25 AVRIL 2023
Arrêt n°
SN/SB/NS
Dossier N° RG 21/00009 - N° Portalis DBVU-V-B7E-FQNJ
Association LÉO LAGRANGE CENTRE EST
/
[C] [W]
jugement au fond, origine conseil de prud'hommes - formation paritaire du puy en velay, décision attaquée en date du 17 décembre 2020, enregistrée sous le n° f 19/00185
Arrêt rendu ce VINGT CINQ AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors du délibéré de :
M. Christophe RUIN, Président
Mme Sophie NOIR, Conseiller
Mme Karine VALLEE, Conseiller
En présence de Mme Séverine BOUDRY, Greffier lors des débats et du prononcé
ENTRE :
Association LÉO LAGRANGE CENTRE EST Prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège.
[Adresse 7]
[Localité 2]
Représentée par Me Sébastien RAHON, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND et par Me Renaud BARIOZ, SELARL BdL AVOCATS, avocat au barreau de LYON
APPELANT
ET :
Mme [C] [W]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : M. Gérard ROULLEAU (Délégué syndical ouvrier) muni d'un pouvoir en date du 07/01/2021
INTIMEE
Monsieur RUIN, Président et Mme NOIR, Conseiller après avoir entendu Mme NOIR Conseiller en son rapport à l'audience publique du 20 février 2023, tenue par ces deux magistrats, sans qu'ils ne s'y soient opposés, les représentants des parties en leurs explications, en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré aprés avoir informé les parties que l'arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE
L'association Leo Lagrange Centre Est est une association à un but non lucratif qui exerce son activité dans le secteur de l'économie sociale et solidaire. Elle est affiliée à la Fédération Léo Lagrange, qui est une association d'éducation populaire reconnue d'utilité publique.
Mme [W] a été embauchée le 23 septembre 1996 par le Centre international Etudes et Loisir en qualité d'animatrice sur le centre de loisirs de [Localité 4].
À compter du 1er avril 2007, le contrat de travail a été transféré à l'association Léo Lagrange Centre Est.
A partir du 1er septembre 2007, la salariée a été promue au poste de responsable des centres de loisirs de [Localité 4] et de [Localité 10], statut agent de maîtrise, groupe D, indice 300.
La convention collective applicable à la présente relation de travail est la Convention Collective Nationale de l'Animation.
Par courrier en date du 16 juillet 2019, l'association Léo Lagrange Centre Est a convoqué Mme [W] à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement fixé au 29 juillet suivant.
Par courrier recommandé avec avis de réception en date du 7 août 2019, l'association Leo Lagrange Centre Est a notifié à Mme [W] son licenciement pour cause réelle et sérieuse.
Le courrier de notification est ainsi libellé :
« Vous exercez la fonction de responsable de l'accueil de loisirs sans hébergements de [Localité 4], depuis le 2 janvier 2004.
A ce titre, vous étiez à l'initiative d'un projet franco-allemand, dans le cadre du partenariat avec l'OFAJ, porté par l'accueil de loisirs de [Localité 4] et le centre social de [Localité 5], à savoir un séjour ado sur le thème du Street art.
Vous n'avez pas pris en compte les règles de l'OFAJ, Office Franco-Allemand pour la Jeunesse qui conditionnent le financement du projet via une subvention de 9000€.
En effet, pour toucher le montant qui vous a été indiqué, est nécessaire à la réalisation du projet, vous deviez trouver un partenaire allemand.
À plusieurs reprises, le service fédéral en charge des projets européens vous a rappelé que le fait d'avoir un partenaire était indispensable à l'obtention de la subvention. Il vous a été transmis la liste de tous les centres de jeunesse municipaux de [Localité 3] en reprécisant la manière dont laquelle le partenariat devait être conclu avec la structure allemande.
De plus, vous n'étiez pas sans savoir que le dépôt de la demande de subvention auprès de l'OFAJ devait être faite 2 mois avant le projet.
Sans assurance de financement, vous avez réservé les billets d'avion et l'auberge de jeunesse, engageant financièrement notre association sans validation préalable, alors même que le budget de votre structure était déjà déficitaire.
Au surplus, le jour du départ, le 15 juillet 2019, vous ne vous êtes pas réveillée, ce qui a engendré un retard d'une heure, faisant rater l'avion aux enfants. Vous n'avez pas pris la marge de temps nécessaire, ni anticipé d'éventuels problèmes de circulation.
