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25/04/2023 | FRANCE | N°20/01923

France | France, Cour d'appel de Riom, Chambre sociale, 25 avril 2023, 20/01923


25 AVRIL 2023



Arrêt n°

CHR/SB/NS



Dossier N° RG 20/01923 - N° Portalis DBVU-V-B7E-FQJF



S.A. ORANGE

/



[A] [T]





jugement au fond, origine conseil de prud'hommes - formation de départage d'aurillac, décision attaquée en date du 03 décembre 2020, enregistrée sous le n° 18/00058

Arrêt rendu ce VINGT CINQ AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors du délibéré de :



M. Christophe RUIN, Président




Mme Sophie NOIR, Conseiller



Mme Karine VALLEE, Conseiller



En présence de Mme Séverine BOUDRY greffier lors des débats et du prononcé



ENTRE :



S.A. O...

25 AVRIL 2023

Arrêt n°

CHR/SB/NS

Dossier N° RG 20/01923 - N° Portalis DBVU-V-B7E-FQJF

S.A. ORANGE

/

[A] [T]

jugement au fond, origine conseil de prud'hommes - formation de départage d'aurillac, décision attaquée en date du 03 décembre 2020, enregistrée sous le n° 18/00058

Arrêt rendu ce VINGT CINQ AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors du délibéré de :

M. Christophe RUIN, Président

Mme Sophie NOIR, Conseiller

Mme Karine VALLEE, Conseiller

En présence de Mme Séverine BOUDRY greffier lors des débats et du prononcé

ENTRE :

S.A. ORANGE agissant en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Sophie LACQUIT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

APPELANTE

ET :

Mme [A] [T]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Anais PRONZAC, avocat au barreau de LOT et par Me Barbara GUTTON PERRIN, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

INTIMEE

Monsieur RUIN, Président et Mme NOIR, Conseiller après avoir entendu Mr RUIN Président en son rapport à l'audience publique du 20 février 2023, tenue par ces deux magistrats, sans qu'ils ne s'y soient opposés, les représentants des parties en leurs explications, en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré aprés avoir informé les parties que l'arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

La S.A ORANGE est une entreprise française spécialisée dans la télécommunication.

Madame [A] [T], née le 30 mars 1987, a été embauchée par la société FRANCE TELECOM devenue ORANGE à compter du 19 novembre 2012 (reprise d'ancienneté au 19 juin 2012), en qualité de vendeuse en boutique, suivant contrat à durée indéterminée. Elle a été affectée au site ORANGE d'[Localité 6] dans le département du Cantal. Au dernier état de la relation contractuelle, elle occupait un poste de conseiller commercial ou agent d'accueil clientèle à temps complet au sein de la boutique ORANGE d'[Localité 6].

La convention collective applicable à la relation contractuelle est la convention collective nationale des télécommunications.

Madame [T] a postulé sur le poste d'adjoint de la boutique ORANGE de [Localité 7]. Par courriel daté du 19 janvier 2017, l'employeur lui a notifié un rejet de sa candidature.

Le 13 février 2018, Madame [T] a sollicité de son employeur une rupture conventionnelle de son contrat de travail, qui lui a également été refusée selon courriel en date du 16 mars 2018.

Par courrier recommandé daté du 5 avril 2018 (distribué le 11 avril), la société ORANGE demandait à Madame [T] de bien vouloir justifier de son absence à son poste de travail depuis le mardi 3 avril 2018.

Par courrier recommandé daté du 13 avril 2018 (distribué le 19 avril), la société ORANGE demandait à nouveau à la salariée de bien vouloir justifier de son absence à son poste de travail depuis le mardi 3 avril 2018.

Par courrier recommandé daté du 27 avril 2018 (distribué le 3 mai), la société ORANGE convoquait Madame [T] à un entretien préalable à éventuel licenciement, finalement fixé au 18 mai 2018 (absence de la salariée).

Par courrier recommandé daté du 22 mai 2018 (distribué le 3 mai), la société ORANGE avisait Madame [T] de la transmission de son dossier à la commission consultative paritaire dans la mesure où l'employeur envisageait une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement (motif : absence irrégulière).

Par courrier recommandé daté du 2 juillet 2018 (distribué le 3 juillet), Madame [T] indiquait à son employeur qu'elle envisageait de reprendre son poste de travail le mercredi 11 juillet 2018.

Par courrier daté du 10 juillet 2018, la société ORANGE notifiait à Madame [T] sa mise à pied conservatoire.

Par courrier daté du 15 octobre 2018, Madame [T] était convoquée le 15 novembre 2018 devant le conseil de discipline de la société ORANGE concernant la mesure de licenciement pour faute grave envisagée par l'employeur au motif d'absences irrégulières.

Par courrier daté du 14 novembre 2018, Madame [T] écrivait à la commission consultative paritaire pour dénoncer une dégradation de ses conditions de travail et les pressions subies, notamment de la part de son supérieur hiérarchique direct (Monsieur [H] [K], responsable ou manager de la boutique ORANGE d'[Localité 6]) et de la responsable RH de proximité (Madame [F] [DE]) l'ayant conduit à ne plus se présenter à son poste de travail à compter du 3 avril 2018.

