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23/05/2023 | FRANCE | N°21/00224

France | France, Cour d'appel de Riom, Chambre sociale, 23 mai 2023, 21/00224


23 MAI 2023



Arrêt n°

SN/NB/NS



Dossier N° RG 21/00224 - N° Portalis DBVU-V-B7F-FQ7N



S.A. CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE D'AUVERGNE ET DU LIMOUSIN



/



[B] [N] épouse [W]





jugement au fond, origine conseil de prud'hommes - formation paritaire du puy en velay, décision attaquée en date du 22 janvier 2021, enregistrée sous le n° f 19/00018

Arrêt rendu ce VINGT TROIS MAI DEUX MILLE VINGT TROIS par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors

des débats et du délibéré de :



M. Christophe RUIN, Président



Mme Sophie NOIR, Conseiller



Mme Karine VALLEE, Conseiller



En présence de M...

23 MAI 2023

Arrêt n°

SN/NB/NS

Dossier N° RG 21/00224 - N° Portalis DBVU-V-B7F-FQ7N

S.A. CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE D'AUVERGNE ET DU LIMOUSIN

/

[B] [N] épouse [W]

jugement au fond, origine conseil de prud'hommes - formation paritaire du puy en velay, décision attaquée en date du 22 janvier 2021, enregistrée sous le n° f 19/00018

Arrêt rendu ce VINGT TROIS MAI DEUX MILLE VINGT TROIS par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :

M. Christophe RUIN, Président

Mme Sophie NOIR, Conseiller

Mme Karine VALLEE, Conseiller

En présence de Mme Nadia BELAROUI greffier lors des débats et du prononcé

ENTRE :

S.A. CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE D'AUVERGNE ET DU LIMOUSIN agissant en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Sophie LACQUIT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND, avocat constitué, substitué par Me Valérie BARDIN-FOURNAIRON de la SAS HDV AVOCATS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND, avocat plaidant

APPELANTE

ET :

Mme [B] [N] épouse [W]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me Jean-yves DIMIER de la SELARL JEAN-YVES DIMIER, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

INTIMEE

M. RUIN, Président et Mme NOIR, Conseiller après avoir entendu, Mme NOIR, Conseiller en son rapport, à l'audience publique du 20 mars 2023, tenue par ces deux magistrats, sans qu'ils ne s'y soient opposés, les représentants des parties en leurs explications, en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré après avoir informé les parties que l'arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l'article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [B] [N], épouse [W], a été embauchée en contrat de travail à durée indéterminée par la Sa Caisse d'Épargne et de Prévoyance d'Auvergne et du Limousin (ci-après CEPAL) à compter du 16 mars 2004, au poste de commerciale de point de vente.

Au dernier état de la relation de travail, Mme [B] [N] occupait le poste de directrice d'agence, à [Localité 5].

Le 11 mars 2016, la salariée a été déclarée apte par le médecin du travail et ce dernier a préconisé de ' prévoir un bureau ergonomique avec éclairage adapté - prévoir une taille d'écran supérieur (agrandissement de la taille des caractères) - éviter les reflets éblouissements sur écran'.

Le 13 septembre 2016, Mme [B] [N] s'est vue reconnaître la qualité de travailleur handicapé pour la période du 11 mai 2016 au 31 mai 2021.

À compter du 1er mai 2017, la salariée a bénéficié d'un congé pour création d'entreprise, renouvelé jusqu'au 30 avril 2019 et n'a jamais repris son poste.

Le 07 mars 2019, elle a saisi le conseil des prud'hommes du Puy-en-Velay d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de la CEPAL.

Le 18 avril 2019, Mme [B] [N] a sollicité une visite médicale auprès du Médecin du travail, aux termes de laquelle ce dernier a indiqué : «pas d'avis délivré ce jour mais l'état de santé actuel ne permet pas la reprise de travail prévue ».

Par courrier en date du 28 mai 2019, la CEPAL a adressé un courrier à Mme [B] [N], lui indiquant qu'elle était en absence injustifiée depuis la fin de son congé pour création d'entreprise.

Le 28 juin 2019, la société Caisse d'Epargne et de Prévoyance d'Auvergne et du Limousin a convoqué Mme [B] [N] à un entretien préalable à licenciement, fixé au 18 juillet 2019.

