20 JUIN 2023
Arrêt n°
CHR/SB/NS
Dossier N° RG 21/00497 - N° Portalis DBVU-V-B7F-FRVE
S.E.L.A.R.L. [A] en qualité de liquidateur Judiciaire de l'EURL [W] TRAITEUR
/
[G] [Z] [I], Association UNEDIC AGS CGEA ORLEANS
jugement au fond, origine conseil de prud'hommes - formation paritaire de clermont-ferrand, décision attaquée en date du 11 février 2021, enregistrée sous le n° f19/00485
Arrêt rendu ce VINGT JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors du délibéré de :
M. Christophe RUIN, Président
Mme Sophie NOIR, Conseiller
Mme Karine VALLEE, Conseiller
En présence de Mme Séverine BOUDRY, Greffier lors des débats et de Mme Nadia BELAROUI, Greffier lors du prononcé
ENTRE :
S.E.L.A.R.L. [A] en qualité de Liquidateur Judiciaire de la SARL [W] TRAITEUR
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Philippe CRETIER de la SELARL JURIDOME, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
APPELANTE
ET :
Mme [G] [Z] [I]
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentée par Me Anne PACCARD suppléant Me Jean-françois CANIS de la SCP CANIS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/005711 du 28/05/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de CLERMONT-FERRAND)
Association UNEDIC AGS CGEA ORLEANS , Association déclarée, représentée par sa Directrice Nationale, Madame [V] [K],
[Adresse 1]
[Localité 7]
Représentée par Me Emilie PANEFIEU, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
INTIMEES
M. RUIN, Président et Mme NOIR, Conseiller après avoir entendu M. RUIN Président en son rapport à l'audience publique du 24 avril 2023, tenue par ces deux magistrats, sans qu'ils ne s'y soient opposés, les représentants des parties en leurs explications, en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré aprés avoir informé les parties que l'arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE
La SARL [W] TRAITEUR (RCS CLERMONT-FERRAND 433 328 945) est une entreprise qui exploitait un fonds de commerce de charcuterie situé à [Localité 5] puis à [Localité 4] (63).
Madame [G] [Z] épouse [I], née le 21 octobre 1980, a été embauchée à compter du 3 janvier 2007 par la société [W] TRAITEUR, représentée par son dirigeant d'alors, Monsieur [X] [W], selon contrat de travail à durée indéterminée, à temps complet, en qualité de personnel de vente (animatrice de vente - agent de maîtrise - coefficient 230 de la convention collective nationale de la charcuterie de détail).
Au cours de l'année 2008, la société [W] TRAITEUR a été reprise par Monsieur [M] [I] qui en est devenu le gérant. Le contrat de travail de Madame [G] [Z], épouse de Monsieur [M] [I], n'a pas été modifié, et la salariée a conservé ses fonctions.
Le 1er octobre 2013, un avenant au contrat de travail de Madame [G] [Z] épouse [I] a été conclu, prévoyant qu'elle serait désormais employée à temps partiel (salaire mensuel brut de base d'environ 1.000 euros pour 84,50 heures de travail par mois selon les bulletins de paie produits à compter de janvier 2014).
Le 4 avril 2014, l'URSSAF D'AUVERGNE a assigné la SARL [W] TRAITEUR, représentée par son gérant, Monsieur [M] [I], devant le tribunal de commerce de CLERMONT-FERRAND, afin de constater l'état de cessation des paiements de l'entreprise.
Par jugement du 23 avril 2014, le tribunal de commerce de CLERMONT-FERRAND a notamment :
- prononcé à l'encontre de la SARL [W] TRAITEUR l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ;
- désigné Maître [J] [L] en qualité de mandataire judiciaire ;
- fixé à six mois la durée de la période d'observation.
Par jugement du 27 mai 2015, le tribunal de commerce de CLERMONT-FERRAND a arrêté un plan de redressement par continuation de l'activité de la SARL [W] TRAITEUR et désigné la SELARL [A], représentée par Maître [J] [L], en qualité de commissaire à l'exécution du plan.
Le 21 février 2018, la SELARL [A], représentée par Maître [J] [L], en qualité de commissaire à l'exécution du plan, a saisi le tribunal de commerce de CLERMONT-FERRAND afin de résiliation du plan de redressement.
Par jugement du 29 mars 2018, le tribunal de commerce de CLERMONT-FERRAND a notamment :
- prononcé la résolution du plan de redressement de la SARL [W] TRAITEUR ;
- ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la SARL [W] TRAITEUR ;
- fixé au 31 décembre 2016 la date de cessation des paiements;
- désigné la SELARL [A], représentée par Maître [J] [L], en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL [W] TRAITEUR ;
- autorisé la poursuite de l'activité pour une période de deux mois et ce, pour les seuls besoins de la liquidation judiciaire.
Après un entretien préalable qui s'est tenu le 27 avril 2018, la SELARL [A], représentée par Maître [J] [L], en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL [W] TRAITEUR, a notifié, par courrier recommandé daté du 15 mai 2018, à Madame [G] [Z] épouse [I] son licenciement pour motif économique (fin du délai de réflexion pour le contrat de sécurisation professionnelle au 18 mai 2018 ; dispense d'exécution du préavis).
Madame [G] [Z] épouse [I] a fait valoir auprès du liquidateur judiciaire une créance résultant de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail avec la société [W] TRAITEUR. Par courrier daté du 25 juillet 2018, le liquidateur a indiqué à l'avocat de Madame [G] [Z] épouse [I] que la créance de sa cliente pouvait être contestée par l'AGS au motif qu'il pouvait être considéré que la requérante s'était comportée d'avantage comme une gérante de fait que comme une salariée.
Le 30 janvier 2019, Madame [G] [Z] épouse [I] a saisi le conseil des prud'hommes de CLERMONT-FERRAND S.A.S PERMS aux fins notamment de voir fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société [W] TRAITEUR aux sommes suivantes :
* 27.552,10 euros euros (brut) à titre de rappel de salaire pour la période 2014-2018,
* 1.733,42 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,
* 2.887 euros au titre de l'indemnité de licenciement,
* 2.038 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 203,80 euros au titre des congés payés afférents.
L'audience devant le bureau de conciliation et d'orientation s'est tenue en date du 11 avril 2019 (convocation notifiée au défendeur le 7 février 2019) et, comme suite au constat de l'absence de conciliation, l'affaire été renvoyée devant le bureau de jugement.
