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06/06/2023 | FRANCE | N°21/01414

France | France, Cour d'appel de Riom, 1ère chambre, 06 juin 2023, 21/01414


COUR D'APPEL

DE RIOM

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE







Du 6 juin 2023

N° RG 21/01414 - N° Portalis DBVU-V-B7F-FUAC

-PV- Arrêt n°



[P] [N] [K] [G] / [B] [W] épouse [C], [U] [G], [X] [W] épouse [H]



Jugement au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'AURILLAC, décision attaquée en date du 11 Mai 2021, enregistrée sous le n° 20/00019



Arrêt rendu le MARDI SIX JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS



COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

M. Philippe VALLEIX, Présid

ent

M. Daniel ACQUARONE, Conseiller

Mme Clémence CIROTTE, Conseiller



En présence de :

Mme Céline DHOME, greffier lors de l'appel des causes et du prononcé



...

COUR D'APPEL

DE RIOM

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

Du 6 juin 2023

N° RG 21/01414 - N° Portalis DBVU-V-B7F-FUAC

-PV- Arrêt n°

[P] [N] [K] [G] / [B] [W] épouse [C], [U] [G], [X] [W] épouse [H]

Jugement au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'AURILLAC, décision attaquée en date du 11 Mai 2021, enregistrée sous le n° 20/00019

Arrêt rendu le MARDI SIX JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

M. Philippe VALLEIX, Président

M. Daniel ACQUARONE, Conseiller

Mme Clémence CIROTTE, Conseiller

En présence de :

Mme Céline DHOME, greffier lors de l'appel des causes et du prononcé

ENTRE :

M. [P] [N] [K] [G]

[Adresse 3]

[Localité 12]

Représenté par Maître Joëlle DEBORD CANONNE, avocat au barreau d'AURILLAC

Timbre fiscal acquitté

APPELANT

ET :

Mme [B] [W] épouse [C]

[Adresse 10]

[Localité 5]

et

Mme [U] [G]

[Adresse 2]

[Localité 1]

et

Mme [X] [W] épouse [H]

[Adresse 14]

[Localité 6] (ITALIE)

toutes représentées par Maître Emilie DAUSSET de la SELARL SIRET ET ASSOCIES, avocat au barreau d'AURILLAC et par Maître Jacques SIRET de la SELARL SIRET ET ASSOCIES, avocat au barreau de LA ROCHE-SUR-YON

Timbre fiscal acquitté

INTIMEES

DÉBATS :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 27 mars 2023, en application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. VALLEIX et M. ACQUARONE, rapporteurs.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 6 juin 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour après prorogé du délibéré initialement prévu le 30 mai 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par M. VALLEIX, président et par Mme DHOME, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [P] [G], né le 11 janvier 1940, et Mme [R] [S], née le 6 février 1944, ont contracté mariage le 3 mai 1980 devant l'officier de l'État civil de la mairie de [Localité 13] (Seine-et-Marne) et ont divorcé, suivant un jugement rendu le 18 mai 2000 par le tribunal de grande instance de [Localité 7] (Eure). Ils ont néanmoins fait ensuite enregistrer entre eux un Pacte civil de solidarité (PACS) devant l'officier de l'état civil de la mairie de [Localité 12] (Cantal), dont M. [P] [G] a fait enregistrer la dissolution le 25 avril 2015 tout en demeurant en concubinage avec Mme [R] [S].