Madame [T] ne s'est pas présentée le 15 novembre 2018 devant la commission consultative paritaire qui a, le même jour, donné un avis favorable à la proposition de l'employeur d'un licenciement pour faute grave.

Par courrier recommandé en date du 26 novembre 2018, la société ORANGE a notifié à Madame [T] son licenciement pour faute grave.

Le courrier de notification du licenciement est ainsi libellé :

'Par courrier en date du 03/05/2018, vous avez été convoquée à un entretien préalable le 18/05/2018 auquel vous ne vous êtes pas présentée.

Conformément à la procédure applicable au sein de l'entreprise, vous avez été convoquée le 15/11/2018 devant la Commission Consultative Paritaire, en vue de recueillir son avis préalable à une mesure disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement.

La commission s'est réuni le 15/11/2018. Lors de cette réunion, vous avez eu à nouveau la possibilité de vous présenter, de vous faire assister et présenter vos explications.

Lors de la commission consultative paritaire en date du 15/11/2018, la proposition de licenciement pour faute grave a recueilli l'unanimité.

Les explications que vous avez apporté lors de la procédure disciplinaire rappelée ci-dessus n'ayant pas permis de modifier notre appréciation des faits, et compte tenu de la gravité de ces faits rendant impossible votre maintien dans l'entreprise, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave.

Les motifs de ce licenciement sont les suivants :

- Absence irrégulière

Votre licenciement prend effet immédiatement, sans préavis ni indemnité de rupture. Vous cessez donc, à compter de la date de la présente, de faire partie des effectifs de notre société.

Nous vous demandons de restituer au plus tard le 15/12/2018, tous les documents originaux et leurs copies, l'ensemble des documents internes en votre possession ainsi que tout matériel ou objet appartenant à l'entreprise ; il s'agit notamment :

- De votre carte professionnelle

Dès réception de ce courrier, nous vous demandons de prendre contact avec Mme [L] [V] (Tel [XXXXXXXX01]) afin de déterminer les modalités de restitution de ces outils professionnels ces matériels étant la propriété de l'entreprise.

Nous vous rappelons que vous demeurez tenue de respecter une obligation de discrétion, sans limitation de durée, à l'égard des éléments confidentiels dont vous auriez pu avoir connaissance à l'occasion de votre travail.

Nous vous informons en outre, que vous êtes dégagée, par la présente, de toute obligation éventuelle de non-concurrence qui aurait, le cas échéant, été convenue au cours de votre carrière au sein du groupe Orange. Orange se trouve en conséquence dégagée de l'obligation de vous verser la contrepartie financière correspondante.

Par ailleurs, après la rupture de votre contrat de travail, (en cas de prise en charge par le régime de l'assurance chômage) vous conservez, sans versement d'une contrepartie financière, pendant douze mois, les garanties de prévoyance frais de santé ainsi que les garanties de prévoyance couvrant les risques décès, incapacité, invalidité dont vous bénéficiez au sein d'Orange S.A.

Un courrier comprenant votre certificat de travail, votre attestation Pôle Emploi et une notice d'information établie par Humanis sur les modalités de maintien des garanties de prévoyance vous sera adressé à votre domicile.

Vous pouvez déposer une demande de précision des motifs du licenciement énoncés ci-dessus dans les 15 jours de la notification du présent courrier, par lettre recommandé avec avis de réception ou remise contre récépissé.'

Selon les documents de fin de contrat de travail établis par l'employeur, Madame [T] a été employée par la société LA POSTE du 19 novembre 2012 au 27 novembre 2018 (dernier emploi occupé : conseiller commercial boutique). Elle a perçu une indemnité compensatrice de congés payés de 554,84 euros mais ni indemnité de licenciement ni indemnité compensatrice de préavis.

Le 22 août 2018, Madame [T] a saisi le conseil des prud'hommes d'AURILLAC, aux fins notamment de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur.

L'audience devant le bureau de conciliation et d'orientation s'est tenue le 19 décembre 2018 (convocation du défendeur employeur le 3 septembre 2018) et, comme suite au constat de l'absence de conciliation, l'affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement.

Par jugement contradictoire en date du 3 décembre 2020 (audience du 1er octobre 2020), le conseil des prud'hommes d'AURILLAC, réuni en sa formation de départage, a :

- dit que la société ORANGE a commis des fautes de nature contractuelle justifiant qu'il soit prononcé la résiliation judiciaire du contrat conclu entre celle-ci et Madame [A] [T], dans la mesure où le tribunal constate une situation de harcèlement moral à l'égard de la salariée ;

En conséquence,

- prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail signé entre Madame [A] [T] et la société ORANGE, aux torts exclusifs de la société ORANGE ;

- rappelé que la résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

En conséquence,

- condamné la société ORANGE à verser à Madame [A] [T] les sommes suivantes :

* 5.631,05 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 5.214,63 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 521,36 euros à titre de congés payés y afférents,

* 15.641,82 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, représentant six mois de salaire brut de référence,

* au paiement du salaire de la période du 3 avril 2018 jusqu'au 26 novembre 2018,

* au paiement de l'indemnité de congés payés y afférent,

* au paiement de la somme de 489,40 euros net, soit 541,9 euros brut au titre de la prime d'intéressement et 691,32 euros net, soit 765,58 euros brut au titre de la prise de participation ;

- condamné la société ORANGE à verser à Madame [A] [T] la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamné la société ORANGE aux dépens ;

- rejeté le surplus des demandes.

