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23/05/2023 | FRANCE | N°21/00368

France | France, Cour d'appel de Riom, Chambre sociale, 23 mai 2023, 21/00368


23 MAI 2023



Arrêt n°

SN/NB/NS



Dossier N° RG 21/00368 - N° Portalis DBVU-V-B7F-FRK6



[L] [J]



/



[K] [U],en sa qualité de gérant de la SARL IC 03, S.A.R.L. INTER CONSTRUCTIONIC 03 LES DEMEURES REGIONALES



jugement au fond, origine conseil de prud'hommes - formation paritaire de moulins, décision attaquée en date du 29 janvier 2021, enregistrée sous le n° 20/00065

Arrêt rendu ce VINGT TROIS MAI DEUX MILLE VINGT TROIS par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM

, composée lors des débats et du délibéré de :



M. Christophe RUIN, Président



Mme Sophie NOIR, Conseiller



Mme Karine VALLEE, Conseille...

23 MAI 2023

Arrêt n°

SN/NB/NS

Dossier N° RG 21/00368 - N° Portalis DBVU-V-B7F-FRK6

[L] [J]

/

[K] [U],en sa qualité de gérant de la SARL IC 03, S.A.R.L. INTER CONSTRUCTIONIC 03 LES DEMEURES REGIONALES

jugement au fond, origine conseil de prud'hommes - formation paritaire de moulins, décision attaquée en date du 29 janvier 2021, enregistrée sous le n° 20/00065

Arrêt rendu ce VINGT TROIS MAI DEUX MILLE VINGT TROIS par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :

M. Christophe RUIN, Président

Mme Sophie NOIR, Conseiller

Mme Karine VALLEE, Conseiller

En présence de Mme Nadia BELAROUI greffier lors des débats et du prononcé

ENTRE :

Mme [L] [J]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Anicet LECATRE, avocat au barreau de MOULINS

APPELANTE

ET :

M. [K] [U], en sa qualité de gérant de la SARL IC 03

[Adresse 2]

[Localité 1]

S.A.R.L. INTER CONSTRUCTION IC 03 LES DEMEURES REGIONALES prise en la personne de son gérant en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentés par Me Sophie LACQUIT, avocat au barreau de [Localité 4], avocat constitué, substitué par Me François BRETONNIERE, avocat suppléant Me Valérie BARDIN-FOURNAIRON de la SAS HDV AVOCATS, avocat au barreau de [Localité 4], avocat plaidant

INTIMES

M. RUIN, Président et Mme NOIR, Conseiller après avoir entendu, Mme NOIR, Conseiller en son rapport, à l'audience publique du 20 mars 2023, tenue par ces deux magistrats, sans qu'ils ne s'y soient opposés, les représentants des parties en leurs explications, en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré après avoir informé les parties que l'arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l'article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

La société Interconstruction IC 03 Les demeures Régionales, dont le gérant est M. [K] [U], est spécialisée dans le bâtiment.

Mme [J] a été embauchée par la Sarl Ic 03 à compter du 11 janvier 2010, en qualité de comptable- employée administrative par contrat de travail à durée indéterminée à temps complet.

Au dernier état de la relation de travail elle occupait le poste de responsable administrative et comptable.

A compter du 6 juin 2017, Mme [J] a été placée en arrêt de travail pour dépression réactionnelle et n'a plus jamais repris son poste.

Par courrier du 20 septembre 2017, la Sarl Ic 03 a notifié à Mme [J] un avertissement rédigé ainsi :

' Madame,

Le 29 août, notre entreprise a receptionné les trois avis de contraventions suivants:

- n°8390864591 du 03/08/2017 concernant le véhicule immatriculé [Immatriculation 7], pour un montant de 675 euros ;

- n°8322353561 du 18/08/2017 concernant le véhicule immatriculé [Immatriculation 6], pour un montant de 675 euros ;

- n°8322868521 du 19/08/2017 concernant le véhicule immatriculé [Immatriculation 5], pour un montant de 675 euros.

Ces trois avis de contravntions ont la même description de l'infraction :

'Non désignation d'une personne physique. Non trasmission de l'identité et de l'adresse du conducteur par le responsable légal de la personne morale détenant le véhicule. Infraction routière constatée par un appareil de contrôle automatique homologué...'

Surpris, et n'ayant pas eu connaissance de ces infractions, je me suis rapproché des différents conducteurs à savoir Messieurs [T], [R] et [E].

Tous les trois m'ont répondu avoir reçu les avis de contraventions suivant les concernant :

- n°8390864591 du 03/08/2017 concernant le véhicule immatriculé [Immatriculation 7] ;

- n°8322353561 du 18/08/2017 concernant le véhicule immatriculé [Immatriculation 6];

- n°8322868521 du 19/08/2017 concernant le véhicule immatriculé [Immatriculation 5].

Vous leur avez adressé ces avis de contravention par navette interne et leur avez demandé de les régler directement au Trésor Public.

Vous ne m'avez présenté aucun de ces avis de contravention pour validation, alors même que vous ne pouviez ignorer l'obligation de désignation du conducteur responsable de l'infraction.