Sans informer votre Dta, Mme [F], vous avez pris unilatéralement la décision d'acheter des billets de bus pour une valeur de 1600€, lors de votre arrivée à l'aéroport.
Vous n'avez pas prévenu les familles de ce changement de programme, infligeant aux enfants plus de 20h de bus avec un itinéraire découpé. [Localité 8]-[Localité 9], [Localité 9]-[Localité 3] et plus de 10h d'attente à l'aéroport avant de monter dans le premier bus.
Vous n'avez prévenu votre Dta qu'en fin de matinée, une fois les billets achetés en lui précisant que vous aviez loupé l'avion à un « poil de cul ».
Le vocabulaire que vous avez utilisé n'est absolument pas adapté à une relation professionnelle avec votre hiérarchie et à votre fonction.
Votre appréciation de la situation et votre gestion de la communication de celle-ci mettent en évidence votre incapacité à assurer le niveau de responsabilité qui vous incombe dans ce type d'accident.
La légèreté dont vous avez fait preuve dans la gestion de ce projet est inacceptable et vous n'avez pas pris en considération l'inquiétude des familles qui ont été prévenues par l'équipe d'animation dont vous aviez la responsabilité. Pour rappel, vous étiez la personne en charge de ce séjour.
Suite à cet événement, nous avons reçu plusieurs courriers de plainte de la part de parents, d'enfants participants au séjour, ainsi que de la collectivité.
Le manque de professionnalisme dont vous avez fait preuve que cela soit dans la recherche de financement du projet ou lors du voyage à impacter gravement notre image et nos relations avec la commune de [Localité 5].
Ces faits constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement et nous contraignent à mettre un terme à notre relation contractuelle. »
Par requête réceptionnée au greffe de la juridiction le 19 décembre 2019, Mme [W] a saisi le conseil de prud'hommes du Puy en Velay, aux fins notamment de voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse outre obtenir l'indemnisation afférente.
Par jugement rendu contradictoirement le 17 décembre 2020, le conseil de prud'hommes du Puy en Velay a :
- jugé que le licenciement de Mme [W] est dénué de cause réelle et sérieuse et qu'il y a donc lieu de faire droit à sa demande au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Par conséquent, conformément à l'article L.1235-3 du Code du travail,
- proposé la réintégration de Mme [W] avec maintien de ses avantages acquis ;
Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration,
- condamné l'association Leo Lagrange Centre Est à payer et à porter à Mme [W] les sommes suivantes :
- 22.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- dit que la créance indemnitaire est productrice d'intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement ;
- ordonné le remboursement par l'association Leo Lagrange Centre Est au Pôle Emploi les indemnités de chômage payées au salarié licencié du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé par le Conseil, dans la limite d'un mois d'indemnités de chômage ;
- dit que le présent jugement sera transmis au Pôle Emploi ;
- condamné l'association Leo Lagrange Centre Est à remettre à Mme [W] un certificat de travail rectifié conforme aux dispositions de l'article D.1234-6 du Code du travail avec une date d'entrée au 23 septembre 1996 et comportant les différents emplois occupés par la salariée ;
- débouté l'association Leo Lagrange Centre Est de toutes ses demandes ;
- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement ;
- condamné l'association Leo Lagrange Centre Est aux dépens de l'instance et d'exécution.
Par déclaration en date du 31 décembre 2020, l'association Leo Lagrange Centre Est a interjeté appel de ce jugement
Vu les conclusions notifiées à la cour le 18 février 2021 par l'association Leo Lagrange Centre Est ;
Vu les conclusions notifiées à la cour le 12 avril 2021 par Mme [W].
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions, l'association Leo Lagrange Centre Est demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :
- lui donner acte de ce qu'elle s'oppose à toute possibilité de réintégration ;
- dire et juger que les différents faits fautifs reprochés à Mme [W] sont avérés, et même reconnus par elle, et que leur sérieux justifiait la rupture du contrat de travail ;
- dire et juger que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse ;
- débouter Mme [W] de l'intégralité de ses prétentions ;
- condamner Mme [W] à lui payer la somme de 2.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner Mme [W] en tous les dépens de première instance et d'appel.