Le 25 décembre 2020, la société ORANGE a interjeté appel de ce jugement.

Vu les conclusions notifiées à la cour le 3 janvier 2023 par Madame [A] [T],

Vu les conclusions notifiées à la cour le 19 janvier 2023 par la S.A ORANGE,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 23 janvier 2023.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières écritures, la société ORANGE demande à la cour de :

- infirmer le jugement de départage du 3 décembre 2020 rendu par le conseil des prud'hommes d'AURILLAC en ce qu'il a :

- dit que la société ORANGE a commis des fautes de nature contractuelle justifiant qu'il soit prononcé la résiliation judiciaire du contrat conclu entre celle-ci et Madame [A] [T], dans la mesure où le tribunal constate une situation de harcèlement moral à l'égard de la salariée ;

- prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail signé entre Madame [A] [T] et la société ORANGE, aux torts exclusifs de la société ORANGE ;

- rappelé que la résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamné à la société ORANGE à verser à Madame [A] [T] les sommes suivantes :

- 5.631,05 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;

- 5.214,63 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 521,36 euros à titre de congés payés y afférents ;

- 15.641,82 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, représentant six mois de salaire brut de référence ;

- au paiement du salaire de la période du 3 avril 2018 jusqu'au 26 novembre 2018 ;

- au paiement de l'indemnité de congés payés y afférent ;

- au paiement de la somme de 489,40 euros net, soit 541,9 euros brut au titre de la prime d'intéressement et 691,32 euros net, soit 765,58 euros brut au titre de la prise de participation ;

- 2.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamné la société ORANGE aux dépens ;

- rejeté la demande la société ORANGE au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et des dépens ;

En conséquence, statuant à nouveau,

- débouter Madame [T] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions formées à son encontre ;

- débouter Madame [A] [T] de son appel incident ;

- condamner Madame [A] [T] à lui payer et porter une somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner Madame [A] [T] aux entiers dépens.

S'agissant de la demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail formulée par Madame [T] aux motifs qu'elle aurait subi des faits de harcèlement moral de la part de son employeur, la société ORANGE indique répondre à chacun des éléments invoqués par la salariée.

En ce qui concerne les heures supplémentaires qu'elle certifie non rémunérées et les congés payés non disponibles, la société ORANGE affirme tout d'abord que la salariée n'apporte aucune pièce venant étayer ses allégations, hormis ses dires notamment quant à une semaine où elle aurait travaillé 49 heures, alors qu'elle était en arrêt de travail à ce moment-là. La société ORANGE expose que Madame [T] bénéficiait d'un planning avantageux de sorte que pour l'année 2018, elle n'a effectué aucune heure supplémentaire et ne s'est vu opposée aucun refus de congés payés. En ce qui concerne l'année 2017, elle aurait effectué 44 heures supplémentaires dont 27 auraient été récupérées et le reste lui aurait été payé. Au cours de cette année, la société reconnaît avoir refusé uniquement une journée de congés payés à Madame [T].

La société ORANGE fait valoir qu'elle n'est en aucun cas responsable de la création du groupe « WHATS'APP », sur un logiciel qui lui est totalement étranger, pour les salariés du magasin d'[Localité 6]. Elle ajoute que les griefs invoqués par la salariée concernent des faits personnels s'étant déroulé en dehors du temps de travail. En outre, Madame [T] pouvait quitter volontairement le groupe si elle ne souhaitait pas participer, alors que la manipulation pour le faire est extrêmement simple. La société ORANGE relève que le nom de Madame [T] n'apparaît à aucun moment.

Concernant les relations de travail de Madame [T], qu'elle décrit comme délétères à compter de l'année 2016, la société ORANGE indique produire de nombreux mails de félicitations et d'encouragement envoyés aux salariés par l'équipe managériale, des photographies qui témoignent de la bonne entente entre les salariés ainsi qu'une note écrite de la main de Madame [T] qui ne traduit absolument pas de relations difficiles.

Alors que Madame [T] se plaint de la réalisation de tâches qui seraient extérieures à des fonctions contractuelles, la société ORANGE relève que la salariée n'apporte aucune pièce de nature à corroborer ses dires. L'employeur reconnaît lui avoir confié davantage de missions, mais uniquement suite à des demandes que la salariée avait formulées lors de ses entretiens individuels. L'appelante considère que cet élément est au contraire de nature à exclure toute situation de harcèlement moral.

Si Madame [T] produit plusieurs certificats médicaux qui traduiraient une détérioration de son état de santé, la société ORANGE fait valoir que la salariée n'a jamais alerté le médecin de travail ni même les institutions des représentants du personnel, alors que les médecins consultés ne font aucun lien entre l'état de santé de Madame [T] et son activité professionnelle.

