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23/05/2023 | FRANCE | N°21/00320

France | France, Cour d'appel de Riom, Chambre sociale, 23 mai 2023, 21/00320


23 MAI 2023



Arrêt n°

ChR/NB/NS



Dossier N° RG 21/00320 - N° Portalis DBVU-V-B7F-FRHB



Syndicat SYNDICAT CHIMIE ENERGIE AUVERGNE LIMOUSIN CFDT



/



S.A.S. GOODYEAR FRANCE



jugement au fond, origine tj hors jaf, jex, jld, j. expro, jcp de clermont-ferrand, décision attaquée en date du 11 janvier 2021, enregistrée sous le n°

Arrêt rendu ce VINGT TROIS MAI DEUX MILLE VINGT TROIS par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibérÃ

© de :



M. Christophe RUIN, Président



Mme Sophie NOIR, Conseiller



Mme Karine VALLEE, Conseiller



En présence de Mme Nadia BELAROUI gref...

23 MAI 2023

Arrêt n°

ChR/NB/NS

Dossier N° RG 21/00320 - N° Portalis DBVU-V-B7F-FRHB

Syndicat SYNDICAT CHIMIE ENERGIE AUVERGNE LIMOUSIN CFDT

/

S.A.S. GOODYEAR FRANCE

jugement au fond, origine tj hors jaf, jex, jld, j. expro, jcp de clermont-ferrand, décision attaquée en date du 11 janvier 2021, enregistrée sous le n°

Arrêt rendu ce VINGT TROIS MAI DEUX MILLE VINGT TROIS par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :

M. Christophe RUIN, Président

Mme Sophie NOIR, Conseiller

Mme Karine VALLEE, Conseiller

En présence de Mme Nadia BELAROUI greffier et de Mme Eloïse LOUIS MARIE ALIGROT, greffier stagiaire lors des débats et Mme Nadia BELAROUI greffier lors du prononcé

ENTRE :

Syndicat SYNDICAT CHIMIE ENERGIE AUVERGNE LIMOUSIN CFDT

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représenté par Me Charlotte BLAIZIN, avocat suppléant Me Guillaume BEAUGY, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

APPELANT

ET :

S.A.S. GOODYEAR FRANCE prise en la personne de son Président en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Sophie LACQUIT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND, avocat constitué, substitué par Me Florence BACQUET de la SCP FLICHY GRANGÉ AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

INTIMEE

M. RUIN, Président et Mme NOIR, Conseiller après avoir entendu, M. RUIN, Président en son rapport, à l'audience publique du 20 mars 2023, tenue par ces deux magistrats, sans qu'ils ne s'y soient opposés, les représentants des parties en leurs explications, en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré après avoir informé les parties que l'arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l'article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

La SAS GOODYEAR FRANCE appartient au groupe GOODYEAR Europe qui est spécialisé dans le secteur du commerce de gros équipement automobiles et notamment des pneumatiques. Elle dispose de plusieurs établissements sur le territoire français, dont un situé à [Localité 5].

Le 7 janvier 2011, la société GOODYEAR DUNLOP TIRES FRANCE, représentée par le directeur d'établissement de [Localité 5], et le syndicat CFDT, représenté par Monsieur [Z] [X], ont signé un accord collectif sur l'aménagement du temps de travail du personnel non posté, cadres et collaborateurs sédentaires, de l'établissement de [Localité 5].

Par assignation du 18 janvier 2019, le syndicat CFDT CHIMIE ENERGIE AUVERGNE LIMOUSIN a saisi le tribunal de grande instance de CLERMONT-FERRAND aux fins notamment qu'il soit enjoint à l'employeur de faire une juste application de l'accord d'établissement du 7 janvier 2011 et de voir condamner la société GOODYEAR FRANCE au paiement de dommages et intérêt.

Par jugement contradictoire rendu le 11 janvier 2021 (audience du 16 novembre 2021), le tribunal judiciaire de CLERMONT-FERRAND a :

- dit irrecevable la demande en injonction de faire une juste application de l'accord de l'établissement ;

- débouté le syndicat SCEAL-CFDTD AUVERGNE LIMOUSIN, pour le surplus ;

- débouté la S.A GOODYEAR DUNLOP TIRES France de sa prétention au titre des frais irrépétibles ;

- condamné le syndicat SCEAL-CFDT AUVERGNE LIMOUSIN aux dépens.

Le 9 février 2021, le syndicat CHIMIE ENERGIE AUVERGNE LIMOUSIN CFDT a interjeté appel de ce jugement.

La S.A.S GOODYEAR FRANCE a constitué avocat le 16 février 2021.