Dans ses dernières conclusions, Mme [W] demande à la cour de :
- confirmer le jugement rendu par le conseil des prud'hommes en ce qu'il a jugé que la rupture de son contrat de travail est intervenue sans cause réelle et sérieuse ;
- condamner l'association fédération Leo Lagrange au paiement des sommes suivantes assorties des intérêts légaux :
- 35.000 euros net à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- 4.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- confirmer la délivrance d'un certificat de travail rectifié avec une date d'embauche au 23 septembre 1996 et mentionnant les différents emplois occupés ;
- condamner l'association fédération Leo Lagrange aux entiers dépens et émoluments.
Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions, moyens et arguments des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux dernières conclusions régulièrement notifiées et visées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le bien fondé du licenciement :
Le licenciement correspond à une rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur.
En application des dispositions de l'article L. 1232-6 du code du travail, dans sa version applicable au présent litige, l'employeur est tenu d'énoncer dans la lettre de licenciement, le ou les motifs du licenciement. La lettre de licenciement fixe les limites du litige, ce qui interdit à l'employeur d'invoquer de nouveaux ou d'autres motifs ou griefs par rapport à ceux mentionnés dans la lettre de licenciement.
Pour que la rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur soit justifiée ou fondée, en tout cas non abusive, la cause du licenciement doit être réelle (faits objectifs, c'est-à-dire précis et matériellement vérifiables, dont l'existence ou la matérialité est établie et qui constituent la véritable raison du licenciement), mais également sérieuse, autrement dit que les faits invoqués par l'employeur, ou griefs articulés par celui-ci, soient suffisamment pertinents pour justifier le licenciement.
Le licenciement pour motif personnel est celui qui est inhérent à la personne du salarié, lequel peut être décidé pour un motif disciplinaire, soit à raison d'une faute du salarié, ou en dehors de tout comportement fautif du salarié (motif personnel non disciplinaire). En tout état de cause, le licenciement prononcé ne doit pas être discriminatoire.
Si l'employeur peut sanctionner par un licenciement un acte ou une attitude du salarié qu'il considère comme fautif, il doit toutefois s'agir d'un comportement volontaire, action ou omission. A défaut, l'employeur ne peut pas se placer sur le terrain disciplinaire.
La faute du salarié correspond en général à un manquement aux obligations découlant du contrat de travail. Elle ne doit pas être prescrite, ni déjà avoir fait l'objet d'une précédente sanction.
En cas de licenciement disciplinaire, le juge doit vérifier que le motif allégué constitue une faute. Selon sa gravité, la faute commise par le salarié emporte des conséquences plus ou moins importantes. Si les faits invoqués, bien qu'établis, ne sont pas fautifs ou constituent une faute légère mais non sérieuse, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, donc abusif. Plusieurs griefs, chacun insuffisant pour justifier un licenciement, peuvent, conjugués, constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement. L'accumulation des griefs ne saurait toutefois pallier leur inconsistance. Par ailleurs, la gravité de la faute du salarié n'est pas subordonnée à l'existence d'un préjudice subi par l'employeur.
Il s'ensuit que la mesure de licenciement prononcée par l'employeur doit être proportionnée ou proportionnelle à la faute commise par le salarié. Le juge exerce ainsi un contrôle de proportionnalité en matière de sanction disciplinaire et vérifie en conséquence que la sanction prononcée par l'employeur à l'encontre du salarié n'est pas trop sévère compte tenu de la nature et de la gravité des faits reprochés.
L'article L. 1235-1 du même code, alors applicable, précise que pour apprécier la cause réelle et sérieuse de licenciement, le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et, au besoin, après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement ne pèse pas plus particulièrement sur l'employeur (la Cour de cassation juge que la preuve du caractère réel et sérieux du motif de licenciement n'incombe spécialement à aucune des parties), il incombe à l'employeur, en revanche, d'établir la faute grave ou lourde. Dans tous les cas, en matière de bien-fondé du licenciement, le doute doit profiter au salarié.
En l'espèce, il résulte du courrier de notification du licenciement disciplinaire de Mme [W] que l'association Léo Lagrange Centre Est reproche à la salariée deux griefs principaux, à savoir :
- des manquements administratifs dans l'organisation d'un séjour en Allemagne ;
- des manquements lors de la réalisation effective du séjour (retard, engagement de frais sans autorisation).