Mme [R] [S] est décédée le 5 janvier 2018 à [Localité 9] (Puy-de-Dôme), laissant pour lui succéder :

- deux filles issues d'une précédente union : Mme [X] [W] épouse [H], née le 28 juillet 1967, et Mme [B] [W] épouse [C], née le 21 décembre 1971, toutes deux en qualité d'héritiers réservataires ;

- une fille issue de son union avec M. [P] [G] : Mme [U] [G], née le 12 avril 1983, en qualité de réservataire et de légataire de la quotité disponible des biens de sa mère, suivant un testament olographe établi le 17 octobre 1983 ;

- son ancien mari et concubin au M. [P] [G] en qualité de donataire et de légataire, suivant une donation entre époux établie le 18 juillet 1981 (pendant le mariage) auprès de Me [E] [Y], notaire à [Localité 8] (Eure) puis un testament olographe établi le 5 janvier 2013 (après le divorce), lui ayant légué respectivement la plus forte quotité disponible entre époux selon la loi en vigueur à l'époque puis l'usufruit de l'ensemble de ses droits immobiliers sur une une maison lui appartenant, située [Adresse 4] à [Localité 7] (Eure), et sur le mobilier garnissant cet immeuble.

Saisi par assignations du 30 décembre 2019 de M. [P] [G] aux fins d'envoi en possession de la quotité disponible ordinaire ainsi que de l'usufruit du bien immobilier susmentionné, le tribunal judiciaire d'Aurillac a, suivant un jugement n° RG-20/00019 rendu le 11 mai 2021 :

- [dans les motifs] jugé qu'en vertu des dernières volontés de Mme [R] [S], la quotité disponible de l'universalité de ses biens a été transmise à Mme [U] [G] par application du testament olographe précité du 17 octobre 1983 et non à M. [P] [G] au titre de l'acte de donation entre époux précité du 18 janvier 1981 ;

- dit que la donation, le legs ou la libéralité consenti par Mme [R] [S] au bénéfice de M. [P] [G] [en visant dans les motifs l'acte de donation entre époux précité du 18 juillet 1981 et le testament olographe précité du 5 janvier 2013], consistant en l'usufruit total du bien immobilier susmentionné, excède la part de la quotité disponible à la succession ;

- débouté en conséquence M. [P] [G] de l'intégralité de ses prétentions, celui-ci ayant demandé :

* au visa des articles 901, 912, 917, 920, 1004, 1016 et 2224 du Code civil, de dire qu'il est bénéficiaire, en application de la donation entre époux du 18 juillet 1981 et du testament du 5 juillet 2013, de la quotité disponible ordinaire et de l'usufruit du bien immobilier susmentionné ;

* de lui reconnaître sa qualité et son intérêt à agir en délivrance de ce legs et de cette donation entre époux ;

* d'ordonner la délivrance de ce legs et de cette donation entre époux par Mme [R] [S] ;

* de dire que les frais et droits de délivrance de legs s'attachent à la succession de Mme [R] [S] et devront être réglés concurremment avec les héritiers ;

* de désigner Me [M] [V], notaire à [Localité 11] (Cantal), pour y procéder ;

* de constater qu'il est créancier de la succession de Mme [R] [S] pour un montant de 2.880,72 € ;

* de débouter les défenderesses de l'intégralité de leurs demandes ;

* de condamner les défenderesses à lui payer une indemnité de 5.000,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

* de statuer ce que de droit sur les dépens ;

- à titre reconventionnel, condamné M. [P] [G] à restituer à Mme [X] [W], Mme [B] [W] et Mme [U] [G] :

' l'intégralité des effets personnels de la personne défunte ainsi que les papiers personnels des défenderesses « qu'il aurait en sa possession » ;

' la somme de 5.635,52 € correspondant à des retraits et des opérations bancaires effectués sur le compte de la personne défunte alors que celle-ci était hospitalisée et dans l'impossibilité d'utiliser ses moyens de paiement ;

- condamné M. [P] [G] à payer au profit de Mme [X] [W], Mme [B] [W] et Mme [U] [G] une indemnité de 4.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la décision ;

- rejeté le surplus des demandes des parties ;

- condamné M. [P] [G] aux dépens de l'instance.

Par déclaration formalisée par le RPVA le 28 juin 2021, le conseil de M. [P] [G] a interjeté appel du jugement susmentionné, l'appel portant sur l'intégralité de la décision.