En effet, sur les avis de contravention figure un cadre rouge dans lequel on peut lire : 'ATTENTION : La non révélation de l'auteur de l'infraction par le représentant légal d'une personne morale constitue une infraction spécifique punie d'une amende de 90 à 750 euros pour le représentant légal et/ou de 450 à 3.750 euros pour la personne morale (article L.121-6 du Code de la route et article 530-3 et R49 du Code de procédure pénale).'

Je vous rappelle que dans le cadre de vos fonctions de responsable administrative et comptable, vous n'avez aucune délégation de pouvoir pour ce type de décision engageant pénalement et financièrement l'entreprise.

Vos actes pénalisent notre entreprise de 2.025 euros !

C'est pourquoi, conformément à l'article L.1331-1 du Code du travail, je suis au regret de vous adresser cette lettre à titre d'avertissement, qui sera versée à votre dossier personnel.

J'espère vivement que ce courrier ainsi que cette sanction vous feront prendre conscience de la gravité de vos actes et de l'impérieuse nécessité de changer d'attitude.

Si de tels agissements devaient se reproduire, je serai amené à prendre des sanctions plus graves.'

Le 5 décembre 2017, Mme [J] a saisi le conseil des prud'hommes de Moulins pour obtenir l'annulation de cette sanction disciplinaire et le paiement par la société Interconstruction IC 03 Les demeures Régionales de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral.

Le 25 mai 2018, Mme [J] a déposé plainte à l'encontre de M. [U] pour faux et usage de faux en raison de la reproduction de sa signature sur un document adressé à la CPAM dans le cadre de sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle.

Par jugement du 22 juin 2018, le conseil des prud'hommes a ordonné le sursis à statuer.

Le 6 août 2018, la CPAM de l'Allier a pris en charge la maladie de Mme [J] - un syndrome anxio dépressif réactionnel du 27 septembre 2017 - au titre de la législation sur les risques professionnels.

Cette décision a fait l'objet d'un recours de la part de la société Interconstruction IC 03 Les demeures Régionales et l'affaire est pendante devant le Pôle social.

Le 5 mai 2019, la salariée a notifié à l'employeur sa candidature au 2ème tour des élections au CSE fixé au 18 avril 2019. Elle n'a finalement pas été élue.

Le 3 juin 2019, Mme [J] a été examinée par le médecin du travail à l'occasion d'une visite médicale de reprise, au terme de laquelle elle a été déclarée inapte, le médecin du travail précisant que 'tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé'.

Le 13 juin 2019, la société a notifié à Mme [J] les motifs s'opposant à son reclassement.

La salariée a été licenciée le 28 juin 2019 pour inaptitude avec impossibilité de reclassement.

Par jugement en date du 16 octobre 2019, le Tribunal correctionnel de Moulins a relaxé M. [U] des faits de faux et usage de faux.

Le 24 septembre 2020, la CPAM a pris en charge la rechute de Madame [L] [J] au titre de la législation sur les risques professionnels.

Par jugement du janvier 2021, le conseil des prud'hommes de Moulins a :

- rejeté la demande de sursis à statuer ;

- débouté Mme [J] de sa demande d'annulation de l'avertissement et de dommages et intérêts y afférents ;

- débouté Mme [J] de sa demande de reconnaissance de harcèlement moral et de dommages et intérêts y afférents ;

- débouté Mme [J] de sa demande licenciement nul pour raison de harcèlement moral et de dommages et intérêts y afférents ;

- débouté Mme [J] de sa demande de dommages et intérêts pour modification du contrat de travail ;

- débouté Mme [J] de sa demande de congés payés par la société les demeures régionales Ic 03 ;

- condamné la Sarl Ic 03 les demeures régionales à porter et payer à Mme [J] les sommes suivantes :

- 9.088 euros net à titre de dommages et intérêts pour violation du statut protecteur de Mme [J] ;

- 10.000 euros net pour licenciement nul pour violation du statut protecteur ;

- 1.200 euros net au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- dit que les sommes s'entendent - net- de toutes cotisations sociales;

- fixé à 2.686,65 euros brut la moyenne des trois derniers mois de salaire de Mme [J] pour application de l'article R. 1454-28 du Code du travail et dit qu'il n'y a pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire pour les condamnations qui n'en serait pas assorties de plein droit ;

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

- condamné les parties par moitié aux dépens de la présente instance.

Mme [J] a interjeté appel de ce jugement le 12 février 2021.

Vu les conclusions notifiées à la cour le 06 mai 2021 par Mme [J] ;

Vu les conclusions notifiées à la cour le 26 juillet 2021 par la Sarl Ic 03 et M. [U] ;

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 20 février 2023.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions, Mme [J] demande à la cour de :

- dire et juger la recevabilité et le bien fondé de son appel ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé son licenciement nul car prononcé sans autorisation et en ce qu'il a jugé que le Sarl Ic 03 avait violé son statut protecteur ;

- l'infirmer pour le surplus ;

Statuant à nouveau,

- annuler l'avertissement du 20 septembre 2017 ;

- dire et juger qu'elle a été victime d'une situation de harcèlement moral ;

- condamner en conséquence la Sarl Ic 03 et M. [U] personnellement et solidairement à lui payer et porter les sommes suivantes :

- 5.000 euros de dommages et intérêts pour nullité de l'avertissement (nets de toutes cotisations sociales y compris CSG-CRDS) ;

