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25/04/2023 | FRANCE | N°21/00034

France | France, Cour d'appel de Riom, Chambre sociale, 25 avril 2023, 21/00034


25 AVRIL 2023



Arrêt n°

CHR/SB/NS



Dossier N° RG 21/00034 - N° Portalis DBVU-V-B7F-FQQA



[X] [W]



/



S.A.S. TOUS LES PRIX.COM





jugement au fond, origine conseil de prud'hommes - formation paritaire de clermont-ferrand, décision attaquée en date du 07 décembre 2020, enregistrée sous le n° f 18/00426

Arrêt rendu ce VINGT CINQ AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors du délibéré de :



M. Chri

stophe RUIN, Président



Mme Sophie NOIR, Conseiller



Mme Karine VALLEE, Conseiller



En présence de Mme Séverine BOUDRY greffier lors des débats et du prononc...

25 AVRIL 2023

Arrêt n°

CHR/SB/NS

Dossier N° RG 21/00034 - N° Portalis DBVU-V-B7F-FQQA

[X] [W]

/

S.A.S. TOUS LES PRIX.COM

jugement au fond, origine conseil de prud'hommes - formation paritaire de clermont-ferrand, décision attaquée en date du 07 décembre 2020, enregistrée sous le n° f 18/00426

Arrêt rendu ce VINGT CINQ AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors du délibéré de :

M. Christophe RUIN, Président

Mme Sophie NOIR, Conseiller

Mme Karine VALLEE, Conseiller

En présence de Mme Séverine BOUDRY greffier lors des débats et du prononcé

ENTRE :

M. [X] [W]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Emeline DUBREUIL, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/003939 du 23/04/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de CLERMONT-FERRAND)

APPELANT

ET :

S.A.S. TOUS LES PRIX.COM

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Barbara GUTTON PERRIN de la SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND et par Me Séverine FOURVEL de la SELAS BARTHELEMY, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

INTIME

Monsieur RUIN, Président et Mme NOIR, Conseiller après avoir entendu Mr RUIN Président en son rapport à l'audience publique du 20 février 2023, tenue par ces deux magistrats, sans qu'ils ne s'y soient opposés, les représentants des parties en leurs explications, en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré aprés avoir informé les parties que l'arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

La S.A.S TOUS LES PRIX.COM (SIREN 484 169 586), dont le siège social est situé à [Localité 6] (63), est spécialisée dans le secteur d'activité des portails internet. Elle emploi habituellement moins de onze salariés. Elle est la filiale de la société EJC GROUP dont le président est Monsieur [G] [E].

Monsieur [X] [W], né le 24 décembre 1977, a été embauché par la société TOUS LES PRIX.COM pour la période du 15 octobre 2012 au 12 janvier 2013, selon contrat de travail à durée déterminée, en qualité d'opérateur de saisie, à temps complet. Le contrat à durée déterminée a été renouvelé une fois jusqu'au 14 avril 2013. À compter du 15 avril 2013, la relation contractuelle s'est poursuivie selon contrat de travail à durée indéterminée.

À l'issue de la visite de reprise effectuée en date du 27 juin 2016, le médecin du travail a déclaré Monsieur [W] inapte en un seul examen pour danger immédiat (poste d'opérateur de saisie) dans les termes suivants : 'inaptitude totale et définitive au poste pour danger immédiat et à tous reclassement au sein de l'entreprise après visite d'établissement et recherche de solutions de proposition de réorganisation de poste ou de reclassement jeudi 16 juin 2016 avec l'employeur et les représentants du personnel sur site après prévisite à la demande du salarié le 8 juin 2016".

Par courrier recommandé daté du 19 juillet 2016, l'employeur a convoqué le salarié à un entretien préalable à une éventuel licenciement pour inaptitude.

Le 28 juillet 2016, le salarié ne s'est pas présenté à l'entretien préalable à un éventuel licenciement.

Le 2 août 2016, Monsieur [W] a fait l'objet d'un licenciement pour inaptitude.

Le courrier recommandé de notification du licenciement, daté du 2 août 2016, est ainsi libellé :

' ... nous sommes donc au regret de devoir vous notifier par la présente votre licenciement pour inaptitude médicale et impossibilité de procéder à votre reclassement.

En effet, le médecin du travail a pu vous déclarer, au terme d'une visite médicale uniquement du 27 juin 2016, faisant suite à une visite de pré-reprise du 8 juin 2016 « inapte total et définitif au poste pour danger immédiat et à tout reclassement au sein de l'entreprise, après visite de l'établissement er recherche de solutions de proposition, de réorganisation de poste ou de reclassement ».

Par courrier expédié au Docteur [H] [B], nous avons pu l'interroger sur vos aptitudes résiduelles, nous permettant de rechercher un reclassement interne ; de même nous lui avons proposé qu'elle identifie les aménagements nécessaires, une réorganisation ou adaptation d'horaires permettant de vous maintenir en poste, voire qu'elle nous propose une permutation avec un autre collaborateur.