La salariée a été licenciée pour faute grave par courrier du 08 août 2019 rédigé ainsi :

« Pour faire suite à votre convocation à un entretien préalable à licenciement fixé le 18 juillet 2019 auquel vous ne vous êtes pas pré'senté'e et en l'absence de saisine du Conseil de Discipline National dans les délais impartis, nous vous signifions votre licenciement pour faute grave en raison de votre absence injustifiée depuis le 2 mai 2019.

En effet, vous êtes absente depuis cette date, absence pour laquelle nous n'avons pas reçu de justificatif de votre part et ce, malgré les courriers que nous vous avons adressés les 28 mai 2019 et 18 juin 2019.

En effet, suite à votre demande de prolongation de congé pour création d'entreprise que nous avons acceptée pour une durée d'un an, le 24 avril 2018, nous vous avons expressément demandé de nous faire part, au moins deux mois avant l'échéance de votre congé (soit avant le 28 février 2019), de votre décision quant à la suite que vous donnerez ce congé. Vous n'avez adressé aucun courrier en ce sens avant le 28 fé'vrier 2019 ni même avant la date de fin de votre congé.

Votre congé pour création d'entreprise ayant pris fin le 30 avril dernier, vous auriez donc dû reprendre votre travail dès le 2 mai 2019. Force est de constater que tel n'a pas été le cas et que vous n'avez, à ce jour, toujours pas justifié votre absence ni repris votre travail.

Le 13 juin 2019, vous nous avez adressé un courrier dans lequel vous évoquez la fiche médicale d'aptitude établie par le médecin du travail le 18 avril 2019, soit pendant votre congé pour création d'entreprise. Toutefois, le mé'decin du travail a précisé dans cette fiche médicale d'aptitude « pas d'avis délivré jour » tout en soulignant « l'état de santé actuel ne permet pas la reprise de travail pré'vue ».

Ainsi, le médecin du travail n'a, à cette date, aucunement établi un avis d'inaptitude au travail vous concernant ou fait le constat d'une inadé'quation de l'amé'nagement de votre poste de travail en émettant un avis d'aptitude avec réserves. La nature de la visite n'est d'ailleurs pas mentionnée.

Dans la mesure où le médecin du travail indiquait, dans la fiche médicale d'aptitude établie le 18 avril 2019, que votre état de santé actuel ne permettait pas la reprise du travail pré'vue, soit donc le 2 mai 2019, vous auriez dû, dans ces conditions, consulter votre médecin traitant pour bénéficier d'un arrêt maladie, ce qui n'a pas été le cas. Dès lors, vous auriez dû reprendre vos fonctions le 2 mai 2019, ce qui nous aurait amenés à vous faire passer une visite de reprise auprès du médecin du travail pour savoir si vous étiez apte ou pas à reprendre le poste que vous occupiez avant votre congé pour cré'ation d'entreprise. Or, vous ne vous êtes pas présentée le 2 mai 2019 à votre poste de travail et vous ne nous avez pas adressé d'arrêt maladie justifiant votre absence a' compter du 2 mai 2019.

Vous êtes donc en absence injustifiée depuis le 2 mai 2019 sans nous avoir transmis de justificatif.

Vous aviez l'obligation de justifier votre absence à votre poste de travail depuis le 2 mai 2019.

Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre licenciement prendra effet immédiatement à la date d'envoi du pre'sent courrier, soit le 8 août 2019, sans indemnité de préavis ni de licenciement »

Par jugement du 22 janvier 2021, le conseil des prud'hommes du Puy-en-Velay a :

- prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [B] [N] aux torts exclusifs de la CEPAL ;

- condamné la CEPAL à payer et porter à Mme [B] [N] les sommes suivantes, outre intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil des prud'hommes pour les créances salariales et à compter du prononcé du présent jugement pour les créances indemnitaires :

- 12.910,33 euros net à titre d'indemnité de licenciement ;

- 8.937,93 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 893,79 euros bruts à titre de congés payés afférents au préavis ;

- 38.731,03 euros net à titre de dommages et intérêts en application de l'article L.1235-3 du Code du travail ;

- 2.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamné la CEPAL à remettre à Mme [B] [N] une attestation destinée à Pôle Emploi, un certificat de travail ainsi qu'un bulletin de salaire du mois du présent jugement, le tout conformément au jugement ;

- dit que le présent jugement sera transmis au Pôle Emploi ;

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit sur les sommes dues au titre des rémunérations et indemnités mentionnées au 2° de l'article R.1454-14 du Code du travail, dans la limite de neuf mois de salaire ;

- dit que la moyenne des trois derniers mois de salaires est de 2.979,31 euros ;

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement sur les autres condamnations ;

- débouté la CEPAL de toutes ses demandes et prétentions ;

- condamné la CEPAL aux dépens de l'instance et d'exécution.