' Par dernières conclusions d'appelant notifiées par le RPVA le 27 septembre 2021, M. [P] [G] a demandé de :

' au visa des articles 720 et suivants, 893 et suivants, 901, 924, 1004 et suivants, 1036, 1016, 2222 et 268 du Code civil et de l'article 1359 du code de procédure civile ;

' infirmer en toutes ses dispositions le jugement du 11 mai 2021 du tribunal judiciaire d'Aurillac ;

' en conséquence à titre principal ;

' le déclarer bénéficiaire, en application de la donation entre époux du 18 juillet 1981 et du testament du 5 janvier 2013, de la quotité disponible ordinaire et de l'usufruit du bien immobilier susmentionné ;

' lui reconnaître sa qualité et son intérêt à agir en délivrance de ce legs et de cette donation entre époux ;

' ordonner à son profit la délivrance de ce legs et de cette donation entre époux par Mme [R] [S] ;

' ordonner que les frais et droits de délivrance de ce legs s'attachent à la succession de Mme [R] [S] et devront être réglés concurremment avec les héritiers ;

' ordonner que la succession de Mme [R] [S] soit dévolue conformément à la donation entre époux du 18 juillet 1981 et au testament du 5 janvier 2013 ;

' débouter Mme [X] [W], Mme [B] [W] et Mme [U] [G] de l'ensemble de leurs demandes ;

' reconnaître qu'il est créancier de la succession de Mme [R] [S] pour un montant de 2.880,72 € ;

' désigner Me [M] [V], notaire à [Localité 11] (Cantal), en qualité de notaire instrumentaire pour y procéder ;

' condamner Mme [X] [W], Mme [B] [W] et Mme [U] [G] à lui payer une indemnité de 5.000,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

' ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir ;

' statuer ce que de droit sur les dépens ;

' à titre subsidiaire, en cas de révocation de la première donation ;

' dire qu'il demeurerait bénéficiaire de l'usufruit du bien susmentionné en vertu du testament du 5 janvier 2013 ;

' ordonner que ce legs soit réductible conformément à l'article 924 du Code civil ;

' ordonner qu'il conserve ce legs à charge pour lui de verser une indemnité de réduction.

' Par dernières conclusions d'intimé notifiées par le RPVA le 9 décembre 2021, Mme [X] [W] épouse [H], Mme [B] [W] épouse [C] et Mme [U] [G] ont demandé de :

' confirmer dans son intégralité le jugement frappé d'appel ;

' débouter M. [P] [G] de l'ensemble de ses demandes ;

' condamner M. [P] [G] à leur payer une indemnité de 5.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, les moyens développés par chacune des parties à l'appui de leurs prétentions respectives sont directement énoncés dans la partie MOTIFS DE LA DÉCISION.

Par ordonnance rendue le 12 janvier 2023, le Conseiller de la mise en état a ordonné la clôture de cette procédure. Lors de l'audience civile collégiale du 27 mars 2023 à 14h00, au cours de laquelle cette affaire a été évoquée, chacun des conseils des parties a réitéré ses précédentes écritures. La décision suivante a été mise en délibéré au 30 mai 2023, par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1/ Sur les dernières volontés de la personne défunte au sujet de la quotité disponible

L'acte notarié de donation entre vifs conclu le 18 juillet 1981 entre Mme [R] [S]en qualité de donatrice et M. [P] [G] en qualité de donataire stipule notamment, en cas de survie du donataire par rapport à la donatrice mais également en cas d'existence lors du décès de la donatrice d'enfants ou de descendants de cette dernière, que le donataire recevra, si la réduction en est demandé, « (') la plus forte quotité disponible entre époux [de l'universalité des biens de la donatrice], selon la loi en vigueur au jour du décès, soit en pleine-propriété seulement, soit en pleine-propriété et usufruit, soit en usufruit seulement, au choix du donataire. ».