Par courrier du 7 juillet 2016, le médecin du travail nous a indiqué que vous reprise était impossible en raison de votre inaptitude et que vous ne pouviez reprendre une activité au sein de l'entreprise.

Ne faisant partie d'aucun groupe, nous ne pouvons pas étudier un autre reclassement.

Nous avons pu contacter différentes entreprises avec lesquelles nous sommes en contacts afin de collecter des offres d'emplois ; si nous en réceptionnons, nous serons amenés à vous les communiquer.

Dans ce contexte et face à l'impossible reclassement, nous sommes au regret de devoir vous notifier votre licenciement en raison de l'inaptitude médicale délivrée par le médecin du travail dans le cadre de son avis du 27 juin 2016 et l'impossibilité de procéder à votre reclassement au sein de notre entreprise.

Conformément aux règles légales, et dans la mesure où vous n'êtes pas à même d'exécuter votre préavis, la date de première présentation de cette lettre fixera la date de rupture de votre contrat de travail ...'

Selon les documents de fin de contrat de travail établis par l'employeur en date du 3 août 2016, Monsieur [X] [W] a été employé par la société TOUS LES PRIX.COM en qualité d'opérateur de saisie du 15 octobre 2012 au 3 août 2016.

Le 27 juillet 2018, Monsieur [X] [W] a saisi le conseil des prud'hommes de CLERMONT-FERRAND aux fins notamment de voir requalifier son licenciement pour inaptitude en licenciement nul ou, à titre subsidiaire, sans cause réelle et sérieuse.

L'audience devant le bureau de conciliation et d'orientation s'est tenue en date du 17 septembre 2018 (convocation notifiée au défendeur le 1er août 2018) et, comme suite au constat de l'absence de conciliation, l'affaire été renvoyée devant le bureau de jugement.

Par jugement contradictoire en date du 7 décembre 2020 (audience du 21 septembre 2020), le conseil des prud'hommes de [Localité 4] a :

- dit et jugé que Monsieur [X] [W] n'a pas été victime de harcèlement moral ;

- dit et jugé que la société TOUS LES PRIX.COM a respecté son obligation de sécurité ;

- débouté en conséquence Monsieur [W] de sa demande de requalification de son licenciement en licenciement nul et de sa demande subsidiaire de requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- débouté Monsieur [W] de ses demandes de dommages et intérêts, d'indemnité de préavis et des congés payés afférents, de dommages et intérêts au titre du préjudice subi pour les faits de harcèlement et non-respect de l'obligation de sécurité et de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté la société TOUS LES PRIX.COM de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamné Monsieur [W] aux dépens.

Le 6 janvier 2021, Monsieur [W] a interjeté appel de ce jugement.

Vu les conclusions notifiées à la cour par Monsieur [W] le 23 mars 2021,

Vu les conclusions notifiées à la cour par la S.A.S TOUS LES PRIX. COM le 29 avril 2021,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 23 janvier 2021.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières écritures, Monsieur [X] [W] demande à la cour de :

- infirmer le jugement du conseil des prud'hommes de [Localité 4] en date du 7 décembre 2020 en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau, 

A titre principal,

- dire et juger qu'il a été victime de harcèlement moral ;

En conséquence,

- requalifier son licenciement en licenciement nul ;

- condamner la société TOUS LES PRIX. COM à lui payer et porter la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ;

- condamner la société TOUS LES PRIX. COM à lui payer et porter la somme de 3.477,60 euros à titre de préavis, outre 344,76 euros au titre des congés payés afférents ;

- condamner la société TOUS LES PRIX.COM à lui payer et porter la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice subi pour les faits de harcèlement et non-respect de l'obligation de sécurité ;

A titre subsidiaire,

- dire et juger que la société TOUS LES PRIX. COM a manqué à son obligation de reclassement au niveau du groupe ;

En conséquence,

- requalifier son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamner la société TOUS LES PRIX. COM à lui payer et porter la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamner la société TOUS LES PRIX. COM à lui payer et porter la somme de 3.477,60 euros à titre de préavis, outre 344,76 euros au titre des congés payés afférents ;

En tout état de cause,

- condamner la société TOUS LES PRIX.COM à lui payer et porter à Maitre [U] [I] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner la société TOUS LES PRIX.COM aux dépens ;

- ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir.