Par jugement contradictoire rendu le 11 février 2021 (audience du 8 octobre 2020), le conseil des prud'hommes de CLERMONT-FERRAND a :
- fixé la créance de Madame [G] [Z] [I] au passif de l'EURL [W] TRAITEUR aux sommes suivantes :
* 19.500,23 euros à titre de rappel de salaires, outre 718,39 euros au titre des congés payés afférents,
* 1.773,42 euros au titre des congés payés pour la période du 1er juin 2016 au 18 mai 2018,
* 2.038 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 203,80 euros au titre des congés payés afférents,
* 2.887 euros au titre de l'indemnité de licenciement ;
- débouté Madame [Z] [I] de ses autres demandes ;
- ordonné à la SELARL [A] de remettre à Madame [Z] [I] ses documents de fin de contrat, son solde de tout compte, une attestation Pôle Emploi, un certificat de travail sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 45ème jour suivant la notification du présent jugement, le Conseil se réservant le droit de liquider l'astreinte ;
- dit le présent jugement opposable au CGEA d'[Localité 7], appelé en intervention en sa qualité de gestionnaire de l'AGS dans les limites prévues aux articles L.3253-1 et suivants (article L.3253-8) D.3253-5 du Code du travail et du décret n°2003-684 du 24 juillet 2003 ;
- constaté les limites de leur garantie ;
- dit et jugé que le présent jugement ne prononce pas de condamnation à leur encontre ;
- dit et jugé que l'AGS ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L.3253-1 et suivants du Code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L.3253-1 et suivants du Code du travail (article L.3253-8 du Code du travail) ;
- dit et jugé que l'obligation du CGEA de faire l'avance de la somme à laquelle sera évalué le montant total des créances garanties, compte tenu des plafonds applicables ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire ;
- dit et jugé que le jugement d'ouverture arrête le cours des intérêts légaux (articles L.622-28 et suivants du Code de commerce) ;
- dit et jugé que les dépens seront supportés par la partie défenderesse.
Le 1er mars 2021, la SELARL [A], représentée par Maître [J] [L], en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL [W] TRAITEUR, a interjeté appel de ce jugement. La procédure d'appel, enregistrée sous le numéro RG 21/00497, a été distribuée à la chambre sociale de la cour d'appel de Riom.
Par ordonnance du 15 juillet 2021, la première présidente de la cour d'appel de Riom a rejeté la demande d'arrêt de l'exécution provisoire attachée au jugement du 11 février 2021 qui avait été présentée par la SELARL [A], représentée par Maître [J] [L], en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL [W] TRAITEUR.
Le 17 janvier 2022, Madame [G] [Z] épouse [I] a de nouveau saisi le conseil des prud'hommes de CLERMONT FERRAND afin notamment de faire liquider l'astreinte concernant la remise de documents ordonnée selon jugement du 11 février 2021.
Par jugement contradictoire rendu le 15 septembre 2022, le conseil des prud'hommes de CLERMONT-FERRAND a notamment :
- ordonné la liquidation de l'astreinte prononcée le 11 février 2021 ;
- condamné la SELARL [A], représentée par Maître [J] [L], en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL [W] TRAITEUR, à payer et porter à Madame [Z] [I] les sommes de :
* 14.150 euros au titre de la liquidation de l'astreinte,
* 1.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- débouté Madame [Z] [I] du surplus de ses demandes ;
- déclaré le jugement opposable à l'AGS ;
- rappelé les conditions et limites de la garantie de l'AGS ;
- rappelé que le jugement d'ouverture de la procédure collective arrête le cours des intérêts légaux ;
- condamné le mandataire judiciaire aux dépens.
Le 3 octobre 2022, la SELARL [A], représentée par Maître [J] [L], en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL [W] TRAITEUR, a interjeté appel du jugement du 15 septembre 2022. La procédure d'appel, enregistrée sous le numéro RG 22/01934, a été distribuée à la chambre sociale de la cour d'appel de Riom.
Par ordonnance rendue en date du 15 novembre 2022, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la jonction des procédures d'appel RG 21/00497 et 22/01934 sous le seul numéro RG 21/00497.
Vu les conclusions notifiées à la cour le 2 février 2023 par la SELARL [A], représentée par Maître [J] [L], en qualité de liquidateur judiciaire de la société [W] TRAITEUR,
Vu les conclusions notifiées à la cour le 21 mars 2023 par l'association UNEDIC, délégation AGS, CGEA d'[Localité 7],
Vu les conclusions notifiées à la cour le 24 mars 2023 par Madame [G] [Z] épouse [I],
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 27 mars 2023.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses dernières écritures, la SELARL [A], représentée par Maître [J] [L], en qualité de liquidateur judiciaire de la société [W] TRAITEUR, demande à la cour de :
- dire et juger recevables et bien fondés ses appels :
- à l'encontre d'une part, de la décision rendue par le conseil des prud'hommes de CLERMONT-FERRAND le 11 février 2021 ;
- à l'encontre, d'autre part, de la décision rendue par cette même juridiction, le 15 septembre 2022 ;
' S'agissant de la décision rendue le 11 février 2021 :
- réformer cette décision en toutes ses dispositions ;
- faire parallèlement droit à ses demandes ;
- dire et juger que la renonciation par Madame [Z] [I] au versement de ses salaires tant antérieurement à l'ouverture de la procédure de redressement, que postérieurement à l'adoption du plan de continuation, caractérise une implication de fait dans la gestion et les choix financiers stratégiques de l'employeur, ayant eu pour conséquence de masquer les difficultés financières de celui-ci et de retarder l'état de cessation des paiements ;
- dire et juger en conséquence que Madame [Z] [I] ne se trouvait pas dans une relation de subordination caractéristique de l'existence d'un contrat de travail ;
- dire et juger que Madame [Z] [I] était gérante de fait de la société [W] TRAITEUR ;
- débouter dès lors purement et simplement Madame [Z] [I] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
A titre subsidiaire, et si par extrême impossible votre Juridiction ne devait pas faire sienne la jurisprudence de la Cour de cassation alors :
- dire et juger que la créance invoquée par Madame [Z] [I] a fait l'objet d'une novation en créance civile ;
- débouter dès lors purement et simplement Madame [Z] [I] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
A titre infiniment subsidiaire, et si par impossible votre Cour ne faisait pas droit aux demandes qui précèdent, alors dire et juger que toute demande de rappel de salaire antérieure au 15 mai 2015 s'avère radicalement prescrite ;
En toutes hypothèses, et s'agissant des demandes indemnitaires présentées à son égard ;
- dire et juger celles-ci irrecevables puisque présentées à son encontre, à titre personnel ;
- dire et juger par ailleurs totalement infondées les demandes présentées à son égard ;
- dire et juger qu'elle n'a commis aucune faute susceptible d'entraîner la mise en jeu de sa responsabilité ;
- débouter dès lors purement et simplement Madame [Z] [I] de ses demandes, fins et conclusions de ce chef ;
' S'agissant de la décision rendue par le conseil des prud'hommes de CLERMONT-FERRAND le 15 septembre 2022,
- réformer cette décision en ce qu'elle a ordonné la liquidation de l'astreinte prononcée par le Conseil des prud'hommes de CLERMONT-FERRAND, le 11 février 2021, et la condamner à payer et porter à Madame [Z] [I] les sommes de :
- 14.150 euros au titre de la liquidation de l'astreinte ;
- 1.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
A titre principal, et pour le cas où votre Cour reconnaîtrait la gestion de fait et réformerait en conséquence la décision rendue par le Conseil des prud'hommes de CLERMONT-FERRAND, le 11 février 2021, alors :
- dire et juger que l'astreinte et la demande de liquidation judiciaire corrélative ne seraient plus fondées ;
A titre subsidiaire sur ce point, et si votre Juridiction devait reconnaître la novation de créance salariale en une créance civile, alors là encore :
- dire et juger que la demande d'astreinte de liquidation ne serait pas plus fondée ;
A titre très infiniment subsidiaire, et si par impossible votre Cour devait reconnaître la qualité de salariée et la nature salariale de la créance, alors :
- ramener celle-ci à de beaucoup plus justes proportions au regard des éléments de l'affaire.
