancier hypothécaire, a engagé à l'encontre de M. [A] [B], Mme [D] [S] épouse [B] et Mme [I] [U] divorcée [S] une procédure de saisie immobilière sur un bien sis [Adresse 1], cadastré YD n°[Cadastre 3], pour avoir paiement d'une créance due en vertu d'un jugement rendu par le tribunal de commerce de Tarascon le 24 mai 2014 à l'encontre de M. [A] [B], ayant condamné ce dernier au paiement de la somme de 140'744 euros outre intérêts au taux légal à compter du 13 décembre 2011.
Par jugement du 9 juin 2016, le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand a constaté la caducité du commandement valant saisie immobilière.
Par acte notarié dressé le 12 juillet 2016, M. [A] [B], Mme [D] [S] épouse [B] et Mme [I] [U] divorcée [S] ont vendu à M. [P] [W] un ensemble immobilier situé [Adresse 12], constitué de deux parcelles cadastrées YD n° [Cadastre 5] et n°[Cadastre 6] d'une superficie globale de 38 ares 74 centiares, provenant de la division de la parcelle YD n° [Cadastre 3] réalisée le 3 septembre 2013, comprenant deux maisons d'habitation, une piscine, un abri de jardin et un entrepôt, moyennant le prix de 205 000 euros, hors frais, avec faculté de rachat pendant une durée d'un an à compter de l'acte, soit avant le 12 juillet 2017, uniquement pour la parcelle cadastrée section YD n°[Cadastre 6] (3074 m², supportant les maisons d'habitation), au prix ferme et définitif de 220'500 euros. La vente de la parcelle cadastrée YD n°[Cadastre 5], correspondant à un terrain à bâtir de 800 m² supportant un bâtiment à usage de dépôt, était quant à elle définitive.
L'acte prévoyait également la réserve au profit du vendeur du droit d'usage et d'habitation des biens concernés par la faculté de rachat durant un an à compter de la vente, ce à titre gratuit (sauf paiement de la taxe d'habitation et des réparations courantes).
Il a été procédé dans l'acte à la purge amiable des inscriptions hypothécaires grevant l'immeuble, la SAS La Maison du Bon Café, intervenue à l'acte d'acquisition, ayant été désintéressée par les fonds provenant du prix de cession.
Par acte authentique en date du 4 octobre 2016, M. [P] [W] a vendu à son frère, M. [C] [W], la parcelle cadastrée YD n° [Cadastre 5] d'une surface de 800 m² à bâtir, pour le prix de 55'000 euros hors frais. M. [C] [W] a fait édifier sur cette parcelle une maison d'habitation devenue son domicile principal depuis le 1er janvier 2021.
Le 20 décembre 2017, M. [P] [W] a mis en demeure les consorts [B]-[U] de libérer les biens immobiliers objet de la vente, en l'absence d'exercice de la faculté de rachat dans le délai prévu, soit au plus tard le 12 juillet 2017, date correspondant également à l'expiration du droit d'usage et d'habitation.
Par actes d'huissier délivrés le 7 juin 2018, M. [P] [W] a fait assigner devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand les consorts [B]-[U], invoquant la situation d'occupation sans droit ni titre des biens vendus, pour obtenir leur expulsion et la fixation d'une indemnité d'occupation à compter du 13 juillet 2017.
Par acte d'huissier en date du 12 juillet 2018, les consorts [B]-[U] ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand M. [P] [W] pour obtenir à titre principal l'annulation de la vente, qui constituait selon eux un contrat pignoratif prohibé, et, subsidiairement, la rescision de la vente pour lésion. (RG 18/03068)
Par acte du 23 novembre 2018, M. [P] [W] a fait assigner la SCP maître [N] [K] et maître [G] [K], notaires instrumentaires de la vente, aux fins de les voir condamner solidairement à le garantir des condamnations qui pourraient être prononcées au profit des consorts [B]. (RG 18/05379)
Par ordonnance du 4 décembre 2018, le juge des référés du tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand saisi de la procédure d'expulsion a dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes d'expulsion et de paiement d'une indemnité d'occupation, retenant l'existence de contestations sérieuses, et ordonné solidairement à M. [A] [B], Mme [D] [S] épouse [B] et Mme [I] [U] de procéder à la consignation entre les mains de Madame le bâtonnier de l'ordre des avocats de Clermont-Ferrand, désignée à titre de séquestre, de la somme de 205'000 euros correspondant au prix de vente de l'ensemble immobilier.
Par ordonnance du 18 juin 2019, le juge des référés, saisi par assignation du 13 février 2019 par M. [P] [W] d'une demande tendant à la condamnation sous astreinte des consorts [B]-[U] à régler la somme fixée à titre de consignation, a dit n'y avoir lieu à référé sur cette prétention.
Les procédures RG 18/03068 et RG 18/05379 pendantes devant le tribunal de grande instance ont été jointes par ordonnance du 11 février 2019.
M. [C] [W] est intervenu volontairement à l'instance en cours devant le tribunal judiciaire par conclusions du 23 mars 2020.