Monsieur [X] [W] soulève la nullité son licenciement pour inaptitude aux motifs que son inaptitude résulte d'une situation de harcèlement moral commise à son encontre par son employeur. A ce titre, Monsieur [W] affirme que depuis l'année 2015, ses conditions de travail se sont considérablement dégradées, et qu'il subissait des insultes, comportements humiliants ou des menaces de licenciement par son employeur, qui n'avait de cesse d'augmenter sa charge de travail et de lui fixer des objectifs irréalisables. Pour se défendre, son employeur produit des attestations rédigées par certains salariés de la société, or, elles traduisent elles-mêmes du contexte difficile et du comportement délétère de Monsieur [E]. Ces témoignages soulèvent également le manquement à l'obligation générale de prévention de la santé et de sécurité de la part de la société, qui, malgré le fait qu'elle reconnaisse le contexte difficile, n'a pris aucune mesure pour préserver la santé et la sécurité de ses salariés.

À titre subsidiaire, Monsieur [W] invoque la méconnaissance par la société TOUS LES PRIX.COM de son obligation de reclassement, ayant pour effet de priver son licenciement de cause réelle et sérieuse. Il affirme que l'employeur a volontairement induit le médecin de travail en erreur, en soutenant que la société TOUS LES PRIX.COM ne faisait partie d'aucun groupe de sorte que la recherche de reclassement ne pouvait porter que sur cette société.

Monsieur [W] soutient que la société TOUS LES PRIX.COM fait bien parti d'un groupe puisqu'elle est détenue par une autre société qui est elle-même propriétaire d'actions d'une autre société. Ainsi, la recherche de solution de reclassement devait être élargie aux autres sociétés du groupe, d'autant plus qu'elles comptaient des salariés dans leurs effectifs au moment du licenciement de Monsieur [W]. Malgré cela, aucune recherche de solution de reclassement n'a été effectuée au niveau du groupe. Monsieur [W] conclut que son licenciement pour inaptitude doit être requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse pour manquement de son employeur à son obligation de reclassement.

Dans ses dernières écritures, la S.A.S TOUS LES PRIX.COM demande à la cour de :

- confirmer le jugement du 7 décembre 2020 ;

- constater que Monsieur [W] n'a pas été victime de harcèlement moral ;

- débouter Monsieur [W] de sa demande de nullité de son licenciement ;

- débouter Monsieur [W] de l'ensemble de ses demandes portant sur la requalifiant en licenciement nul :

- condamner Monsieur [W] à verser à la société TOUS LES PRIX.COM la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

S'agissant de la demande de nullité du licenciement pour harcèlement moral, la société TOUS LES PRIX.COM conteste que l'inaptitude de Monsieur [W] soit due à une situation de harcèlement moral ou une faute de l'employeur. Elle affirme que dans les premiers mois d'exécution de son contrat de travail, Monsieur [W] était très satisfait. Ce n'est qu'à compter du mois de décembre 2015, et de la visite qu'il avait sollicitée auprès du médecin de travail que le salarié a évoqué des problèmes liés à son travail mais également des problèmes personnels. A ce titre, l'employeur souligne que le médecin du travail ne constate aucun élément objectif mais ne fait que reprendre les déclarations du salarié qui invoque des prétendues menaces ou un climat de violence. En ce qui concerne la surcharge de travail invoquée par le salarié, l'intimée affirme que le salarié ne démontre rien, notamment au regard des pièces qu'il produit qui n'ont aucun lien avec l'argumentaire développé. Sur l'absence de mesure préventive, la société TOUS LES PRIX. COM affirme qu'elle n'a jamais été alertée sur les prétendues difficultés rencontrées par Monsieur [W] avant juin 2016 de sorte qu'elle n'a pu prendre aucune mesure pour le protéger.

L'employeur fait valoir que Monsieur [W] n'apporte aucun élément précis laissant supposer l'existence de harcèlement moral. Il indique produire des attestations rédigées par différents salariés n'ayant jamais constaté de tels faits et qui évoquent même le caractère renfermé de Monsieur [W], salarié qui ne parlait pas beaucoup, sauf une fois lors qu'il s'est violemment énervé sans raison apparente.

L'intimée conteste avoir manqué à son obligation de reclassement. Elle expose qu'après l'avis d'inaptitude rendu, elle a sollicité le médecin du travail pour connaître les aptitudes résiduelles de Monsieur [W]. Après une visite au sein de l'établissement et un entretien avec le dirigeant, le médecin a conclu à l'impossibilité de reclassement. Ainsi, malgré les efforts de Monsieur [E], dont Monsieur [W] avait été informé, le dirigeant n'a pu trouver une solution au salarié, dans une société comptant seulement 10 salariés, tel qu'en atteste le registre du personnel qu'il produit à cet effet. L'employeur affirme même avoir mené des recherches externes auprès des sociétés exerçant une activité similaire. S'agissant du groupe de sociétés auquel appartient la société TOUS LES PRIX.COM, l'intimée soutient qu'aucun reclassement n'était possible au sein des autres sociétés puisqu'elles n'emploient qu'un salarié, Monsieur [E], et n'exercent aucune activité.