L'appelante demande à la cour de débouter Madame [Z] [I] de ses demandes aux motifs qu'une gestion de fait serait caractérisée vu la jurisprudence de la Cour de cassation. Elle rappelle que l'AGS a contesté la qualité de salariée, Madame [Z] [I] étant l'épouse de Monsieur [I], ancien dirigeant de la SARL [W] TRAITEUR. Elle invoque une décision rendue par la Chambre sociale de la Cour de cassation le 27 septembre 2017, pour relever la gestion de fait. En effet, elle considère que le fait que Madame [Z] [I] se soit abstenue de demander le paiement des salaires avant l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société, constitue un acte positif de gestion caractérisant la gestion de fait.
A titre subsidiaire, si la Cour venait à ne pas faire application de la jurisprudence précitée, la SELARL [A] invoque la novation de la créance invoquée par Madame [Z] [I] en créance civile.
A titre très infiniment subsidiaire, la SELARL [A] invoque la prescription des demandes de rappel de salaire de Madame [Z] [I] antérieures au 15 mai 2015, en application des dispositions légales, qui prévoient que les actions en paiement de salaire ne peuvent porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années avant la rupture du contrat, en l'espèce, le 15 mai 2018.
La SELARL [A] soutient n'avoir commis aucune faute et fait valoir qu'elle ne peut être condamnée à des dommages-intérêts qu'en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société [W] TRAITEUR.
En ce qui concerne la demande de liquidation de l'astreinte ainsi que les demandes indemnitaires complémentaires de Madame [Z] [I], elle soulève également leur irrecevabilité en raison de la condamnation prononcée à son encontre à titre personnel en première instance, alors qu'elle aurait dû être prononcée à son encontre mais en qualité de mandataire liquidateur. A titre subsidiaire sur ce point, elle relève que Madame [Z] [I] n'apporte pas la preuve d'un quelconque préjudice subi de sorte qu'elle devra être déboutée de ses demandes ou à tout le moins, elles devront être réduites en de plus justes proportions.
Dans ses dernières écritures, l'association UNEDIC, délégation AGS, CGEA d'[Localité 7], demande à la cour de :
A titre principal,
- réformer le jugement du 11 février 2021 rendu par le Conseil des prud'hommes de CLERMONT-FERRAND sauf en ce qu'il a débouté Madame [G] [Z] [I] de ses autres demandes notamment au titre des dommages et intérêts ;
Se faisant et statuant à nouveau,
- dire et juger que Madame [G] [Z] [I] n'avait plus la qualité de salariée de la SARL [W] TRAITEUR ;
- dire et juger que l'attitude de Madame [G] [Z] [I] relève d'une implication de fait dans la gestion et les choix financiers stratégiques de l'entreprise de son époux, Monsieur [M] [I] ;
Par conséquent,
- dire et juger que Madame [G] [Z] [I] avait la qualité de dirigeant de fait de la SARL [W] TRAITEUR ;
- condamner Madame [G] [Z] [I] à rembourser à l'UNEDIC, AGS/CGEA les sommes avancées en brut selon relevé de créance ;
- débouter Madame [G] [Z] [I] du surplus de ses fins, demandes et conclusions ;
A titre subsidiaire,
Si par impossible la Cour devait reconnaître l'existence d'une relation salariale,
- déclarer prescrites les demandes de rappel de salaires antérieurs au 15 mai 2015 ;
- dire et juger que la créance salariale de Madame [G] [Z] [I] s'est novée en créance civile ;
- déclarer exclue la garantie de l'UNEDIC, AGS/CGEA s'agissant des créances civiles ;
Par conséquent,
- débouter Madame [G] [Z] [I] de sa demande de rappel de salaire outre congés payés ;
- débouter Madame [G] [Z] [I] de sa demande au titre de préavis outre congés payés afférents ;
- débouter Madame [G] [Z] [I] de sa demande au titre de l'indemnité légale de licenciement ;
- débouter Madame [G] [Z] [I] de sa demande au titre des dommages et intérêts ;
- débouter Madame [G] [Z] [I] de l'intégralité de ses fins, demandes et conclusions ;
- dire et juger que Madame [G] [Z] [I] est forclose pour faire valoir d'éventuelles créances salariales antérieures au 27 mai 2015, date d'adoption du plan de redressement ;
- exclure les demandes d'astreinte de la garantie de l'UNEDIC, AGS/CGEA ;
- exclure les demandes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile de la garantie de l'UNEDIC, AGS/CGEA ;
A titre infiniment subsidiaire,
- déclarer le jugement à intervenir opposable à l'AGS et au CGEA d'[Localité 7] en qualité de gestionnaire de l'AGS dans les limites prévues aux articles L.3252-1 et suivants (articles L.3253-8), D.3253-5 du Code du travail et du décret n°2003-684 du 24 juillet 2003 ;
- plafonner la garantie de l'AGS, toutes créances avancées pour le compte du salarié, au plafond 6 défini à l'article D.3253-5 du Code du travail ;
- appliquer les limites légales et jurisprudentielles de la garantie de l'UNEDIC ;
- déclarer que le jugement à intervenir ne saurait prononcer une quelconque condamnation à leur encontre ;
- déclarer que l'UNEDIC, AGS/CGEA ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L.3253-1 et suivants du Code du travail (article L.3253-8 du Code du travail) que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L.3253-1 et suivants du Code du travail (article L.3253-8 du Code du travail) ;
- déclarer que l'obligation de l'UNEDIC, AGS/CGEA de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire ;
- arrêter le cours des intérêts à la date du jugement d'ouverture de la procédure collective (article L.622-28 du Code de commerce et suivants).
A titre principal, l'AGS CGEA d'[Localité 7] demande à la cour de débouter Madame [Z] [I] de l'intégralité de ses demandes aux motifs qu'elle n'aurait pas la qualité de salariée du fait de son implication dans la gestion de la SARL [W] TRAITEUR. A ce titre, elle développe le même argumentaire que la SELARL [A] et ajoute que Madame [Z] [I] aurait même implicitement reconnu cette gestion de fait, en acceptant l'avenant proposé ainsi que la suspension de ses salaires, en raison des difficultés économiques rencontrées par la société dirigée par son époux. Or, en masquant volontairement l'ampleur des difficultés financières de la société, Madame [Z] [I] aurait contribué à l'adoption d'un plan de redressement sur la base d'un passif erroné.
A titre subsidiaire, si le moyen invoqué venait à être écarté par la Cour, l'AGS CGEA d'[Localité 7] invoque également la novation de la créance invoquée par Madame [Z] [I] en une créance civile selon les mêmes arguments que ceux de la SELARL [A]. Elle rappelle que Madame [Z] [I] a renoncé expressément au paiement de ses salaires de sorte que la volonté de nover est caractérisée.
En outre, l'AGS d'[Localité 7] fait valoir la forclusion de Madame [Z] [I] au regard des dispositions du Code de commerce, qui prévoient que, dans le cadre d'une procédure de redressement, le salarié dont la créance ne figure pas dans le plan doit saisir le conseil des prud'hommes dans les deux mois à compter de l'accomplissement de la mesure de publicité pour la déclarer. Or, en l'espèce, l'état de créances aurait été publié au BODACC le 10 février 2015, de sorte qu'elle aurait dû agir avant le 10 avril 2015. Elle invoque également, au même titre que la SELARL [A], la prescription des demandes antérieures au 15 mai 2015, en application des dispositions du Code du travail.