Par jugement du 26 mai 2021, le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand a statué en ces termes :
-Dit valable l'assignation de M. [P] [W] ;
-Dit nulle la vente consentie le 12 juillet 2016 par M. [A] [B], Mme [D] [S] épouse [B] et Mme [I] [U] épouse [S] à M. [P] [W] des parcelles YD n°[Cadastre 5] et YD n° [Cadastre 6], actuellement [Adresse 12] pour un prix de 205'000 euros ;
-Condamne les consorts [B]-[S] à restituer à M. [W] le prix de 205'000 euros et ce dernier à leur restituer lesdits immeubles ;
-Reçoit M. [C] [W] en son intervention ;
-Dit nulle la vente de la parcelle n° YD n°[Cadastre 5] à [Localité 8] commune de [Localité 13] consentie le 4 octobre 2016 par M. [P] [W] à M. [C] [W] pour le prix de 55'000 euros ;
-Ordonne les restitutions réciproques des prestations échangées ;
-Condamne M. [P] [W] à payer aux demandeurs la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
-Sur la demande de M. [C] [W] contre M. [P] [W], ordonne une mesure d'expertise judiciaire sur les travaux de construction susmentionnés, réparations et améliorations, utiles ou non, faits par M. [C] [W] et sur l'évolution de la valeur de ladite parcelle ;
-Commet M. [O] [M] pour y procéder avec mission [']
-Préalablement lister de manière exclusive et détaillée l'ensemble des revendications alléguées par M. [C] [W] concernant les travaux réalisés sur la parcelle YD [Cadastre 5] ;
[']
-Rechercher de quelle valeur la parcelle a été augmentée ou diminuée par les négligences ou au contraire les travaux faits par M. [C] [W] ;
[']
-Ordonne la radiation de l'affaire ;
-Dit qu'elle sera réinscrite par la partie la plus diligente ;
-Réserve les dépens de l'instance opposant M. [C] [W] et M. [P] [W] ;
-Condamne M. [P] [W] aux dépens de l'instance l'opposant aux consorts [B]-[S] avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Collet ;
-Déboute M. [P] [W] et M. [C] [W] de leurs demandes dirigées contre la SCP maître [N] [K] et maître [G] [K] [ndr : par erreur « [N] [K] » dans le dispositif du jugement] ;
-Condamne M. [P] [W] à payer à la SCP maître [N] [K] et à maître [N] [K] [ndr : par erreur « [N] [K] » dans le dispositif du jugement] la somme unique de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
-Le condamne aux dépens de l'instance de leur mise en cause et autorise la SCP Bernard François à recouvrer ceux dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.
M. [P] [W] a relevé appel de cette décision à l'encontre de toutes les parties présentes en première instance.
Par ordonnance du 18 novembre 2021, le conseiller chargé de la mise en état a donné acte à M.[P] [W] de son désistement d'appel à l'encontre de la SCP Fabre.
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 12 janvier 2023.
Vu les conclusions en date du 10 septembre 2021 aux termes desquelles M. [P] [W] demande à la cour de :
-Réformer le jugement en ce qu'il :
- a dit valable son assignation ;
-a dit nulle la vente consentie le 12 juillet 2016 par M. [A] [B], Mme [D] [S] épouse [B] et Mme [I] [U] épouse [S] à M. [P] [W] des parcelles YD n° [Cadastre 5] et Y des n° [Cadastre 6] actuellement [Adresse 12] pour un prix de 205'000 euros ;
-a condamné les consorts [B]-[S] à lui restituer le prix de 205'000 euros et ce dernier à leur restituer lesdits immeubles ;
-a dit nulle la vente de la parcelle n° YD [Cadastre 5] à [Localité 8] commune de [Localité 13] consentie le 4 octobre 2016 par M. [P] [W] à M. [C] [W] pour le prix de 55'000 euros ;
-a ordonné les restitutions réciproques des prestations échangées ;
-l'a condamné à payer aux demandeurs la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
-a ordonné une mesure d'expertise judiciaire sur les travaux de construction susmentionnés, réparations et améliorations utiles ou non faits par M. [C] [W] sur l'évolution de la valeur de ladite parcelle ;
-a commis M. [O] [M] pour y procéder avec mission [']
-a réservé les dépens de l'instance l'opposant à M. [C] [W] ;
-l'a condamné aux dépens de l'instance l'opposant aux consorts [B]-[S] avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Collet ;
-l'a débouté ainsi que et M. [C] [W] de leurs demandes dirigées contre la SCP maître [N] [K] et maître [G] [K] ;
-l'a condamné à payer à la SCP maître Jean-François Fabre et à maître Sébastien Fabre la somme unique de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
-l'a condamné aux dépens de l'instance de leur mise en cause et autorisé la SCP Bernard François à recouvrer ceux dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.