Le 28 janvier 2021, la CEPAL a interjeté appel de ce jugement.

Vu les conclusions notifiées à la cour le 16 février 2023 par la CEPAL ;

Vu les conclusions notifiées à la cour le 02 septembre 2022 par Mme [B] [N] ;

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 20 février 2023.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions, la CEPAL demande à la cour de :

A titre principal,

- infirmer le jugement rendu le 22 janvier 2021 par le conseil des prud'hommes du Puy-en-Velay en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

- débouter Mme [B] [N] de ses demandes ;

Subsidiairement, si la cour confirme le jugement rendu le 22 janvier 2021 :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf s'agissant du montant des dommages et intérêts et statuant de nouveau sur ce point ;

- infirmer le jugement prud'homal sur le montant des dommages et intérêts alloués à Mme [B] [N] et diminuer les dommages et intérêts sollicités ;

A titre subsidiaire, sur le licenciement pour faute grave,

- débouter Mme [B] [N] de l'ensemble de ses demandes, son licenciement reposant sur une faute grave ;

- subsidiairement, si la Cour requalifiait venait à requalifier le licenciement en licenciement pour cause réelle et sérieuse, il sera pris acte des sommes dues au titre de l'indemnité de licenciement, de l'indemnité compensatrice de préavis et congés payés sur préavis ;

- infiniment subsidiairement, si la Cour de céans venait à considérer que le licenciement de Mme [B] [N] est sans cause réelle et sérieuse, il conviendra de diminuer les dommages et intérêts sollicités ;

En tout état de cause,

- débouter Mme [B] [N] de sa demande sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner Mme [B] [N] au paiement d'une somme sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile à hauteur de 800 euros ;

- condamner Mme [B] [N] aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions, Mme [B] [N] demande à la cour de :

- confirmer le jugement du conseil des prud'hommes du Puy-en-Velay du 22 janvier 2021 en ce qu'il a :

- prononcé la résiliation judiciaire du son contrat de travail aux torts exclusifs de la CEPAL ;

- condamné la CEPAL à lui payer les sommes suivantes outre intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil des prud'hommes pour les créances salariales et à compter du prononcé du jugement pour les créances indemnitaires :

- 12.910,33 euros net à titre d'indemnité de licenciement ;

- 8.937,93 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 893,79 euros bruts à titre de congés payés afférents au préavis ; - 2.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamné la CEPAL à remettre à Mme [B] [N] une attestation destinée à Pôle Emploi, un certificat de travail ainsi qu'un bulletin de salaire conformes à la décision à intervenir ;

- infirmer le jugement prud'homal sur le montant des dommages et intérêts et statuant à nouveau sur ce point ;

- condamner la CEPAL à lui payer la somme de 59.586,20 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de la CEPAL ;

A titre subsidiaire,

- juger le licenciement du 08 août 2019 de Mme [B] [N] dépourvu de faute grave et de toute cause réelle et sérieuse ;

- condamner en conséquence la CEPAL à payer à Mme [B] [N] les sommes suivantes outre intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil des prud'hommes pour les créances salariales et à compter de l'arrêt à intervenir pour les créances indemnitaires :

- 59.586,20 euros net à titre de dommages et intérêts ;

- 12.744,83 euros net à titre d'indemnité de licenciement ;

- 8.937,93 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 893,79 euros bruts à titre de congés payés afférents au préavis ;

- condamner la CEPAL à lui remettre une attestation destinée à Pôle Emploi, un certificat de travail ainsi qu'un bulletin de salaire conformes à la décision à intervenir ;

En tout état de cause,

- condamner la CEPAL à lui payer la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de la procédure de première instance et d'appel.

Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions, moyens et arguments des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux dernières conclusions régulièrement notifiées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail :

Aux termes de l'article L 1221-1 du code du travail, le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun des contrats synallagmatiques pour tout ce sur quoi il n'est pas dérogé par des dispositions légales particulières. L'action en résiliation d'un contrat de travail est donc recevable, conformément aux articles 1224 et 1227 nouveaux du code civil, dans leur rédaction postérieure au 1er octobre 2016, dès lors qu'elle est fondée sur l'inexécution par l'employeur de ses obligations.

Le juge saisi d'une demande de résiliation judiciaire d'un contrat de travail, doit examiner l'ensemble des griefs invoqués au soutien de celle-ci, quelle que soit leur ancienneté.

Il dispose d'un pouvoir souverain pour apprécier si les manquements établis à l'encontre de l'employeur sont suffisamment graves pour justifier cette mesure, ces manquements devant être d'une gravité telle qu'elle empêche toute poursuite de l'exécution du contrat de travail, la résiliation judiciaire du contrat prononcée par le juge produisant alors les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Les juges peuvent prendre en considération les faits intervenus jusqu'au jour du jugement.

Lorsqu'un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat de travail était justifiée, et c'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur.

La prise d'effet de la résiliation est fixée en principe au jour du jugement qui la prononce dès lors qu'à cette date, le salarié est toujours au service de l'employeur. Toutefois, si le contrat a déjà été rompu dans l'intervalle, la résiliation prend effet au jour à partir duquel le salarié a cessé de se tenir à la disposition de l'employeur, ou en cas de licenciement, au jour du licenciement.

Aux termes de l'article L 1221-1 du code du travail, le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun des contrats synallagmatiques pour tout ce sur quoi il n'est pas dérogé par des dispositions légales particulières. L'action en résiliation d'un contrat de travail est donc recevable, conformément aux articles 1224 et 1227 nouveaux du code civil, dans leur rédaction postérieure au 1er octobre 2016, dès lors qu'elle est fondée sur l'inexécution par l'employeur de ses obligations.

Le juge saisi d'une demande de résiliation judiciaire d'un contrat de travail, doit examiner l'ensemble des griefs invoqués au soutien de celle-ci, quelle que soit leur ancienneté.

Il dispose d'un pouvoir souverain pour apprécier si les manquements établis à l'encontre de l'employeur sont suffisamment graves pour justifier cette mesure, ces manquements devant être d'une gravité telle qu'elle empêche toute poursuite de l'exécution du contrat de travail, la résiliation judiciaire du contrat prononcée par le juge produisant alors les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Les juges peuvent prendre en considération les faits intervenus jusqu'au jour du jugement.

Lorsqu'un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat de travail était justifiée, et c'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur.

La prise d'effet de la résiliation est fixée en principe au jour du jugement qui la prononce dès lors qu'à cette date, le salarié est toujours au service de l'employeur. Toutefois, si le contrat a déjà été rompu dans l'intervalle, la résiliation prend effet au jour à partir duquel le salarié a cessé de se tenir à la disposition de l'employeur, ou en cas de licenciement, au jour du licenciement.

En l'espèce, Mme [B] [N] invoque les faits suivants au soutien de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail :

- en 2016, elle a subi des pressions concernant un client important de l'agence et n'a reçu aucun soutien du directeur départemental

- elle a fait l'objet de menaces verbales au sein de l'agence du Puy-en-Velay et n'a reçu aucun soutien de la part de sa hiérarchie

- l'employeur n'a jamais respecté les préconisations du médecin du travail du 11 mars 2016

- face à l'inertie de son employeur et consciente que ce dernier n'aménagerait jamais son poste de travail, elle a demandé en début d'année 2017 la possibilité d'utiliser son CET pour un congé destiné à la création d'entreprise

- au 2 mai 2016, l'employeur n'avait pas fait le nécessaire pour que son poste de travail soit conforme aux préconisations du médecin du travail et lui a reproché une absence injustifiée

- il y a donc une continuité des manquements graves de la part de l'employeur pendant plusieurs années.