Elle demande également à la Cour de débouter Madame [Z] [I] de sa demande de dommages et intérêts puisqu'elle n'apporterai pas la preuve d'un quelconque préjudice.
A titre infiniment subsidiaire, elle demande à la cour de dire et juger que sa garantie est plafonnée et donc d'en exclure un certain nombre de charges.
Dans ses dernières écritures, Madame [G] [Z] épouse [I] demande à la cour de :
- dire mal appelé, partiellement bien jugé,
En conséquence,
' Concernant le jugement rendu le 11 février 2021 par le Conseil des prud'hommes :
- confirmer le jugement rendu le 11 février 2021 par le conseil des prud'hommes en ce qu'il a :
- fixé la créance de Madame [G] [Z] [I] au passif de l'EURL [W] TRAITEUR aux sommes suivantes :
- 19.500,23 euros à titre de rappel de salaires ;
- 718,39 euros au titre des congés payés ;
- 1.773,42 euros au titre des congés payés pour ma période du 01 juin 2016 au 18 mai 2018 ;
- 2.038 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;
- 203,80 euros au titre des congés payés afférents ;
- 2.887 euros au titre de l'indemnité de licenciement ;
- ordonné à la SELARL [A] de remettre à Madame [Z] [I] ses documents de fin de contrat ; son solde de tout compte, une attestation Pôle Emploi un certificat de travail sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 45ème jour suivant la notification du présent jugement, le Conseil se réservant le droit de liquider l'astreinte ;
- dit le présent jugement opposable au CGEA d'[Localité 7], appelé en intervention en sa qualité de gestionnaire de l'AGS ;
Pour le surplus,
- infirmer le jugement rendu le 11 février 2021 par le Conseil des prud'hommes et statuant à nouveau :
- fixer sa créance à la somme de 27.552,10 euros au titre de rappel de salaire ;
- dire et juger la SELARL [A] à commis des fautes en ne faisant pas le nécessaire pour régulariser sa situation dans un délai normal, plaçant celle-ci dans une grave difficulté financière, avec toutes les conséquences sur le plan psychologique que cela peut avoir ;
En conséquence,
- condamner la SELARL [A] pour les faits fautifs commis par cette société dans l'exercice de ses fonctions à une somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
' Concernant le jugement rendu par le conseil des prud'hommes de CLERMONT-FERRAND le 15 septembre 2022 :
- confirmer le jugement rendu par le conseil des prud'hommes de CLERMONT-FERRAND le 15 septembre 2022 en ce qu'il a :
- confirmé la liquidation de l'astreinte prononcée lui-même le 11 février 2021 ;
- condamné la SELARL [A], es qualité de mandataire liquidateur de l'EURL [W] TRAITEUR au paiement des sommes suivantes :
- 14.150 euros au titre de la liquidation de l'astreinte ;
- 1.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- infirmer le jugement rendu par le conseil des prud'hommes de CLERMONT-FERRAND le 15 septembre 2022 en ce qu'il :
- l'a déboutée de sa demande de condamnation de la SELARL [A] es qualité de mandataire liquidateur de l'EURL [W] TRAITEUR à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
Statuant à nouveau,
- condamner la SELARL [A] es qualité de mandataire liquidateur de l'EURL [W] TRAITEUR à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
En tout état de cause,
- écarter des débats les pièces 6,7 et 10 versées par la SARL [A], es qualité ;
- condamner la SELARL [A], es qualité à lui payer la somme de 4.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Madame [Z] [I] demande à la cour de confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a reconnu qu'elle était créancière de la SARL [W] TRAITEUR pour les rappels des salaires non versés entre 2014 et 2018. Elle fait valoir qu'elle était effectivement salariée de la société, au regard de son contrat de travail à durée indéterminée ainsi que des éléments caractéristiques de la relation de travail pour lesquels il appartient à celui que la conteste d'en apporter la preuve. Au contraire, elle conteste toute implication dans la gestion de la société dirigée par son époux et relève que la SELARL [A] échoue à apporter la preuve d'actes positifs de gestion. En ce qui concerne la jurisprudence invoquée par cette dernière, elle estime que les faits présentés dans cette décision ne sont pas identiques à sa situation, puisqu'il s'agissait de paiement de salaires dus antérieurement à la procédure collective or, en l'espèce, elle sollicite le règlement des salaires à compter de l'ouverture de la procédure d'observation.
Elle conteste également la novation de sa créance en créance civile telle qu'invoquée par la SELARL [A], puisqu'elle n'aurait pas renoncé définitivement au paiement de ses salaires et donc manifesté clairement sa volonté d'éteindre l'obligation en paiement de ses rémunérations de sorte que la volonté de nover n'est pas claire et non équivoque.
S'agissant de la prescription, elle s'en remet à droit.
En revanche, en ce qui concerne la forclusion invoquée par l'AGS d'[Localité 7], elle rappelle que le conseil des prud'hommes de CLERMONT-FERRAND a relevé qu'il n'existait pas de créance inscrite avant le 27 mai 2017 de sorte que la question a été tranchée.
S'agissant des dommages et intérêts qu'elle sollicite, elle demande à la cour de réformer le jugement de première instance sur ce point et rappelle que la SELARL [A], en qualité, a manqué à de multiples reprises à ses obligations.
En ce qui concerne la liquidation de l'astreinte, Madame [Z] [I] demande à la cour de confirmer le jugement rendu par le conseil des prud'hommes de CLERMONT-FERRAND le 15 septembre 2022, puisque la SELARL [A] aurait fait preuve d'une résistance abusive non justifiée en refusant de lui transmettre l'ensemble de ses documents de fin de contrat, ce qui lui aurait nécessairement causé un préjudice. Si elle reconnaît que la mention « es qualité » a été oubliée dans les motifs du jugement, elle considère que cela n'est pas suffisant pour rendre la demande irrecevable, d'autant plus qu'il n'est pas contesté que la SELARL [A] a bien été convoquée à l'instance « ès qualités ».
Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions, moyens et arguments des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux dernières conclusions régulièrement notifiées et visées.
MOTIFS
À titre liminaire, la cour relève, à la lecture des pièces versées aux débats, que ce dossier ne concerne pas une EURL mais la SARL [W] TRAITEUR.
Dans ses dernières écritures, Madame [G] [Z] épouse [I] demande à la cour de 'En tout état de cause, écarter des débats les pièces 6,7 et 10 versées par la SARL [A], es qualité'. Cette demande, qui n'est en rien explicitée dans la partie 'discussion' de ses dernières écritures, ne peut être que rejetée pour défaut de fondement.
- Concernant le jugement du 11 février 2021 -
- Sur la situation de Madame [G] [Z] épouse [I] au sein de la SARL [W] TRAITEUR -
Il est constant que Madame [G] [Z] était, à l'époque considérée dans le cadre du présent litige, l'épouse de Monsieur [M] [I] qui est devenu l'associé majoritaire et le gérant de la SARL [W] TRAITEUR à compter de l'année 2008.
Il n'est ni justifié ni même prétendu que Madame [G] [Z] épouse [I] aurait été associée ou caution vis-à-vis de la SARL [W] TRAITEUR ni qu'elle aurait souscrit un quelconque engagement financier à titre personnel concernant cette entreprise. Aucun mandat social n'a été confié en apparence à Madame [G] [Z] épouse [I] s'agissant de la SARL [W] TRAITEUR.