-L'a débouté de ses demandes ;
Statuant à nouveau,
À titre principal,
-Juger que la signification de l'assignation datée du 12 juillet 2018 mais déposée le 14 juillet 2018 sous forme d'avis de passage dans la boîte aux lettres de sa fille à une adresse où il est certifié par le même huissier qu'il n'habite pas est radicalement nulle et de nul effet ;
-Juger en conséquence irrecevable pour cause de prescription toute demande formulée par les consorts [B]-[U] ;
-Juger que les consorts [B]-[U] ne justifient pas les éléments constitutifs d'un contrat pignoratif prohibé ;
-Débouter les consorts [B]-[U] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
À titre subsidiaire,
-Juger que les consorts [B]-[U] n'apportent pas la preuve d'une estimation de la valeur du bien immobilier objet de la vente à réméré supérieure à 492'000 euros ;
-Juger que les consorts [B]-[U] avaient connaissance lors de la signature de la vente du 12 juillet 2016 de la valorisation du bien immobilier à hauteur de 466'000 euros ;
-Juger que les estimations produites par les consorts [B]-[U] ne sont pas pertinentes dans la mesure où l'estimation de 460'000 euros ne consacre aucune rescision pour lésion et où l'estimation de 550'000 euros n'est pas recevable ;
-Juger que les faits dénoncés par les consorts [B]-[U] ne sont pas assez vraisemblables et assez graves pour faire présumer la lésion ;
-Débouter les consorts [B]-[U] de l'ensemble de leurs demandes, fins, moyens et conclusions ;
À titre infiniment subsidiaire,
Vu l'article 1240 du code civil,
-Juger que maître [K] et la SCP [K] ont engagé leur responsabilité civile professionnelle à son encontre pour manquement au devoir de conseil et l'inefficacité des actes de vente des 12 juillet 2016 et 4 octobre 2016 ;
-Condamner maître [K] et la SCP Fabre à le garantir de toutes condamnations susceptibles d'intervenir tant en principal intérêts et frais qui seront éventuellement prononcées au profit des consorts [B]-[U] et de M. [C] [W] ;
-Condamner maître [K] et la SCP Fabre à lui payer les indemnités suivantes :
-15'500 euros correspondant aux frais qu'il a supportés dans le cadre de la vente en réméré du 12 juillet 2016,
-5000 euros au titre du préjudice économique,
-5000 euros au titre du préjudice moral,
-Une somme portée pour mémoire au titre du complément du prix qui sera éventuellement déterminé dans le cadre de l'action en rescision pour lésion,
-2172 euros par mois le montant de l'indemnité d'occupation à compter du 13 juillet 2017 et ce jusqu'à parfaite libération des lieux par les consorts [B]-[U] ;
-10'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
En tout cas,
-Juger que les consorts [B]-[U] n'ont jamais exercé la faculté de rachat expressément fixée aux termes de l'acte authentique du 12 juin 2016 au plus tard le 12 juillet 2017 ;
-Juger que depuis le 13 juillet 2017 les consorts [B]-[U] occupent sans droit ni titre le bien immobilier situé [Adresse 12] ;
-Ordonner l'expulsion des consorts [B]-[U] du bien immobilier situé [Adresse 12] ainsi que de toutes personnes de leur chef des lieux loués avec si nécessaire le concours de la force publique ;
-Fixer à la somme de 2172 euros par mois le montant de l'indemnité d'occupation qui sera due par les consorts [B]-[U] à compter du 13 juillet 2017 et jusqu'à parfaite libération des lieux ;
-Juger que faute pour les consorts [B]-[U] d'enlever leur mobilier, il sera autorisé à le faire entreposer lors l'expulsion après description et inventaire dans un garde-meuble de son choix aux frais, risques et périls des expulsés ;
-Condamner tout succombant à lui payer une somme de 10'000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de la Selarl Pôle Avocats sur son affirmation de droit.
Vu les conclusions en date du 15 novembre 2021 aux termes desquelles M. [A] [B], Mme [D] [B] née [S] et Mme [I] [S] née [U] demandent à la cour de :
-Confirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand du 26 mai 2021 ;
À titre subsidiaire,
-Constater que la vente du 12 juillet 2016 a été conclue à vil prix ;
-Ordonner avant dire droit une mesure d'expertise judiciaire confiée à un collège expertal édicté à l'article 1678 du code civil ce en vue de dresser un procès-verbal commun formant un avis concernant la valeur du bien immobilier sis [Adresse 12] cadastré sous les références YD n° [Cadastre 5] et YD n° [Cadastre 6] objet de l'acte de vente à réméré reçu le 12 juillet 2016 en l'étude de maître [K] et concernant le caractère lésionnel de ladite vente ;
-Leur donner acte d'ores et déjà de leurs demandes de rescision pour lésion de la vente du 12 juillet 2016 ;
-Condamner M. [W] à leur payer à chacun la somme de 6000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
-Condamner M. [W] aux entiers dépens de l'instance avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Collet.
Vu les conclusions en date du 26 juillet 2022 aux termes desquelles M. [C] [W] demande à la cour de :
Réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 26 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand,
- Débouter les consorts [B]-[U] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
- Débouter maître [K] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions relatives à la recherche de responsabilité ;
Statuant à nouveau,
À titre principal,
-Vu les articles 2458 et 2459 du code civil, juger que ces textes ne sont pas applicables à M. [P] [W] qui n'a pas la qualité de créancier hypothécaire impayé ;
-Juger n'y avoir lieu à procéder à une requalification de l'acte de vente du 12 juillet 2016 en contrat pignoratif ;
-Vu les articles 653 et suivants du code de procédure civile et l'article 1676 du code civil,
-Juger que la signification de l'assignation datée du 12 juillet 2018 déposée le 14 juillet 2018 sous forme d'avis de passage dans la boîte aux lettres de la fille de M. [P] [W] à une adresse où il est certifié par le même huissier que le défendeur n'habite pas est radicalement nulle et de nul effet ;
-Juger que la signification d'un tel acte un jour après l'expiration du délai de prescription et à l'adresse d'un parfait tiers à l'acte du 12 juillet 2016 n'a pas interrompu le délai de prescription biennale de la rescision pour lésion à l'égard de M. [P] [W] ;
-Vu les articles 85 du code de procédure civile, 753 du code de procédure civile dans sa version applicable à la cause, juger que l'assignation délivrée le 14 juillet 2018 n'a formalisé aucune demande de rescision pour lésion de la vente du 12 juillet 2016 ;
-Juger que la demande de « donner acte » n'a aucun effet processuel ni interruptif de la prescription biennale ;
-Juger en conséquence irrecevable pour cause de prescription toute demande ultérieure en rescision pour lésion ;
-Débouter les consorts [S]-[B] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
À titre subsidiaire,
-Le juger recevable en ses recours à l'encontre du notaire, maître [K], la SCP [K] et son vendeur M. [P] [W] ;
-Vu l'article 1240 du code civil, juger que maître [K] et la SCP Fabre ont engagé leur responsabilité civile professionnelle à son encontre pour manquement au devoir de conseil et l'inefficacité de l'acte de vente du 4 octobre 2016 ;
-Vu l'article 1619 du code civil, juger que M. [P] [W] a manqué à la garantie contre l'éviction ;
-Condamner in solidum maître [K], la SCP Fabre et M. [P] [W] à l'indemnisation intégrale de son préjudice ;
-Avant-dire droit ordonner une expertise judiciaire confiée à tel spécialiste de l'immobilier ou économiste de la construction qu'il plaira à la juridiction de désigner afin de déterminer la teneur totale du préjudice qu'il a subi et plus particulièrement :
-Déterminer de manière chiffrée précise tous les postes de préjudices énoncés à l'article 1630 du code civil ;
-Déterminer la plus-value apportée à la parcelle de terrain acquise le 4 octobre 2016, cadastrée YD n° [Cadastre 5], pour un prix de 55'000 euros, par les travaux de construction d'une maison individuelle qu'il a financés ;
-Donner à la juridiction toutes indications utiles à la solution du litige ;
En tout état de cause,
-Condamner les consorts [S]-[B] à lui payer la somme de 10'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
-Condamner toutes parties succombantes ou contestantes aux entiers dépens dont distraction au profit de maître Dos Santos.