- 30.000 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral subi du fait des agissements de harcèlement (nets de toutes cotisations sociales y compris CSG-CRDS) ;

- 10.000 euros de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de prévention des faits de harcèlement moral (nets de toutes cotisations sociales y compris CSG-CRDS) ;

- dire et juger que son inaptitude est la conséquence du harcèlement moral dont elle a été victime ;

- requalifier également le licenciement intervenu en licenciement nul de ce fait ;

- dire et juger que la Sarl Ic 03 a modifié abusivement son contrat de travail;

- condamner la Sarl Ic 03 à lui payer à ce titre la somme de 10.000 euros nets de toutes cotisations y compris CSG/CRDS à titre de dommages et intérêts pour modification unilatérale du contrat de travail ;

- condamner la Sarl Ic 03 à lui payer et porter la somme de 50.000 euros nets de toutes cotisations y compris CSG/CRDS à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul tant au visa de l'article L.1235-3-1 du Code du travail qu'au visa des dispositions de l'article L.1152-3 du même code;

- condamner la Sarl Ic 03 à lui payer et porter la somme de 2.580,38 euros nets de toutes cotisations y compris CSG/CRDS à titre de dommages et intérêts correspondant à la privation d'une indemnité compensatrice de congés payés de 28 jours ;

- s'agissant des frais irrépétibles, confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la Sarl Ic 03 à lui payer et porter la somme de 1.200 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour ses frais irrépétibles de première instance ;

Y ajoutant,

- condamner la Sarl Ic 03 à lui payer et porter la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour ses frais irrépétibles d'appel ainsi qu'en tous les dépens.

Dans leurs dernières conclusions, la Sarl Ic 03 et M. [U] demandent à la cour de :

- confirmer le jugement s'agissant de l'avertissement du 20 septembre 2017 et débouter Mme [J] de sa demande de dommages et intérêts pour nullité de l'avertissement ; subsidiairement débouter Mme [J] de sa demande de dommages et intérêts ; infiniment subsidiairement, diminuer les dommages et intérêts sollicités ;

- confirmer le jugement sur l'absence de harcèlement moral et débouter Mme [J] des dommages et intérêts pour préjudice moral subi du fait des agissements de harcèlement et dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de prévention des faits de harcèlement moral ; écarter la condamnation solidaire de M. [U] ; infiniment subsidiairement, diminuer les dommages et intérêts sollicités ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a écarter la nullité du licenciement en l'absence de harcèlement moral, en conséquence, dire et juger que l'inaptitude de Mme [J] n'est pas la conséquence du harcèlement moral subi ; subsidiairement diminuer les dommages et intérêts sollicités ;

- confirmer le jugement quant aux dommages et intérêts alloués pour licenciement nul pour violation du statut protecteur ; subsidiairement diminuer les dommages et intérêts au titre de la nullité du licenciement pour non-respect du statut protecteur ;

- confirmer le jugement sur l'indemnité compensatrice de préavis ;

- confirmer le jugement sur l'absence de modification du contrat de travail de Mme [J] ; subsidiairement, la débouter de sa demande de dommages et intérêts ; infiniment subsidiairement, diminuer les dommages et intérêts sollicités ;

En tout état de cause,

- écarter la demande de Mme [J] à leur verser la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et condamner Mme [J] à verser la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner Mme [J] aux entiers dépens.

Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions, moyens et arguments des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux dernières conclusions régulièrement notifiées et visées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande d'annulation de l'avertissement du 20 septembre 2017 et la demande de dommages-intérêts :

Il résulte de l'article L1331-1 du code du travail que constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.

Il ressort par ailleurs de l'article L1333-1 du code du travail :

- qu'en cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction;

- que l'employeur doit fournir au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction '

- qu'au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles;

- que si un doute subsiste, il profite au salarié.

Selon l'article L1333-2 du code du travail le conseil de prud'hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

En l'espèce, il résulte de la lettre de notification de la sanction disciplinaire du 20 septembre 2017 dont les termes sont retranscrits ci-dessus que l'employeur a sanctionné la salariée pour ne pas avoir présenté pour validation au gérant de l'entreprise trois avis de contravention pour excès de vitesse de 3 salariés différents et avoir ainsi entraîné la condamnation de la société au paiement d'une amende totale de 2025 euros pour non transmission de l'identité et de l'adresse du conducteur par le responsable légal de la personne détenant le véhicule.

Madame [L] [J] soutient qu'elle a bien transmis à M. [U] les trois avis de contravention pour qu'il dénonce lui-même les auteurs des infractions à l'administration, avant de transmettre par la navette les contraventions aux trois commerciaux concernés afin qu'ils paient les amendes liées à leurs excès de vitesse.

Il est constant que la dénonciation des auteurs des infractions relevait du seul pouvoir du gérant de la société et non pas de la salariée.

La société Interconstruction IC 03 Les demeures Régionales ne rapporte pas la preuve de ce que M. [U] n'a pas été informé par Mme [J] de l'existence de ces trois contraventions avant que celle-ci ne les transmette aux salariés concernés pour qu'ils procèdent à leur paiement.