Concernant les demandes indemnitaires formulées par Monsieur [W], la société TOUS LES PRIX.COM affirme qu'il devra être débouté notamment en ce qui concerne les dommages et intérêts puisqu'il n'apporte aucune preuve d'un quelconque préjudice subi.

Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions, moyens et arguments des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux dernières conclusions régulièrement notifiées et visées.

MOTIFS

- Sur le harcèlement moral et l'obligation de sécurité -

' Selon l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l'article L. 1152-3 du code du travail, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions de l'article L. 1152-1, toute disposition, ou tout acte contraire est nul.

Selon l'article L. 1152-4 du code du travail, l'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.

Selon l'article L. 1152-5 du code du travail, tout salarié ayant procédé à des agissements de harcèlement moral est passible d'une sanction disciplinaire.

Aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Le harcèlement moral suppose l'existence d'agissements répétés, peu importe que les agissements soient ou non de même nature, qu'ils se répètent sur une brève période ou soient espacés dans le temps. Le harcèlement moral se caractérise donc par la conjonction et la répétition de certains faits laissés à l'appréciation souveraine des juges du fond. Un acte isolé ne répond pas à la définition du harcèlement moral.

L'auteur du harcèlement peut être l'employeur, un supérieur hiérarchique, un collègue, un subordonné ou un tiers à l'entreprise. Le harcèlement peut être constitué même si son auteur n'avait pas d'intention de nuire.

La loi n'exige pas la caractérisation ou démonstration d'un préjudice du salarié se disant victime pour retenir le harcèlement puisqu'il suffit que les agissements soient susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. La simple possibilité d'une atteinte aux droits ou à la dignité, d'une altération de la santé physique ou mentale, d'une atteinte à l'avenir professionnel du salarié suffit. Toutefois, le plus souvent, les faits de harcèlement moral ont un impact direct sur l'état de santé du salarié.

Par contre, il faut que le salarié qui se plaint de harcèlement moral ait personnellement été victime des agissements dénoncés. Le salarié qui n'a pas été personnellement victime d'une dégradation de ses conditions de travail à la suite des agissements de l'employeur ou d'un supérieur hiérarchique vis-à-vis de certains salariés n'est pas fondé à se prévaloir d'un manquement de l'employeur à ses obligations à son égard.

L'employeur est responsable des faits de harcèlement commis sur ses salariés par un autre salarié ou par un tiers exerçant une autorité de fait ou de droit sur ceux-ci.

' Selon les dispositions de l'article L. 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4 (situation alléguée de harcèlement moral ou de harcèlement sexuel), le salarié présente des éléments de fait (avant l'application de la loi du 8 août 2016 : 'établit des faits') laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Les règles de preuve visées en matière de discrimination s'appliquent pour les faits de harcèlement commis depuis le 10 août 2016. Pour les faits survenus avant le 10 août 2016, le salarié concerné doit établir (et non simplement présenter) des faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement. La Cour de cassation a jugé que les règles relatives à la charge de la preuve ne constituent pas des règles de procédure applicables aux instances en cours mais touchent le fond du droit, de sorte que le harcèlement moral allégué avant le 10 août 2016 doit être examiné au regard des dispositions de l'article L. 1154-1 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016.

Ce régime probatoire spécifique n'est pas applicable dans le cadre d'un litige entre l'employeur et le salarié à qui sont reprochés des agissements de harcèlement moral (ou harcèlement sexuel). Pour prendre une sanction disciplinaire contre le salarié accusé de harcèlement, l'employeur ne peut donc se fonder sur de simples présomptions de l'existence d'un harcèlement.

Il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits (agissements) présentés (matériellement établis avant le 10 août 2016), pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Sous réserve d'exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié présente (établit avant le 10 août 2016) des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.

Le juge ne peut rejeter la demande d'un salarié au seul motif de l'absence de relation entre l'état de santé de celui-ci et la dégradation des conditions de travail. Si le juge ne peut se fonder uniquement sur l'altération de l'état de santé du salarié, à l'inverse, il ne doit pas non plus négliger les documents médicaux produits par le salarié.

S'agissant des attestations versées aux débats, il échet de rappeler que les dispositions de l'article 202 du code de procédure civile ne sont pas prescrites à peine de nullité, d'irrecevabilité ou d'inopposabilité. Il appartient au juge du fond d'apprécier souverainement la valeur probante d'une attestation non conforme à l'article 202 du code de procédure civile. Le juge ne peut rejeter ou écarter une attestation non conforme à l'article 202 du code de procédure civile sans préciser ou caractériser en quoi l'irrégularité constatée constituait l'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public faisant grief à la partie qui l'attaque.

' Un harcèlement peut causer à la victime un préjudice, d'ordre moral ou corporel, dont l'évaluation relève de la compétence du juge. Le juge prud'homal est compétent pour connaître de la réparation de l'entier dommage consécutif à un harcèlement moral.