Il n'est effectivement pas contestable que cette donation n'a pas été automatiquement révoquée par le divorce prononcé le 18 mai 2000 entre M. [P] [G] et Mme [R] [S] en fonction de la loi applicable à l'époque, eu égard d'une part à l'application de l'article 268 du Code civil [ancien], qui disposait alors que « Les époux décident eux-mêmes du sort des donations et avantages qu'il s'était consentis ; s'ils n'ont rien décidé à cet égard, ils sont censés les avoirs maintenus. », et d'autre part au dispositif du jugement de divorce du 18 mai 2000 prévoyant que « (') chacun des époux pourra révoquer tout ou partie des donations ou avantages consentis à son conjoint. ». Or, aucune révocation de cette donation n'est intervenue de la part de Mme [R] [S] postérieurement à ce jugement de divorce.

Mme [X] [W], Mme [B] [W] et Mme [U] [G] conviennent d'ailleurs dans leurs écritures de cette absence de révocabilité automatique de cette donation du 18 janvier 1981 en application de la loi de l'époque, étant rappelé que l'article 265 du Code civil issu de la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 prévoit désormais la révocation de plein droit des avantages matrimoniaux prenant effet à la dissolution du régime matrimonial.

Il importe donc d'analyser cet acte de donation du 18 octobre 1981 bénéficiant à M. [P] [G] en lecture croisée avec le testament olographe du 17 octobre 1983 bénéficiant à Mme [U] [G], notamment libellé dans les termes suivants : « Je soussignée [R] [S], épouse [G], lègue à ma fille [U] [G] la quotité disponible de mes biens. Cette disposition ne nuira en rien à la donation que j'ai faite à mon époux par acte devant Maître [Y], notaire à [Localité 8] le 18 juillet 1981. / (') ». En application des dispositions combinées des articles 912 et 913 du Code civil, Mme [R] [G] ayant laissé trois enfants, la quotité disponible dont elle pouvait ainsi librement disposer avant dissolution de son mariage au profit de son époux ou au profit de sa dernière fille ne peut excéder le quart de l'universalité des biens et des droits composant son patrimoine, le reste de ce patrimoine constituant la réserve héréditaire.

En l'occurrence, force en effet est de constater que ces deux jeux de dispositions légataires du 18 octobre 1981 et testamentaires du 17 octobre 1983 sont totalement contradictoires entre elles, la donatrice et testatrice ne pouvant transmettre l'entière quotité disponible de son patrimoine à deux personnes à la fois. Si par application de l'article 1036 du Code civil le testament olographe du 17 octobre 1983 ne révoque pas expressément l'acte de donation entre époux du 18 octobre 1981, la thèse de la subsidiarité de l'acte de 1983 par rapport à celui de 1981 telle qu'objectée par M. [P] [G] doit être écartée. En effet, c'est indéniablement la totalité de la quotité disponible qui est concurremment léguée de part et d'autre, ce qui exclut par définition toute préférence qui aurait été plus particulièrement marquée au profit de l'une ou l'autre des parties récipiendaires que constitue respectivement son conjoint de l'époque et sa dernière fille. De plus, si Mme [R] [S] avait entendu dire que le testament du 17 octobre 1983 en faveur Mme [U] [G] ne devait trouver à s'appliquer qu'en cas de prédécès de M. [P] [G], il est raisonnablement permis de penser qu'elle n'aurait pas manqué d'en faire précision dans le second acte de 1983.

Il est aujourd'hui impossible d'entrer dans le for intérieur de Mme [R] [S] sur ce qu'elle entendait exactement ménager par rapport aux droits précédemment consentis à M. [P] [G], sauf à constater que celle-ci a de manière totalement contradictoire et incompatible transmis l'intégralité de la quotité disponible de son patrimoine à deux personnes distinctes en 1981 et en 1983. Cette situation de contradiction et d'incompatibilité ne peut dès lors être juridiquement résolue que par l'application des dispositions de l'article 1036 du Code civil dont il résulte notamment que « Les testaments postérieurs qui ne révoqueront pas d'une manière expresse les précédents, n'annuleront, dans ceux-ci, que celles des dispositions y contenues qui se trouveront incompatibles avec les nouvelles, qui seront contraires. ».

