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25/04/2023 | FRANCE | N°20/01947

France | France, Cour d'appel de Riom, Chambre sociale, 25 avril 2023, 20/01947


25 AVRIL 2023



Arrêt n°

SN/SB/NS



Dossier N° RG 20/01947 - N° Portalis DBVU-V-B7E-FQKX



Association LES CITÉS CANTALIENNES DE L'AUTOMNE

/

[T] [V]





jugement au fond, origine conseil de prud'hommes - formation paritaire d'aurillac, décision attaquée en date du 30 novembre 2020, enregistrée sous le n° f 18/00056

Arrêt rendu ce VINGT CINQ AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors du délibéré de :



M. Christo

phe RUIN, Président



Mme Sophie NOIR, Conseiller



Mme Karine VALLEE, Conseiller



En présence de Mme Séverine BOUDRY, Greffier lors des débats et ...

25 AVRIL 2023

Arrêt n°

SN/SB/NS

Dossier N° RG 20/01947 - N° Portalis DBVU-V-B7E-FQKX

Association LES CITÉS CANTALIENNES DE L'AUTOMNE

/

[T] [V]

jugement au fond, origine conseil de prud'hommes - formation paritaire d'aurillac, décision attaquée en date du 30 novembre 2020, enregistrée sous le n° f 18/00056

Arrêt rendu ce VINGT CINQ AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors du délibéré de :

M. Christophe RUIN, Président

Mme Sophie NOIR, Conseiller

Mme Karine VALLEE, Conseiller

En présence de Mme Séverine BOUDRY, Greffier lors des débats et du prononcé

ENTRE :

Association LES CITÉS CANTALIENNES DE L'AUTOMNE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Barbara GUTTON PERRIN de la SELARL LEXAVOUE RIOM-CLERMONT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND et Me Laurène ROUSSET-ROUVIERE de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

APPELANTE

ET :

Mme [T] [V]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Sébastien RAHON, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND et Me Stéphane JUILLARD, avocat au barreau de AURILLAC

INTIMEE

Monsieur RUIN, Président et Mme NOIR, Conseiller après avoir entendu Mme NOIR Conseiller en son rapport à l'audience publique du 20 février 2023, tenue par ces deux magistrats, sans qu'ils ne s'y soient opposés, les représentants des parties en leurs explications, en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré aprés avoir informé les parties que l'arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

Les Cités Cantaliennes de l'Automne est une association à but non lucratif relevant de la loi de 1901, qui gère 12 établissements pour personnes âgées ou EHPAD dans le département du Cantal.

Mme [T] [V], née le 20 novembre 1961, a été embauchée par l'association Les Cités Cantaliennes de l'Automne à compter du 1er octobre 2003, en qualité d'infirmière, suivant un contrat à durée indéterminée à temps partiel. Par avenant au contrat de travail en date du 18 janvier 2006, le temps de travail de la salariée à été porté à temps complet.

Par courrier en date du 24 novembre 2017, Mme [V] s'est vue notifier un avertissement.

À compter du 1er décembre 2014, Mme [V] a exercé les fonctions d'infirmière coordinatrice (IDEC), statut agent de maîtrise, dans deux établissements gérés par l'association.

Mme [V] a été convoquée à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement fixé le 29 décembre suivant.

Par courrier recommandé avec avis de réception en date du 5 janvier 2018, l'association Les Cités Cantaliennes de l'Automne a notifié à Mme [V] son licenciement pour faute grave.

Le courrier de notification est ainsi libellé :

'Pour faire suite à la convocation à entretien préalable du 29 décembre 2017, à 11 heures, en nos locaux, sis [Adresse 1], entretien auquel vous vous êtes présentée, accompagnée de Madame [F] [P], infirmière et déléguée du personnel, et auquel assistaient Monsieur [C] [X], Directeur Général, et Madame [O] [Y], Attachée de direction RH, nous sommes au regret de vous notifier par la présente votre licenciement pour faute grave en raison de manquements graves à vos obligations contractuelles, et qui en soi représentent donc une faute professionnelle grave et une exécution défectueuse de votre contrat de travail.

Il s'agissait d'entendre vos explications sur les faits reprochés et sur votre positionnement d'infirmière coordinatrice, à savoir coordonnatrice de l'équipe soignante et, à ce titre, membre de l'équipe de direction.

Différents faits conduisent à m'interpeller sur votre capacité à occuper ce poste.

Le premier grief fait état d'un événement survenu le 12 décembre 2017 vers 16h30, qui a fait l'objet de plusieurs témoignages écrits devant ce qui est apparu ou a été ressenti comme un comportement inapproprié de votre part.

En effet, le 12 décembre 2017, vers 16h30 (vos horaires de travail prévus sur [4] ce jour-là était 8H30-12H30/ 13h30-17H30), vous étiez au côté du médecin coordonnateur, le Docteur [W], quand tous deux avaient été alertés par une aide-soignante, envoyée par l'infirmière pour vous prévenir qu'elle était au chevet d'une résidente, Madame B, qui avait chuté et qui saignait.

Le médecin indique à l'aide-soignante de prendre des compresses, vous même indiquez à l'aide-soignante de prendre la trousse de secours et le médecin monte auprès de la résidente.