Le salarié n'est pas tenu de saisir le juge de la sécurité sociale pour statuer sur l'existence et le quantum du préjudice corporel invoqué comme en relation avec un harcèlement moral. La prise en charge au titre de la maladie professionnelle de l'affection consécutive au harcèlement, moral ou sexuel, ne s'oppose pas à l'attribution de dommages-intérêts à la victime pour les faits de harcèlement antérieurs à cette décision.

' L'action civile relative à des faits de harcèlement moral se prescrit par cinq ans (délai de droit commun de l'article 2224 du code civil). En cas de dommage corporel, l'action en réparation d'un dommage corporel se prescrit par dix ans à compter de la date de consolidation du dommage (article 2226 du code civil).

En application de l'article 2224 du code civil, en matière de responsabilité civile, le point de départ du délai de prescription est le jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Le salarié se disant victime d'agissements de harcèlement, moral ou sexuel, dispose donc d'un délai de cinq ans à compter du dernier fait établi, présenté ou invoqué, dans ce cadre pour saisir le juge prud'homal d'une action en reconnaissance et réparation de la situation de harcèlement.

Si le juge prud'homal constate que l'action du salarié au titre du harcèlement n'est pas prescrite, il doit analyser l'ensemble des faits invoqués par le salarié permettant de présumer l'existence d'un harcèlement, quelle que soit la date de leur commission, et donc peu important la date à laquelle chacun des faits mentionnés a été commis.

Autrement dit, s'il a été saisi dans le délai de cinq ans à compter du jour où le salarié a connu ou aurait dû connaître le dernier fait de harcèlement, ou dans le délai de cinq ans à compter du jour de cessation de la situation de harcèlement, le juge prud'homal peut prendre en considération tous les faits et actes qui lui sont soumis pour caractériser le harcèlement, quand bien mêmes ils ont été commis hors le délai de prescription de cinq ans.

' Selon les dispositions des articles L. 4121-1 et suivants du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Dans le cadre de son obligation légale de sécurité, l'employeur prend notamment des mesures comprenant des actions de prévention des risques professionnels, des actions d'information et de formation, la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. Il doit veiller à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

L'employeur est ainsi tenu vis-a-vis de ses salariés d'une obligation de sécurité dans le cadre ou à l'occasion du travail. Cette obligation de sécurité s'applique à toute situation de risque en matière de sécurité et de protection de la santé physique et mentale des travailleurs. Pour satisfaire à cette obligation, l'employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, notamment en justifiant, d'une part, avoir pris toutes les mesures de prévention prévues notamment par les articles L. 4121-l et L. 4121-2 du code du travail et, d'autre part, dès qu'il est informé de l'existence de faits susceptibles de constituer une atteinte à la sécurité ou la santé, physique et mentale d'un salarié, avoir pris les mesures immédiates propres à les faire cesser.

La responsabilité de l'employeur est engagée vis-a-vis d'un salarié dès lors qu'un risque pour la santé ou la sécurité de celui-ci est avéré sans qu'il soit nécessaire que soit constatée une atteinte effective à la santé.

' Selon l'article L. 1152-4 du code du travail, l'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.

En outre, vu les articles L. 4121-1 et suivants du code du travail, l'employeur est tenu à une obligation légale de sécurité lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, notamment en matière de harcèlement.

La prévention du harcèlement (moral ou sexuel) à l'encontre des salariés de l'entreprise est confiée au chef d'entreprise à qui il appartient de prendre toute mesure en ce sens.

L'obligation de sécurité de résultat de l'employeur étant désormais appréciée par rapport non à la réalisation du risque, soit la commission effective de faits de harcèlement à l'encontre d'un salarié, mais par rapport aux diligences de l'employeur, la responsabilité de ce dernier peut être ainsi écartée en matière de harcèlement, moral ou sexuel, s'il a mis en oeuvre toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, et s'il a mis fin à la situation de harcèlement en prenant les mesures, immédiates et adaptées, propres à la faire cesser rapidement dès qu'il a été informé de l'existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement.

Dans le cadre de ses obligations, l'employeur doit donc prévenir le harcèlement, moral ou sexuel, mais également réagir de façon rapide et adaptée pour faire cesser des faits de harcèlement avérés ou susceptibles d'avoir été commis.

En matière de harcèlement moral, l'employeur a une obligation générale de prévention afin d'assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salariés. Dans ce cadre, il lui incombe de mettre en place les actions utiles de prévention (informations, formations, écoute, organisation du travail, etc.). Lorsqu'une situation de harcèlement moral lui est signalée, il a l'obligation de réagir efficacement et rapidement pour y mettre fin si elle est avérée et de prendre les mesures appropriées, après mise en oeuvre, le cas échéant, d'une enquête interne. L'obligation de sécurité de l'employeur ne peut être considérée comme remplie, lorsqu'il est informé de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, que s'il justifie avoir pris les mesures immédiates propres à le faire cesser.