Le 3 janvier 2007, Madame [G] [Z] épouse [I] a signé un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet avec la société [W] TRAITEUR, représentée par son dirigeant d'alors, Monsieur [X] [W], et non par Monsieur [M] [I] qui, en apparence vu les seules pièces versées aux débats, était alors un salarié de l'entreprise et n'avait à cette date aucun mandat social ou pouvoir de gestion ou de direction ou de recrutement.
Jusqu'en septembre 2017, la société [W] TRAITEUR a délivré à Madame [G] [Z] épouse [I] des bulletins de paie mentionnant le règlement mensuel du salaire contractuel.
Il n'est ni justifié ni même prétendu que Madame [G] [Z] épouse [I] n'aurait pas exercé de façon effective des tâches de personnel de vente au sein de la société [W] TRAITEUR de janvier 2007 à mai 2018, en tout cas jusqu'à l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire en date du 29 mars 2018.
À compter du 23 avril 2014, la SARL [W] TRAITEUR a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire sans qu'il soit désigné apparemment un administrateur judiciaire, en assistance ou remplacement du gérant de droit. À compter du 27 mai 2015, la SARL [W] TRAITEUR exécutait un plan de redressement judiciaire, sans qu'apparemment Monsieur [M] [I] n'ait été dessaisi de la gestion de la société [W] TRAITEUR.
Ce n'est qu'à compter du 29 mars 2018, lorsque la SARL [W] TRAITEUR a été placée en liquidation judiciaire que Monsieur [M] [I] a été dessaisi de façon effective de la gestion de la société [W] TRAITEUR.
Il n'est pas contesté qu'à compter de janvier 2014, la société [W] TRAITEUR n'a plus réglé à Madame [G] [Z] épouse [I] l'intégralité des salaires dus à la salariée (salaire mensuel brut de base d'environ 1.000 euros pour 84,50 heures de travail par mois), au point que désormais Madame [G] [Z] épouse [I] réclame le paiement d'une somme globale 27.552,10 euros (brut) au titre des salaires impayés pour la période 2014-2018.
Il n'est pas contesté qu'à compter d'octobre 2017, la société [W] TRAITEUR n'a plus délivré de bulletins de paie à Madame [G] [Z] épouse [I].
À la lecture des écrits, requêtes et conclusions de Madame [G] [Z] épouse [I], il apparaît clairement que celle-ci, avant l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, a d'abord accepté de passer d'un travail à temps complet à un emploi à temps partiel (1er octobre 2013) , de ne plus percevoir l'intégralité de sa rémunération contractuelle (à compter de début 2014), puis même de ne plus se voir délivrer de bulletins de paie (à compter d'octobre 2017), en raison de sa connaissance des difficultés économiques de l'entreprise et de sa proximité avec le gérant de la SARL [W] TRAITEUR. À titre d'exemple, dans ses dernières conclusions, Madame [G] [Z] épouse [I] indique qu'elle a accepté dès le 1er octobre 2013 de signer une avenant pour un emploi à temps partiel en raison des difficultés économiques de l'entreprise et afin d'anticiper l'ouverture d'une procédure collective. De même dans un courrier daté du 6 novembre 2018, l'avocat de Madame [G] [Z] épouse [I] écrivait au liquidateur judiciaire à propos de sa cliente : 'Il y a une période où elle accepté de ne pas être payée, connaissant les difficultés de la société et étant proche de son gérant ; cela ne signifie pas qu'elle est dans une situation de gérance de fait.'.
Il est constant qu'avant l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire (29 mars 2018), alors que la société [W] TRAITEUR était gérée par son époux, Madame [G] [Z] épouse [I] n'a jamais réclamé à son employeur apparent ni le règlement de l'intégralité de sa rémunération contractuelle, ni même la délivrance de bulletins de paie à compter d'octobre 2017. L'avocat de Madame [G] [Z] épouse [I] a entamé des démarches auprès du liquidateur judiciaire en ce sens à compter de juin 2018.
- Sur la qualité de salariée ou de dirigeante de fait -
' Le juge prud'homal est compétent pour statuer sur l'existence d'un contrat de travail et sur la détermination de la qualité d'employeur.
En l'absence de définition légale du contrat de travail, la jurisprudence considère qu'il y a contrat de travail quand une personne (salarié) s'engage à travailler pour le compte et sous la direction d'une autre (employeur, personne morale ou physique) moyennant rémunération.
Cette définition jurisprudentielle du contrat de travail fait apparaître trois éléments :
- la prestation de travail, qui peut avoir pour objet les tâches les plus diverses (travaux manuels, intellectuels, artistiques...), dans tous les secteurs professionnels ;
- la rémunération, contrepartie de la prestation de travail, peu importe qu'elle soit versée en argent ou en nature et calculée au temps, aux pièces ou à la commission ;
- la subordination juridique du salarié qui accepte de fournir une prestation de travail vis-à-vis de l'employeur qui le rémunère en conséquence (critère décisif).
Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. La subordination juridique est un critère spécifique et fondamental du contrat de travail. La dépendance économique ou les liens économiques ne caractérisent pas à eux-seuls l'existence d'un contrat de travail, la subordination économique ne pouvant être assimilée à la subordination juridique. Le pouvoir de direction, de contrôle et de sanction de l'employeur, qui marque l'existence d'un lien de subordination, peut apparaître à travers différentes contraintes ou obligations imposées par l'employeur (lieu de travail, horaires, fourniture du matériel, mise à disposition du personnel, intégration à une service organisé etc.) qui constituent des simples indices en la matière.
L'existence d'une relation de travail salariale ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs. C'est en principe à celui qui se prévaut d'un contrat de travail d'en établir l'existence. Toutefois, en présence d'un contrat de travail apparent, il incombe à celui qui invoque son caractère fictif d'en rapporter la preuve.
' La qualité de dirigeant de fait d'une société est caractérisée par l'immixtion dans des fonctions déterminantes pour la direction générale de l'entreprise. Est dirigeant de fait celui qui est le véritable animateur de la société. Le dirigeant de fait se définit comme celui qui en toute indépendance et liberté exerce une activité positive de gestion et de direction et se comporte, sans partage, comme maître de l'affaire. Il va exercer cette activité positive de gestion et de direction de l'entreprise sous le couvert et au lieu et place du représentant légal. Le dirigeant de fait va exercer toutes les attributions qui sont dévolues au dirigeant de droit.
L'attribution de la qualité de dirigeant de fait à une personne suppose que celle-ci a indûment participé à la gestion de la société, qu'elle a violé le principe de non immixtion dans la gestion de cette société. L'immixtion dans la gestion de la société est l'exercice indu, par une personne, du pouvoir que le droit reconnaît normalement au dirigeant social régulièrement désigné.
La Cour de cassation a donné la définition suivante des dirigeants de fait : 'Les personnes tant physiques que morales qui, dépourvues de mandat social, se sont immiscées dans la gestion, l'administration ou la direction d'une société, celles qui en toutes souveraineté et indépendance, ont exercé une activité positive de gestion et de direction engageant la société sous couvert ou au lieu et place de ses représentants légaux.'