Déjà, vous ne le suivez pas pour savoir si c'est grave ou pas.

- Le médecin prodigue avec l'infirmière déjà présente les premiers soins car la résidente s'est scalpée en chutant sur le radiateur, chute due à un AVC, et elle saigne beaucoup, la plaie est profonde.

- Vers 17h05, l'infirmière appelle la secrétaire car elle n'arrivait pas à vous joindre pour que vous puissiez leur amener des compresses et de l'eau oxygénée.

- Entre temps, une des aides-soignantes est descendue chercher ce matériel voyant que vous ne leur ameniez pas.

Le médecin vous réclame, vous n'êtes toujours pas à ses côtés.

Le médecin a installé en PLS et effectue une compression au niveau de la tête.

Vers 17H15, l'infirmière rappelle le secrétariat car elle avait besoin de pansements américains, la secrétaire a dû vous courir après, vous étiez sur le départ pour [2].

ll se retrouve seul avec deux aides-soignantes et une stagiaire puisque l'infirmière doit redescendre pour préparer le dossier d'hospitalisation de la résidente, les secours ayant été alertés.

Ils arrivent d'ailleurs à 17h20, la secrétaire les accueille et les dirige vers les lieux de l'accident, elle vous rencontre et vous finissez de les accompagner au second étage.

A 17H30, vous partez de l'établissement sans autre question.

Dans le même temps deux aides-soignantes ont été appelées pour nettoyer les vomissures de la résidente dont l'état semble vite se dégrader et c'est le départ vers l'hôpital.

L'ensemble des témoins de la scène n'a pas compris votre manque d'investissement sur cet événement et votre départ sur l'autre établissement sur lequel aucune urgence ne nécessitait immédiatement votre présence.

Les participants ont dû être débriefés rapidement par le Docteur [W] afin de les rassurer sur la qualité de leur prise en charge de cette résidente et de leur réaction dans l'urgence.

ll est à noter que votre qualité d'lDEC, à aucun moment, nous n'avez donné d'instructions à vos équipes, vous ne leur avez apporté aucun appui, aucun conseil.

Nous vous avons posé la question de savoir si vous reconnaissez les faits et quelles étaient vos explications.

Vous avez répondu :

« Je ne reconnais pas les faits. A 17H une AS est descendue en disant qu'elle venait chercher le médecin, j'étais avec lui. Je suis restée volontairement en bas. Je me suis dit, on ne sait pas ce qu'il faut comme matériel, je suis restée pour le digicode de la salle de soins car seul le médecin et l'infirmière auprès de la résidente les connaissaient.

J'ai ouvert, à l'aide-soignante, je lui ai donné les compresses.

J'allais monter,, je suis retournée à l'infirmerie quand la secrétaire m'a dit qu'il fallait des pansements américains.

Les pompiers sont arrivés, je les ai conduits auprès de la résidente, le médecin leur a fait le descriptif.

Quand je suis descendue, comme convenu avec Monsieur [U], j'allais à la Villa pour aider les infirmières à distribuer les médicaments car tous les résidents étaient en isolement et qu'a deux on met 1 heure et demi.'

Aux questions posées de savoir quel choix faire entre une urgence et des personnes âgées grippées '

Quelle information avait le docteur [W], médecin coordinateur' vous avez répondu :

'Il y avait des moyens suffisant à [4], 8 personnes dont les pompiers pour s'occuper de la résidente.'

« Je suis montée dans les étages, j'ai dit que je partais, le médecin était là.

Qu'aurais-je fais de plus '

Les chutes et la saturation sont les problèmes courants en EHPAD, je ne vois pas en quoi ce cas aurait pu perturber plus que ça les équipes.'

Il vous est demandé si vous avez joué votre pleine fonction d'infirmière coordinatrice ce jour-là, vous précisez 'je n'ai commis aucune faute grave.'

Le deuxième élément porte sur votre propre courrier, adressé à la direction générale le 5 décembre 2017.

ll est à noter trois points: le premier sur le projet personnalisé, le second sur l'intervention de l'organisme RESAPAC, le troisième sur des propos dénigrant le médecin coordonnateur.

Sur le premier volet : le projet personnalisé:

Dans votre courrier, vous mentionnez, je cite 'cette fiche fait tout de même apparaître l'absence de projet personnalisé du résident. Les IDEC réclament cet outil, il nous est indispensable afin de mieux détailler les prises en charge... '

-Cette réponse constitue une méconnaissance grave des procédures et outils à disposition des établissements :

- Outre le fait que votre réponse ne soit pas en lien avec les faits reprochés

- Cet outil existe et a été mis en place le 29/09/2015.

- ll fait partie intégrante des outils mis à disposition des établissements dans le classeur des procédures et de la fiche de fonction.

-De plus l'évaluation interne comporte plusieurs points sur le projet personnalisé notamment dans le plan d'action.

- ll est à noter que les projets individualisés pour les nouveaux résidents sont même un objectif, dont les acteurs de mise en place sont, notamment les IDEC, avec comme indicateur d'évaluation le nombre de projets réalisés pour 2018.