Vu les conclusions en date du 22 septembre 2022 aux termes desquelles M. [G] [K] demande à la cour de :
-Confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand le 26 mai 2021 en ce qu'il a considéré qu'aucune faute professionnelle ne peut lui être imputée et débouté en conséquence M. [C] [W] des demandes de garantie d'indemnisation formulées à son encontre ;
-Juger les consorts [B]-[S] irrecevables en toutes leurs demandes ;
-Juger irrecevables et mal fondées les demandes de M. [P] [W] et de M. [C] [W] à son encontre ;
-Juger qu'il n'a manqué à aucun de ses devoirs et obligations professionnelles et qu'il n'est pas démontré l'existence d'une faute avérée, d'un dommage et d'un lien de causalité à son encontre et à l'encontre de la SCP Fabre ;
-Juger que les consorts [B]-[S] ne formulent aucune demande à son encontre ;
-Condamner M. [P] [W], ou toute partie succombant, à lui payer la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
-Les condamner aux entiers dépens avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile en faveur de la SCP Bonnet-Eymard-Navarro-Teyssier.
En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions susvisées pour l'exposé complet des prétentions respectives des parties et de leurs moyens.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Il sera rappelé en premier lieu qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et qu'elle n'a pas à se prononcer sur les demandes de « constater que... » ou de « dire et juger que...» lorsque celles-ci ne correspondent pas à des prétentions au sens des articles 4, 31 et 954 du code de procédure civile, mais en réalité à des moyens ou arguments invoqués au soutien des véritables prétentions.
-Sur la demande de nullité de la vente conclue par acte notarié en date du12 juillet 2016 entre M. [A] [B], Mme [D] [S] épouse [B] et Mme [I] [U] divorcée [S] d'une part et M. [P] [W] d'autre part :
-Sur la demande tendant au prononcé de la nullité de l'assignation datée du 12 juillet 2018 :
L'article 114 du code de procédure civile dispose :
« Aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public.
La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public.»
M. [P] [W] et M. [C] [W] concluent à la nullité de la signification de l'assignation datée du 12 juillet 2018, exposant que l'acte est entaché d'irrégularités et présente des incohérences, alors que le document concernant les modalités de remise de l'acte mentionne comme adresse « [Adresse 2] » tandis qu'il est indiqué sur la première page une adresse différente, en ces termes « Et actuellement, [Adresse 11] », sans précision quant aux véritables diligences effectuées par l'huissier, qui aurait en définitive déposé l'avis de passage prévu par les dispositions de l'article 656 du code de procédure civile à cette dernière adresse, qui correspond en réalité à celle de la fille de M. [P] [W], et ce seulement le 14 juillet 2018.
M. [C] [W] et M. [P] [W], précisant que l'adresse de ce dernier est parfaitement connue et qu'il n'a jamais déménagé, considèrent en conséquence que l'assignation ,« délivrée hors délai, à une mauvaise adresse, à un mauvais destinataire » est radicalement nulle. Ils estiment l'un et l'autre qu'un grief est caractérisé « dans la mesure où M. [P] [W] est recevable et bien fondé à soulever la prescription de l'action régularisée par les consorts [B]-[U] », M. [C] [W] ajoutant pour ce qui le concerne qu'il subit un grief dans la mesure où il est sous-acquéreur et où l'éventuelle annulation de la première vente pourrait avoir des conséquences sur la validité de la seconde.
Il sera observé en premier lieu que M. [P] [W] affirme être domicilié à une adresse qui « ne souffre aucune contestation » et qui ressort selon lui de tous les actes de forme et de fond, parfaitement connue des demandeurs à l'action et de l'huissier lui-même et qu'il n'a jamais déménagé, mais qu'il existe pourtant une contradiction à ce sujet au sein même de ses écritures et dans les actes auxquels il fait référence : ainsi, M. [P] [W] indique à plusieurs reprises, en pages 17 et 18 de ses écritures, être domicilié [Adresse 2], adresse qui correspond à celle figurant sur l'acte de vente du 12 juillet 2016 et à l'adresse recherchée en premier lieu par l'huissier instrumentaire pour délivrer l'assignation, mais il précise également un peu plus loin, en page18, qu'il est domicilié [Adresse 4], ce que selon lui les consorts [B]-[U] ont pu vérifier eux-mêmes sur le relevé de propriété sollicité le 16 octobre 2018, qui mentionne en effet cette adresse. Il apparaît ainsi que les assertions de M. [P] [W] quant à l'absence de contestation possible de son adresse, sur laquelle il est lui-même imprécis, alors qu'il existe en outre des contradictions sur ce point entre les divers documents communiqués, doivent être regardées avec prudence.