La société Caisse d'Epargne et de Prévoyance d'Auvergne et du Limousin répond :

- elle a bien mis en place des mesures respectant les préconisations émises par le médecin du travail sauf en ce qui concerne :

- le double écran, ' pour des raisons évidentes de confidentialité et de secret professionnel' mais cette raison a été exposée à la salariée et cette dernière en a convenu

- la CEPAL a l'obligation d'utiliser les mêmes versions du logiciel que l'ensemble des autres caisses mais, en toute hypothèse, la version installée sur les postes informatiques n'empêchait en rien Mme [B] [N] d'utiliser l'outil loupe comme cela été préconisé dans le rapport de l'ergonome

- elle n'a pas pu faire le nécessaire pour que le poste de travail de la salariée soit conforme aux préconisations du médecin du travail à l'occasion du retour de celle-ci le 2 mai 2019 dans la mesure où Mme [N] ne lui avait pas fait part, au moins deux mois avant l'échéance de son congé, soit le 28 février 2019, de sa décision quant à la suite donnée à ce congé

- Mme [B] [N] ne s'est jamais plainte auparavant d'un non-respect des préconisations du médecin du travail

- elle n'a pas commis de manquements suffisamment graves empêchant la poursuite du contrat de travail et si tel était le cas, la salariée aurait formé une demande de résiliation judiciaire au mois de mai 2017

- l'absence de soutien suite aux pressions d'un client de l'agence du[Localité 5]e date de l'année 2012, Mme [B] [N] a bien été entendue et soutenue dans ses demandes puisque des actions ont été engagées afin de sécuriser la gestion des opérations bancaires avec ce client et Mme [N] n'a pas été déclarée inapte par le médecin du travail le 18 avril 2019

- suite à l'incivilité d'un client signalée le 9 mai 2015, elle a fait son possible pour accompagner la salariée, allant même jusqu'à lui proposer la mise en place d'un agent de sécurité si elle le souhaitait et ce fait est antérieur de quatre ans à la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail.

Les quatre mails sybillins (pièces 8, 9, 12 et 13 de Mme [B] [N]) dans lesquelles il est fait état, de façon très générale, de problèmes de conformité, ne sont pas suffisant pour apporter la preuve que la salariée a fait l'objet de pressions de la part d'un client important de l'agence en 2016 et qu'elle n'a pas reçu le soutien du directeur départemental.

Il résulte du formulaire de déclaration d'incivilités et violences du 9 mai 2015 produit en pièce 14 par la salariée, que cette dernière a fait l'objet de menaces verbales (' je vais l'allumer celle-là', 'on ne va pas en rester là, je vais te pourrir la vie et je vais te faire ta réputation') de la part d'un client de l'agence à qui elle avait demandé une pièce d'identité et que Mme [N] a déclaré à cette occasion souhaiter 'que la relation commerciale soit rompue avec ce client et que durant le délai, il ne pénètre plus à l'intérieur lorsqu'il va être informé de cette rupture' en précisant : 'j'ai la crainte qu'il m'attende à la sortie de l'agence, qu'il s'en prenne à ma personne, ou bien qu'il repère mon véhicule, domicile'.

Or, il ressort d'un courriel du 11 mai 2015 (pièce 19 de la société Caisse d'Epargne et de Prévoyance d'Auvergne et du Limousin) que suite à cette déclaration, l'employeur s'est borné à lui demander d'enregistrer l'incident dans l'outil RH pour 'l'officialiser', à lui indiquer que, si la rupture commerciale était souhaitée, il fallait bien l'indiquer lors de sa saisie et qu'il incomberait à son DG ou son DA de donner son accord.

Même si ce courriel adressé à la salariée se termine par une proposition de mettre en place un agent de sécurité à sa demande, cette réaction de la part de l'employeur ne peut être considérée comme un soutien apporté à la salariée après l'agression verbale - et non pas un simple ressenti - dont elle a été victime de la part d'un client.

S'agissant du respect des préconisations du médecin du travail, il ressort de la lecture de l'avis d'aptitude du 11 mars 2016 que Mme [B] [N] a été déclarée apte à son poste de responsable d'agence par le médecin du travail, ce dernier ayant également préconisé de :

'- Prévoir un bureau ergonomique avec éclairage adapté

- Prévoir une taille d'écran supérieur (agrandissement de la taille des caractères) - éviter reflet et éblouissements sur écran'.

Par la suite et sur la base d'une étude du poste de travail par un ergonome, le médecin du travail a préconisé le 2 mai 2016 un aménagement du poste de travail en :

' Modifiant l'écran (proposition 24" au lieu de 22"

Homogénéisant l'éclairage (mise en place d'un lampadaire adapté) devrait permettre une amélioration des conditions de travail'.

En revanche, le médecin du travail n'a pas préconisé l'installation d'un double écran.