L'appelante indique avoir écrit de nombreux courriers à la salariée pour lui demander des explications sur son abandon de poste, en vain.

S'agissant du refus de la candidature formulée par Madame [T] pour intégrer la boutique de [Localité 7], la société ORANGE affirme que ce refus était uniquement fondé sur des éléments objectifs à savoir la qualification ainsi que l'expérience du candidat retenu qui souhaitait également un rapprochement familial à [Localité 7].

La société ORANGE conteste formellement tout fait de harcèlement moral à l'encontre de Madame [T], notamment après avoir mené une enquête interne après la réception de la requête présentée devant le conseil des prud'homme. A ce titre, elle relève l'absence de harcèlement et décrit une perception erronée de la réalité par la salariée.

S'agissant de la demande de rappel de salaires pour la période du 3 avril 2018 au 26 novembre 2018, la société ORANGE conteste cette demande aux motifs que Madame [T] n'a fourni aucune prestation de travail pendant cette période. De plus, elle fait valoir que la demande formulée est indéterminée puisque non chiffrée lorsqu'elle est soulevée pour la première fois.

En troisième lieu, si Madame [T] considère que la procédure de licenciement dont elle a fait l'objet est irrégulière en raison de la notification tardive de la mesure, la société ORANGE affirme être dans son bon droit puisque le délai s'explique par la saisine de la commission paritaire, qui constitue une garantie supplémentaire pour les salariés, qui doit disposer d'un délai pour rendre son avis après l'étude de dossier. Ce n'est qu'à compter de l'avis rendu par la commission qu'un délai d'un mois pour notifier le licenciement commence.

Sur le manquement à l'obligation de formation invoquée par Madame [T], la société ORANGE relève que la salariée ne produit aucune pièce pour corroborer ses dires, hormis une attestation rédigée de sa main, qui n'aurait donc aucune valeur. A l'inverse, l'appelante indique produire des récapitulatifs des formations suivies au cours des années 2016 à 2018. En tout état de cause, depuis que la Cour de cassation a abandonné sa jurisprudence relative à la notion de préjudice nécessairement subi, il appartient à la salariée d'apporter la preuve d'une faute, d'un préjudice ainsi que d'un lien de causalité.

Dans ses dernières écritures, Madame [A] [T] demande à la cour de :

- déclarer irrecevable et mal fondé l'appel interjeté par la S.A ORANGE ;

- confirmer le jugement rendu par le conseil des prud'hommes d'AURILLAC le 03 décembre 2020 en ce qu'il a :

- dit que la société ORANGE a commis des fautes de nature contractuelle justifiant qu'il soit prononcé la résiliation judiciaire du contrat conclu entre celle-ci et Madame [A] [T], dans la mesure où le tribunal constate une situation de harcèlement moral à l'égard de la salariée ;

- prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail signé entre Madame [A] [T] et la société ORANGE, aux torts exclusifs de la société ORANGE ;

- condamné la société ORANGE à verser à Madame [A] [T] les sommes suivantes :

- 5.631,05 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;

- 5.214,63 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 521,36 euros à titre de congés payés y afférents ;

- au paiement de la somme de 489,40 euros net, soit 541,9 euros brut au titre de la prime d'intéressement et 691,32 euros net, soit 765,58 euros brut au titre de la prise de participation ;

- condamné la société ORANGE à verser à Madame [A] [T] la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamné la société ORANGE aux dépens ;

- infirmer le jugement en ce qu'il a :

- rappelé que la résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamné la société ORANGE à verser à Madame [A] [T] les sommes suivantes :

- 15.641,82 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, représentant six mois de salaire brut de référence ;

- au paiement du salaire de la période du 3 avril 2018 jusqu'au 26 novembre 2018 ;

- au paiement de l'indemnité de congés payés y afférent ;

- rejeté le surplus des demandes ;

En conséquence, statuant à nouveau,

- dire et juger que la résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement nul ;

- condamner la société ORANGE à lui payer et porter les sommes suivantes :

- 31.283,61 euros au titre de l'indemnité de licenciement nul ;

- au paiement du salaire de la période du 3 avril jusqu'au 26 novembre 2018, soit la somme de 20.247,46 euros, outre 2.024,74 au titre de l'indemnité de congés payés y afférent,

- condamner la société ORANGE à lui payer et porter la somme de 10.000 euros en réparation du manquement à son obligation de formation, d'adaptation et de maintien de l'employabilité du salarié,

- condamner la société ORANGE à lui payer et porter la somme de 15.000 euros en réparation du manquement à l'obligation de sécurité de l'employeur ;

- condamner la société ORANGE à lui payer et porter la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner la société ORANGE aux dépens.