Conformément aux principes de droit susvisés, chacun de ces griefs de licenciement sera examiné séparément.
- Sur les manquements administratifs de la salariée dans l'organisation du séjour :
L'employeur, qui impute à Mme [W] des manquements dans la gestion administrative du financement du séjour devant être organisé au mois de juillet 2019, expose tout d'abord que la salariée n'a pas satisfait aux conditions de financement du projet telles que prévues par les règles de l'Office Franco-allemand pour la Jeunesse (OFAJ), notamment en l'absence de toute solution de partenariat trouvée en Allemagne, ce défaut n'ayant pas permis à l'association de percevoir la subvention de l'OFAJ nécessaire à l'organisation du séjour litigieux.
La convention de l'OFAJ n'est pas versée aux débats mais il n'est pas discuté que la salariée en connaissait les termes et notamment les conditions d'attribution de la subvention tenant à l'existence d'un partenariat avec une structure allemande.
Il ressort des pièces produites que Mme [W] n'a pas réussi à trouver ce partenariat et il est constant que cette subvention n'a jamais été obtenue.
Ces pièces démontrent également que, contrairement à ce que soutient la salariée :
- elle n'a pas été victime d'un 'désengagement du côté allemand' car il ressort de son courriel du 21 janvier 2019 qu'elle a engagé les frais du séjour - réservation de l'hébergement à [Localité 3] et billets d'avion - avant même d'obtenir une subvention de l'OFAJ ;
- ses recherches de partenariat ont été menées avec l'assistance de l'OFAJ et de Mme [F], déléguée territoriale à l'animation de Leo Lagrange centre est.
S'il est ainsi démontré que Mme [W] a engagé financièrement l'association en réservant les billets d'avion et l'auberge de jeunesse avant de trouver le partenariat qui conditionnait l'octroi d'une subvention du voyage par l'OFAJ, il n'est en revanche pas établi par l'employeur que cet engagement financier s'est fait sans validation préalable et alors même que la structure était déjà déficitaire.
En effet, il ressort du courriel de la salariée du 21 janvier 2019 que Mme [W] a soumis la convention de réservation de l'auberge de [Localité 3] à sa supérieure hiérarchique, Mme [F], et l'association Leo Lagrange centre est ne produit aucun élément permettant de démontrer sa situation financière déficitaire lors de l'engagement des dépenses.
Les faits ici reprochés à Mme [W] ne sont pas matériellement établis.
- Sur les manquements de la salariée lors du déroulé du séjour :
La lettre de licenciement reproche ensuite à la salariée :
- de s'être réveillée en retard le jour du départ en voyage, d'avoir ainsi généré un retard d'une heure, de ne pas avoir pris une marge de temps nécessaire ni anticipé d'éventuels problèmes de circulation et d'avoir ainsi fait rater l'avion aux enfants
- d'avoir ensuite pris la décision d'acheter des billets de bus pour un montant total de 1600 euros dès son arrivée à l'aéroport, sans en informer sa DTA, Mme [F]
- d'avoir fait usage d'un vocabulaire inadapté à la relation professionnelle avec sa hiérarchie en informant Mme [F] qu'elle avait ' loupé l'avion à un poil de cul'
- de ne pas avoir prévenu des familles de ce changement de programme
- d'avoir infligé aux enfants plus de 20 heures de bus, avec un itinéraire découpé et plus de 10 heures d'attente à l'aéroport avant de monter dans le bus.
Cette lettre évoque également plusieurs courriers de plaintes reçus de parents d'enfants participant au séjour ainsi que de la commune de [Localité 5] et précise que le manque de professionnalisme de la salariée tant dans la recherche de financement du projet que lors du voyage a gravement impacté l'image de l'entreprise et ses relations avec la commune.
Dans ces conclusions, le salarié reconnaît qu'elle ne s'est pas réveillée à l'heure le jour du départ mais elle conteste que cet événement soit à l'origine du retard à l'embarquement.