Vu les conclusions notifiées à la cour le 5 mai 2021 syndicat CHIMIE ENERGIE AUVERGNE LIMOUSIN CFTD,

Vu les conclusions notifiées à la cour le 3 août 2021 par la S.A.S GOODYEAR FRANCE,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 20 février 2023.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières écritures, le syndicat CHIMIE ENERGIE AUVERGNE-LIMOUSIN CFTD demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et, statuant à nouveau, de :

- juger qu'il est recevable et bien fondé en ses demandes ;

- juger que l'accord d'établissement sur l'aménagement du temps de travail du personnel non posté, cadres et collaborateurs sédentaires, du 7 janvier 2011 n'est pas respecté par la S.A.S GOODYEAR FRANCE ;

- ordonner à la S.A.S GOODYEAR FRANCE de cesser la violation de l'accord d'établissement sur l'aménagement du temps de travail du personnel non posté, cadres et collaborateurs sédentaires du 7 janvier 2011 ;

Et en conséquence,

- enjoindre la S.A.S GOODYEAR FRANCE de faire une juste application, au sein de son site de [Localité 5], de l'accord d'établissement sur l'aménagement du temps de travail du personnel non posté, cadres et collaborateurs sédentaires, du 7 janvier 2011, sous le contrôle d'un huissier de justice, dans un délai de 30 jours suivant la signification du présent arrêt, et passé ce délai sous astreinte de 100 euros par jour de retard, la Cour de céans se réservant la faculté de vérifier ledit accord est correctement appliqué par la société et la faculté de liquider l'astreinte en tant que de besoin ;

- condamner la S.A.S GOODYEAR FRANCE à lui payer et porter la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice subi ;

- condamner la S.A.S GOODYEAR FRANCE à lui verser la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, au titre de la première instance et 1.800 euros, sur le même fondement en cause d'appel ;

- condamner la S.A.S GOODYEAR FRANCE aux entier dépens.

S'agissant de son intérêt à agir, le syndicat SCEAL-CFTD rappelle qu'il sollicitait du tribunal judiciaire uniquement d'enjoindre à la S.A.S GOODYEAR FRANCE de faire application de l'accord d'établissement sous contrôle d'un huissier et non pas d'enjoindre à l'employeur de communiquer l'ensemble des relevés de pointage. Il considère qu'il relève de ses missions de veiller à la bonne mise en 'uvre de l'accord collectif dont il est signataire. C'est ainsi qu'après avoir été alerté par les salariés puis avoir alerté à son tour l'inspection du travail, il a dû saisir le tribunal judiciaire du fait que plusieurs salariés avaient été amenés à réaliser des heures supplémentaires non rémunérées, en violation de l'accord précité. La société GOODYEAR contestant formellement cette affirmation, le syndicat l'a donc incitée à produire les relevés de pointage pour prouver ces allégations, mais n'a aucunement demandé au tribunal de le lui imposer dans le but d'obtenir une condamnation générale de la société GOODYEAR pour soutenir de futures instances prud'homales.

En ce qui concerne les heures supplémentaires, le syndicat SCEAL-CFTD soutient que régulièrement, la durée hebdomadaire de travail de 36h30 était dépassée par les salariés pour un impératif ou une nécessité du service, sans toutefois que les heures supplémentaires ne leur soient rémunérées. Il fait valoir que la société ne pouvait ignorer l'accomplissement de ses heures puisque jusqu'au mois de décembre 2017, les salariés remplissaient des relevés d'heures informatiques pour indiquer les heures réalisées puis à compter de décembre 2017, un dispositif de pointage a été mis en place. Il indique produire plusieurs courriers émanant de différents salariés, qui attestent de la réalisation de ses heures supplémentaires, à hauteur de plus de 82 pour l'année 2018 pour certains, sans qu'elles ne soient rémunérées ni mentionnées sur le bulletin de salaire. C'est pourquoi certains salariés ont d'ailleurs engagé des procédures devant le conseil des prud'hommes en contestation du décompte d'heures retenu par la société. Le syndicat SCEAL-CFTD rappelle qu'en matière d'heures supplémentaires, la charge de la preuve est partagée de sorte que la société devra fournir à la Cour les éléments de nature à justifier les heures réalisées. Le syndicat considère que la Cour devra enjoindre à la société de respecter l'accord d'établissement, notamment en son article 2.1.5.2.

S'agissant de la journée de solidarité, le syndicat reconnaît que les modalités d'accomplissement d'une telle journée n'ont pas été définies dans l'accord d'établissement, mais qu'il est recevable en sa demande puisque ce dernier réglemente la prise des jours de congés RTT. Au sein de la société GOODYEAR FRANCE, la valeur pour une journée de RTT serait de 7 heures et 18 minutes. Il est prévu légalement que la société n'est en droit de décompter que 7 heures de travail pour la mise en 'uvre de la journée de solidarité. En l'espèce, la société GOODYEAR FRANCE imposerait à ses salariés la prise d'un jour de RTT pendant la journée de solidarité de sorte qu'un jour de 7 heures et 18 minutes était décompté, dépassant la limite légale de 7 heures. Ainsi, les 18 minutes devraient être payées au titre des heures supplémentaires.

S'agissant de la compétence du syndicat pour agir, le syndicat rappelle qu'il est signataire de l'accord d'établissement dont il sollicite l'application et qu'il subit un préjudice certain du fait de sa méconnaissance.