Il n'en demeure pas moins qu'en effet l'acte de signification de l'assignation comporte des anomalies. Il existe notamment une contradiction quant à l'adresse de M. [P] [W] entre la première page et la page consacrée aux modalités de remise de l'acte sans qu'il soit possible de déterminer si les vérifications signalées sur ce dernier document (tableau des occupants, boîte aux lettres, interphone, confirmation par un correspondant) qui fait état de l'absence du destinataire et précise que l'acte sera remis à l'étude, concernent la première adresse ([Adresse 2]) ou la seconde ([Adresse 11]). En définitive l'avis de signification semble avoir été remis à l'adresse [Adresse 11], qui correspond, selon la pièce n°1 de M. [C] [W], à celle de la fille de M. [P] [W], sans que les raisons de cette orientation ne soient clairement précisées dans l'acte.
Par ailleurs, il est difficile de savoir à la lecture de l'avis de passage si le quantième de la date est un 12 ou un 14, étant précisé cependant que les consorts [B]-[U] produisent un courrier émanant de l'étude de l'huissier instrumentaire indiquant que « l'assignation a bien été délivrée en date du 12 juillet 2018 et l'avis de passage est bien daté du jour de passage et de la régularisation de l'acte soit le 12 juillet 2018 ».
Toutefois, si la régularité de l'acte est contestable, eu égard à son manque de clarté quant au résultat des investigations de l'huissier, M. [P] [W] ne démontre pas l'existence d'un grief causé par l'irrégularité dénoncée, puisqu'il a été destinataire de l'assignation, qu'il a pu constituer avocat dans les délais et présenter sa défense et n'a ainsi subi aucune conséquence procédurale, en termes de délais ou de formalités à accomplir, du fait des anomalies constatées dans la délivrance de l'acte.
Il sera observé par ailleurs que le raisonnement bâti par M. [P] [W] et M.[C] [W] au sujet de la prescription est inopérant alors qu'elle procède d'une confusion entre les conséquences d'une irrégularité de forme se manifestant par un grief caractérisé (en raison de l'absence de délivrance conforme, le destinataire a par exemple été privé de la possibilité d'accomplir tel ou tel acte ou de l'accomplir dans les délais ou encore de comparaître') et l'intérêt qu'auraient M. [P] [W] et M. [C] [W] à se prévaloir, après l'anéantissement de l'acte, du caractère tardif de l'acte régulier délivré ultérieurement, étant rappelé qu'en toute hypothèse, et contrairement à ce qui est soutenu, la prescription est valablement interrompue par l'acte de saisine de la juridiction annulé par l'effet d'un vice de procédure, en application de l'article 2241 alinéa 2 du code civil.
En considération de l'ensemble de ces explications, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande tendant au prononcé de la nullité de l'assignation.
-Sur l'existence d'un contrat pignoratif :
La faculté de rachat est définie par l'article 1659 du code civil comme le pacte par lequel le vendeur se réserve de reprendre la chose vendue, moyennant la restitution du prix principal et le remboursement des frais et loyaux coûts de la vente, les réparations nécessaires, et celles qui ont augmenté la valeur du fonds, jusqu'à concurrence de cette augmentation. Son exercice constitue l'accomplissement d'une condition résolutoire replaçant les parties dans le même état où elles se trouvaient avant la vente.
En principe licite, la vente avec faculté de rachat peut constituer un pacte commissoire prohibé lorsque, portant sur la résidence principale du vendeur, elle dissimule une opération de crédit et a pour objet d'éluder les dispositions protectrices des emprunteurs relatives au taux d'usure. [Cass. 3e civ., 24 juin 2021, pourvoi n° 18-19.771]. La caractérisation de l'impignoration peut ressortir d'une part de l'analyse des conditions de la convention mettant en exergue notamment une disproportion entre le prix payé et la valeur réelle du bien, signe que le prix n'est pas la contrepartie du bien vendu dont la propriété n'a été transférée que pour la valeur du prêt qu'il garantit, une différence significative entre le prix de vente et le prix de rachat compte tenu de la durée d'exercice de cette faculté, des modalités particulièrement onéreuses du droit d'occupation du bien consenti au vendeur, d'autre part du comportement d'un acquéreur qui serait coutumier des opérations du même type. Ces éléments constituent des indices révélateurs de l'impignoration et non des éléments constitutifs qui devraient être réunis cumulativement.
En l'espèce, les consorts [B]-[U] soutiennent que la vente avec faculté de rachat est intervenue à des conditions économiques anormales alors qu'ils se trouvaient dans un état de faiblesse lié au risque d'une vente de leur bien dans le cadre de la saisie immobilière initiée par la SAS La Maison du Bon Café. Ils estiment que tous les indices habituels d'impignoration sont réunis et que le caractère usuraire de l'opération est établi .
Sur la valeur du tènement immobilier vendu, ils produisent un avis établi le 8 janvier 2013 par un office notarial concluant à une estimation de la valeur vénale de l'ensemble de la propriété en tant qu'unité foncière à 446'000 euros mais précisant toutefois qu'une offre en un lot unique trouverait difficilement acquéreur et que cette valeur théorique pourrait « subir la sanction du marché ». Le notaire estime les biens à 547'000 euros en cas de vente en deux lots, soit 329'000 euros pour le premier lot constitué d'une maison sur un terrain de 2300 m² comprenant la piscine, et 220'000 euros pour le second lot constitué d'une maison sur un terrain de 1599 m². Enfin, il évalue à 229'000 euros la valeur d'un lot composé de la première maison sur un terrain de 1500 m² avec piscine et à 155'000 euros la valeur de la parcelle de 800 m² supportant un bâtiment à usage de dépôt.