Madame [T] dénonce de nombreuses fautes commises par son employeur. Tout d'abord, elle soutient avoir effectué beaucoup d'heures supplémentaires depuis son embauche et déplore le fait que son responsable ne lui communiquait pas ses horaires au préalable, méconnaissant le délai de prévenance prévu par la loi. Mais surtout, elle affirme que celui-ci exerçait des pressions sur elle en cas de refus, la menaçant de lui refuser ses congés. En outre, elle affirme que les heures supplémentaires qu'elle effectuait n'étaient pas déclarées, d'autant plus depuis 2016, elles ne pouvaient plus faire l'objet d'un paiement mais uniquement d'un repos compensateur. Ainsi, après une semaine où elle aurait travaillé 49 heures, Madame [T] a été placée en arrêt de travail. La société ORANGE a été informée à plusieurs reprises par les délégués du personnel de cette problématique sans qu'aucune mesure ne soit prise. Au contraire, Madame [T] affirme qu'en cas de refus d'effectuer des heures supplémentaires signalées la veille pour le lendemain, son employeur se permettait de la sanctionner par un refus des jours de repos compensateur pourtant précédemment validés.

Madame [T] soutient que les relations de travail sont devenues délétères à compter de l'année 2016 et indique produire à ce titre des mails incendiaires envoyés aux salariés de la boutique par le responsable. Elle fait valoir qu'elle a été victime d'humiliations de la part de ce dernier après sa candidature pour un poste à la boutique de [Localité 7]. Si la société ORANGE produit des mails de félicitations et d'encouragement, Madame [T] rappelle qu'ils ont été envoyés après son départ de la boutique et que les photographies apportées au dossier par la société ne prouvent rien, si ce n'est les bonnes relations que Madame [T] entretenait avec ses collègues, ce qu'elle n'a jamais nié.

En ce qui concerne le groupe « WHATS'APP » crée par son responsable, Madame [T] affirme qu'elle recevait constamment des messages concernant le travail ou l'organisation des réunions. Elle soutient également que ce groupe a servi à organiser une pique-nique pour lequel la présence de tous les salariés, y compris ceux qui étaient en congés ce jour-là, était obligatoire. Mais, après que celui-ci ait eu lieu, et alors que le responsable aurait demander aux salariés de retourner sur leurs postes de travail, ce dernier se serait permis d'envoyer sur le groupe des photos de lui dénudé. Si Madame [T] reconnaît qu'il était facile de se désabonner de ce groupe, elle affirme subir une pression telle que tous les salariés avaient la crainte de se déconnecter de peur de subir des répercussions.

Madame [T] reconnaît qu'elle ne s'est pas présentée à son poste à compter du 3 avril 2018, mais réfute les affirmations de la société ORANGE en ce qu'elle aurait abandonné son poste de travail pour créer sa propre entreprise. Elle confirme avoir voulu quitter la boutique d'[Localité 6] mais n'avait pas la volonté de quitter la société ORANGE, de sorte que ce n'est pas elle qui a sollicité le bénéfice d'une rupture conventionnelle mais bien des responsables de la société qui lui ont proposé verbalement. Par la suite, Madame [DE] du service des ressources humaines a tenté de l'intimider et lui a suggéré d'abandonner son poste.

Madame [T] expose avoir réalisé des tâches en dehors de ses fonctions et dépassant largement sa qualification, et ce, alors même que son responsable la dénigrait sur ses capacités professionnelles et lui reprochait de ne pas atteindre les objectifs qui lui été fixés.

Madame [T] indique avoir été victime de discrimination en raison de sa situation de mère de famille. Elle considère que le rejet de sa candidature n'était pas justifié par des éléments objectifs mais uniquement par le fait qu'elle ait un enfant, ce qui lui a même été confirmé lors d'une conversation téléphonique par la responsable de la boutique de [Localité 7]. Elle affirme que sa situation de mère lui avait déjà était reprochée, notamment tel qu'il en ressort de la synthèse des objectifs de 2016, produite par la S.A. ORANGE.

Ainsi, consécutivement au harcèlement moral qu'elle soutient avoir subi, Madame [T] formule plusieurs demandes indemnitaires, parmi lesquels des dommages et intérêts pour licenciement nul au titre duquel elle invoque des préjudices de différentes nature. Tout d'abord, un préjudice financier du fait de la perte d'un emploi stable ainsi que d'une rémunération garantie, qui l'a conduit à se retrouver dans une situation financière compliquée. En outre, elle affirme que les dégradations des conditions de travail ont eu un impact indéniable sur sa santé physique et mentale.

Madame [T] sollicite également le paiement de sa mise à pied conservatoire et de l'indemnité de congés payés, qui ne peut être considéré comme une demande nouvelle en cause d'appel puisque le conseil des prud'hommes y a fait droit dans son jugement de première instance. S'agissant du calcul du montant demandé, Madame [T] avance que l'indemnité compensatrice de préavis dûe au salarié est égale au montant du salaire brut, assujetti au paiement par l'employeur des cotisations sociales, que le salarié aurait reçu s'il avait travaillé pendant la durée du congé-délai, sans égard au salaire moyen de référence. C'est pourquoi elle affirme que la cour doit retenir la rémunération brute mensuelle moyenne, afin de tenu compte de la part de rémunération variable à laquelle elle aurait pu prétendre si elle avait été en capacité d'occuper son poste de travail.

Madame [T] , au titre du manquement de l'employeur à son obligation de formation ainsi qu'à son obligation de sécurité, au regard de la connaissance qu'il avait du mal-être ressenti par sa salariée, ce qui ressort expressément d'un compte rendu de réunion d'équipe du mois de juin 2016, Madame [T] sollicite la réparation de ses préjudices.

Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions, moyens et arguments des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux dernières conclusions régulièrement notifiées et visées.

MOTIFS

A titre liminaire, il échet de rappeler qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions recevables des parties et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion contenue dans ces écritures mais qu'en revanche, elle ne statue pas sur des prétentions indéterminées, trop générales ou non personnalisées, ou non efficientes, notamment celles qui relèvent d'une reprise superfétatoire, dans le dispositif des conclusions d'une partie, de l'argumentaire (ou des moyens) contenu dans les motifs.

- Sur le harcèlement moral -

Selon l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l'article L. 1152-3 du code du travail, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions de l'article L. 1152-1, toute disposition, ou tout acte contraire est nul.

Selon l'article L. 1152-4 du code du travail, l'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.

Selon l'article L. 1152-5 du code du travail, tout salarié ayant procédé à des agissements de harcèlement moral est passible d'une sanction disciplinaire.

Aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Le harcèlement moral suppose l'existence d'agissements répétés, peu importe que les agissements soient ou non de même nature, qu'ils se répètent sur une brève période ou soient espacés dans le temps. Le harcèlement moral se caractérise donc par la conjonction et la répétition de certains faits laissés à l'appréciation souveraine des juges du fond. Un acte isolé ne répond pas à la définition du harcèlement moral.

L'auteur du harcèlement peut être l'employeur, un supérieur hiérarchique, un collègue, un subordonné ou un tiers à l'entreprise. Le harcèlement peut être constitué même si son auteur n'avait pas d'intention de nuire.

La loi n'exige pas la caractérisation ou démonstration d'un préjudice du salarié se disant victime pour retenir le harcèlement puisqu'il suffit que les agissements soient susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. La simple possibilité d'une atteinte aux droits ou à la dignité, d'une altération de la santé physique ou mentale, d'une atteinte à l'avenir professionnel du salarié suffit. Toutefois, le plus souvent, les faits de harcèlement moral ont un impact direct sur l'état de santé du salarié.

Par contre, il faut que le salarié qui se plaint de harcèlement moral ait personnellement été victime des agissements dénoncés. Le salarié qui n'a pas été personnellement victime d'une dégradation de ses conditions de travail à la suite des agissements de l'employeur ou d'un supérieur hiérarchique vis-à-vis de certains salariés n'est pas fondé à se prévaloir d'un manquement de l'employeur à ses obligations à son égard.

L'employeur est responsable des faits de harcèlement commis sur ses salariés par un autre salarié ou par un tiers exerçant une autorité de fait ou de droit sur ceux-ci.

Selon les dispositions de l'article L. 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4 (situation alléguée de harcèlement moral ou de harcèlement sexuel), le salarié présente des éléments de fait (avant l'application de la loi du 8 août 2016 : 'établit des faits') laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Les règles de preuve visées en matière de discrimination s'appliquent pour les faits de harcèlement commis depuis le 10 août 2016. Pour les faits survenus avant le 10 août 2016, le salarié concerné doit établir (et non simplement présenter) des faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement. La Cour de cassation a jugé que les règles relatives à la charge de la preuve ne constituent pas des règles de procédure applicables aux instances en cours mais touchent le fond du droit, de sorte que le harcèlement moral allégué avant le 10 août 2016 doit être examiné au regard des dispositions de l'article L. 1154-1 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016.

Ce régime probatoire spécifique n'est pas applicable dans le cadre d'un litige entre l'employeur et le salarié à qui sont reprochés des agissements de harcèlement moral (ou harcèlement sexuel). Pour prendre une sanction disciplinaire contre le salarié accusé de harcèlement, l'employeur ne peut donc se fonder sur de simples présomptions de l'existence d'un harcèlement.

Il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits (agissements) présentés (matériellement établis avant le 10 août 2016), pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Sous réserve d'exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié présente (établit avant le 10 août 2016) des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.

Le juge ne peut rejeter la demande d'un salarié au seul motif de l'absence de relation entre l'état de santé de celui-ci et la dégradation des conditions de travail. Si le juge ne peut se fonder uniquement sur l'altération de l'état de santé du salarié, à l'inverse, il ne doit pas non plus négliger les documents médicaux produits par le salarié.

S'agissant des attestations versées aux débats, il échet de rappeler que les dispositions de l'article 202 du code de procédure civile ne sont pas prescrites à peine de nullité, d'irrecevabilité ou d'inopposabilité. Il appartient au juge du fond d'apprécier souverainement la valeur probante d'une attestation non conforme à l'article 202 du code de procédure civile. Le juge ne peut rejeter ou écarter une attestation non conforme à l'article 202 du code de procédure civile sans préciser ou caractériser en quoi l'irrégularité constatée constituait l'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public faisant grief à la partie qui l'attaque.

Un harcèlement peut causer à la victime un préjudice, d'ordre moral ou corporel, dont l'évaluation relève de la compétence du juge. Le juge prud'homal est compétent pour connaître de la réparation de l'entier dommage consécutif à un harcèlement moral.