Pour retenir une direction ou gérance de fait de l'entreprise, les juges ne considèrent pas un seul critère qui serait déterminant mais un faisceau d'indices (direction des affaires sociales, signature des documents commerciaux et administratifs, engagements bancaires, réalisation d'opérations ou d'acquisitions importantes etc.). La notion de dirigeant de fait nécessite la réunion d'un faisceau d'indices concordants, comme la signature bancaire, la signature des documents commerciaux et administratifs ou la gestion effective de contrats d'importance avec les clients.
Le dirigeant de fait peut avoir un lien avec la société, rémunéré ou non (salarié, associé, actionnaire,') ou être en relation avec elle (fournisseur, client) ou bien encore être juste un proche du dirigeant de droit.
Le dirigeant de fait peut être aussi bien une personne physique qu'une personne morale. La qualité de dirigeant de fait ne se présumant pas, il appartient à celui qui en soutient l'existence d'en apporter la preuve. Être associé minoritaire de l'entreprise, conjoint ou concubin ou amant du dirigeant de droit ne vaut pas présomption de gérance ou direction de fait ni d'absence de lien de subordination.
' Les fonctions de dirigeant de société exercées dans le cadre d'un mandat social échappent en principe au droit du travail. Le dirigeant de société peut toutefois avoir la qualité de salarié s'il remplit les conditions pour cumuler un contrat de travail avec son mandat social.
La validité du cumul d'un mandat social avec un contrat de travail suppose que ce dernier corresponde à un emploi effectif.
Cette condition suppose la réunion des éléments suivants :
- l'exercice de fonctions techniques distinctes de celles résultant du mandat social donnant lieu à une rémunération distincte ;
- l'existence d'un lien de subordination vis-à-vis de la société;
- l'absence de fraude à la loi.
Ces conditions s'appliquent aux dirigeants de fait comme aux dirigeants de droit de sociétés.
La charge de la preuve incombe à celui qui se prévaut d'un contrat de travail, ou à celui qui la conteste en cas de contrat de travail apparent.
Sauf convention contraire, le contrat de travail d'un salarié qui devient mandataire social et qui cesse d'être lié à la société par un lien de subordination est suspendu pendant la durée du mandat social.
La charge de la preuve de la coexistence d'un contrat de travail et d'un mandat social revient en principe à celui qui s'en prévaut. Toutefois, lorsque la conclusion du contrat de travail est antérieure à la nomination comme dirigeant, il incombe à la partie qui soutient qu'il a été mis fin au contrat de travail par la situation de gérance (disparition du lien de subordination) d'en rapporter la preuve.
' En l'espèce, aucun mandat social apparent ne liait la société [W] TRAITEUR à Madame [G] [Z] épouse [I], pas plus qu'il n'est justifié d'un lien capitalistique.
Par contre, un contrat de travail apparent liait la société [W] TRAITEUR et Madame [G] [Z] épouse [I]. Ce constat de la cour résulte de la lecture du contrat de travail écrit et des bulletins de paie versés aux débats ainsi que de l'article de presse du 1er octobre 2014 concernant l'activité de l'intimée au sein du magasin de l'entreprise situé à [Localité 4].
Cette relation salariale apparente a commencé en janvier 2007, soit avant que l'époux de Madame [G] [Z] ne devienne associé, en tout cas associé majoritaire, et gérant de la société [W] TRAITEUR. Il n'est pas contesté que la société [W] TRAITEUR a versé des salaires à Madame [G] [Z] épouse [I], pour partie seulement des sommes dues à compter de 2014, pour une prestation effective de vendeuse au sein du fonds de commerce de charcuterie-traiteur et ce, de janvier 2007 jusqu'à l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire le 29 mars 2018.
Il est donc présumé que Madame [G] [Z] épouse [I] avait la qualité de salariée de la société [W] TRAITEUR, pour un emploi de vendeuse ou d'animatrice de vente, du 3 janvier 2017 au18 mai 2018.
Il appartient en conséquence au liquidateur judiciaire et au gestionnaire de l'AGS de démontrer l'absence de lien de subordination entre Madame [G] [Z] épouse [I] et la société [W] TRAITEUR du fait de la qualité de dirigeante de fait de la salariée présumée.
Or, force est de constater qu'il n'est justifié d'aucun acte positif de la part de Madame [G] [Z] épouse [I] pouvant permettre de considérer que celle-ci se serait immiscée dans la gestion, l'administration ou la direction de la société [W] TRAITEUR, et qu'elle pourrait relever de la qualification de dirigeante de fait au sens des principes susvisés.
L'article de presse du 1er octobre 2014 mentionne Monsieur [M] [I] et Madame [G] [Z] épouse [I] comme un 'couple de commerçants' et leur prête du 'nous' ainsi que du 'traditionnelle et familiale' quant à la description de leur activité professionnelle au sein du magasin de charcuterie de [Localité 4], mais cela ne correspond en rien à des actes positifs pouvant caractériser une implication de l'épouse du gérant dans la direction de l'entreprise.
Il est fait état d'une nouvelle activité de charcutier-traiteur lancée conjointement à [Localité 6] (63) par Monsieur [M] [I] et Madame [G] [Z] à la fin de l'année 2020, mais cela est totalement inopérant s'agissant de la direction ou de l'activité de la société [W] TRAITEUR entre janvier 2007 et mars 2018.
En réalité, le liquidateur judiciaire et le gestionnaire de l'AGS se contentent de relever que Madame [G] [Z] était l'épouse du gérant et qu'elle a renoncé pendant quatre ans à percevoir l'intégralité de son salaire en raison des difficultés économiques de l'entreprise gérée par son époux, ce qui est insuffisant à caractériser une implication de fait de Madame [G] [Z] épouse [I] dans la gestion et les choix stratégiques de la société [W] TRAITEUR, ni une volonté de retarder l'état de cessation des paiements, pas plus qu'une relation exclusive de tout lien de subordination.
La direction de fait de Madame [G] [Z] épouse [I] comme l'absence de lien de subordination à l'égard de la société [W] TRAITEUR ne sont pas établies en l'espèce par le liquidateur judiciaire et la délégation AGS.
La cour relève l'existence d'un contrat de travail et la qualité de salariée de Madame [G] [Z] épouse [I] à l'égard de la société [W] TRAITEUR pour la période du 3 janvier 2007 au 18 mai 2018.
En conséquence, la S.E.L.A.R.L [A], en qualité de liquidateur judiciaire de la société [W] TRAITEUR, et l'association UNEDIC, délégation AGS, CGEA d'ORLEANS, seront déboutées de leurs demandes aux fins de voir juger que Madame [G] [Z] était dirigeante de fait de la société [W] TRAITEUR et ne pouvait avoir la qualité de salariée de cette entreprise.
- Sur la novation -
Aux termes de l'article 1329 du code civil : 'La novation est un contrat qui a pour objet de substituer à une obligation, qu'elle éteint, une obligation nouvelle qu'elle crée. Elle peut avoir lieu par substitution d'obligation entre les mêmes parties, par changement de débiteur ou par changement de créancier.'
Aux termes de l'article 1330 du code civil : 'La novation ne se présume pas ; la volonté de l'opérer doit résulter clairement de l'acte.'
La novation est l'opération juridique par laquelle les parties décident généralement de substituer une obligation nouvelle à une obligation préexistante qui est corrélativement éteinte. La novation a donc une double nature. Elle est une cause d'extinction de l'obligation (ancienne). Cependant, elle avant tout la création d'une obligation nouvelle (l'ancienne obligation ne disparaît pas de façon absolue).