Les consorts [B]-[U] versent également aux débats un avis de valeur établi par l'agence immobilière Stéphane Plazza immobilier le 12 février 2018 qui propose une estimation située entre 243'327 euros et 258'379 euros pour une des deux maisons, considérée en tant que maison indépendante, mais indique cependant que l'ensemble immobilier comprend deux villas identiques et qu'une vente seule ne peut pas être envisagée.
Il convient de rappeler que les consorts [B]-[U] ont en définitive procédé en septembre 2013 à la division du tènement immobilier en deux parcelles, soit une parcelle de 3074 m² supportant les deux maisons d'habitation et le terrain de 800 m² supportant le bâtiment à usage de dépôt, et que c'est cet ensemble qui a fait l'objet de la vente litigieuse, pour un montant total de 205'000 euros.
Si cette configuration n'a fait l'objet d'aucune estimation, il apparaît qu'en toute hypothèse l'ensemble immobilier comprenant les deux maisons, la piscine sur un terrain de 3074 m² et la parcelle de 800 m², a été acquis à un prix déjà très inférieur à la valeur réelle des biens composés du seul lot correspondant à la première maison sur un terrain de 1500 m² avec piscine (parcelle n°YD [Cadastre 6]) et du terrain de 800 m² avec le bâtiment à usage de dépôt (parcelle n°YD [Cadastre 5]), soit 384'000 euros (229'000 + 155'000 euros), à l'exclusion de la seconde maison sur le terrain de 1599 m².
Les consorts [B]-[U] soulignent en outre à juste titre que même en considérant le prix de vente de la parcelle détachée de 800 m² par M. [P] [W] à M. [C] [W] à 55'000 euros, le prix affecté au surplus de la propriété vendue serait de 150'000 euros, soit une estimation très éloignée de la valeur réelle d'un bien composé d'un terrain de 3074 m² supportant deux maisons d'habitation d'une surface habitable totale de 270 m², une piscine et un abri de jardin. Il est ainsi établi que, nonobstant la décote résultant de la proximité des deux maisons d'habitation, construites initialement dans la perspective d'une occupation de la propriété par la même famille avec une occupation commune de la terrasse et de la piscine, la vente a été manifestement conclue à très bas prix.
Comme l'a retenu le premier juge, il ne peut être tiré aucun argument de la mise à prix du bien à 110'000 euros dans le cahier des charges des conditions de vente dans le cadre de la procédure de saisie immobilière, alors que la mise à prix en cas de vente forcée doit être particulièrement attractive et que, précisément, le prix de vente définitif est susceptible d'être plus élevé par le jeu des enchères.
Le premier juge a également relevé pertinemment que le prix de vente à M. [P] [W] était beaucoup plus proche du montant de la dette, augmenté des frais et intérêts, que de la valeur réelle du bien.
Par ailleurs, s'agissant du prix à payer pour le rachat, soit 220'500 euros, si celui-ci peut être retenu comme équivalent au prix de vente en considérant les frais incombant au vendeur initial en application de l'article 1673 du code civil, soit 15'500 euros selon M. [P] [W], il ne concerne qu'une partie du bien vendu puisque la faculté de rachat ne porte que sur la parcelle YD n°[Cadastre 6], de sorte que la valeur de la parcelle 800 m² est abandonnée à l'acquéreur, ce qui représente pour lui a minima une rémunération de 55 000 euros, prix auquel M. [F] [W] a lui-même vendu la parcelle YD n°[Cadastre 5] à son frère [C] [W]. En retenant, la valeur du terrain de 800 m² proposée par l'office notarial dans l'avis du 8 janvier 2013, le coût de l'opération, du fait de l'abandon de cette parcelle, s'élèverait en réalité pour les vendeurs à 155'000 euros.
M. [P] [W] et M. [C] [W] ne peuvent valablement soutenir que pour apprécier la situation il devrait être fait abstraction de la parcelle de 800 m² qui n'est pas concernée par la faculté de rachat, alors que l'opération a précisément été envisagée de manière globale, les biens vendus n'ayant d'ailleurs pas été valorisés séparément.
Il doit être tenu compte, ce que n'a pas fait le premier juge, du fait que les consorts [B]-[U] ont bénéficié de l'occupation gratuite du bien pendant le délai d'exercice de la faculté de rachat, soit pendant un an. Dans ses écritures, M. [P] [W] évalue à 2172 euros le montant de l'indemnité d'occupation du bien vendu, soit 26'064 euros pour une année.
Cependant, même en réintégrant cette donnée, il apparaît que la rémunération de l'acquéreur dans le cadre de l'opération réalisée en cas d'exercice de la faculté de rachat représente la somme de 14'936 euros, en retenant une valeur de la parcelle correspondant au prix de vente à M. [C] [W], valeur subjective résultant des négociations entre ce dernier et M. [P] [W] (55'000 euros), soit un taux d'intérêt pour un an de 7,2 % , bien supérieur au seuil de l'usure applicable à compter du 1er juillet 2016 au prêt immobilier à taux fixe (3,92 % ). En retenant la valeur proposée par l'office notarial dans l'avis de 2013 (155'000 euros ), le coût de l'opération pour les consorts [B]-[U] s'élèverait, après déduction de la somme correspondant à l'occupation gratuite du bien, à 128'936 euros, ce qui correspond à un taux d'intérêt exorbitant pour une année et là encore bien supérieur au seuil de l'usure.