L'acte de 1981 étant devenu contrairement toutes ses stipulations à l'acte de 1983, il y a lieu dans ces conditions de confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a, dans ses motifs, retenu en cette occurrence que les dernières volontés de la personne défunte quant à la transmission à titre particulier de la totalité de la quotité disponible de l'intégralité de son patrimoine ce sont en définitive exprimées dans le testament du 17 octobre 1983 au bénéfice de Mme [U] [G] et non dans l'acte de donation entre époux du 18 janvier 1981 au bénéfice de M. [P] [G]. Il devra de ce fait être tiré toutes les conséquences légales de cette situation de contradiction et d'incompatibilité de transmission de l'intégralité de la quotité disponible du patrimoine de la personne défunte à deux personnes distinctes en prononçant en cause d'appel l'annulation du premier acte devenu totalement incompatible avec le second acte.

2/ En ce qui concerne le legs de l'usufruit portant sur la maison de [Localité 7]

Par un second testament établi le 5 janvier 2013 en la forme olographe, Mme [R] [S] a notamment légué à M. [P] [G], son ancien époux devenu alors son concubin, l'usufruit de tous ses droits immobiliers portant sur sa maison située [Adresse 4] à [Localité 7] (Eure) ainsi que sur le mobilier garnissant cet immeuble.

Les parties intimées ne contestent pas la validité de ce legs particulier, objectant toutefois que la transmission à M. [P] [G] de cet usufruit ne peut trouver application dans la mesure où l'actif de cette succession est principalement composé de ce bien immobilier, où la réserve héréditaire représentant les 3/4 de l'actif successoral est donc principalement constituée de ce même bien immobilier et où la mise en 'uvre du legs de cet usufruit aurait donc pour conséquence de transmettre la réserve héréditaire sans qu'elle soit libre de charges. C'est en ce sens qu'a statué le premier juge, ayant rejeté ce chef de demande au motif que la mise en 'uvre de cette libéralité aurait excédé la quotité disponible et porté ainsi atteinte à la réserve héréditaire.

En l'espèce, M. [P] [G] ne conteste pas matériellement cette objection suivant laquelle l'actif de la succession litigieuse, et en conséquence la réserve héréditaire constituant les 3/4 de cette succession, sont principalement composés de ce bien immobilier. Il ne se prévaut simplement à ce sujet que des dispositions de l'article 920 du Code civil suivant lesquelles « Les libéralités, directes ou indirectes, qui portent atteinte à la réserve d'un ou plusieurs héritiers, sont réductibles à la quotité disponible lors de l'ouverture de la succession. ».

En l'occurrence, il est exact, en application des dispositions précitées de l'article 920 du Code civil, que l'atteinte portée à la réserve héréditaire du fait de la mise en 'uvre d'une libéralité excédant la quotité disponible n'a pas pour sanction l'annulation de cette libéralité, ce qu'a de fait décidé le premier juge en déboutant M. [P] [G] de sa demande tendant en tout état de cause à bénéficier de cet usufruit au motif que cette donation ne pourrait recevoir application. Ce dernier est donc au contraire en droit de faire valoir cet usufruit dans le cadre du mécanisme de la réduction à due concurrence, le cas échéant même en faisant en contrepartie application du dispositif de l'indemnité de réduction par la personne gratifiée afin de rendre la réserve héréditaire effectivement libre de charges. C'est ainsi à juste titre qu'il rappelle les dispositions de l'article 924 alinéa 1er du Code civil suivant lesquelles « Lorsque la libéralité excède la quotité disponible, le gratifié, successible ou non successible, doit indemniser les héritiers réservataires à concurrence de la portion excessive de la libéralité, quel que soit cet excédent. ». Le jugement de première instance sera en conséquence infirmé sur ce chef de décision.