- mais également de votre fiche de poste 'planifie et évalue la mise en place du projet personnalisé'

- enfin si les lDEC ont bien exprimé des difficultés à utiliser l'outil, certaines l'ont mis en place et en aucun cas elles ont réclamé cet outil.

A la question de savoir si vous reconnaissez les faits et quelles sont vos explications, vous indiquez : 'L'outil n'existe pas, on va y travailler en 2018, on va faire un outil qui servira à tous les établissements de l'association'.

La question vous est posée : est-ce que cet outil existe ' savez-vous qu'un protocole existe '

Vous répondez clairement 'non'(alors qu'il existe).

Vous précisez alors 'vous me pouvez me licencier mais pas pour faute grave'.

Sur le deuxième volet qui est l'intervention de l'organisme RESAPAC (réseau départemental d'accompagnement et de soins palliatifs)

Vous donnez une version différente de celle du médecin mais qui est non conforme à la pratique de l'établissement à savoir une concertation entre le médecin coordonnateur, l'infirmière coordinatrice, le médecin et la famille.

Vous justifiez à chaque fois de votre comportement sans apporter d'explication sur le pourquoi vous ne respectez pas le protocole.

'Quelle procédure interne ' Je n'ai pas contacté RESAPAC, ce n'est pas une question de protocole.'

Sur le troisième volet : le dénigrement du Docteur [W]

Vous écrivez noir sur blanc que vous remettez en cause les compétences du médecin coordinateur et vous le dénigrez car il ne s'agit que de l'expression de votre ressenti, qui n'est corroboré en rien dans les faits.

Je cite 'Je m'aperçois que le résident et les familles ne sont pas au centre de ses préoccupations. Ses préoccupations sont plutôt centrées sur sa personne et son statut de médecin'.

'Je maintiens mes propos. Le problème, ce n'est pas moi. Je peux partir, il y aura toujours des soucis'.

Tous ces faits et vos explications nous conduisent à constater des manquements graves à vos obligations professionnelles qui nous conduisent à mettre un terme immédiat à votre contrat de travail.

Conformément à la législation en vigueur, vous ne disposez d'aucun préavis ni indemnité de licenciement.

Votre licenciement sera donc effectif à compter de l'envoi de cette lettre recommandée à votre domicile.

Nous vous rappelons qu'à compter de la rupture de votre contrat de travail, vous pouvez conserver le bénéfice du régime de prévoyance aux conditions prévues dans la notice d'information ci-jointe.

Vous pouvez renoncer au bénéfice de cette portabilité en nous informant, par écrit, dans les 10 jours suivant la rupture de votre contrat de travail.

Je vous prie de croire, Madame, à l'expression de ma considération distinguée.'

Par requête réceptionnée au greffe le 3 août 2018, Mme [V] a saisi le conseil de prud'hommes d'Aurillac, aux fins notamment d'obtenir l'annulation de l'avertissement du 24 novembre 2017, voir juger son licenciement pour faute grave sans cause réelle et sérieuse, outre obtenir l'indemnisation afférente à la rupture du contrat de travail.

L'audience devant le bureau de conciliation et d'orientation s'est tenue le 12 novembre 2018 et, comme suite au constat de l'absence de conciliation, l'affaire été renvoyée devant le bureau de jugement.

Par jugement rendu contradictoirement le 30 novembre 2020 (audience du 14 septembre 2020), le conseil de prud'hommes de Aurillac a :

- annulé l'avertissement du 24 novembre 2017 ;

- dit et jugé que le licenciement pour faute grave de Mme [V] injustifié;

- requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamné l'Association Les Cités Cantaliennes de l'Automne au versement, à Mme [V], des sommes suivantes :

- 10.894,98 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 14.829,26 euros à titre d'indemnité légale de licenciement ;

- 10.894,98 euros à titre d'indemnité de préavis ;

- 1.089,50 euros à titre d'indemnité de congés payés sur préavis ;

- 750 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné à l'Association les Cités Cantaliennes de l'Automne de fournir à Mme [V] une nouvelle attestation Pôle Emploi rectifiée, et un nouveau bulletin de salaire corrigé, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter d'un mois suivant notification du présent jugement ;

- débouté l'Association Les Cités Cantaliennes de l'Automne de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné l'Association Les Cités Cantaliennes de l'Automne aux entiers dépens.

Par déclaration en date du 28 décembre 2020, l'Association Les Cités Cantaliennes de l'Automne a interjeté appel de ce jugement qui a été notifié à la personne de son représentant légal le 1er décembre 2020.

Vu les conclusions notifiées à la cour le 29 mars 2021 par l'Association Les Cités Cantaliennes de l'Automne ;

Vu les conclusions notifiées à la cour le 16 juin 2021 par Mme [V] ;

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 23 janvier 2023.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières écritures, l'Association Les Cités Cantaliennes de l'Automne conclut à l'infirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions et demande à la cour, statuant à nouveau, de :

À titre principal :

- dire que le licenciement de Mme [V] repose sur une faute grave ;

- débouter Mme [V] de sa demande tendant à voir déclarer son licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- débouter Mme [V] de l'ensemble de ses demandes :

- 10.894,98 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

- 1.089,49 euros au titre des congés payés sur préavis ;

- 14.829,26 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement ;

- 47.211,58 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

À titre subsidiaire, si le Conseil de céans devait faire droit aux demandes de Mme [V] :

- constater que la Convention collective nationale de l'hospitalisation privée du 18 avril 2002 n'est pas applicable au cas d'espèce ;

- constater que l'article L. 1234-1 du Code du travail doit s'appliquer ;

- considérer que le préavis doit être fixé à deux mois, soit 7.263,22 euros ;

- constater que le licenciement de Mme [V] repose sur une cause réelle et sérieuse.