Dans ses dernières écritures, la S.A.S GOODYEAR FRANCE demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et, par conséquent, de :

In limine litis et au fond :

- déclarer le syndicat SCEAL-CFTD irrecevable à agir quant à sa demande relative au non-respect de l'accord d'établissement concernant le non-paiement des heures supplémentaires et à l'injonction de faire une juste application de l'accord ;

- déclarer ses demandes relatives au non-respect de l'accord d'établissement concernant la journée de solidarité non fondées ;

- débouter le syndicat SCEAL-CFTD de l'ensemble de ses demandes ;

A titre subsidiaire,

- déclarer ses demandes relatives au non-respect de l'accord d'établissement concernant le non-paiement des heures supplémentaires non fondées ;

- débouter le syndicat SCEAL-CFTD de l'ensemble de ses demandes à ce titre ;

- déclarer ses demandes relatives au non-respect de l'accord d'établissement concernant la journée de solidarité non fondées ;

A titre infiniment subsidiaire :

- constater le caractère injustifié et manifestement excessif des dommages et intérêts sollicités par le syndicat SCEAL-CFTD ;

- le débouter intégralement de sa demande de dommages et intérêts ou à tout le moins réduire le montant des éventuels dommages et intérêts alloués au syndicat SCEAL-CFTD à la somme d'un euro symbolique ;

En tout état de cause,

- rejeter la demande d'astreinte formée par le syndicat SCEAL-CFTD ;

- débouter le syndicat de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner le syndicat SCEAL-CFTD à 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

- condamner le syndicat SCEAL-CFTD aux entiers dépens.

La société GOODYEAR considère que l'objet de l'injonction formulée n'est pas précise, puisqu' « une juste application de l'accord » serait trop vague pour qu'une décision de justice soit exécutée, notamment avec le concours d'un huissier de justice. Elle soutient que le pouvoir d'injonction d'un tribunal est subordonné à un comportement fautif qu'il ordonnerait de cesser. Or, en l'espèce, aucune infraction ne pourrait être caractérisée. En outre, le syndicat tenter d'obtenir la communication forcée des relevés de pointage alors que cela ne constitue pas une mesure d'application de l'accord et n'entre pas dans la défense de l'intérêt collectif de la profession, de sorte que le syndicat doit être déclaré irrecevable. L'intimée fait valoir que la demande n'est formulée que dans l'objectif d'obtenir sa condamnation générale pour ensuite étayer des demandes individuelles de rappel d'heures supplémentaires devant la juridiction prud'homale par les salariés. Si la société refuse donc la communication de ces relevés, c'est uniquement parce qu'elle considère que la charge de la preuve de ce qu'il avance repose uniquement sur le syndicat, puisque contrairement à ce qu'il affirme, elle ne serait pas partagée dans une action relevant d'un intérêt collectif.

S'agissant des heures supplémentaires, la société GOODYEAR rappelle qu'aux termes de l'accord, le personnel non posté est soumis à une durée hebdomadaire de travail de 36,5 heures par semaine et que les heures réalisées au-delà sont considérées comme des heures supplémentaires. Mais, à l'instar de ce que prévoit la loi, pour être effectivement rémunérées comme des heures supplémentaires, une validation préalable et écrite du responsable de service est obligatoire. Elle considère que le syndicat n'apporte aucune preuve que des salariés auraient effectué des heures supplémentaires respectant les critères précités et qu'elles n'auraient pas été rémunérées par l'employeur en violation de l'accord d'établissement. Les trois cas individuels dont fait état le syndicat SCEAL-CFTD ne sont absolument pas suffisants pour prouver une méconnaissance générale de l'accord collectif par l'employeur, d'autant que ces trois salariés ne s'appuient que sur des tableaux remplis à la main, selon un système auto-déclaratif non contrôlé par la direction et sur lesquels figurent des ratures. La société considère qu'il convient de noter que deux de ces trois salariés ont quitté l'entreprise et engagé un contentieux prud'homal à son encontre, de sorte que la valeur probante des éléments produits devra être relativisée. La société soutient que lorsque des heures supplémentaires au regard des critères légaux ont été réalisées, elles ont toujours été rémunérées, tel qu'en attestent les documents communiqués au syndicat par et ceux qu'elle produit au titre du présent litige. Elle indique produire des bulletins de salaire qui démontrent que des heures supplémentaires avaient été réalisées entre 2016 et 2019 par plusieurs salariés, et qu'elles ont fait l'objet d'une rémunération en conséquence, rappelant que de tels bulletins font foi jusqu'à preuve contraire, mais qu'aucune décision de justice n'est intervenue pour les contredire. Elle rappelle que, si depuis le 1er décembre 2017, un dispositif de pointage a été mis en place, les relevés qui en découlent peuvent faire état de temps de travail additionnels, sans toutefois entrer dans le champ des heures supplémentaires, compte tenu notamment du positionnement des machines au sein de l'usine et des temps liés à l'habillage et au déshabillage. La société fait valoir également qu'à compter de la mise en place d'un tel dispositif, elle a toujours pris soin d'informer l'ensemble du personnel des modalités de réalisation des heures supplémentaires. Contrairement à ce qu'affirment les salariés attestant pour le compte du syndicat SCEAL-CFTD, le temps de pause accordé doit être pris en compte et la présence badgée par jour doit être distinguée du temps de travail effectif.

S'agissant de la demande relative à la journée de solidarité, la société GOODYEAR soutient qu'il faut distinguer la situation des cadres et des collaborateurs autonomes, de celle des autres personnels non postés. En effet, les cadres et collaborateurs autonomes étant soumis à un forfait annuel en jours, la journée de solidarité étant effectuée dans la limite d'une journée de travail, aucune compensation n'est due. Pour les autres personnels non postés, l'intimée conteste que la valeur d'une journée de RTT est de 7 heures et 18 minutes, rappelant que l'organisation du temps de travail s'effectue sur la base de 36,5 heures par semaine, soit une moyenne de 7 heures 30 minutes par jour. Or, pour compenser l'heure et demie réalisée au-delà des 35 heures prévues légalement, chaque salarié bénéficie d'un ou plusieurs jours de RTT, de sorte que leur valeur est bien de 7 heures. Ainsi, la prise d'une journée de RTT au titre de la journée de solidarité correspond bien à une journée de 7 heures, de sorte qu'aucune heure supplémentaire n'est due aux salariés.