Le salarié n'est pas tenu de saisir le juge de la sécurité sociale pour statuer sur l'existence et le quantum du préjudice corporel invoqué comme en relation avec un harcèlement moral. La prise en charge au titre de la maladie professionnelle de l'affection consécutive au harcèlement, moral ou sexuel, ne s'oppose pas à l'attribution de dommages-intérêts à la victime pour les faits de harcèlement antérieurs à cette décision.

L'action civile relative à des faits de harcèlement moral se prescrit par cinq ans (délai de droit commun de l'article 2224 du code civil). En cas de dommage corporel, l'action en réparation d'un dommage corporel se prescrit par dix ans à compter de la date de consolidation du dommage (article 2226 du code civil).

En application de l'article 2224 du code civil, en matière de responsabilité civile, le point de départ du délai de prescription est le jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Le salarié se disant victime d'agissements de harcèlement, moral ou sexuel, dispose donc d'un délai de cinq ans à compter du dernier fait établi, présenté ou invoqué, dans ce cadre pour saisir le juge prud'homal d'une action en reconnaissance et réparation de la situation de harcèlement.

Si le juge prud'homal constate que l'action du salarié au titre du harcèlement n'est pas prescrite, il doit analyser l'ensemble des faits invoqués par le salarié permettant de présumer l'existence d'un harcèlement, quelle que soit la date de leur commission, et donc peu important la date à laquelle chacun des faits mentionnés a été commis.

Autrement dit, s'il a été saisi dans le délai de cinq ans à compter du jour où le salarié a connu ou aurait dû connaître le dernier fait de harcèlement, ou dans le délai de cinq ans à compter du jour de cessation de la situation de harcèlement, le juge prud'homal peut prendre en considération tous les faits et actes qui lui sont soumis pour caractériser le harcèlement, quand bien mêmes ils ont été commis hors le délai de prescription de cinq ans.

En l'espèce, Madame [A] [T] invoque certains agissements commis entre 2016 et 2018 qu'elle prétend imputables à l'employeur et constitutifs de harcèlement moral.

À l'époque considérée, au sein de la boutique ORANGE d'[Localité 6], il apparaît que les supérieurs hiérarchiques directs de Madame [A] [T] étaient '[H]' ([H] [K]) et '[J]' ([J] [R] [X]).

- Sur les heures supplémentaires, horaires et congés payés -

Les seules pièces communiquées par l'intimée ne permettent pas de constater que les droits de Madame [A] [T] en matière de prise de congés payés, ou de repos compensateurs, et de rémunération des heures supplémentaires n'auraient pas été respectés par l'employeur. Les quelques observations générales des représentants du personnel en la matière ne visent pas la situation de l'intimée.

Des écrits émanant du supérieur hiérarchique direct de la salariée (Monsieur [K]) indiquent qu'entre 2016 et 2018 il a été demandé à Madame [A] [T], sans respect d'un délai de prévenance suffisant quant à la modification des plannings, de venir travailler à la boutique ORANGE d'[Localité 6], mais ce au plus à trois ou quatre reprises.

Madame [U] [T], qui a également engagé une action contre la société ORANGE pour harcèlement moral (affaire pendante devant la cour), atteste qu'au sein de la boutique ORANGE d'[Localité 6] les managers pouvaient modifier au dernier moment les plannings de travail sans respecter un délai de prévenance suffisant ni les temps de repos ou droit aux congés payés. Ce témoignage n'est toutefois pas d'une grande précision sur le plan circonstanciel.

- Sur les relations de travail -

Un groupe de communication 'WHATSAPP' a été créé pour les salariés de la boutique ORANGE d'[Localité 6] par un certain '[H] ORANGE' ([H] [K]) le 19 janvier 2016. Toutefois, les seules pièces 52, 53 et 57 communiquées par l'intimée dans ce cadre ne permettent pas de constater que Madame [A] [T] aurait été destinataire de messages dans ce cadre ni même incluse dans cet espace de discussion.

Des copies de photographies d'une manifestation de type pique-nique sont produites et font apparaître le postérieur nu présenté par un individu de sexe masculin qui 'baisse son froc' devant l'objectif. La cour n'est pas en mesure d'identifier le titulaire de cette partie d'anatomie humaine mais ces photographies n'apparaissent pas avoir été prises pendant le travail ou à l'occasion du travail, mais dans le cadre d'une réunion privée. Hors les affirmations de l'intimée, rien ne vient établir que Madame [A] [T] aurait été présente lors de ce spectacle ou destinataire des photographies en question à l'occasion du travail.

Le supérieur hiérarchique '[H] [K]' a envoyé, entre 206 et 2018, quelques courriels et messages électroniques à l'ensemble de l'équipe des salariés de la boutique ORANGE d'[Localité 6] pour se plaindre, parfois en des termes assez désobligeants, des mauvais résultats et du manque d'implication de certains salariés site. Cette communication, publique au sein d'une équipe de travail, a clairement stigmatisé certains salariés. Toutefois, le nom ou l'activité de Madame [A] [T] ne sont mentionnés, parmi d'autres salariés, que dans un courriel du 16 mars 2018 sous forme de chiffres de résultat.