La novation ne se présume pas. La volonté de nover doit être non équivoque et résulter clairement des faits et actes intervenus entre les parties, mais il n'est pas nécessaire que l'intention de nover soit exprimée en termes formels, dès lors qu'elle est certaine et résulte des faits de la cause. Si l'intention de nover n'est pas exprimée dans l'acte emportant novation, les juges peuvent donc la rechercher dans les faits de la cause. La volonté déteindre l'obligation ancienne doit toutefois être dépourvue d'équivoque.
L'intention de nover peut être établie par tous les modes de preuve admis par la loi ; il n'est pas nécessaire qu'un écrit constate l'acceptation du salarié pour établir la novation. La jurisprudence, tout en soulignant que l'intention de nover ne se présume pas, admet qu'elle puisse résulter d'une volonté claire, dénuée d'équivoque. Cette volonté peut être tacite, pourvu qu'elle soit certaine.
Il en va de même de la volonté de nover des créances salariales en créances civiles ou commerciales : elle peut résulter d'éléments positifs caractérisant la volonté du salarié de nover sa créance salariale.
Le seul fait pour le salarié de s'abstenir de réclamer le paiement de salaire, même sur une longue durée, ne caractérise pas une volonté de nover. Le seul fait pour le salarié d'attendre le prononcé de la liquidation judiciaire pour émettre ses revendications salariales ne constitue pas un acte positif et non équivoque de la volonté de nover.
En l'espèce, il est constant que la société [W] TRAITEUR n'a pas versé à Madame [G] [Z] épouse [I] l'intégralité des salaires contractuellement dus de janvier 2014 à mars 2018, alors que la salariée a effectué sa prestation de travail pendant cette période.
Il est également établi que Madame [G] [Z] épouse [I] n'a pas réclamé à son employeur le paiement effectif de l'intégralité de ses salaires pour la période de janvier 2014 à mars 2018 et qu'elle n'a présenté de telles demandes qu'auprès du liquidateur judiciaire après l'ouverture de la procédure collective.
Avant l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, c'est en considération des difficultés économiques de l'entreprise détenue et gérée par son époux que Madame [G] [Z] épouse [I] a clairement accepté de passer d'un travail à temps complet à un emploi à temps partiel (1er octobre 2013), de ne plus percevoir l'intégralité de sa rémunération contractuelle (à compter de début 2014), puis même de ne plus se voir délivrer de bulletins de paie (à compter d'octobre 2017), et ce afin de ne pas pénaliser la situation professionnelle, administrative et financière de son conjoint. Madame [G] [Z] épouse [I] a ainsi sciemment accepté de concourir au risque économique de l'entreprise gérée par son époux.
Au regard des éléments d'appréciation dont la cour dispose, il est établi que la société [W] TRAITEUR et Madame [G] [Z] épouse [I] avaient l'intention, pour la période de janvier 2014 à mars 2018, dans la perspective d'aider l'entreprise, de nover les créances résultant initialement du contrat de travail de la salariée en une créance civile de prêt sans intérêts.
En conséquence, du fait de cette novation des obligations pécuniaires résultant du contrat de travail, les créances de rappel de salaire invoquées par Madame [G] [Z] épouse [I] pour la période de janvier 2014 à mars 2018 ne peuvent pas être fixées au passif de la liquidation judiciaire de la société [W] TRAITEUR en tant que créances de nature salariale ou résultant de l'exécution comme de la rupture du contrat de travail, et de telles créances ne sont pas garanties par l'AGS.
La cour juge que, pour la période du 1er janvier 2014 au 28 mars 2018, Madame [G] [Z] épouse [I] est infondée à solliciter la fixation de créances de rappel de salaire au passif de la liquidation judiciaire de la SARL [W] TRAITEUR.
La cour juge que les créances de rappel de salaire revendiquées par Madame [G] [Z] épouse [I] à l'égard de la société [W] TRAITEUR pour la période du 1er janvier 2014 au 28 mars 2018 ne sont pas garanties par l'AGS.
Par contre, l'intention de nover les obligations pécuniaires résultant du contrat de travail de la salariée n'est pas établie à compter de l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire.
Pour la période du 29 mars 2018 au 18 mai 2018, Madame [G] [Z] épouse [I] est donc fondée à voir fixer ses créances d'exécution et de rupture du contrat de travail au passif de la liquidation judiciaire de la SARL [W] TRAITEUR, soit les sommes suivantes :
* 1.719,57 euros euros (brut) à titre de rappel de salaire, outre 171,95 euros au titre des congés payés afférents,
* 1.733,42 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,
* 2.887 euros au titre de l'indemnité de licenciement,
* 2.038 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 203,80 euros au titre des congés payés afférents.
En cause d'appel, il n'est pas justifié du règlement effectif de ces sommes à Madame [G] [Z] épouse [I].
Les sommes susvisées fixées au passif de la liquidation judiciaire de la SARL [W] TRAITEUR seront garanties par l'AGS dans les conditions et limites prévues par le code du travail.
Le jugement sera réformé en ce sens.
- Sur la prescription et la forclusion -
Vu les attendus qui précèdent, les demandes concernant la forclusion et la prescription quant à l'action de Madame [G] [Z] épouse [I], qui ne conteste pas en cause d'appel que ses demandes de rappels de salaire sont prescrites pour la période antérieure de plus de trois ans à la date de la rupture du contrat de travail, sont devenues sans objet.
- Sur la demande de dommages-intérêts -
Le liquidateur judiciaire de la SARL [W] TRAITEUR a fait diligence s'agissant de l'exécution et de la rupture du contrat de travail de Madame [G] [Z], alors que l'entreprise était gérée par l'époux de la salariée et que des éclaircissements étaient nécessaires dans ce cadre, que l'AGS refusait de garantir les créances revendiquées par Madame [G] [Z] épouse [I] et qu'il ne semblait pas y avoir de trésorerie disponible suffisante.
S'agissant de la délivrance des documents de fin de contrat de travail, le liquidateur judiciaire, qui estimait que Madame [G] [Z] épouse [I] n'avait pas la qualité de salariée de la société [W] TRAITEUR, n'a pas commis de résistance abusive en refusant de faire droit à cette demande de Madame [G] [Z] épouse [I] dans l'attente de la décision du conseil de prud'hommes, même si le liquidateur judiciaire était tenu, en vertu du mandat donné par le tribunal de commerce, de procéder à titre conservatoire au licenciement pour motif économique de Madame [G] [Z] épouse [I].
Le jugement sera confirmé en ce que le conseil de prud'hommes a jugé que la SELARL [A], représentée par Maître [J] [L], en qualité de liquidateur judiciaire de la société [W] TRAITEUR, n'avait pas commis de faute ayant causé un préjudice à Madame [G] [Z] épouse [I] et en ce qu'il a débouté cette dernière de sa demande de dommages-intérêts à ce titre.
- Sur les documents de fin de contrat de travail et l'astreinte -
C'est à bon droit que le conseil de prud'hommes de CLERMONT-FERRAND a ordonné à la SELARL [A] de remettre à Madame [Z] [I] ses documents de fin de contrat de travail (solde de tout compte, attestation Pôle Emploi, certificat de travail) sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 45ème jour suivant la notification du jugement.