S'agissant de la demande indemnitaire formée par le syndicat à hauteur de 5.000 euros, la société GOODYEAR France considère qu'elle est infondée.

Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions, moyens et arguments des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux dernières conclusions régulièrement notifiées et visées.

MOTIFS

- Sur l'accord collectif en cause -

L'accord collectif d'établissement du 7 janvier 2011, applicable à compter du 1er février 2011 au personnel non posté, cadres et collaborateurs sédentaires, de l'établissement de [Localité 5], qui rappelle d'abord une organisation légale du temps de travail effectuée sur la base d'une durée quotidienne de 7 heures, hebdomadaire de 35 heures, annuelle de 1607 heures (1600 + journée de solidarité de 7 heures), avec un décompte du 1er janvier au 31 décembre, prévoit notamment :

- un aménagement conventionnel du temps de travail sur la base de 36,5 heures par semaine (moyenne de 7,3 heures par jour) pour le décompte des heures supplémentaires avec majoration de salaire ou compensation (mais les heures au delà de 1607 heures par an, plafond augmenté à due concurrence des jours de RTT et congés affectés sur le CET, sont des heures supplémentaires) ;

- un maximum de 9 jours de RTT acquis par an en compensation d'une durée hebdomadaire conventionnelle de travail supérieure de 1 heures 30 minutes à la durée légale, à hauteur d'un jour de RTT acquis pour 28 journées complètes de travail (consécutives ou non) sur une base de 7,3 heures par jour de temps de travail effectif (mentions des droit acquis sur les bulletins de paie), les jours de RTT devant être pris sur l'année civile par journée entière en accord avec la hiérarchie ;

- une rémunération lissée (indépendamment de l'horaire réellement effectué) des salariés à temps complet sur la base de 35 heures par semaine ;

- des horaires variables de travail pour les salariés non postés dans le cadre de plages horaires définies du lundi au vendredi ;

- une organisation des temps de pause et de repas ainsi que des astreintes ;

- des dispositions spécifiques concernant les salariés 'cadres autonomes et collaborateurs autonomes' pouvant relever d'un forfait annuel de 218 jours de travail ;

- deux systèmes de décompte et contrôle différents du temps de travail, l'un pour les salariés soumis à un horaire variable et l'autre pour les salariés soumis à un forfait en jours, à définir lors d'une réunion ultérieure du comité d'établissement.

L'accord collectif d'établissement du 7 janvier 2011 prévoit qu'il remplace toutes les dispositions antérieures relatives au même objet appliquées au sein de l'établissement de [Localité 5] (accord collectif ou usage).

S'agissant du suivi de cet accord, il est prévu (article 4) la mise en place d'un 'comité de suivi RTT', composé de deux membres par organisation syndicale signataire et de deux représentants de la direction, qui se réunira une fois par an à compter d'un délai de six mois depuis la prise d'effet de l'accord, avec un ordre du jour portant sur le bilan de l'ARTT, la durée effective du travail, le suivi des heures supplémentaires et le suivi de l'application des conventions de forfait en jours, avec un compte rendu rédigé à l'issue par la direction.

S'agissant de l'interprétation de cet accord, il est prévu (article 4), en cas de difficulté d'interprétation d'une disposition, que les parties signataires se réunissent dans le mois suivant la demande écrite de l'une des parties en commission de suivi qui se réunira dans un délai d'un mois suivant la demande d'interprétation, sur convocation de la direction.

- Sur l'intérêt à agir du syndicat CFDT -

Il n'est pas contesté que le syndicat CHIMIE ENERGIE AUVERGNE LIMOUSIN CFDT a la capacité d'agir en justice.

Les syndicats professionnels, dont les membres sont liés par une convention collective ou un accord collectif, peuvent :

- exercer une action en faveur de leurs membres, sans avoir à justifier d'un mandat de l'intéressé, pourvu qu'il ait été averti et n'ait pas déclaré s'y opposer. L'intéressé peut toujours intervenir à l'instance engagée par le groupement ;

- intervenir dans une instance née de la convention ou de l'accord collectif, en raison de l'intérêt collectif que la solution du litige peut présenter pour leurs membres.

Les litiges portant sur le sens, la portée ou l'application des accords collectifs relèvent du tribunal judiciaire (anciennement tribunal de grande instance).

À la lecture des dernières écritures de l'appelant, il apparaît que celui-ci fonde son action sur les dispositions des articles L. 2132-3 et L. 2262-11 du code du travail.

Aux termes de l'article L. 2132-3 du code du travail : 'Les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.'

Qu'ils soient ou non liés par la convention collective ou l'accord collectif, les syndicats professionnels peuvent demander, sur le fondement de l'article L. 2132-3 du code du travail, l'exécution des dispositions d'une convention ou d'un accord collectif, même non étendu, et le cas échéant, des dommages-intérêts, le non-respect de ces dispositions conventionnelles causant en principe un préjudice à l'intérêt collectif de la profession.