En revanche, il résulte de l'attestation de M. [R], un des trois auteurs des excès de vitesse litigieux, qu'au mois de décembre 2016, M. [U] avait assuré à ses salariés que les contraventions d'excès de vitesse seraient payées par le personnel responsable de l'infraction mais qu'il n'y aurait pas de retrait de points et qu'aucune dénonciation de quelque forme que ce soit ne serait faite, position que M. [U] lui a confirmé lors de sa contravention du 28 avril 2017.

Cette pièce démontre que M. [U] était bien informé des trois contraventions et qu'il a délibérément fait le choix de ne pas dénoncer ses auteurs afin de leur éviter une perte de points.

Les faits reprochés à la salariée ne sont pas établis et en conséquence la cour, infirmant le jugement de ces chefs, prononce l'annulation de la sanction disciplinaire du 20 septembre 2017 et condamne la société Interconstruction IC 03 Les demeures Régionales à payer à Madame [L] [J] la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral.

M. [U] ayant agi dans le cadre de ses fonctions de gérant de la société, la demande de condamnation personnelle dirigée contre lui sera rejetée.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la demande de dommages et intérêts modification unilatérale du contrat de travail :

Au soutien de sa demande, Madame [L] [J] faire valoir que, par suite d'une désaffiliation à la Caisse des congés payés, l'employeur a modifié unilatéralement les avantages liés à cette adhésion à savoir une prime de vacances de 30 % constituant un élément de sa rémunération.

Cependant, la salariée ne justifie pas de la perte de cette prime.

En conséquence la cour, confirmant le jugement de ce chef, rejette la demande de dommages-intérêts pour modification unilatérale du contrat de travail.

Sur la demande de dommages-intérêts pour privation de l'indemnité compensatrice de congés payés de 28 jours :

En l'espèce, Madame [L] [J] fait valoir que l'employeur ne lui a pas remis la fiche navette lui permettant de solliciter l'indemnisation du solde de ses congés payés de l'année 2017 (28 jours) directement auprès de la Caisse des congés du BTP.

La société Interconstruction IC 03 Les demeures Régionales ne conteste pas la nécessité pour la salariée de présenter ce document pour obtenir le paiement de son solde de congés payés directement auprès de la Caisse des congés du BTP.

En revanche, elle ne justifie pas de la remise de cette fiche navette.

Le manquement reproché à l'employeur est ainsi établi et la cour, infirmant le jugement de ce chef, condamne la société Interconstruction IC 03 Les demeures Régionales à payer à Madame [L] [J] la somme de 2 580,38 euros à titre de dommages et intérêts pour privation de l'indemnité compensatrice de congés payés.

Sur le harcèlement moral :

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En vertu de l'article L. 1154-1 du code du travail dans sa version issue de la Loi 2016-1088 du 8 août 2016, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement ; au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, Madame [L] [J] soutient avoir été victime d'un harcèlement moral de la part de la société Interconstruction IC 03 Les demeures Régionales et de M. [K] [U].

A l'appui des manquements relevant d'un harcèlement moral, la salariée invoque les faits suivants :

- depuis des mois, elle était surchargée de travail et de responsabilités, obligée de rapporter du travail chez elle, travaillant pendant ses arrêts maladie pour ne pas perdre le fil des affaires en cours

- lors de son retour d'arrêt longue maladie en 2016 M. [U] a adopté une attitude désobligeante et dénigrante à son égard en refusant sa demande de mi-temps thérapeutique, mais également par des changements d'humeur, un comportement suspicieux, des remarques injustifiées et dénigrantes à son égard

- elle faisait l'objet de reproches incessants de son employeur sous la forme de notes ou autres instructions

- M. [U] faisait sans cesse intervenir son épouse, qui n'était pas salariée de l'entreprise, sous prétexte ' d'ordre de mission'

- M. [U] a fait installer une caméra directement dirigée sur son poste de travail, n'a pas modifié l'angle de la caméra comme demandé dans l'autorisation sous réserve délivrée par la préfecture et malgré ses propres demandes

- elle a toujours refusé de signer l'attestation d'accord concernant l'autorisation d'installation de cette caméra et l'employeur a reproduit sa signature sur le document qu'il produit

- l'employeur a modifié unilatéralement son contrat de travail en désaffiliant l'entreprise à la Caisse de congés payés du bâtiment

- en janvier 2017, lors d'une panne de chauffage, M. [U] a refusé qu'elle s'installe dans un bureau chauffé, la contraignante à travailler dans un bureau à 13° ce qui entraîné son hospitalisation pour une pneumonie

- en février 2013, M. [U] a vidé tous ses tiroirs et enlevé tous ses dossiers du bureau pour lui nuire et générer une charge de travail supplémentaire

- tous ces faits sont à l'origine d'une dégradation de son état de santé démontrée par les pièces médicales qu'elle produit.

Il résulte des pièces versées aux débats qu'avant le mois d'août 2016, date à laquelle la salariée indique que le harcèlement moral a débuté, cette dernière a été placée en arrêt de travail pour maladie du mois de septembre 2014 au 4 janvier 2016 afin de soigner un cancer.