À titre infiniment subsidiaire,

- constater que Mme [V] ne rapporte pas la preuve de son préjudice ;

- limiter le montant des dommages et intérêts octroyés à 3 mois de salaire, soit 10.894,98 euros ;

En tout état de cause :

- débouter Mme [V] de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner Mme [V] à lui verser la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

S'agissant du licenciement pour faute grave prononcé à l'encontre de Mme [V], l'association affirme qu'il repose sur des faits précis, matériellement vérifiables et qui rendaient impossible la poursuite de la relation de travail.

Elle fait plus spécialement grief à la salariée de ne pas avoir adopté le comportement adéquat nécessaire à une bonne gestion administrative et médicale de l'incident dont a été victime une résidente le 12 décembre 2017 en contrariété avec les obligations qui lui incombaient en sa qualité d'infirmière coordinatrice, mais également une méconnaissance des procédures et outils à disposition des établissements (défaut de connaissance du projet personnalisé du résident), de s'être affranchie de la réflexion pluridisciplinaire obligatoire et préalable à toutes prises de rendez-vous avec RESAPAC et d'avoir dénigré le docteur [W].

Elle rappelle par ailleurs que Mme [V] avait déjà fait l'objet d'une sanction disciplinaire (avertissement) ainsi que de plusieurs rappels à l'ordre, notamment pour des faits datant du 14 août 2017, pour lesquels un avertissement avait été prononcé au terme d'un entretien préalable du 30 octobre 2017.

S'agissant des demandes indemnitaires formulées par la salariée, l'association soulève l'absence de preuve d'un quelconque préjudice subi par Mme [V], et conclut ainsi à son débouté de ce chef.

Concernant l'indemnité de préavis, alors que Mme [V] fonde sa demande sur l'article 45 de la Convention Collective Nationales des Hospitalisations, l'appelante rappelle que celle-ci n'est pas applicable en l'espèce, de sorte que l'indemnité de préavis ne saurait être supérieure à deux mois de salaire.

Dans ses dernières écritures, Mme [V] conclut à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et demande à la cour, y ajoutant, de :

- constater que son licenciement pour faute grave en date du 5 janvier 2018 est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- rejeter l'ensemble des demandes de l'Association Les Cités Cantaliennes de l'Automne ;

- condamner l'Association Les Cités Cantaliennes de l'Automne à lui payer la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, outre la somme accordée par le Conseil de Prud'hommes d'Aurillac ;

- condamner l'Association Les Cités Cantaliennes de l'Automne aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de Maître RAHON.

Mme [V] explique tout d'abord que le jour des faits litigieux elle a respecté l'ensemble des obligations qui lui incombaient en sa qualité d'infirmière coordinatrice, que l'incident dont a été victime la résidente a parfaitement été géré par l'ensemble des équipes sur place (dispense des premiers gestes d'urgence/ venue du médecin coordinateur/déclenchement des pompiers), et qu'elle n'a quitté la structure pour se rendre au sein du second établissement dont elle a la charge affecté par une épidémie de grippe qu'à raison de la présence auprès de la résidente blessée de l'ensemble du personnel médical et des pompiers. Elle considère de la sorte qu'aucun grief ne peut lui être adressé s'agissant de la prise en charge de la résidente et de son départ sur le second site de l'association.

Elle soutient ensuite que le projet personnalisé n'existe pas en sorte que l'employeur ne peut raisonnablement lui reprocher de ne pas en avoir connaissance.

S'agissant du troisième grief de licenciement, elle explique que RESAPAC constitue un service un départemental apportant une aide aux équipes, à la famille et à la personne même en fin de vie. Elle indique que la famille d'un résident en fin de vie peut donc parfaitement entrer en contact avec RESAPAC afin d'obtenir une aide psychologique. Elle en déduit que l'employeur ne peut utilement lui opposer l'absence de préalable d'une réflexion pluridisciplinaire dès lors qu'elle n'a fait que se conformer aux instructions de la famille de la résidente concernée et privilégier de la sorte le confort de celle-ci.

S'agissant enfin du prétendu dénigrement du docteur [W], elle explique en premier avoir toujours rencontré des difficultés relationnelles avec ce praticien dont l'employeur avait connaissance et à l'égard desquelles il n'a toutefois pris aucune mesure. Elle fait ensuite valoir que les propos qui lui sont imputés, dont elle ne conteste pas la teneur, ne sauraient être constitutifs d'un quelconque dénigrement du docteur [W] mais traduisent simplement son opinion.