Aux termes de l'article L. 2262-11 du code du travail : 'Les organisations ou groupements ayant la capacité d'agir en justice, liés par une convention ou un accord, peuvent intenter en leur nom propre toute action visant à obtenir l'exécution des engagements contractés et, le cas échéant, des dommages-intérêts contre les autres organisations ou groupements, leurs propres membres ou toute personne liée par la convention ou l'accord.'

Les syndicats professionnels de salariés signataires d'une convention collective ou d'un accord collectif peuvent exercer une action en justice aux fins de voir l'employeur (ou l'organisation patronale) signataire respecter l'accord et exécuter les engagements contractés et, le cas échéant, d'obtenir des dommages-intérêts, sans qu'il en soit expressément référé à l'existence d'un préjudice causé à l'intérêt collectif de la profession.

Ainsi, indépendamment de l'action réservée par l'article L. 2262-11 du code du travail aux syndicats liés par une convention ou un accord collectif de travail, les syndicats professionnels, qu'ils soient ou non signataires, sont recevables à demander sur le fondement de l'article L. 2132-3 de ce code, l'exécution d'une convention ou d'un accord collectif.

Sur le fondement des articles L. 2262-11 et L. 2132-3 du code du travail, un syndicat est recevable à demander au juge qu'il soit enjoint, y compris sous astreinte, à l'employeur, signataire ou tenu par un accord collectif, d'appliquer les dispositions de l'accord collectif à tous les salariés compris dans son champ d'application.

Dans ce cadre, selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, les syndicats peuvent, en leur nom propre, intenter contre toute personne liée par la convention ou l'accord collectif toute action visant à obtenir l'exécution des engagements contractés, mais ne peuvent se fonder sur ces textes pour demander l'attribution à des salariés nommément désignés des sommes déterminées. Les syndicats ne peuvent donc, sous couvert d'une action judiciaire en leur nom propre ayant pour objet allégué l'application de l'accord collectif, tendre en réalité au seul paiement de sommes déterminées à des personnes déterminées, sans quoi le syndicat ne peut invoquer notamment la défense d'un intérêt collectif.

En l'espèce, le syndicat CHIMIE ENERGIE AUVERGNE LIMOUSIN CFDT demande au juge de :

- juger que l'accord d'établissement sur l'aménagement du temps de travail du personnel non posté, cadres et collaborateurs sédentaires, du 7 janvier 2011 n'est pas respecté par la S.A.S GOODYEAR FRANCE ;

- ordonner à la S.A.S GOODYEAR FRANCE de cesser la violation de l'accord d'établissement sur l'aménagement du temps de travail du personnel non posté, cadres et collaborateurs sédentaires du 7 janvier 2011 ;

- enjoindre, sous astreinte, à la S.A.S GOODYEAR FRANCE de faire une juste application, au sein de son site de [Localité 5], de l'accord d'établissement sur l'aménagement du temps de travail du personnel non posté, cadres et collaborateurs sédentaires, du 7 janvier 2011 ;

- condamner la S.A.S GOODYEAR FRANCE à lui payer et porter la somme de 5.000 euros, à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice subi du fait du non-respect de l'accord d'établissement du 7 janvier 2011.

L'action du syndicat ne tend donc pas au paiement de sommes déterminées à des salariés bénéficiaires de l'accord collectif nommément désignés mais à l'application des clauses de l'accord collectif du 7 janvier 2011 à tous les salariés compris dans son champ d'application et à la réparation du préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession.

Le 22 juin 2018, Monsieur [H], délégué syndical CFDT de l'établissement de [Localité 5], a adressé un courrier à Monsieur [E], directeur de l'établissement, pour demander la réunion du comité de suivi sur une question d'interprétation des dispositions de l'accord collectif d'établissement du 7 janvier 2011 concernant la journée de solidarité ainsi que les heures supplémentaires. La société GOODYEAR FRANCE ne semble pas avoir donné suite à cette demande.

Il n'est pas justifié de la réunion régulière du 'comité de suivi RTT', telle que prévue par l'article 4 de l'accord d'établissement du 7 janvier 2011, notamment pour assurer le suivi de l'exécution de l'accord collectif s'agissant de la durée effective du travail et des heures supplémentaires, ni produit les comptes rendus en la matière.

Il n'est pas plus justifié d'une action en justice intentée par le syndicat CHIMIE ENERGIE AUVERGNE LIMOUSIN CFDT afin de contraindre la société GOODYEAR FRANCE à réunir le comité de suivi suite à la demande du 22 juin 2018 portant sur les heures supplémentaires et la journée de solidarité, comme pourtant prévu également par l'article 4 de l'accord d'établissement du 7 janvier 2011.

Le syndicat CFDT a également interrogé l'inspection du travail qui a répondu par courriers daté des 13 juillet et 17 juillet 2018.

La formule d'injonction de 'faire une juste application' de l'accord d'établissement n'est guère heureuse mais, alors que l' intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action du syndicat CHIMIE ENERGIE AUVERGNE LIMOUSIN CFDT, laquelle est bien née d'une contestation sur l'application de l'accord collectif d'établissement du 7 janvier 2011, la société GOODYEAR FRANCE sera déboutée de sa demande afin de déclaration d'irrecevabilité à agir.