Pour autant, aucune des parties au litige n'a mis en débat, en première instance comme en cause d'appel, la valeur globale de cette succession ainsi que la valeur spécifique de ce bien immobilier et de son contenu mobilier, et par voie de conséquence celle de l'usufruit bénéficiant par voie de legs particulier à la partie appelante, afin de déterminer de manière chiffrée s'il y a épuisement de la quotité disponible et s'il y a lieu dès lors de fixer le montant d'une indemnité de réduction devant le cas échéant en résulter. Toutes ces questions d'estimations qualitatives et chiffrées devront en conséquence être directement traitées par le notaire instrumentaire.

3/ Sur les demandes reconventionnelles de restitutions

La condamnation en première instance de l'appelant à restituer les effets personnels de la personne défunte et les papiers personnels des défenderesses « (') qu'il aurait en sa possession ; » ne peut d'abord être approuvée en tant que telle, cette condamnation n'étant formulée au dispositif de la décision que sur un mode conjectural et le corps de cette même décision énonçant par ailleurs à ce sujet de manière contradictoire qu'aucune preuve n'est rapportée de la véracité de l'allégation suivant laquelle l'appelant aurait détourné ou dissipé des effets mobiliers de la personne défunte ou de ses filles. En cause d'appel, Mme [X] [W], Mme [B] [W] et Mme [U] [G] ne proposent aucune démonstration de preuve quant à ces griefs de détournements ou de dissipations d'effets mobiliers. Le jugement de première instance sera en conséquence infirmé sur ce chef de condamnation.

À ce sujet, il convient de constater que M. [P] [G] reconnaît être encore en possession de la robe de mariée de Mme [R] [S] et qu'il s'engage à restituer ce vêtement aux parties intimées.

Par ailleurs, M. [P] [G] ne conteste ni le fait qu'un certain nombre de dépenses ont été effectuées à l'aide de la carte bancaire de Mme [R] [S] pendant la durée de son hospitalisation, ni le mode de calcul des sommes ainsi dépensées et arrêtées à la somme totale de 5.635,52 € en lecture de relevés de comptes bancaires La Banque Postale de la personne défunte. En l'occurrence, M. [P] [G], qui était effectivement la seule personne en mesure de détenir la carte bancaire de sa concubine Mme [R] [S] pendant la durée de cette hospitalisation et jusqu'au décès de cette dernière (du 16 novembre 2017 au 5 janvier 2018), ne procède que par affirmations à l'appui de ses moyens de défense suivant lesquels ces dépenses auraient été nécessitées pour les stricts besoins de la personne ainsi hospitalisée ou pour assurer les frais d'accueil et de restauration de membres de la famille pendant cette période d'hospitalisation. De plus, le volume de travaux qu'il dit avoir fait sur la maison de [Localité 7], au sujet desquels il reconnaît des prélèvements d'espèces depuis le compte de Mme [R] [S] afin de se rembourser à hauteur de la somme totale de 3.270,00 € ne peut être pris en compte, ne reposant que sur des factures anciennes de matériels et de matériaux de construction datant de 2013, 2014 et 2016. Ces pièces ne rapportent d'ailleurs pas la preuve qu'il ait personnellement acquitté ces factures alors que ces matériaux de construction ont été employés sur une maison de lui appartenant pas.

Par voie de conséquence, sa propre demande de remboursement par la succession de Mme [R] [S] de la somme de 2.880,72 €, correspondant à la différence entre la somme des travaux qu'il dit avoir réalisés sur la maison de [Localité 7] à hauteur de la somme totale de 6.150,72 € et la somme totale de 3.270,00 € qu'il dit avoir retirée en espèces afin de se rembourser du montant de ces travaux avec l'accord prétendu de Mme [R] [S] sera rejetée.