Mme [H], ayant suivi le chantier de son fils entre le mois de janvier 2014 le mois de juin 2015,

atteste que Madame [L] [J] était en charge de solutionner les problèmes du chantier alors qu'elle était à l'époque malade. Cependant, la cour relève également que, lors de son audition par l'agent enquêteur assermenté de la CPAM le 5 avril 2018, Madame [L] [J] a expliqué avoir elle-même demandé l'autorisation à M. [U] de pouvoir travailler bénévolement pour aider ses collègues et la société mais également pour combattre ainsi moralement et physiquement sa maladie, à une époque où elle ne met pas encore en cause le comportement de M. [U] à son égard.

De ce fait, il n'est pas démontré que la salariée a été contrainte de travailler pendant ses arrêts de travail en raison d'une surcharge de travail.

En revanche, plusieurs pièces concordantes démontrent qu'après sa reprise au mois de janvier 2016, Madame [L] [J] a été confrontée à une surcharge de travail à savoir :

- le certificat médical du docteur [V], médecin généraliste, daté du 1er février 2018

qui indique avoir proposé un arrêt de travail à Madame [L] [J] durant la période du 23 janvier 2017 au 23 mars 2017 que cette dernière a refusé, préférant ' essayer de continuer à aller à son travail dans la crainte d'accumuler la surcharge de travail'

- l'attestation de Mme [X] [J], fille de la salariée, dans laquelle cette dernière indique avoir aidé sa mère qu'elle voyait ' à bout' à faire du classement pour lui éviter une fatigue supplémentaire, l'avoir vu rapporter du travail à la maison et confirme le refus de sa mère d'accepter l'arrêt de travail proposé par son médecin en raison de sa surcharge de travail

- le compte rendu de l'entretien annuel du 16 février 2017 dans lequel Madame [L] [J] indique faire face à ce qui lui est demandé 'mais la charge de travail devient importante'.

S'agissant du comportement de M. [U] à l'égard de la salariée après son retour d'arrêt longue maladie en 2016, ce dernier a reconnu lors de son audition par les services de police dans le cadre de l'enquête pour faux et usage de faux que sa relation avec la salariée, autrefois empreinte de confiance puisqu'il la considérait comme son ' bras droit', s'est dégradée au retour de l'arrêt de longue maladie. Il explique que pendant cette absence, il a eu des difficultés pour gérer l'entreprise en interne et que Madame [L] [J] est revenue dans un contexte de renouvellement important des salariés de l'entreprise suite à une campagne de débauchage par des concurrents. Il affirme s'être alors rendu compte que Madame [L] [J] ' n'avait plus ses repères' et ajoute : ' c'est un jugement de valeur, elle ne brillait plus haut tant qu'elle brillait avant.'

L'existence d'un comportement suspicieux de l'employeur est ainsi établie.

En revanche, la salariée ne fait état d'aucun fait précis permettant de caractériser une attitude désobligeante et dénigrante de M. [U] à son égard, ses changements d'humeur et l'existence de remarques injustifiées et dénigrantes à son égard.

De même, les notes et instructions comportant des reproches incessants invoquées par la salariée ne sont pas versées aux débats.

Enfin, s'agissant du refus de mi-temps thérapeutique, aucune pièce suffisamment probante n'est versée aux débats pour établir l'existence de ce refus.

S'agissant de l'intervention de l'épouse du gérant, Madame [L] [J] ne vise aucun fait précis et n'explique pas en quoi les interventions de l'épouse du gérant peuvent être retenues parmi les éléments de fait laissant présumer l'existence d'un harcèlement moral.

En ce qui concerne l'installation de la caméra, il ressort des pièces versées aux débats que M. [U] a procédé en juillet/août 2016 à l'installation, dans le hall d'accueil de l'entreprise, d'une caméra de vidéoprotection filmant le bureau de Madame [L] [J].

L'autorisation du préfet de l'Allier en date du 3 octobre 2016 a été délivrée sous réserve que soit décalé sur la gauche l'angle de vue de la caméra afin de respecter les finalités prévues par la réglementation.

Or, l'employeur ne justifie pas avoir procédé à ce décalage de manière à ce que le bureau de la salariée ne soit plus dans l'angle de la caméra.

Il est ainsi démontré que M. [U] a fait installer une caméra directement dirigée sur le poste de travail de Madame [L] [J] et qu'il n'a pas modifié l'angle de la caméra comme demandé dans l'autorisation préfectorale.

S'agissant de l'autorisation de filmer donnée par Madame [L] [J], l'employeur verse au débat la copie d'une attestation établie au nom de cette dernière comportant sa signature.

La salariée conteste avoir jamais signé ce document et a porté plainte pour faux et usage de faux en écriture contre M. [U] lorsqu'elle a eu connaissance de l'existence de ce document.