- Sur les heures supplémentaires -

Selon le code du travail, les heures supplémentaires sont les heures de travail effectif accomplies au-delà de la durée hebdomadaire légale (35 heures selon l'article L. 3121-27 du code du travail) ou de la durée considérée comme équivalente si elle existe (article L. 3121-28, ancien L.3121-22).

La durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles (article L. 3121-1 du code du travail).

En matière d'heures supplémentaires, le régime probatoire est fixé par l'article L. 3171-4 du code du travail, en tenant compte des articles L. 3171-2 et L. 3171-3 du code du travail qui déterminent les obligations de l'employeur relatives au décompte du temps de travail.

Aux termes de l'article L. 3171-4 du code du travail : 'En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.'.

Aux termes de l'article L. 3171-2 du code du travail : 'Lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.'.

Selon l'article D. 3171-8 du code du travail, pour les salariés ne travaillant pas selon le même horaire collectif, la durée du travail de chaque salarié concerné est décomptée selon les modalités suivantes : 1° Quotidiennement, par enregistrement, selon tous moyens, des heures de début et de fin de chaque période de travail ou par le relevé du nombre d'heures de travail accomplies ; 2° Chaque semaine, par récapitulation selon tous moyens du nombre d'heures de travail accomplies par chaque salarié.

En application de l'article L. 3171-3 du code du travail, l'employeur tient à la disposition de l'agent de contrôle de l'inspection du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié.

L'employeur doit être en mesure de fournir au juge des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié dans la limite de la prescription applicable aux salaires.

Les documents nécessaires au décompte individuel de la durée du travail de chaque salarié doivent être établis par l'employeur. La seule indication de l'amplitude journalière du travail, sans mention des périodes effectives de coupures et de pauses, est insuffisante. L'employeur peut demander au salarié d'effectuer lui-même ce décompte mais sans s'exonérer de sa responsabilité en cas de mauvaise exécution. Aucune forme particulière n'est prescrite pour le décompte individuel, il peut s'agir d'un cahier, d'un registre, d'une fiche, d'un listing, d'un système de badge. En cas de recours à un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable. La pratique de l'horaire collectif ne dispense pas l'employeur de tenir un décompte individuel de la durée de travail pour chaque salarié occupé selon cet horaire, notamment en cas de réalisation d'heures supplémentaires. Les documents établissant le temps de travail des salariés doivent être conservés pendant la durée de la prescription des salaires.

Il en résulte qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, le juge évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l'accord de l'employeur, soit s'il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées. Le salarié qui a accompli pendant une longue période des heures supplémentaires au vu et au su de son employeur qui ne s'y est pas opposé a droit au paiement des heures accomplies. L'appréciation de l'existence d'un accord implicite de l'employeur à la réalisation d'heures supplémentaires relève du pouvoir souverain des juges du fond. Mais dès lors qu'elles ont été effectuées malgré l'interdiction expresse de l'employeur, et sans que la nature ou la quantité des tâches à accomplir ne le justifie, les heures supplémentaires ne peuvent donner lieu à paiement. A l'inverse, les heures supplémentaires accomplies en dépit de l'exigence d'une autorisation préalable mais justifiées par l'importance des tâches à accomplir doivent être payées.

Le versement de primes ne peut tenir lieu de paiement d'heures supplémentaires. Le juge ne peut pas substituer au paiement des heures supplémentaires une condamnation à des dommages-intérêts.

La durée légale du travail effectif des salariés est fixée à trente-cinq heures par semaine civile. Constituent des heures supplémentaires toutes les heures de travail effectuées au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente. Toute heure accomplie au delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent. Les heures supplémentaires se décomptent par semaine. Une convention collective ou un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, de branche peut fixer une période de sept jours consécutifs constituant la semaine. À défaut d'accord, la semaine débute le lundi à 0 heure et se termine le dimanche à 24 heures.

Une convention collective ou un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, de branche peut fixer le ou les taux de majoration des heures supplémentaires, qui ne peut pas être inférieur à 10%. À défaut d'accord, les heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale hebdomadaire ou la durée considérée comme équivalente donnent lieu à une majoration de salaire de 25 % pour chacune des huit premières heures supplémentaires (de la 36ème heure à la 43ème heure incluse). Les heures suivantes donnent lieu à une majoration de 50 % (à partir de la 44ème heure). La majoration des heures supplémentaires s'applique au taux horaire des heures normales de travail, ce taux ne pouvant pas être inférieur au quotient résultant de la division du salaire mensuel brut par l'horaire mensuel. Il doit être tenu compte des primes et indemnités versées en contrepartie directe du travail ou inhérentes à la nature du travail fourni et du montant des avantages en nature.

Le juge doit vérifier, au vu du salaire horaire du salarié, si les heures supplémentaires ont été rémunérées en totalité. Le fait pour le salarié de n'avoir formulé aucune réserve lors de la perception de son salaire ni d'avoir protesté contre l'horaire de travail ne vaut pas renonciation au paiement des heures supplémentaires.

En l'espèce, l'accord d'établissement du 7 janvier 2011 ne déroge conventionnellement aux dispositions légales sur les heures supplémentaires qu'en ce qu'il prévoit que seules les heures de travail effectuées au-delà de la 36,5 ème heure (36 heures et 30 minutes) seront payées en heures supplémentaires. En contrepartie, des jours de RTT sont accordés aux salariés concernés (maximum de 9 jours de RTT acquis par an en compensation d'une durée hebdomadaire conventionnelle de travail supérieure de 1 heures 30 minutes à la durée légale).