Il ressort d'un courriel de la salariée du 15 novembre 2016 adressé à l'employeur qu'à cette date, aucune des préconisations du médecin du travail n'avait été mise en place puisque la mise en place ' rapide' d'un écran 24" lui était seulement annoncée, tout comme le déplacement de M. [M] à l'agence pour l'étude et la mise en place d'un éclairage adéquat.

Or, la société Caisse d'Epargne et de Prévoyance d'Auvergne et du Limousin ne justifie pas de la mise en place effective de ces deux mesures après ce courriel.

En revanche, aucune des pièces versées aux débats ne permet d'établir que Mme [B] [N] a été incitée à demander un congé en raison de l'inertie de son employeur et de l'absence de perspectives d'aménagement de son poste de travail.

S'agissant des conditions de reprise de la salariée à l'issue de son congé, il est constant que Mme [B] [N] devait reprendre son poste le 2 mai 2019, date de fin du renouvellement, et qu'elle n'a pas informé la société Caisse d'Epargne et de Prévoyance d'Auvergne et du Limousin de son souhait de renouveler son congé dans le délai convenu.

De ce fait, aucun élément ne laissait supposer qu'elle ne serait pas de retour à son poste le 2 mai 2019.

Pour autant, Mme [N] ne peut valablement reprocher à l'employeur de ne pas avoir aménagé son poste de travail à son retour dans la mesure où le médecin du travail a estimé, dès le 18 avril 2019, que son état de santé ne permettait pas la reprise du travail prévue.

En revanche, il est établi que, nonobstant cet avis du médecin du travail dont elle a bien eu connaissance puisqu'elle y fait référence, la société Caisse d'Epargne et de Prévoyance d'Auvergne et du Limousin a adressé par deux fois à la salariée, le 28 mai 2019 et le 18 juin 2019, des courriers lui indiquant qu'elle était en absence injustifiée et l'invitant à lui adresser un justificatif d'absence.

Or, compte tenu des termes de l'avis du médecin du travail du 18 avril 2019, Mme [B] [N] ne pouvait être considérée comme étant en absence injustifiée.

A l'issue de cette analyse il est démontré :

- que la société Caisse d'Epargne et de Prévoyance d'Auvergne et du Limousin n'a pas soutenu la salariée lorsque cette dernière a fait l'objet de menaces verbales sur son lieu de travail le 9 mai 2015

- que l'employeur n'a jamais respecté les préconisations du médecin du travail du 11 mars 2016

-qu'il a reproché à Mme [B] [N] une absence injustifiée à compter du 28 mai 2019 alors qu'il avait connaissance de l'avis du médecin du travail du 18 avril 2019 selon lequel l'état de santé de celle-ci ne lui permettait pas de reprendre le travail.

Tous ces manquements continus de l'employeur à son obligation de sécurité à l'égard d'une salariée dont il n'est pas contesté qu'elle était atteinte d'une sclérose en plaque depuis l'année 2007, qu'elle souffrait d'un trouble visuel et qu'elle bénéficiait d'une reconnaissance de travailleur handicapé depuis le 11 mai 2016, ce dont la société Caisse d'Epargne et de Prévoyance d'Auvergne et du Limousin était informée, revêtent une gravité telle qu'elle empêchait toute poursuite de l'exécution du contrat de travail.

En conséquence la cour, confirmant le jugement de ce chef, prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail.

Cette résiliation judiciaire du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse dont la date est fixée au 8 août 2019 par application des principes susvisés.

De ce fait, Mme [B] [N] peut prétendre à une indemnité compensatrice de préavis et à une indemnité de licenciement.

Les sommes accordées par les premiers juges n'étant pas discutées, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Caisse d'Epargne et de Prévoyance d'Auvergne et du Limousin à payer à Mme [B] [N] les sommes suivantes :

- 12.910,33 euros net à titre d'indemnité de licenciement ;

- 8.937,93 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 893,79 euros bruts à titre de congés payés afférents au préavis.

Mme [B] [N] peut également prétendre à des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Selon l'article L1235-3 dans sa rédaction issue de la Loi n°2018-217 du 29 mars 2018, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le même article.

En l'espèce, aucune des parties ne demande la réintégration de Mme [B] [N] dans l'entreprise.