Si le tribunal correctionnel de Moulins a effectivement relaxé M. [U] par jugement du 16 octobre 2019 sans aucune motivation, la cour relève plusieurs éléments démontrant que Madame [L] [J] n'a pas signé cette autorisation à savoir :

- l'absence de production de l'original de ce document par l'employeur et le fait que, de façon curieuse, les deux seuls originaux manquants sont, selon les déclarations de M. [U] aux enquêteurs, ceux des deux seules salariées en litige avec l'entreprise

- le fait que contrairement aux autres attestations signées par d'autres salariés, la mention manuscrite ' lu et approuvé' ne figure pas sur le document versé aux débats

- le fait que l'enquête pénale a démontré que cette attestation a été établie sur un papier en-tête qui n'existait pas à la date du 20 octobre 2016 date figurant au-dessus de la signature de la salariée sur le document

- les explications peu convaincantes de M. [U] aux enquêteurs selon lesquelles il aurait réédité toutes les attestations d'information et d'autorisation des salariés au mois de mars/avril 17 pour les leurs faire signer en antidatant les documents à des dates ' correspondant à la date suivant la réception de l'autorisation préfectorale'

- le témoignage peu crédible d'un autre salarié, M. [A] [F], qui dans son audition par les services de police a commencé par affirmer avoir signé la même attestation que Mme [L] [J], le 20 octobre 2016, ' surmonté des mentions lu et approuvé' puis s'est finalement rappelé avoir signé ce document au mois de mars 2017 après que l'enquêteur l'ait informé que le papier en-tête de l'attestation n'existait pas au mois d'octobre 2016.

Ces éléments démontrent que la salariée a refusé de signer l'attestation concernant l'autorisation d'installation de cette caméra et que sa signature a été reproduite sans son accord sur l'attestation produite par la société Interconstruction IC 03 Les demeures Régionales.

S'agissant de la modification unilatérale du contrat de travail de l'entreprise à la Caisse de congés payés du bâtiment, il résulte des motifs ci-dessus que ce fait n'est pas matériellement établi.

De même, aucun des éléments ne permet d'établir la preuve suffisante de ce que M. [U] a laissé travailler la salariée dans un bureau à 13° suite à une panne de chauffage ce qui entraîné une pneumonie et une hospitalisation consécutive.

En ce qui concerne l'intervention de l'employeur sur le bureau de la salariée, M. [K] [U] a reconnu dans un courrier du 17 mars 2017 avoir ' rangé' le bureau de Madame [L] [J] et ' classé' des documents pour, selon lui, permettre à la salariée de reprendre sereinement et dans un contexte favorable après une absence.

Il est ainsi démontré que M. [U] a vidé les tiroirs et enlevé les dossiers du bureau de la salariée.

La dégradation de l'état de santé Madame [L] [J] est établie par de nombreux éléments médicaux qui démontrent que cette dernière a été victime d'un syndrome anxiodépressif à compter du 6 juin 2017 à savoir :

- l'avis d'arrêt de travail initial du 6 juin 2017 pour syndrome anxieux réactionnel

- le certificat médical du 19 février 2018 du Docteur [O] [Y], médecin au département de médecine oncologique du CHU de [Localité 4], qui indique avoir constaté une baisse de moral importante lors des consultations des 10 juin 2016 et 19 juin 2017

- le certificat médical du 22 février 2018 du docteur [D], médecin psychiatre, qui indique suivre Madame [L] [J] depuis le 23 juin 2017 sur demande de son médecin traitant pour un syndrome anxiodépressif suite à un épuisement physique et psychologique et avoir constaté une humeur dépressive, avec beaucoup d'angoisse, une perte d'élan vital, un ralentissement psychomoteur, des troubles du sommeil, une rumination anxieuse, une perte d'appétit et de poids, une perte du plaisir et d'intérêt et des idées noires, nécessitant une prise en charge médicamenteuse et psychothérapie de soutien

- le certificat du Docteur [V] du 1er février 2018 indiquant avoir reçu en consultation Mme [L] [J] le 23 janvier 2017 et le 23 mars 2017 pour un syndrome anxiodépressif réactionnel ayant conduit à la prescription d'anxiolytiques et de somnifères ainsi qu'à une proposition d'arrêt de travail refusée par la salariée

- le certificat médical initial d'accident du travail de maladie professionnelle daté du 27 septembre 2017 faisant état d'un syndrome anxiodépressif réactionnel

- le compte rendu d'examen médical du Docteur [I], médecin psychiatre, intervenu à la demande du médecin-conseil dans le cadre de l'instruction de la demande de maladie professionnelle dont il résulte qu'au 17 janvier 2018, Madame [L] [J] présentait toujours un état dépressif, un fort amaigrissement, des troubles de la mémoire et de la concentration et une idéation fortement négative avec des idées suicidaires.

La société Interconstruction IC 03 Les demeures Régionales soutient également que la dégradation de l'état de santé de la salariée est due à la tentative de suicide de sa fille et de la maladie de son mari.

Il résulte en effet des pièces produites que la fille de Madame [L] [J] a tenté de se suicider le 5 juin 2017 et que son mari a été hospitalisé en soins intensifs suite à un problème cardiaque au mois de février 2017.

Cependant, la cour relève à la lecture des différentes pièces médicales détaillées ci-dessus que le syndrome anxiodépressif de la salariée antérieurement à ces deux événements puisque ses premières manifestations ont été constatées à partir du 10 juin 2016.

En définitive, parmi les faits invoqués par la salariée, sont établis les faits suivants :

- après sa reprise au mois de janvier 2016, elle a été confrontée à une surcharge de travail

- le gérant, M. [U] a changé de comportement à son retour de longue maladie et a adopté un comportement suspicieux à son égard

- il a installé une caméra filmant son bureau et a refusé de modifier l'angle de la prise de vue

- elle a refusé de signer l'attestation d'accord concernant l'autorisation d'installation de cette caméra et sa signature a été reproduite sans son accord sur l'attestation produite par la société Interconstruction IC 03 Les demeures Régionales

- M. [U] a vidé les tiroirs et enlevé les dossiers de son bureau au mois de février 2017

- son état de santé mentale s'est dégradé à compter du mois de juin 2016.