Elle déduit de l'ensemble de ces éléments que l'employeur ne rapporte pas la preuve de manquements fautifs suffisamment graves pour avoir rendu impossible la poursuite du contrat de travail et réclame en conséquence l'indemnisation afférente au caractère abusif du licenciement.

Concernant spécifiquement l'indemnité de préavis, elle réclame une indemnité équivalente à trois mois de salaire par application des dispositions de la convention collective nationale de l'hospitalisation privée du 18 avril 2002.

Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions, moyens et arguments des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux dernières conclusions régulièrement notifiées et visées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la sanction disciplinaire du 24 novembre 2017 :

La cour constate que le jugement déféré a annulé l'avertissement du 24 novembre 2017 sans aucune motivation et alors que cette demande ne lui était pas présentée.

Les parties ne formulent aucun moyen sur ce point au soutien de leurs demandes respectives d'infirmation et de confirmation de ce chef de dispositif.

Il ressort des motifs des conclusions de la salariée que cette dernière n'entend pas remettre en cause cette sanction.

En conséquence la cour infirme le jugement en ce qu'il a annulé l'avertissement du 24 novembre 2017.

Sur le bien fondé du licenciement :

Le licenciement correspond à une rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur.

En application des dispositions de l'article L. 1232-6 du code du travail, dans sa version applicable au présent litige, l'employeur est tenu d'énoncer dans la lettre de licenciement, le ou les motifs du licenciement. La lettre de licenciement fixe les limites du litige, ce qui interdit à l'employeur d'invoquer de nouveaux ou d'autres motifs ou griefs par rapport à ceux mentionnés dans la lettre de licenciement.

Pour que la rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur soit justifiée ou fondée, en tout cas non abusive, la cause du licenciement doit être réelle (faits objectifs, c'est-à-dire précis et matériellement vérifiables, dont l'existence ou la matérialité est établie et qui constituent la véritable raison du licenciement), mais également sérieuse, autrement dit que les faits invoqués par l'employeur, ou griefs articulés par celui-ci, soient suffisamment pertinents pour justifier le licenciement.

Le licenciement pour motif personnel est celui qui est inhérent à la personne du salarié, lequel peut être décidé pour un motif disciplinaire, soit à raison d'une faute du salarié, ou en dehors de tout comportement fautif du salarié (motif personnel non disciplinaire). En tout état de cause, le licenciement prononcé ne doit pas être discriminatoire.

Si l'employeur peut sanctionner par un licenciement un acte ou une attitude du salarié qu'il considère comme fautif, il doit toutefois s'agir d'un comportement volontaire, action ou omission. A défaut, l'employeur ne peut pas se placer sur le terrain disciplinaire.

La faute du salarié correspond en général à un manquement aux obligations découlant du contrat de travail. Elle ne doit pas être prescrite, ni déjà avoir fait l'objet d'une précédente sanction.

En cas de licenciement disciplinaire, le juge doit vérifier que le motif allégué constitue une faute. Selon sa gravité, la faute commise par le salarié emporte des conséquences plus ou moins importantes. Si les faits invoqués, bien qu'établis, ne sont pas fautifs ou constituent une faute légère mais non sérieuse, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, donc abusif. Plusieurs griefs, chacun insuffisant pour justifier un licenciement, peuvent, conjugués, constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement. L'accumulation des griefs ne saurait toutefois pallier leur inconsistance. Par ailleurs, la gravité de la faute du salarié n'est pas subordonnée à l'existence d'un préjudice subi par l'employeur.

Il s'ensuit que la mesure de licenciement prononcée par l'employeur doit être proportionnée ou proportionnelle à la faute commise par le salarié. Le juge exerce ainsi un contrôle de proportionnalité en matière de sanction disciplinaire et vérifie en conséquence que la sanction prononcée par l'employeur à l'encontre du salarié n'est pas trop sévère compte tenu de la nature et de la gravité des faits reprochés.

L'article L. 1235-1 du même code, alors applicable, précise que pour apprécier la cause réelle et sérieuse de licenciement, le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et, au besoin, après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement ne pèse pas plus particulièrement sur l'employeur (la Cour de cassation juge que la preuve du caractère réel et sérieux du motif de licenciement n'incombe spécialement à aucune des parties), il incombe à l'employeur, en revanche, d'établir la faute grave ou lourde. Dans tous les cas, en matière de bien-fondé du licenciement, le doute doit profiter au salarié.

En l'espèce, il résulte du courrier de notification du licenciement disciplinaire de Mme [V] que l'association Les Cités Cantaliennes de l'Automne reproche à la salariée quatre griefs principaux, à savoir :

- une gestion inadéquate de l'incident survenu le 12 décembre 2017 ;

- le défaut de connaissance du projet personnalisé résident ;

- le non respect du protocole entourant les interventions de l'organisme RESAPAC ;

- le dénigrement du docteur [W].

Conformément aux principes de droit susvisés, chacun de ces griefs de licenciement sera examiné séparément.

1. Sur la gestion de l'incident survenu le 12 décembre 2017 :

L' employeur explique qu'alors que vers 16h30 Mme [V] a été alertée par une aide-soignante du service de la chute d'une résidente, celle-ci ne s'est pas immédiatement rendue auprès d'elle pour assister le médecin coordinateur ni n'a donné d'instructions précises à son équipe.