Pour le surplus, l'accord collectif mentionne que la réalisation d'heures de travail effectuées au-delà de la durée du travail effectif moyen journalier (7,3 heures) doit obligatoirement faire l'objet d'une validation préalable écrite du responsable de service et que les heures supplémentaires seront, au choix du salarié et après validation du responsable, payées au taux de majoration légale en vigueur, ou récupérées dans la semaine considérée si cela est possible (et, au plus tard, dans les trois semaines qui suivent la semaine concernée), ou affectées dans un CET.

S'agissant des disposions conventionnelles sur les heures supplémentaires, le syndicat CHIMIE ENERGIE AUVERGNE LIMOUSIN CFDT soutient une violation de l'accord collectif d'établissement du 7 janvier 2011 par la société GOODYEAR FRANCE en ce qu'il a constaté que des salariés ont réalisé des heures de travail au-delà de 36,5 heures par semaine, pour un impératif ou des nécessités de service, sans que l'employeur ne les considère comme des heures supplémentaires.

À l'appui de ses dires, le syndicat produit des feuilles de présence ou de pointage, des tableaux de calcul d'heures supplémentaires et des bulletins de paie concernant trois salariés : Monsieur [C] [S], Monsieur [Y] [M] et Monsieur [P] [B].

Les parties exposent que depuis le 1er décembre 2017, tous les salariés de l'établissement de [Localité 5] sont soumis à un badgeage pour déterminer leur temps de travail journalier, et qu'auparavant les salariés remplissaient ou complétaient des relevés informatiques quant aux heures de travail effectuées chaque jour.

La société GOODYEAR FRANCE ne conteste pas qu'elle doit considérer comme heure supplémentaire toute heure de travail effectuée par un salarié au-delà la 36,5ème heure par semaine, mais soutient qu'elle est en droit de ne pas payer comme heures supplémentaires les heures non effectuées au regard de son système de décompte du temps de travail effectif journalier de chaque salarié ainsi que les heures effectuées sans demande ou autorisation du supérieur hiérarchique.

Vu les seuls éléments d'appréciation dont elle dispose, la cour constate qu'il n'est pas démontré en l'état une violation de l'accord d'établissement du 7 janvier 2011 s'agissant des dispositions conventionnelles concernant les heures supplémentaires.

Les pièces produites font seulement apparaître qu'un litige oppose les parties pour le cas de trois salariés ([S], [M] et [B]) s'agissant des règles de preuve fixées notamment par l'article l'article L. 3171-4 du code du travail et la jurisprudence afférente, ainsi que concernant l'appréciation souveraine des juges du fond quant à déterminer si, nonobstant des dispositions conventionnelles prévoyant un accord exprès préalable de l'employeur ou du supérieur hiérarchique, les trois salariés susvisés peuvent prétendre au paiement (ou à la compensation) des heures supplémentaires accomplies, selon eux, avec l'accord implicite de l'employeur, notamment en ce qu'il serait établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches confiées ou en ce que chacun des trois salariés a accompli pendant une longue période des heures supplémentaires au vu et au su de son employeur (ou supérieur hiérarchique) qui ne s'y est pas opposé. Un tel litige ne relève pas, en tout état de causez, de l'action propre d'un syndicat professionnel sur le fondement des articles L. 2132-3 et L. 2262-11 du code du travail.

En conséquence, s'agissant des dispositions de l'accord d'établissement du 7 janvier 2011 sur les heures supplémentaires, le syndicat CHIMIE ENERGIE AUVERGNE LIMOUSIN CFDT sera débouté de ses demandes aux fins de juger que l'accord collectif n'est pas respecté par la S.A.S GOODYEAR FRANCE, d'ordonner à la S.A.S GOODYEAR FRANCE de cesser la violation de l'accord collectif et d'enjoindre, sous astreinte, à la S.A.S GOODYEAR FRANCE de faire une juste application, au sein de son site de [Localité 5], de l'accord d'établissement.

- Sur la journée de solidarité -

Aux termes de l'article L. 3133-7 du Code du travail (ordre public) :

'La journée de solidarité instituée en vue d'assurer le financement des actions en faveur de l'autonomie des personnes âgées ou handicapées prend la forme :

1° D'une journée supplémentaire de travail non rémunérée pour les salariés ;

2° De la contribution prévue au 1° de l'article L. 14-10-4 du code de l'action sociale et des familles pour les employeurs'.

Aux termes de l'article L. 3133-8 du Code du travail (ordre public) :

' Le travail accompli, dans la limite de sept heures, durant la journée de solidarité ne donne pas lieu à rémunération :

1° Pour les salariés mensualisés, dans cette limite de sept heures ;

2° Pour les salariés dont la rémunération est calculée par référence à un nombre annuel de jours de travail conformément à l'article L. 3121-58, dans la limite de la valeur d'une journée de travail.

Pour les salariés à temps partiel, la limite de sept heures prévues au 1° du présent article est réduite proportionnellement à la durée contractuelle'.

Aux termes de l'article L. 3133-11 du Code du travail :

'Un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche fixe les modalités d'accomplissement de la journée de solidarité.