Pour justifier ces faits et démontrer qu'ils ne participent pas à un harcèlement moral, la société soutient que :

- au moment de la saisine du conseil des prud'hommes, la salariée n'a pas invoqué un harcèlement moral, pas plus que pendant la relation de travail

- il résulte de la chronologie des événements et des SMS échangés avec Mlle [J] qu'entre le 6 juin 2016 et le 8 novembre 2017, rien ne laissait supposer une attitude harcelante de la part de M. [U]

- la décision de la CPAM de prendre en charge la maladie professionnelle au titre de la législation sur les risques professionnels fait actuellement l'objet d'un recours devant le Pôle social

- M. [U] a été relaxé des faits de faux et usage de faux par jugement définitif

- les attestations et les pièces médicales produites par Madame [L] [J] doivent être considérées avec réserves

- suite à l'entretien annuel d'évaluation du 16 février 2017, M. [U] a mis en place dès le mois de mars 2017 une ' réorganisation afin d'anticiper une surcharge de travail'.

La société Interconstruction IC 03 Les demeures Régionales produit également plusieurs attestations dans le but de démontrer l'absence de harcèlement moral de M. [U] à l'égard de Madame [L] [J] et la proximité et la disponibilité du gérant de l'entreprise à l'égard de ses collaborateurs, son management bienveillant 'permettant à chacun de s'épanouir et de monter en compétence' et l'influence négative sur ses collègues de Mme [L] [J] qui 'n'hésite pas à critiquer ses collègues, voir à déformer la réalité des difficultés rencontrées par ses collègues, dans le seul but de se mettre en avant et de se faire apprécier par la direction'.

Cependant, aucun de ces moyens et de ces pièces n'est de nature à rapporter la preuve de ce que les agissements de l'employeur n'étaient pas constitutifs d'un harcèlement moral et que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral.

Il ressort de tous ces éléments que l'existence harcèlement moral est démontrée.

En conséquence la cour infirme le jugement de ce chef, dit que Madame [L] [J] a été victime de harcèlement moral et condamne la société Interconstruction IC 03 Les demeures Régionales au paiement de dommages et intérêts qui seront fixés à la somme de 15 000 euros en raison de la durée de plus d'un an et de la gravité des conséquences de ce harcèlement moral telles quelles résultent des pièces versées aux débats.

M. [U] ayant agi dans le cadre de ses fonctions de gérant de la société, la demande de condamnation personnelle dirigée contre lui sera rejetée.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Les obligations résultant des articles L. 1152-4 (obligation pour l'employeur de prévenir les agissements de harcèlement moral) et L. 1152-1 du code du travail (prohibition des agissements répétés de harcèlement moral) sont distinctes en sorte que la méconnaissance de chacune d'elles, lorsqu'elle entraîne des préjudices différents, peut ouvrir droit à des réparations spécifiques.

En l'espèce, Madame [L] [J] ne justifie d'aucun préjudice distinct.

En conséquence la cour, confirmant le jugement de ce chef, rejette la demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de prévention des faits de harcèlement moral.

Sur la demande de nullité du licenciement :

Sur la demande de nullité du licenciement pour violation du statut protecteur et la demande de dommages et intérêts pour nullité du licenciement :

Les premiers juges ont fait droit à la nullité du licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement nul au motif que Madame [L] [J] avait été licenciée sans autorisation préalable de l'inspecteur du travail, en méconnaissance de la protection spécifique du candidat aux élections du ' comité d'entreprise'.

L'appelante sollicite la confirmation du jugement déféré sur le chef de jugement ayant prononcé le licenciement pour violation du statut protecteur et son infirmation sur le montant des dommages et intérêts pour nullité du licenciement, qu'elle demande de porter à 50'000 euros.

La partie intimée ne demande pas l'infirmation du chef de jugement ayant prononcé la nullité du licenciement et sollicite pour sa part la confirmation du chef de jugement ayant fixé le montant des dommages et intérêts pour licenciement nul à la somme de 10'000 euros.

La cour, réparant l'omission de statuer des premiers juges, dit que le licenciement intervenu sans autorisation de licenciement et en violation du statut protecteur est nul.

S'agissant du montant des dommages et intérêts pour licenciement nul, l'examen de cette prétention suppose qu'il soit au préalable statué sur la demande de nullité du licenciement pour harcèlement moral que le jugement déféré a rejetée.

Cette prétention sera donc examinée avec la seconde demande de nullité du licenciement, fondée sur le harcèlement moral.

Sur la demande de nullité pour harcèlement moral :

Selon l'article L1152-3 du code du travail : 'Toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul'.

En l'espèce, Madame [L] [J] fait valoir que son inaptitude a pour seule et unique origine son état dépressif réactionnel aux agissements de harcèlement moral dont elle fait l'objet de la part de son employeur.

Contrairement à ce que répond l'employeur, l'existence d'un harcèlement moral est bien démontrée.