Les obligations résultant des articles L. 1132-1, L. 1152-1, L. 1153-1, L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail sont distinctes en sorte que la méconnaissance de chacune d'elles, lorsqu'elle entraîne des préjudices différents, ouvre droit à des réparations spécifiques.

L'obligation de l'employeur en matière de prévention des risques professionnels, notamment du risque de harcèlement, fondée sur l'application des articles L. 4121-1 et L.4121-2 du code du travail, est distincte de l'interdiction ou prohibition des agissements de harcèlement, prévue par les articles L. 1152-1 et L. 1153-1 du code du travail, et ne se confond pas avec elle. En conséquence, si elle justifie de préjudices distincts, la victime peut obtenir des dommages et intérêts à la fois au titre du harcèlement (moral et/ou sexuel), au titre du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et au titre d'une discrimination.

' En l'espèce, à la lecture des dernières écritures de l'appelant, Monsieur [X] [W] se plaint d'une situation de harcèlement moral à l'origine d'une dégradation de son état de santé psychologique et de son inaptitude en ce que l'employeur aurait augmenté sa charge de travail en lui assignant des objectifs irréalisables et utilisé des méthodes de management stressantes, l'aurait mis à l'écart et menacé de licenciement pour motif économique. Il soutient également qu'il a été victime d'insultes, de propos et comportements irrespectueux et humiliants.

Monsieur [X] [W] ne développe pas d'argumentation particulière ou distincte sur un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, sauf à relever que ce dernier, bien qu'informé, n'a rien fait pour prévenir ou remédier à la situation de harcèlement moral et de stress au travail dont il a été victime.

Monsieur [X] [W] produit un certificat médical faisant apparaître une prescription d'antidépresseurs pour une durée d'un mois à compter du 29 janvier 2016. Le 21 novembre 2017, le médecin psychiatre traitant a attesté que Monsieur [X] [W] l'avait consulté de janvier à juin 2016 pour un état dépressif traité par antidépresseur, son patient lui ayant fait part de sa souffrance au travail. Un médecin a indiqué le 8 juin 2016 que l'état psychologique de Monsieur [X] [W] ne lui paraissait pas compatible avec une reprise du travail dans son entreprise et qu'une mise en inaptitude professionnelle serait justifiée, sans autre précision.

À la lecture du dossier de médecine du travail de Monsieur [X] [W], il apparaît que le salarié a fait part de sa satisfaction au travail en 2014, puis a signalé une situation de souffrance au travail pour la première fois le 18 décembre 2015. Le médecin du travail a alors noté les déclarations du salarié et envisagé un syndrome dépressif. Le médecin du travail a revu Monsieur [X] [W] le 8 juin 2016 pour seulement constater que le salarié était toujours en situation d'arrêt de travail. Le 27 juin 2016, à l'occasion de la visite de reprise, le médecin du travail a noté les dires du salarié sur une situation de souffrance psychologique en rapport avec le travail au sein de la société TOUS LES PRIX.COM.

En vue de l'étude d'aménagements de poste pour Monsieur [X] [W], le médecin du travail s'est déplacé le 16 juin 2016 dans l'entreprise et a rencontré Monsieur [E]. Il a étudié les postes de travail, entendu Monsieur [E] sur le contexte économique et les études effectuées sur l'organisation pour pallier au risque de licenciement. Une réunion s'est tenue ensuite avec les délégués du personnel. Monsieur [E] s'est déclaré ouvert au dialogue et à l'étude d'aménagements pour résoudre les problèmes.

Les exemples de comparaison de prix effectués (pièce 12) ainsi que les données chiffrées non explicitées (pièce 13) n'établissent ni ne laissent présumer une surcharge de travail ou la fixation d'objectifs non réalisables concernant Monsieur [X] [W].

Monsieur [X] [W] produit des attestations de :

- Madame [L] [Y] (responsable produit) qui expose, de façon générale, que si dans un contexte économique difficile Monsieur [E] a pu être maladroit lorsqu'il avait des reproches à faire, il s'est toujours excusé ou expliqué. Concernant l'appelant, elle précise que Monsieur [E] n'a jamais eu de parole ou geste violent en sa présence, que Monsieur [X] [W] était toujours renfermé et 'à fleur de peau', que ce salarié se sentait toujours immédiatement visé et touché de façon personnelle par les paroles de ses collègues ou de sa hiérarchie, que l'appelant était sympathique mais de dialogue difficile. Elle n'a jamais constaté d'insultes, de menaces, de violence ou harcèlement ;

- Madame [C] [S] (opératrice de saisie) indique qu'elle travaillait avec Monsieur [X] [W] dans l'open space de l'entreprise et le décrit comme réservé, voire renfermé, parlant peu ou pas avec les autres salariés. Elle décrit une ambiance de 'vanne' entre collègues mais ne concernant pas Monsieur [X] [W]. Elle réfute tout jet de poubelle ou gobelet. Elle précise qu'une seule fois Monsieur [X] [W] s'est énervé mais de façon totalement injustifiée ;

- Madame [V] [R] (responsable relation client) indique que Monsieur [X] [W] était un salarié discret, ayant tendance à se renfermer et à s'isoler. Elle n'a jamais constaté de scène de violence ou d'agressivité entre Monsieur [E] et Monsieur [X] [W].