Le jugement de première instance sera dès lors confirmé sur ce chef de condamnation.

4/ Sur les autres demandes

Le principal actif immobilier de la succession litigieuse étant situé dans le département de l'Eure, M. [P] [G] ne justifie d'aucun motif particulier pour faire désigner un notaire exerçant dans le département du Cantal. Ce chef de demande sera en conséquence rejeté.

Le jugement de première instance sera confirmé en son application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de l'imputation des dépens de première instance.

Il serait effectivement inéquitable, au sens des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, de laisser à la charge des parties intimées les frais irrépétibles qu'elles ont été contraintes d'engager à l'occasion de cette instance et qu'il convient d'arbitrer à la somme de 5.000,00 €.

LA COUR,

STATUANT PUBLIQUEMENT

ET CONTRADICTOIREMENT

INFIRME le jugement n° RG-20/00019 rendu le 11 mai 2021 par le tribunal judiciaire d'Aurillac dans l'instance opposant M. [P] [G] à Mme [X] [W] épouse [H], Mme [B] [W] épouse [C] et Mme [U] [G] en ce qu'il a :

- débouté M. [P] [G] de sa demande tendant à bénéficier de l'usufruit dont il est légataire au titre du testament olographe susmentionné du 5 janvier 2013 sur l'ensemble de ses droits immobiliers afférents à la maison située [Adresse 4] à [Localité 7] (Eure) ainsi que sur le mobilier garnissant cet immeuble ;

- condamné M. [P] [G] à restituer à Mme [X] [W], Mme [B] [W] et Mme [U] [G] l'intégralité des effets personnels de la personne défunte ainsi que les papiers personnels des parties intimées susnommées qu'il « qu'il aurait en sa possession » ;

CONFIRME ce même jugement en toutes ses autres dispositions, sauf à préciser que l'acte de donation entre époux du 18 janvier 1981 au profit de M. [P] [G] est annulé en raison de sa contradiction et de son incompatibilité totales avec le testament olographe du 17 octobre 1983 au profit de Mme [U] [G].

Statuant à nouveau après infirmation.

RAPPELLE que M. [P] [G] devra payer au profit de la succession laissée par Mme [R] [S] une indemnité de réduction afin de pouvoir bénéficier de l'usufruit sur l'immeuble susmentionné et le mobilier garnissant cet immeuble en application du testament olographe susmentionné du 5 janvier 2013, au cas où la valeur de cet usufruit dépasserait la quotité disponible et porterait atteinte à la réserve héréditaire de cette succession.

RENVOIE au notaire instrumentaire de ce règlement successoral la question de la détermination de la valeur de l'immeuble et du mobilier susmentionnés, et par voie de conséquence de la valeur de l'usufruit susmentionné et de l'indemnité de réduction pouvant s'y rapporter.

RAPPELLE en tant que de besoin qu'à défaut de paiement de cette indemnité de réduction lors de ce règlement successoral, au cas où celle-ci serait exigible en fonction des calculs qui précèdent, M. [P] [G] sera réputé renoncer au bénéfice de cet usufruit.

Y ajoutant.

CONSTATE en tant que de besoin que M. [P] [G] s'engage à restituer la robe de mariée de Mme [R] [S] à Mme [X] [W] épouse [H], Mme [B] [W] épouse [C] et Mme [U] [G].

REJETTE le surplus des demandes des parties.

CONDAMNE M. [P] [G] à payer au profit de Mme [X] [W] épouse [H], Mme [B] [W] épouse [C] et Mme [U] [G] une indemnité de 5.000,00 € en dédommagement de leurs frais irrépétibles prévus à l'article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE M. [P] [G] aux entiers dépens de l'instance.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Riom
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21/01414
Date de la décision : 06/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-06;21.01414 ?
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