Il résulte en outre des pièces du dossier que l'inaptitude a été prononcée à l'issue de deux arrêts de travail successifs et continus des 6 juin 2017 et 27 septembre 2017 pour syndrome anxio dépressif, lequel ne peut s'expliquer par aucun antécédent personnel de troubles de l'humeur, antécédent familial ou état antérieur selon le compte rendu d'examen médical du Docteur [I] précité.

Ces éléments permettent de démontrer que l'inaptitude de la salariée est en lien direct et exclusif avec le harcèlement moral dont elle a été victime de la part de l'employeur.

Par application des dispositions susvisées, le licenciement est donc nul.

Le jugement déféré sera donc infirmé de ce chef.

En vertu de l'article L.1235-3-1 du code du travail, lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d'une nullité pour harcèlement moral et que le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité à la charge de l'employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

En l'espèce, en retenant que le salaire de référence s'établit à la somme de 2 301 euros (moyenne des 6 derniers mois de salaires), et au vu des éléments de la cause, il convient de faire droit à la demande de dommages et intérêts licenciement nul à hauteur de 25 000 euros.

En conséquence, et en infirmant le jugement déféré, la cour condamne la société à payer à la salariée la somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul.

M. [U] ayant agi dans le cadre de ses fonctions de gérant de la société, la demande de condamnation personnelle dirigée contre lui sera rejetée.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur le remboursement des sommes payées au salarié par Pôle Emploi:

Selon l'article L1235-4 du code du travail dans sa version applicable au litige : 'Dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé.

Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

Pour le remboursement prévu au premier alinéa, le directeur général de Pôle emploi ou la personne qu'il désigne au sein de Pôle emploi peut, pour le compte de Pôle emploi, de l'organisme chargé de la gestion du régime d'assurance chômage mentionné à l'article L. 5427-1, de l'Etat ou des employeurs mentionnés à l'article L. 5424-1, dans des délais et selon des conditions fixés par décret en Conseil d'Etat, et après mise en demeure, délivrer une contrainte qui, à défaut d'opposition du débiteur devant la juridiction compétente, comporte tous les effets d'un jugement et confère le bénéfice de l'hypothèque judiciaire'.

S'agissant d'un licenciement nul en raison d'une méconnaissance de la prohibition des agissements répétés de harcèlement moral, il y a lieu d'ordonner, d'office et par application de l'article L 1235-4 du code du travail, le remboursement par la société Interconstruction IC 03 Les demeures Régionales à Pôle Emploi des indemnités de chômage payées à Madame [L] [J] à la suite de son licenciement, dans la limite de six mois de prestations.

Sur les demandes accessoires :

Partie perdante, la société Interconstruction IC 03 Les demeures Régionales supportera la charge des dépens de première instance et d'appel.

Par ailleurs, Madame [L] [J] a dû pour la présente instance exposer tant en première instance qu'en appel des frais de procédure et honoraires non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser intégralement à sa charge.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Interconstruction IC 03 Les demeures Régionales à lui payer la somme de 1 200 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, et de condamner cet employeur à lui payer sur le même fondement une indemnité de 1 800 euros au titre des frais qu'elle a dû exposer en appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a :

- rejeté la demande de dommages-intérêts pour modification unilatérale du contrat de travail ;

- rejeté la demande de condamnation in solidum de M. [K] [U] avec la société Interconstruction IC 03 Les demeures Régionales ;

- rejeté la demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de prévention des faits de harcèlement moral ;

- condamné la société Interconstruction IC 03 Les demeures Régionales à payer à Madame [L] [J] la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

INFIRME le jugement en toutes ses autres dispositions et, statuant à nouveau et y ajoutant :

PRONONCE l'annulation de la sanction disciplinaire du 20 septembre 2017 et condamne la société Interconstruction IC 03 Les demeures Régionales à payer à Madame [L] [J] la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral ;

CONDAMNE la société Interconstruction IC 03 Les demeures Régionales à payer à Madame [L] [J] la somme de 2 580,38 euros à titre de dommages et intérêts pour privation de l'indemnité compensatrice de congés payés ;

DIT que le licenciement de Madame [L] [J] intervenu sans autorisation de licenciement et en violation du statut protecteur est nul ;

DIT que Madame [L] [J] a été victime de harcèlement moral ;

DIT que le licenciement de Madame [L] [J] est nul en raison d'un harcèlement moral ;

CONDAMNE la société Interconstruction IC 03 Les demeures Régionales à payer à Madame [L] [J] les sommes suivantes :

- 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;

- 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ;

DIT que les sommes allouées supporteront, s'il y a lieu, le prélèvement des cotisations et contributions sociales;

ORDONNE le remboursement par la société Interconstruction IC 03 Les demeures Régionales à Pôle Emploi des indemnités de chômage payées à Madame [L] [J] à la suite de son licenciement, dans la limite de six mois de prestations ;

CONDAMNE la société Interconstruction IC 03 Les demeures Régionales à payer à Madame [L] [J] la somme de 1 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Interconstruction IC 03 Les demeures Régionales aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.

Le greffier, Le Président,

N. BELAROUI C. RUIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Riom
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/00368
Date de la décision : 23/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-23;21.00368 ?
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