Si Mme [V] ne réfute tout d'abord pas expressément ne pas s'être rendue immédiatement auprès de la résidente, elle excipe en revanche de sa présence au rez-de-chaussée au sein de la salle de soins dont elle disposait seule, avec les autres IDE et le médecin coordinateur, du code d'accès.

A la lecture des écritures de l'intimée, il apparaît plus spécialement que Mme [V] indique avoir été alertée à 16h30 de la chute d'une résidente, puis être ensuite demeurée au rez-de-chaussée au sein de la salle de soins.

Il résulte de la lecture du témoignage de Mme [Z] [B], aide-soignante, qu'elle a été alertée à 16h35 par une IDE ([G]) de la chute d'une résidente au 2ème étage, qu'elle s'est immédiatement rendue auprès de cette résidente et qu'à l'occasion de son examen physique elle s'est aperçue de la présence au niveau de la tête de sang en quantité significative. Elle indique ensuite avoir demandé à [E] de prévenir l'IDE ([G]) et de lui demander de monter au plus vite avec le nécessaire médical. Elle ajoute que le Samu a été contacté par [G], laquelle lui a alors demandé de contacter le médecin coordinateur encore présent sur site. Elle relate ensuite être descendue prévenir ce médecin, et avoir pris le sac de secours sans les conseils de Mme [V], et être remontée avec lui auprès de la résidente. Elle indique avoir dû redescendre à la salle de soins pour se procurer d'avantage de compresses mais qu'elle a trouvé celle-ci fermée, étant précisé que seules les IDE avaient connaissance du code d'accès. Elle relate enfin l'intervention des pompiers et le suivi mis en place par le docteur [W].

Mme [B] explique ainsi avoir trouvé la salle de soins close, ce qui est confirmé par le témoignage de Mme [S] [A], secrétaire de l'Ehpad [4], laquelle explique avoir reçu un appel téléphonique de l'IDE vers 17h05 car elle n'arrivait pas à contacter Mme [V] en vue de l'obtention de compresses supplémentaires. Il ressort toutefois du témoignage de Mme [G] [L], IDE, qu'alors qu'elle était au téléphone avec [Z] [B] qui se trouvait devant la salle de soins fermée à clé, elle a alors entendu [T] [V] arriver et procéder à l'ouverture de la porte.

Il résulte de ces témoignages concordants que Mme [V] n'était pas présente dans la salle de soins antérieurement à 17h05, un tel horaire d'arrivée remettant en cause les allégations de la salariée quant à sa présence effective au sein de la salle de soins entre 16h30 et 17h et confirmant au contraire, comme le soutient à juste titre l'employeur, qu'elle ne s'est pas immédiatement rendue auprès de la résidente blessée dès qu'elle en a eu l'information.

Si l'utilité de la présence de Mme [V] au sein de la salle de soins sise au rez-de-chaussée, à un temps donné, n'est pas sérieusement critiquable dès lors qu'il est établi que seules les IDE et le médecin coordinateur disposaient du code d'accès, force est cependant de constater que Mme [V] ne justifie pas utilement de ses actions entre 16h30 (heure de son alerte par une aide-soignante) et 17h05 (heure de son arrivée en salle de soins). La chronologie des événements, telle que relatée par la salariée, est en revanche confirmée, pour ce qui est de la tranche horaire suivante, par les témoignages produits aux débats par l'employeur. Il ressort ainsi des déclarations de Mme [A] que vers 17h20, alors que Mme [V] s'apprêtait à quitter l'établissement, les pompiers sont arrivés et qu'ils ont alors été accompagnés par la salariée auprès de la résidente, étant précisé que Mme [V] a finalement quitté son poste à 17h30.

Concernant le défaut d'instruction donnée à ses équipes, Mme [V] excipe de la présence du médecin coordinateur au sein de l'établissement pour prétendre qu'elle aurait été 'plus efficace' à demeurer au sein de la salle de soins. Outre qu'il n'est pas possible de déterminer, au vu des éléments de la procédure, ce qu'a précisément fait Mme [V] entre 16h30 et 17h05, cette dernière ne revendique pas expressément avoir donné des instructions à ses équipes, se contentant de la sorte de se retrancher derrière la présence du médecin coordinateur.

Or, conformément à la fiche de poste d'infirmière coordinatrice, il incombait à la salariée de coordonner l'information des équipes, ce qui implique a minima, en dépit de la présence du médecin coordinateur dont elle ignorait à 16h30 (heure de son alerte), s'il était déjà informé de l'accident, qu'elle aurait dû immédiatement se rendre auprès de la résidente blessée pour se rendre compte de l'ampleur de ses blessures et de son état général pour ensuite pouvoir coordonner, avec l'aide du médecin coordinateur, le travail de l'équipe médicale. La cour constate d'ailleurs que l'ensemble des actions poursuivies par l'équipe de soins, dont Mme [V] retrace au demeurant la chronologie au sein de ses écritures, ont été engagées sans les conseils ou directives de la salariée.