L'omission de préciser dans le dispositif de ce jugement que le débiteur de cette obligation est la SELARL [A], représentée par Maître [J] [L], en qualité de liquidateur judiciaire de la société [W] TRAITEUR, est une simple erreur matérielle qui sera rectifiée par voie de réformation.
- Sur les dépens et frais irrépétibles -
Il échet de préciser, par voie de réformation, que les dépens de première instance seront supportés par la SELARL [A], représentée par Maître [J] [L], en qualité de liquidateur judiciaire de la société [W] TRAITEUR.
Pour le surplus, le jugement sera confirmé en ses dispositions non contraires.
- Concernant le jugement du 15 septembre 2022 -
- Sur la liquidation de l'astreinte et la demande de dommages-intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat de travail -
Il appartient au juge saisi d'une demande de liquidation d'astreinte, d'abord de tenir compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter, et, ensuite, d'apprécier que le montant de l'astreinte liquidée sera raisonnablement proportionné à l'enjeu du litige, sans prendre en considération les facultés financières du débiteur de l'astreinte.
En l'espèce, en exécution du jugement rendu le 11 février 2021 par le conseil de prud'hommes de CLERMONT-FERRAND, le liquidateur judiciaire devait remettre à Madame [G] [Z] épouse [I] ses documents de fin de contrat de travail (solde de tout compte, attestation Pôle Emploi, certificat de travail) sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 45ème jour suivant la notification du jugement du conseil de prud'hommes.
Il n'est pas contesté que ce jugement a été régulièrement notifié à la personne morale de la SELARL [A], représentée par Maître [J] [L], en qualité de liquidateur judiciaire de la société [W] TRAITEUR (accusé de réception signé). La date précise de notification par les services postaux n'est pas mentionnée mais il apparaît qu'elle est intervenue avant la fin du mois de février 2021.
Le premier juge a relevé, sans être contesté, que le liquidateur judiciaire n'a remis les documents précités à Madame [G] [Z] épouse [I] que le 14 janvier 2022.
S'agissant de l'omission matérielle dans le dispositif du jugement du 11 février 2021 quant à la qualité de la SELARL [A], elle n'était pas de nature, à la lecture des autres parties du jugement, à induire en erreur la SELARL [A] en ce que cette obligation lui était imposée en qualité de liquidateur judiciaire de la société [W] TRAITEUR.
La SELARL [A], représentée par Maître [J] [L], en qualité de liquidateur judiciaire de la société [W] TRAITEUR, ne justifie pas des circonstances ayant conduit à un retard de plusieurs mois dans la délivrance des documents de fin de contrat de travail suite au jugement du 11 février 2021.
Reste que le débiteur de l'obligation est un mandataire de justice intervenant en qualité de liquidateur dans de très nombreuses procédures et qu'il échet de liquider l'astreinte prononcée par le conseil de prud'hommes de CLERMONT-FERRAND de façon proportionnée à l'enjeu du litige.
Au regard des éléments d'appréciation dont la cour dispose, la SELARL [A], représentée par Maître [J] [L], en qualité de liquidateur judiciaire de la société [W] TRAITEUR, sera condamnée à verser à Madame [G] [Z] épouse [I] une somme de 1.000 euros au titre de la liquidation de l'astreinte prononcée par le jugement du 11 février 2021. Le jugement du 15 septembre 2022 sera réformé en ce sens.
Pour le surplus, Madame [G] [Z] épouse [I] ne justifie pas avoir subi un préjudice particulier, en tout cas distinct de celui déjà réparé par la liquidation de l'astreinte. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Madame [G] [Z] épouse [I] de sa demande de dommages-intérêts.
- Sur les dépens et frais irrépétibles -
Le jugement du 15 septembre 2022 sera confirmé en ses dispositions sur les dépens et frais irrépétibles de première instance.
Pour le surplus, le jugement sera confirmé en ses dispositions non contraires.
- Sur la restitution des sommes versées au titre de l'exécution provisoire des décisions de première instance -
Le présent arrêt, en ses dispositions infirmatives ou statuant par voie de réformation, ouvre droit à la restitution d'une partie des sommes versées en exécution du jugement, les sommes à restituer portant intérêts au taux légal à compter de la notification (signification) valant mise en demeure de la décision ouvrant droit à restitution. En conséquence, il n'y a pas lieu à statuer sur la demande de restitution des sommes versées en vertu de l'exécution provisoire attachée aux jugements déférés à la cour.
- Sur les dépens et frais irrépétibles en cause d'appel -
En cause d'appel, chaque partie conservera la charge de ses propres dépens et la cour juge qu'il n'y a pas lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
' Vu le jugement rendu en date du 11 février 2021 par le conseil de prud'hommes de CLERMONT-FERRAND,
- Réformant, juge que, pour la période du 1er janvier 2014 au 28 mars 2018, Madame [G] [Z] épouse [I] n'est pas fondée à solliciter la fixation de créances de rappel de salaire au passif de la liquidation judiciaire de la SARL [W] TRAITEUR et, en conséquence, la déboute de sa demande à ce titre ;
- Réformant, juge que les créances de rappel de salaire revendiquées par Madame [G] [Z] épouse [I] à l'égard de la société [W] TRAITEUR pour la période du 1er janvier 2014 au 28 mars 2018 ne sont pas garanties par l'AGS ;
- Réformant, pour la période du 29 mars 2018 au 18 mai 2018, fixe la créance de Madame [G] [Z] épouse [I] au passif de la liquidation judiciaire de la SARL [W] TRAITEUR aux sommes suivantes :
* 1.719,57 euros euros (brut) à titre de rappel de salaire, outre 171,95 euros au titre des congés payés afférents,
* 1.733,42 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,
* 2.887 euros au titre de l'indemnité de licenciement,
* 2.038 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 203,80 euros au titre des congés payés afférents ;
- Dit que les sommes susvisées fixées au passif de la liquidation judiciaire de la SARL [W] TRAITEUR seront garanties par l'AGS dans les conditions et limites prévues par le code du travail ;
- Réformant, ordonne à la SELARL [A], représentée par Maître [J] [L], en qualité de liquidateur judiciaire de la société [W] TRAITEUR, de remettre à Madame [G] [Z] épouse [I] ses documents de fin de contrat de travail (solde de tout compte, attestation Pôle Emploi, certificat de travail) sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 45ème jour suivant la notification du jugement du conseil de prud'hommes ;
- Réformant, dit que les dépens de première instance seront supportés par la SELARL [A], représentée par Maître [J] [L], en qualité de liquidateur judiciaire de la société [W] TRAITEUR ;
- Confirme le jugement du 11 février 2021 en toutes ses autres dispositions non contraires ;
' Vu le jugement rendu en date du 15 septembre 2022 par le conseil de prud'hommes de CLERMONT-FERRAND,
- Réformant, condamne la SELARL [A], représentée par Maître [J] [L], en qualité de liquidateur judiciaire de la société [W] TRAITEUR, à verser à Madame [G] [Z] épouse [I] une somme de 1.000 euros au titre de la liquidation de l'astreinte prononcée par le jugement du 11 février 2021;
- Confirme le jugement du 15 septembre 2022 en toutes ses autres dispositions non contraires ;
' Y ajoutant,
- Dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens d'appel ;
- Dit qu'il n'y a pas lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
- Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.
Le Greffier, Le Président,
N. BELAROUI C. RUIN