Dans ses conclusions (page 2), Monsieur [X] [W] indique que 'sa collaboration s'est déroulée normalement jusqu'en août 2015, moment de son placement à temps partiel thérapeutique et de certains bouleversements économiques au sein de la société TOUS LES PRIX.COM. Ses conditions de travail se sont alors considérablement dégradées...'.

Du 6 mai 2015 au 13 août 2015, Monsieur [X] [W] était en situation d'arrêt de travail pour cause de maladie (pas de mention d'origine professionnelle). Monsieur [X] [W] était en situation de travail en mi-temps thérapeutique du 14 août 2015 au 12 novembre 2015. Il était en absence pour congés payés les 12 novembre 2015, 30 novembre 2015, du 1er au 12 décembre 2015. Il était ensuite en situation d'arrêt de travail pour cause de maladie (pas de mention d'origine professionnelle) du 22 décembre 2015 jusqu'à la visite de reprise.

À titre liminaire, sur un plan matériel, il échet de constater que Monsieur [X] [W] a été assez peu présent à son poste de travail entre le 6 mai 2015 et le jour de son licenciement.

Monsieur [X] [W] a signalé la dégradation de ses conditions de travail le 18 décembre 2015 au médecin du travail, mais n'a pas alerté l'employeur ou les représentants du personnel, ou même ses collègues, sur sa situation avant que ceux-ci ne soient informés par le médecin du travail en juin 2016.

Les éléments médicaux produits établissent qu'à compter de janvier 2016, Monsieur [X] [W] a présenté une situation de souffrance psychologique et a été traité pour un syndrome anxio-dépressif. S'agissant d'un lien de causalité entre cette souffrance et le travail, la cour ne relève que les seuls dires de Monsieur [X] [W].

Les témoins n'ont constaté aucun agissement imputable à l'employeur pouvant avoir eu pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail de Monsieur [X] [W], ou susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Ils ne relèvent pas même une plainte, une observation ou une manifestation de Monsieur [X] [W] en ce sens.

Les témoins indiquent que Monsieur [X] [W] était un salarié discret, sympathique mais susceptible, voire sensible ou fragile, ayant tendance à se renfermer et préférant s'isoler dans sa bulle. Si le 8 juin 2016, des représentants du personnel ont relevé qu'il n'était pas opportun de laisser ce salarié travailler seul dans un bureau, Madame [C] [S] indique qu'elle a toujours travaillé avec Monsieur [X] [W] dans l'open space de l'entreprise.

Monsieur [X] [W] n'établit, ni même ne présente, des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une situation de harcèlement moral. Il ne procède que par voie d'affirmations.

En l'état des éléments d'appréciation dont la cour dispose, la cause de la souffrance psychologique de Monsieur [X] [W], notamment au travail, apparaît avoir pour origine ni ses conditions de travail, ni des agissements imputables à l'employeur, ni un défaut de prévention ou d'action de l'employeur an matière de sécurité et santé au travail, mais certains traits exacerbés ou prononcés du caractère ou de la personnalité de l'appelant, notamment ses difficultés de dialogue ou de contact avec les autres.

La cour juge que Monsieur [X] [W] n'a pas été victime d'une situation de harcèlement moral au travail et que la société TOUS LES PRIX.COM n'a pas manqué, vis-à-vis de l'appelant, à ses obligations légales en matière de sécurité, notamment de prévention du harcèlement.

Monsieur [X] [W] sera débouté de ses demandes de dommages-intérêts au titre de l'exécution du contrat de travail, notamment pour préjudice subi pour les faits de harcèlement et non-respect de l'obligation de sécurité.

Le jugement déféré sera confirmé de ces chefs.

- Sur l'obligation de reclassement -

Selon les dispositions de l'article L. 1226-2 du code du travail applicables avant le 1er janvier 2017, lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail

Antérieurement à l'entrée en vigueur au 1er janvier 2017 des dispositions de l'article L. 1226-2 du code du travail modifiées par la loi no2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur n'était tenu de consulter les représentants du personnel que dans le cas d'une inaptitude d'origine professionnelle.