Elle soutient que l'incident est imputable à la société Fontanon, en charge du transport par car jusqu'à l'aéroport de [Localité 8] - au départ de [Localité 4] avec un arrêt à [Localité 5] pour prendre d'autres enfants - et plus précisément :
- d'une sous-évaluation du temps de trajet d'une demi-heure (3h30 au lieu de 4 heures)
- de l'arrivée du car en retard le matin
- du fait que le chauffeur n'avait pas fait le plein du véhicule et qu'au moment de ravitailler le bus à [Localité 11], la carte bancaire du chauffeur ne fonctionnait pas, ce qui a généré un retard d'au moins 20 minutes
- que le chauffeur n'avait pas non plus anticipé des travaux à [Localité 6] et la circulation du lendemain du 14 juillet qui ont généré 30 minutes de retard (deux heures de trajet entre [Localité 11] et l'aéroport au lieu de 1h30 en principe).
Elle considère que seules 10 minutes sur l'heure de retard lui sont réellement imputables et que le car serait arrivé en retard à l'aéroport indépendamment de son propre retard.
Il résulte des pièces du dossier :
- que le vol était prévu à 7h30 le 15 juillet 2019
- que la société de transport Fontanon avait prévu une prise en charge à 3 heures à [Localité 4] pour une arrivée à 6h30 à l'aéroport de [Localité 8]
- que le bus avait déjà une heure de retard à son arrivée au point de rencontre de [Localité 5] - situé avant [Localité 11] sur le trajet menant à [Localité 8] et également avant [Localité 6] - en raison du réveil tardif d'une animatrice de [Localité 4] (pièce 13 et 14 constituées des témoignages de deux parents).
Ces éléments démontrent que le retard de Mme [C] [W] est à l'origine du retard d'embarquement dans le vol pour [Localité 3] ce d'autant que la salariée ne rapporte pas la preuve de ce que le car est arrivé en retard au départ de [Localité 4].
Par ailleurs, le fait que la société Fontanon ait prévu un temps de trajet de 3h30 à l'aller et de 4h au retour ne suffit pas à démontrer que le temps de trajet a été sous évalué à l'aller dans la mesure où les horaires sont différents (3 heures du matin au départ de [Localité 4] à l'aller et 17h au départ de [Localité 8] au retour) et peuvent s'expliquer par des conditions de circulation différentes en pleine journée et au départ d'une grande agglomération.
S'agissant de l'achat par Mme [W] des billets de bus pour un montant total de 1600 euros, aucune pièce ne permet d'établir que cet achat d'un montant très important a été engagé sans validation préalable de sa hiérarchie.
De même, il n'est aucunement justifié des propos très familiers prêtés à Mme [W] lors de son échange avec Mme [F] pour l'informer du retard à l'embarquement.
L'employeur ne produit aucun élément permettant d'établir que les familles n'ont pas été prévenues du changement de mode de transport et que les enfants ont souffert de l'augmentation conséquente du trajet en direction de [Localité 3] et des inconvénients d'un tel trajet en car.
Au contraire, il ressort des attestations de M. et Mme [M], de Mme [L] et de M. [S] (parents d'enfants ayant participé au séjour) et de celle de M. [E] (enseignant ayant également participé à ce séjour) que ces derniers ont été reconnaissants à Mme [W] d'avoir trouvé des solutions pour maintenir le séjour à [Localité 3] promis aux enfants et, de façon plus générale, aux animateurs du séjour de s'être occupés au mieux des enfants pour minimiser les inconvénients de ce voyage, M. [S] précisant même que sa fille est revenue pleinement satisfaite et épanouie de ce séjour.
Enfin, s'agissant des plaintes de parents reçues par l'employeur, aucune d'entre elles n'est versée aux débats.
Seul un courrier de la commune de [Localité 5] du 25 juillet 2019 fait état du mécontentement manifesté par plusieurs familles suite aux ' différents dysfonctionnements' ayant ponctué le voyage à destination de [Localité 3] mais ce courrier met plus directement en cause l'absence de la directrice du centre social, Mme [U], accusée d'avoir pris ses congés pendant ce séjour et de ne pas être joignable, 'laissant ainsi toute la responsabilité d'un tel voyage sur les épaules des animateurs'.
De même, il n'est pas justifié d'une dégradation de l'image de l'association et de ses relations avec la commune de [Localité 5] imputable à la salariée.
À l'issue de cette analyse il apparaît que parmi tous les faits invoqués au soutien de licenciement seul le retard de la salariée à l'origine de la possibilité d'embarquement dans le vol pour [Localité 3] le 15 juillet 2019 est établi.