Il apparaît ainsi que le montage de l'opération de vente avec faculté partielle de rachat des biens cédés dissimule une opération de crédit qui contourne les dispositions protectrices des emprunteurs relatives au taux d'usure en matière immobilière et que le premier juge a justement considéré que la convention, constitutive d'un contrat pignoratif, devait être annulée.
Le jugement sera ainsi confirmé en ce qu'il a prononcé l'annulation de la vente conclue le 12 juillet 2016 entre les consorts [B]-[U] et M.[P] [W].
Il n'y a pas lieu dès lors d'examiner la demande subsidiaire présentée sur le fondement de l'action en rescision pour lésion.
-Sur les conséquences de la nullité de la vente conclue le 12 juillet 2016 dans les rapports entre les parties :
Il sera observé en premier lieu que M. [C] [W], s'agissant des restitutions résultant nécessairement de l'anéantissement de l'acte, invoque les dispositions de l'article 1352-2 du code civil qui sont toutefois inapplicables au contrat conclu le 12 juillet 2016, ce en application de l'article 9 de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 entrée en vigueur le 1er octobre 2016.
Dès lors, la question des conséquences de la nullité de la vente du 12 juillet 2016 dans les rapports entre l'acquéreur et les vendeurs doit être analysée à la lumière des solutions applicables antérieurement au 1er octobre 2016.
Le contrat de vente conclu le 12 juillet 2016 étant annulé, les parties doivent être remises dans l'état dans lequel elles se trouvaient antérieurement à la vente ce qui implique la restitution réciproque des prestations reçues, qui doit intervenir en nature, ou , lorsque cela est impossible, en valeur. Cette restitution en valeur doit aboutir à un résultat équivalent à celui d'une restitution en nature et doit ainsi correspondre au prix de la valeur réelle du bien vendu au moment de la vente.
Les consorts [B]-[U] réclament la confirmation du jugement en ce qu'il les a condamnés à restituer à M. [P] [W] la somme de 205'000 euros et ce dernier à leur restituer les immeubles.
Il sera rappelé que la vente concernait deux parcelles cadastrées YD n° [Cadastre 5] et n°[Cadastre 6] d'une superficie globale de 38 ares 74 centiares, provenant de la division réalisée le 3 septembre 2013 de la parcelle YD n°[Cadastre 3].
Or, la parcelle cadastrée YD n°[Cadastre 5], correspondant à un terrain à bâtir de 800 m² supportant un bâtiment à usage de dépôt, a été revendue par acte du 4 octobre 2016 à M. [C] [W] qui a fait édifier sur ce terrain une maison d'habitation de sorte que la restitution en nature de la parcelle cadastrée YD n°[Cadastre 5] par M. [P] [W] aux consorts [B]-[U] est impossible, ainsi que le soutient M. [C] [W] dans ses écritures, sans que les autres parties ne consacrent à ce sujet aucun développement dans leurs conclusions.
Il convient en conséquence d'infirmer le jugement et de dire que les consorts [B]-[U] devront restituer à M. [P] [W] le prix de vente soit 205'000 euros et que ce dernier devra restituer aux consorts [B]-[U] la parcelle cadastrée YD n°[Cadastre 6] et, s'agissant de la parcelle cadastrée YD n°[Cadastre 5], une somme correspondant au prix de la valeur réelle du bien vendu au moment de la vente entre eux.
Par ailleurs, eu égard au prononcé de la nullité de la vente et à son effet rétroactif, M. [P] [W] sera débouté de ses demandes tendant à la fixation d'une indemnité d'occupation et à l'expulsion des consorts [B]-[U] des parcelles litigieuses.
-Sur les demandes en garantie et en réparation présentées par M. [P] [W] à l'encontre de maître [G] [K], notaire :
Il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes présentées par M. [P] [W] à l'encontre de la SCP [K] alors que le magistrat de la mise en état a constaté par ordonnance rendue le 18 novembre 2021 le désistement d'appel de l'appelant à l'égard de cette dernière, étant précisé que M. [P] [W] n'a pas conclu à nouveau postérieurement à cette décision.
M. [P] [W], pour obtenir la garantie de maître [G] [K] au titre de toutes les condamnations prononcées et sa condamnation à l'indemnisation des divers préjudices qu'il estime avoir subis soutient que ce dernier a manqué à son devoir de conseil.
Toutefois, Maître [G] [K] soulève à juste titre l'irrecevabilité de ces demandes en application de l'article 564 du code de procédure civile dans la mesure où il résulte des pièces communiquées que si M. [P] [W] a assigné maître [G] [K] aux fins d'appel en cause et de garantie par acte délivré le 23 novembre 2018, il n'a présenté aucune demande dans le cadre des conclusions récapitulatives notifiées devant la juridiction de première instance aux termes desquelles il concluait seulement au débouté des consorts [B]-[U] de l'ensemble de leurs demandes (pièce n°7 de maître [G] [K]), de sorte que le tribunal a statué sur une demande dont il n'était pas saisi.
Les demandes présentées par M. [P] [W] à l'encontre de M. [G] [K] pour la première fois devant la cour seront en conséquence déclarées irrecevables, sauf à priver ce dernier du bénéfice du double degré de juridiction alors qu'aucun débat sur ce point n'a eu lieu devant le premier juge, étant précisé que M. [P] [W] ne présente aucune observation sur ce moyen d'irrecevabilité.