Selon les dispositions de l'article L. 1226-10 du code du travail applicables avant le 1er janvier 2017, lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation destinée à lui proposer un poste adapté. L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail.

Lorsque l'entreprise qui emploie le salarié appartient à un groupe, la recherche de reclassement doit s'effectuer au sein des entreprises du groupe dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent d'assurer la permutation de tout ou partie du personnel.

L'obligation de reclassement préalable au licenciement qui pèse sur l'employeur ne s'étend pas, sauf disposition conventionnelle en ce sens, à des entreprises qui ne relèvent pas du même groupe que l'employeur et n'impose à ce dernier que de rechercher et proposer des postes adaptés aux capacités du salarié déclaré inapte et disponibles.

Le code du travail précise que la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce. L'existence d'une entreprise dominante est donc présumée, sans préjudice de la preuve contraire, lorsqu'une entreprise, directement ou indirectement, peut nommer la majorité des membres des organes d'administration, de direction ou de surveillance d'une autre entreprise ou dispose de la majorité des voix (droits de vote) attachées aux parts émises par une autre entreprise ou détient la majorité du capital souscrit d'une autre entreprise.

Sauf fraude, l'existence d'un groupe au sein duquel la recherche de reclassement doit s'effectuer s'apprécie au plus tard à la date du licenciement.

En cas de litige sur la consistance ou le périmètre du groupe de reclassement, le juge forme sa conviction au vu de l'ensemble des éléments fournis par les parties.

En l'espèce, par courrier daté du 4 juillet 2016, l'employeur a interrogé le médecin du travail sur les possibilités de reclassement ou d'aménagement de poste, précisant qu'il ne faisait partie d'aucun groupe (pas de possibilité de reclassement hors la société TOUS LES PRIX.COM).

En réponse, par courrier daté du 7 juillet 2016, le médecin du travail a indiqué qu'aucune reprise d'activité n'était possible pour Monsieur [X] [W] au sein de l'entreprise et ce, quels que soient les aménagements envisagés ou possibles.

Vu les mentions du registre des entrées et sorties du personnel de la société TOUS LES PRIX.COM et les observations du médecin du travail, aucun reclassement n'était effectivement possible pour Monsieur [X] [W] au sein de l'entreprise.

D'ailleurs, à la lecture des dernières écritures de l'appelant, il apparaît que Monsieur [X] [W] ne critique pas l'exécution loyale de l'obligation de reclassement par l'employeur au sein de la société TOUS LES PRIX.COM, mais relève un manquement de l'employeur en ce qu'aucune recherche de reclassement n'a été réalisée vis-à-vis des sociétés EJC GROUP et BZH LAB dont il soutient qu'elle faisait partie du même groupe.

Il est vrai que la société TOUS LES PRIX.COM appartenait à l'époque considérée à un groupe comprenant sa société-mère, la société EJC GROUP, et elle-même. Toutefois, les pièces produites établissent que la société EJC GROUP était une holding sans activité particulière dont le seul salarié était Monsieur [G] [E] qui occupait un poste de dirigeant.

S'agissant de la société BZH LAB ou NOVOMUNDO (siège social à [Localité 5]), Monsieur [G] [E] en était l'un des actionnaires, mais minoritaire, sans élément de domination au sens des dispositions du code du travail, et sans que soit établie la possibilité d'assurer la permutation de tout ou partie du personnel. La société TOUS LES PRIX.COM n'appartenait donc pas à l'époque considérée à un groupe comprenant la société BZH LAB ou NOVOMUNDO.

Comme le conseil de prud'hommes, la cour juge que la société TOUS LES PRIX.COM n'a pas manqué à son obligation de reclassement vis-à-vis de Monsieur [X] [W].

- Sur la rupture du contrat de travail -

L'inaptitude de Monsieur [X] [W] n'ayant pas un caractère professionnel ni pour origine une situation de harcèlement moral ou un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, alors que la société TOUS LES PRIX.COM a exécuté loyalement son obligation de reclassement vis-à-vis du salarié, Monsieur [X] [W] sera débouté de toutes ses demande en rapport avec la rupture du contrat de travail.

Le jugement entrepris sera également confirmé de ces chefs.

- Sur les dépens et frais irrépétibles -

Le jugement sera confirmé en ses dispositions sur les dépens et frais irrépétibles.

Monsieur [X] [W], qui succombe totalement en son recours, sera condamné aux entiers dépens d'appel et débouté de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il n'y a pas lieu à condamnation de Monsieur [X] [W] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, alors notamment que l'appelant bénéficie de l'aide juridictionnelle totale comme allocataire du RSA.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

- Confirme le jugement ;

- Condamne Monsieur [X] [W] aux dépens d'appel;

- Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.

Le Greffier, Le Président,

S. BOUDRY C. RUIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Riom
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/00034
Date de la décision : 25/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-25;21.00034 ?
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