Au regard de l'ancienneté importante de Mme [W], du haut degré de son investissement professionnel pendant des années rappelé dans son courrier de contestation du licenciement et non remis en cause par l'employeur dans sa réponse du 22 août 2019 ainsi que de l'absence de passé disciplinaire, ce seul fait ne constitue pas une cause réelle et sérieuse de licenciement.
En conséquence la cour, confirmant le jugement de ce chef, dit que le licenciement de Mme [W] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse.
Selon l'article L1235-3 dans sa rédaction issue de la Loi n°2018-217 du 29 mars 2018, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.
Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le même article.
En l'espèce, l'association Leo Lagrange Centre Est s'oppose à toute réintégration de Mme [W].
Compte tenu notamment de l'effectif de l'association Leo Lagrange Centre Est dont il n'est pas discuté qu'il est équivalent ou supérieur à 11 salariés, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Mme [W] (2 134 euros), de son âge au jour de son licenciement (58 ans), de son ancienneté à cette même date (22 ans et 10 mois) et des conséquences du licenciement à son égard, tels que ces éléments résultent des explications fournies, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L.1235-3 du code du travail dans sa version en vigueur, une somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.
Sur le remboursement des sommes payées au salarié par Pôle Emploi:
Selon l'article L1235-4 du code du travail dans sa version applicable au litige: 'Dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé.
Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.
Pour le remboursement prévu au premier alinéa, le directeur général de Pôle emploi ou la personne qu'il désigne au sein de Pôle emploi peut, pour le compte de Pôle emploi, de l'organisme chargé de la gestion du régime d'assurance chômage mentionné à l'article L. 5427-1, de l'Etat ou des employeurs mentionnés à l'article L. 5424-1, dans des délais et selon des conditions fixés par décret en Conseil d'Etat, et après mise en demeure, délivrer une contrainte qui, à défaut d'opposition du débiteur devant la juridiction compétente, comporte tous les effets d'un jugement et confère le bénéfice de l'hypothèque judiciaire'.
S'agissant d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, il y a lieu d'ordonner, d'office et par application de l'article L 1235-4 du code du travail, le remboursement par l'association Leo Lagrange Centre Est à Pôle Emploi des indemnités de chômage payées à Mme [W] à la suite de son licenciement, dans la limite de 3 mois de prestations.
Sur la remise du certificat de travail :
Dans la mesure où il n'est pas justifié de la remise effective par l'association Leo Lagrange Centre Est à Mme [W] d'un certificat de travail conforme aux dispositions de l'article D 1234-6 du code du travail, en ce qui concerne sa date d'entrée au 23 septembre 1996 et la nature des différents emplois occupés, l'association sera également condamnée à remettre à la salariée un certificat de travail régulier.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur les demandes accessoires:
Partie perdante, l'association Leo Lagrange Centre Est supportera la charge des dépens de première instance et d'appel.
Par ailleurs, Mme [C] [W] a dû pour la présente instance exposer tant en première instance qu'en appel des frais de procédure et honoraires non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser intégralement à sa charge.
Il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné l'association Leo Lagrange Centre Est à lui payer la somme de 1 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, et de condamner cet employeur à lui payer sur le même fondement une indemnité de 1 500 euros au titre des frais qu'elle a dû exposer en appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,
CONFIRME le jugement déféré SAUF en ce qu'il a :
- condamné l'association Leo Lagrange Centre Est à payer et à porter à Mme [W] la somme de 22.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- ordonné le remboursement par l'association Leo Lagrange Centre Est au Pôle Emploi les indemnités de chômage payées au salarié licencié du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé par le Conseil, dans la limite d'un mois d'indemnités de chômage ;
Statuant à nouveau sur ces chefs et y ajoutant :
CONDAMNE l'association Leo Lagrange Centre Est à payer à Mme [C] [W] la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
DIT que les sommes allouées supporteront, s'il y a lieu, le prélèvement des cotisations et contributions sociales ;
ORDONNE le remboursement par l'association Leo Lagrange Centre Est à Pôle Emploi des indemnités de chômage payées à Mme [C] [W] à la suite de son licenciement, dans la limite de 3 mois de prestations ;
CONDAMNE l'association Leo Lagrange Centre Est à payer à Mme [C] [W] la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE l'association Leo Lagrange Centre Est aux dépens de la procédure d'appel ;
DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.
Le Greffier, Le Président,
S. BOUDRY C. RUIN