-Sur la demande tendant au prononcé de la nullité de la vente conclue le 4 octobre 2016 entre M. [P] [W] et M. [C] [W] :
L'annulation du contrat qui a investi une personne de la propriété d'un immeuble entraîne l'annulation de tous les droits réels que cette personne a concédés sur cet immeuble, sous la seule réserve de la prescription acquisitive. Ainsi, tout ayant cause qui tient ses droits d'un auteur dont le titre est annulé perd lui aussi, rétroactivement, ses droits sur le bien qu'il a reçu, et doit restituer celui-ci à l'auteur de son auteur, qui a obtenu l'annulation du premier contrat.
Les consorts [B]-[U] sollicitent la confirmation du jugement en ce qu'il a prononcé la nullité de la vente intervenue entre M. [P] [W] et M. [C] [W] « avec toutes conséquences de droit » étant précisé que le jugement, s'agissant de cette vente a « ordonné les restitutions réciproques des prestations échangées ».
Toutefois, les consorts [B]-[U] n'ont pas dirigé leur demande de restitution du bien à l'encontre de M. [C] [W], auquel la nullité de la vente du 12 juillet 2016 est pourtant opposable en vertu de l'effet rétroactif de l'annulation prononcée, mais à l'encontre de M. [P] [W], ainsi que cela résulte des développements précédents, la restitution de la parcelle litigieuse étant ordonnée en valeur en raison de l'impossibilité pour ce dernier de la restituer en nature.
Les consorts [B]-[U] ont ainsi eux-mêmes circonscrit les effets rétroactifs de la nullité de l'acte de vente conclu le 12 juillet 2016 à ce seul contrat et il n'y a pas lieu en conséquence de prononcer la nullité du contrat de vente conclu le 4 octobre 2016, qui n'est pas sollicitée par M. [C] [W], ni la restitution réciproque des prestations échangées entre M. [C] [W] et M. [P] [W] qui n'est pas réclamée par ces derniers.
Le jugement sera en conséquence infirmé sur ces points, et ces demandes seront rejetées.
Le jugement sera également infirmé en ce qu'il a ordonné une mesure d'expertise judiciaire sur le fondement de la garantie d'éviction, qui ne trouve pas à s'appliquer compte tenu de l'issue du litige, et débouté M. [C] [W] de sa demande d'indemnisation de ses préjudices présentée à l'encontre de maître [K] et M. [P] [W], pris in solidum, ces prétentions étant formulées à titre subsidiaire.
- Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Le jugement sera confirmé sur les dépens, excepté en ce qu'il a réservé les dépens de l'instance opposant M. [C] [W] et M. [P] [W], et ceux-ci seront mis à la charge de ce dernier.
M. [P] [W] supportera les entiers dépens d'appel et sera condamné à payer au titre de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 5000 euros aux consorts [B]-[U], pris ensemble, et celle de 2000 euros à maître [G] [K].
Il n'y a pas lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur des autres parties.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement en ce qu'il a :
-Déclaré valable l'assignation de M. [P] [W] ;
-Reçu M. [C] [W] en son intervention ;
-Déclaré nulle la vente consentie le 12 juillet 2016 par M. [A] [B], Mme [D] [S] épouse [B] et Mme [I] [U] épouse [S] à M. [P] [W] des parcelles YD n° [Cadastre 5] et Y n° [Cadastre 6] sises [Adresse 12] pour un prix de 205'000 euros ;
-Condamné les consorts [B]-[S] à restituer à M. [W] le prix de 205'000 euros ;
-Condamné M. [P] [W] aux dépens de l'instance l'opposant aux consorts [B]-[S] avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Collet ;
- Condamné M. [P] [W] à payer aux consorts [B]-[S] la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
-Condamné M. [P] [W] à payer à la SCP Jean-François Fabre et à maître Sébastien Fabre la somme unique de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
-Condamné M. [P] [W] aux dépens de leur mise en cause et autorisé la SCP Bernard François à recouvrer ceux dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision ;
Infirme le jugement pour le surplus et statuant à nouveau,
- Dit que M. [P] [W] devra restituer à M. [A] [B], Mme [D] [S] et Mme [I] [U] la parcelle cadastrée YD n°[Cadastre 6] située [Adresse 12] (63) ;
- Dit que, s'agissant de la parcelle cadastrée YD n°[Cadastre 5] située [Adresse 12], M. [P] [W] devra restituer à M. [A] [B], Mme [D] [S] et Mme [I] [U], une somme correspondant au prix de la valeur réelle du bien vendu au moment de la vente entre eux ;
- Rejette la demande de nullité de l'acte de vente conclu le 4 octobre 2016 entre M.[P] [W] et M. [C] [W] ;
- Dit n'y avoir lieu à statuer sur les demandes présentées à titre subsidiaire par M. [C] [W] tendant à l'organisation d'une mesure d'expertise sur le fondement de la garantie d'éviction et à la condamnation in solidum de maître [K] et M. [P] [W] à l'indemnisation de ses préjudices ;
- Condamne M. [P] [W] aux entiers dépens de première instance ;
Y ajoutant,
- Déclare irrecevables les demandes en garantie et en réparation présentées par M. [P] [W] à l'encontre de maître [G] [K], notaire ;
- Condamne M. [P] [W] aux dépens d'appel, cette condamnation étant assortie au profit de la SCP Collet, de la SCP Bonnet-Eymard- Navarre et de maître François-Xavier Dos Santos du droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision, en application de l'article 699 du code de procédure civile.
- Condamne M. [P] [W] à payer à M. [A] [B], Mme [D] [S] et Mme [I] [U], pris ensemble, la somme de 5000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
-Condamne M. [P] [W] à payer à maître [G] [K] la somme de 2000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le greffier Le président