Compte tenu notamment de l'effectif de la société Caisse d'Epargne et de Prévoyance d'Auvergne et du Limousin dont il n'est pas discuté qu'il est équivalent ou supérieur à 11 salariés, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Mme [B] [N] (2979,31 euros), de son âge au jour de son licenciement (52 ans), de son ancienneté à cette même date (15 ans et 4 mois), mais également pour tenir compte de l'absence de tout élément sur la situation professionnelle et financière de la salariée après son licenciement et de l'absence d'éléments démontrant les circonstances vexatoires de ce licenciement, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L.1235-3 du code du travail dans sa version en vigueur, une somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur le remboursement des sommes payées au salarié par Pôle Emploi:

Selon l'article L1235-4 du code du travail dans sa version applicable au litige : 'Dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé.

Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

Pour le remboursement prévu au premier alinéa, le directeur général de Pôle emploi ou la personne qu'il désigne au sein de Pôle emploi peut, pour le compte de Pôle emploi, de l'organisme chargé de la gestion du régime d'assurance chômage mentionné à l'article L. 5427-1, de l'Etat ou des employeurs mentionnés à l'article L. 5424-1, dans des délais et selon des conditions fixés par décret en Conseil d'Etat, et après mise en demeure, délivrer une contrainte qui, à défaut d'opposition du débiteur devant la juridiction compétente, comporte tous les effets d'un jugement et confère le bénéfice de l'hypothèque judiciaire'.

S'agissant d'une résiliation judiciaire produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, il y a lieu d'ordonner, d'office et par application de l'article L 1235-4 du code du travail, le remboursement par la société Caisse d'Epargne et de Prévoyance d'Auvergne et du Limousin à Pôle Emploi des indemnités de chômage payées à Mme [B] [N] à la suite de son licenciement, dans la limite de six mois de prestations.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la remise des documents de fin de contrat sous astreinte :

La société Caisse d'Epargne et de Prévoyance d'Auvergne et du Limousin sera également condamnée à remettre à Mme [B] [N] dans les 6 semaines du prononcé du présent arrêt une attestation destinée à Pôle Emploi, un certificat de travail et un dernier bulletin de salaire dûment rectifiés au vu des dispositions du présent arrêt.

Sur les demandes accessoires :

Partie perdante au principal, la société Caisse d'Epargne et de Prévoyance d'Auvergne et du Limousin supportera la charge des dépens de première instance et d'appel.

Par ailleurs, Mme [B] [N] a dû pour la présente instance exposer tant en première instance qu'en appel des frais de procédure et honoraires non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser intégralement à sa charge.

Le montant accordé en première instance apparaissant trop élevé au regard de la complexité du dossier, la cour, infirmant le jugement de ce chef, condamne la société Caisse d'Epargne et de Prévoyance d'Auvergne et du Limousin à payer à Mme [B] [N] la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Caisse d'Epargne et de Prévoyance d'Auvergne et du Limousin sera condamnée à payer à Mme [B] [N] la somme de 1 800 euros sur le même fondement au titre des frais et honoraires exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement entrepris, SAUF en celles de ses dispositions ayant:

- condamné la SA Caisse d'Epargne et de Prévoyance d'Auvergne et du Limousin à payer à Mme [B] [N] les sommes de 38 731,03 nets à titre de dommages et intérêts en application de l'article L1235-3 du code du travail et 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau sur ces chefs et y ajoutant ;

CONDAMNE la société Caisse d'Epargne et de Prévoyance d'Auvergne et du Limousin à payer à Mme [B] [N] la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

DIT que les sommes allouées supporteront, s'il y a lieu, le prélèvement des cotisations et contributions sociales ;

CONDAMNE la société Caisse d'Epargne et de Prévoyance d'Auvergne et du Limousin à remettre à Mme [B] [N] dans les 6 semaines du prononcé du présent arrêt une attestation destinée à Pôle Emploi, un certificat de travail et un dernier bulletin de salaire dûment rectifiés au vu des dispositions du présent arrêt ;

CONDAMNE la société Caisse d'Epargne et de Prévoyance d'Auvergne et du Limousin à payer à Mme [B] [N] la somme de 1 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Caisse d'Epargne et de Prévoyance d'Auvergne et du Limousin aux entiers dépens d'appel ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.

Le greffier, P/Le Président empêché,

N. BELAROUI S. NOIR


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Riom
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/00224
Date de la décision : 23/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-23;21.00224 ?
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