Cet accord peut prévoir :

1° Soit le travail d'un jour férié précédemment chômé autre que le 1er mai ;

2° Soit le travail d'un jour de repos accordé au titre de l'accord collectif conclu en application de l'article L. 3121-44 ;

3° Soit toute autre modalité permettant le travail de sept heures précédemment non travaillées en application de stipulations conventionnelles ou des modalités d'organisation des entreprises.'

Selon l'article L. 3133-12 du Code du travail applicable à l'époque considérée, à défaut de stipulation dans la convention ou l'accord conclu en application de l'article L. 3133-11, les modalités d'accomplissement de la journée de solidarité sont définies par l'employeur, après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s'ils existent.

En l'espèce, le syndicat CFDT, tout en admettant que les modalités d'accomplissement de la journée de solidarité n'ont pas été définies par l'accord d'établissement du 7 janvier 2011, soutient que l'application de cet accord collectif par l'employeur au titre de la réglementation de la prise des jours de congés RTT impose aux salariés concernés de poser un jour de RTT correspondant à la journée de solidarité, ce qui conduit à ne pas rémunérer 7,3 heures (7 heures et 18 minutes) alors que seule la rémunération de 7 heures de travail peut être ôtée à un salarié au titre de la journée de solidarité. Le syndicat ajoute que ces 18 minutes devraient être payées par la société GOODYEAR FRANCE comme des heures supplémentaires.

Il échet de relever, à titre liminaire, que :

- l'argumentation du syndicat CFDT ne vise pas les salariés au forfait annuel en jour ;

- l'appelant, partie signataire de l'accorde collectif, n'a pas intenté une action en nullité ou invalidité de l'accord d'établissement du 7 janvier 2011 en ce qu'il violerait des dispositions d'ordre public concernant la journée de solidarité ;

- l'accord d'établissement du 7 janvier 2011 ne contient aucune disposition visant la journée de solidarité.

Le mécanisme spécifique de jours de congés RTT mis en place par cet accord collectif (maximum de 9 jours de RTT acquis par an, à hauteur d'un jour de RTT acquis pour 28 journées complètes de travail, consécutives ou non, sur une base de 7,3 heures par jour de temps de travail effectif) concerne exclusivement la compensation d'une durée hebdomadaire conventionnelle de travail supérieure de 1 heures 30 minutes à la durée légale et ce, pour le seul déclenchement de la comptabilisation des heures supplémentaires.

La base de 7,3 heures par jour de temps de travail mentionnée dans l'accord du 7 janvier 201, qui concerne uniquement l'acquisition de droit à jours de RTT conventionnels supplémentaires (par rapport aux dispositions légales) par l'accomplissement de 28 journées complètes de travail, consécutives ou non, ne vise ni la journée de solidarité ni les autres jours de congés ou de RTT. Il n'est pas expressément prévu par l'accord collectif qu'un jour de congé ou de RTT, encore moins au titre de la journée de solidarité, sera également décompté sur une base de 7,3 heures par jour.

Vu les seuls éléments d'appréciation dont elle dispose, la cour constate qu'il n'est pas démontré en l'état une violation de l'accord d'établissement du 7 janvier 2011 s'agissant des dispositions conventionnelles concernant les jours de congés RTT ou la journée de solidarité.

En conséquence, s'agissant des dispositions de l'accord d'établissement du 7 janvier 2011 visées par l'appelant, le syndicat CHIMIE ENERGIE AUVERGNE LIMOUSIN CFDT sera débouté de toutes ses demandes aux fins de juger que l'accord collectif n'est pas respecté par la S.A.S GOODYEAR FRANCE, d'ordonner à la S.A.S GOODYEAR FRANCE de cesser la violation de l'accord collectif et d'enjoindre, sous astreinte, à la S.A.S GOODYEAR FRANCE de faire une juste application, au sein de son site de [Localité 5], de l'accord d'établissement.

- Sur les dommages-intérêts -

Le syndicat CHIMIE ENERGIE AUVERGNE LIMOUSIN CFDT ne justifie pas d'un préjudice subi du fait d'une violation des dispositions de l'accord d'établissement du 7 janvier 2011 par la société GOODYEAR FRANCE.

Le syndicat CHIMIE ENERGIE AUVERGNE LIMOUSIN CFDT sera donc débouté de sa demande de dommages-intérêts.

- Sur les dépens et frais irrépétibles -

Le jugement déféré sera confirmé en ses dispositions sur les dépens et frais irrépétibles de première instance.

Le syndicat CHIMIE ENERGIE AUVERGNE LIMOUSIN CFDT, qui succombe en son recours, sera condamné aux entiers dépens d'appel.

Il n'y a pas lieu à condamnation de l'une des parties sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

- Déclare le syndicat CHIMIE ENERGIE AUVERGNE LIMOUSIN CFDT recevable en son action et ses prétentions ;

- Déboute le syndicat CHIMIE ENERGIE AUVERGNE LIMOUSIN CFDT de toutes ses demandes ;

- Confirme le jugement déféré en ses dispositions non contraires ;

Y ajoutant,

- Déboute le syndicat CHIMIE ENERGIE AUVERGNE LIMOUSIN CFDT de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

- Déboute la société GOODYEAR FRANCE de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

- Condamne le syndicat CHIMIE ENERGIE AUVERGNE LIMOUSIN CFDT aux dépens d'appel ;

- Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.

Le greffier, Le Président,

N. BELAROUI C. RUIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Riom
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/00320
Date de la décision : 23/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-23;21.00320 ?
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