Si Mme [V] se prévaut ensuite de la fréquence de tels accidents au sein d'un Ehpad, force est de constater qu'elle ne pouvait raisonnablement pas, sans se rendre auprès de la résidente blessée, avoir connaissance de l'état général de la victime et apprécier la 'normalité' de l'accident et ce d'autant plus qu'il ne ressort d'aucun élément qu'elle ait été informée préalablement à l'arrivée des pompiers, de l'ensemble des constatations médicales effectuées et étant précisé que l'ensemble des salariés s'accordent sur la gravité de l'état de la résidente.

S'agissant enfin du départ de Mme [V] aux alentours de 17h30, la cour constate tout d'abord que l'horaire ainsi revendiqué par la salariée est confirmé par le témoignage de Mme [A], versé par l'employeur, laquelle a notamment indiqué que 'l'IDEC part à [2]' à 17h30.

Pour justifier de l'opportunité d'un tel départ, Mme [V] excipe de l'existence d'une épidémie de grippe ayant affecté à cette époque [2], et ce notamment afin de veiller à la bonne organisation et au suivi de l'évolution de l'épidémie. Outre que l'appelante ne conteste pas que nombre de résidents de cet établissement ont été sur cette période infectés par le virus de la grippe A, l'existence d'une épidémie d'ampleur est notamment confirmée par les témoignages de Mme [D] [M], Mme [R] [J], Mme [N] [H], qui relatent le protocole mis en place après détection d'une épidémie au sein de l'établissement [2] sur la période du 9 au 14 décembre 2017.

Il n'est dès lors pas contestable que la présence de Mme [V], en sa qualité d'infirmière coordinatrice, ait été rendue nécessaire par cette situation exceptionnelle.

S'agissant toutefois de l'opportunité d'un départ à 17h30 de l'Ehpad [4] au profit de l'Ehpad [2], il convient, comme l'objecte à juste titre la salariée, de relever qu'à cet horaire précisément la résidente se trouvait encadrée et prise en charge par l'équipe de soins de la structure composée notamment d'aide-soignants et d'un médecin coordinateur ainsi que par l'équipe de secours des pompiers, en sorte que la présence de Mme [V], dès lors que l'ensemble de ces personnes étaient effectivement présentes, n'était plus rendue nécessaire au regard des conditions de prise en charge de la résidente et de la situation d'urgence affectant l'Ehpad [2].

Il résulte de l'ensemble de ces considérations que si l'employeur est fondé à reprocher à Mme [V] un défaut de prise en charge immédiat et personnel de la résidente victime, il n'apparaît en revanche pas légitime à lui imputer un départ de l'établissement [4] à 17h30 et ce d'autant plus que sa fin de poste était fixée pour ce jour-ci, comme cela ressort des écritures même de l'association Les Cités Cantaliennes de l'Automne, à 17h30.

Toutefois, dès lors qu'il est matériellement établi que Mme [V] n'est pas immédiatement intervenue personnellement auprès de la résidente victime ni n'a donné de quelconques instructions aux membres de l'équipe soignante, et ce en contrariété avec les obligations qui lui incombaient en sa qualité de responsable hiérarchique de l'équipe soignante et de coordinatrice de celle-ci, comme cela ressort notamment de la fiche de poste afférente à son contrat de travail, force est de constater que Mme [V] ne justifie pas avoir déployé la réaction attendue en sa qualité d'infirmière coordinatrice, laissant les autres membres de l'équipe de soins prendre en charge l'intégralité de la gestion médicale de cet événement jusqu'à l'arrivée des services d'urgence.

Ce grief de licenciement est donc matériellement établi.

2. Sur le défaut de connaissance du projet personnalisé résident ;

L'employeur fait ensuite grief à Mme [V] de méconnaître l'existence du projet personnalisé résident.

La salariée objecte pour sa part qu'aucun projet personnalisé n'était en vigueur au sein de l'entreprise.

Mme [V] se réfère à cet égard au document d'évaluation interne établi en mai 2017 duquel s'infère, au titre des résultats attendus, la nécessité de mettre en oeuvre les projets personnalisés, et pour laquelle sont précisées, s'agissant des modalités de mise en oeuvre, les actions et échéances afférentes, à savoir :

- Evaluer et réajuster la procédure projet personnalisé et les outils - échéance au 31/12/2018 ;

- Mettre en oeuvre les projets personnalisés pour les nouveaux résidents - échéance au 31/12/2018.

La cour constate toutefois que la première rubrique d'actions, consistant en une évaluation et un réajustement de la procédure projet personnalisé peut raisonnablement laisser entendre d'une telle procédure existait déjà s'agissant d'un 'réajustement'.

S'agissant néanmoins du document dont excipe l'employeur pour objectiver l'existence du projet personnalisé résident, celui-ci ne comporte aucune signature, la cour n'étant dès lors pas en mesure de s'assurer avec certitude, en l'absence de tout autre élément en ce sens, de sa prise d'effets au sein de la structure.

Par ailleurs, alors que l'employeur excipe de la fiche de poste de la salariée, prévoyant qu'il lui incombe de planifier et évaluer la mise en place du projet personnalisé, pour considérer en tout état de cause que Mme [V] aurait commis un manquement fautif en ne satisfaisant pas à cette obligation contractuelle, il ne peut raisonnablement lui faire grief de méconnaître l'existence d'une procédure dont il prétend tout à la fois qu'elle n'aurait pas été instituée à raison d'un manquement contractuel de la salariée.

Il s'ensuit que ce grief de licenciement n'est pas matériellement établi.

3. Sur le non respect du protocole entourant les interventions de l'organisme RESAPAC ;

L'employeur fait ensuite grief à Mme [V] d'avoir contrevenu au protocole régissant l'intervention de l'organisme RESAPAC, et notamment de s'être affranchie de la consultation du médecin coordinateur et de la famille du résident concerné.

Mme [V] oppose à l'employeur la possibilité dont aurait disposé la famille du résident de prendre directement attache avec l'organisme RESAPAC sans que ne soit préalablement mise en oeuvre une phase de réflexion pluridisciplinaire. Elle verse pour ce faire une capture d'écran d'un site internet - dont il n'est pas contesté par l'employeur qu'il s'agit de celui de l'organisme RESAPAC - qui démontre, s'agissant des démarches d'inclusion d'un patient, qu'il suffit que le médecin généraliste, la famille, l'infirmière libérale ou de l'EHPAD, l'aide-soignante ou tout autre personne entourant le patient appelle le réseau, avant que l'équipe coordinatrice ne se réunisse ensuite sur l'adéquation aux critères d'inclusion.

Il résulte clairement de cette formulation que la prise de contact avec l'organisme RESAPAC pouvait être initiée notamment par l'IDEC en charge du patient, et donc par Mme [V].

Par ailleurs, alors que l'employeur évoque la nécessité d'un préalable pluridisciplinaire, force est toutefois de constater qu'il ne justifie pas objectivement de l'existence en interne d'un tel protocole.

Il convient enfin de relever que la prise de contact avec l'organisme RESAPAC, concernant cette résidente précisément, a été exigée par sa petite-fille, comme cela ressort des explications de Mme [K] [I] l'ayant reçue en entretien. C'est donc de manière parfaitement légitime que Mme [V] objecte de l'exigence de contact avec RESAPAC ainsi émise par la famille de la résidente et de la possibilité offerte par le processus d'adhésion de cet organisme de voir initier l'échange sur demande de l'infirmière coordinatrice.

Il s'ensuit que ce grief de licenciement n'est pas matériellement établi.

4. Sur le dénigrement du docteur [W].

L'employeur reproche enfin à Mme [V] d'avoir indiqué, concernant le docteur [W], que celui-ci se souciait davantage de sa personne et de son statut de médecin que des résidents et des familles.

Mme [V] ne conteste pas avoir tenu de tels propos mais considère qu'elle n'a pas remis en cause les compétences médicales du médecin coordinateur.

Toutefois, en dépit du fait que les propos litigieux n'ont pas été tenus publiquement mais à l'occasion d'un courrier adressé à l'employeur, en affirmant sans élément objectif pour le corroborer que le docteur [W] portait uniquement attention à sa qualité de médecin et à sa propre condition plutôt qu'à celle des résidents et de leur famille, la cour ne peut que constater que Mme [V] a de la sorte tenu des propos constitutifs d'un dénigrement du travail et de l'attitude professionnelle de ce médecin.

Ce grief de licenciement est donc matériellement établi.

Au vu des développements qui précèdent il apparaît que l'association Les Cités Cantaliennes de l'Automne rapporte la preuve de deux griefs de licenciement, à savoir l'absence d'intervention immédiate et adéquate auprès d'une résidente grièvement blessée assortie d'un défaut de coordination de l'équipe de soins, ainsi que le dénigrement des qualités humaines et professionnelles du docteur [W].

En considération de ces manquements, mais également du passif disciplinaire de la salariée, la cour considère que la nature et le nombre des manquements imputés à la salariée ont rendu impossible la poursuite de son contrat de travail et légitiment de la sorte le licenciement prononcé pour faute grave à l'encontre de Mme [V].

Il convient donc, par voie d'infirmation du jugement, de dire bien fondé le licenciement de Mme [V] prononcé pour faute grave et de la débouter en conséquence de l'ensemble des demandes qu'elle présente au titre de la rupture du contrat de travail.

- Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Les dispositions du jugement entrepris seront infirmées quant aux dépens et aux frais irrépétibles de première instance et statuant à nouveau, la cour dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et condamne Mme [V] aux dépens de première instance.

Mme [V] qui succombe totalement en appel sera condamnée aux entiers dépens.

L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

- INFIRME le jugement entrepris SAUF en ce qu'il a débouté l'Association Les Cités Cantaliennes de l'Automne de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

- DIT que le licenciement de Mme [V] est fondé sur une faute grave et la déboute de l'ensemble de ses demandes afférentes à la rupture du contrat de travail ;

- CONDAMNE Mme [V] aux dépens de première instance et d'appel;

- DIT n'y avoir lieu à application des dispositions au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en cause d'appel ;

- DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.

Le Greffier, Le Président,

S. BOUDRY C. RUIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Riom
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/01947
Date de la décision : 25/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-25;20.01947 ?
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