Des collègues de travail de l'intimée ([G] [E], [B] [O], [JM] [TC]) attestent avoir constaté que [G] [E] se plaignait d'une dégradation de ses conditions de travail à compter de 2016 alors que les relations entre l'intimée et sa hiérarchie directe ([H] [K] et [J] [R]) devenaient difficiles, voire tendues, mais ce sans autre précision circonstancielle.

- Sur les tâches non contractuelles -

Madame [A] [T] verse quelques écrits de son supérieur hiérarchique, Monsieur [H] [K], lui demandant, de façon laconique, de le remplacer comme responsable de boutique ou de rédiger des synthèses, ce qui n'entrait pas dans les attributions contractuelles de l'intimée.

- Sur la suggestion d'abandon de poste -

Les seules pièces communiquées par l'intimée dans ce cadre ne permettent pas de constater que Madame [A] [T] aurait été poussée à abandonner son travail ou que sa hiérarchie lui aurait suggéré de ne plus se présenter à son poste de travail à partir d'avril 2018, notamment après le rejet de sa demande de rupture conventionnelle.

- Sur les éléments concernant l'état de santé -

Selon un document médical daté du 8 mars 2018, Madame [A] [T] était alors atteinte et traitée pour un ulcère de l'estomac qui a cicatrisé sans difficultés particulières dès la fin mars 2018.

Le 22 juin 2021, Madame [M], psychologie clinicienne, a attesté que Madame [A] [T] présentait un syndrome anxio-dépressif important et incapacitant consécutif à un vécu traumatique de harcèlement moral subi de 2016 jusqu'à sa 'démission' le 3 avril 2018.

L'époux de l'intimée ([S] [P]), des amis ([I] et [BL] [Z]), des collègues ([G] [E]) attestent que Madame [A] [T] se plaignait d'une dégradation de ses conditions de travail et de pressions de la part de hiérarchie, et qu'elle présentait un mal-être ou souffrance psychologique entre 2016 et 2018.

- Sur la synthèse quant aux éléments de fait présentés par la salariée -

Au regard des éléments d'appréciation susvisés, Madame [A] [T] présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une situation de harcèlement moral, du fait d'un management inadapté imputable à son employeur, dont elle aurait été victime entre 2016 et 2018.

Dès lors, il incombe à la société ORANGE de prouver que ces faits ne sont pas constitutifs d'un harcèlement moral et que les agissements précités étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

- Sur les éléments objectifs apportés par l'employeur -

En réponse, la société ORANGE produit des mails d'encouragement adressés collectivement à l'équipe des salariés de la boutique ORANGE d'[Localité 6] par la hiérarchie, essentiellement en 2018 (un le 19 octobre 2017). Ces messages n'émanent pas de '[H] [K]' mais de '[R] [J] [X]'. Des clichés photographiques concernant des moments de convivialité en groupe sont également versés aux débats.

La société ORANGE produit un rapport d'enquête daté du 20 décembre 2018 qui concerne Madame [U] [T] et non Madame [A] [T].

Monsieur [Y] [W] et Madame [F] [DE], responsables RH, attestent qu'ils ont eu connaissance de la demande de rupture conventionnelle de l'intimée et qu'ils ont reçu Madame [A] [T] le 16 février 2018 dans ce cadre. Madame [A] [T] leur a expliqué qu'elle voulait quitter son emploi au sein de la société ORANGE pour créer sa propre entreprise et souhaitait en conséquence une rupture conventionnelle. Les responsables RH lui ayant répondu que l'employeur ne souhaitait pas accepter une rupture conventionnelle et que seule la démission pouvait rompre le contrat de travail, Madame [A] [T] a indiqué qu'elle voulait être licenciée pour bénéficier des allocations chômage et qu'elle envisageait dans ce cadre de ne plus se présenter à son poste. Les responsables RH lui ont répondu qu'en cas d'abandon de poste elle serait licenciée mais affirment ne pas lui avoir conseillé un tel comportement.

Madame [D] [C], manager chez ORANGE, atteste avoir examiné sérieusement la candidature de Madame [A] [T] sur un poste d'adjoint à la boutique ORANGE de [Localité 7], sans tenir compte de la situation familiale de la salariée, mais s'être interrogée sur l'absence de qualification et d'expérience de l'intimée sur un tel poste ainsi que les temps de trajet à effectuer dans des conditions climatiques parfois difficiles. Finalement, une autre candidature a été retenue pour un salarié ayant déjà qualification et expérience sur un poste d'adjoint, et géographiquement plus compatible. Monsieur [N], responsable RH, témoigne dans le même sens.

Monsieur [H] [K] atteste qu'après la naissance de son premier enfant Madame [A] [T] était un peu perdue concernant ses projets professionnels, souhaitant tantôt devenir manager de boutique, rejoindre un service technique ou quitter la société ORANGE pour créer sa propre entreprise d'événementiel. Il indique avoir senti que sa subordonnée était fragile et avoir, en conséquence, été disponible et à l'écoute, accompagnant Madame [A] [T] dans sa volonté de montée en compétence et lui permettant dans ce cadre d'effectuer des tâches d'animation ou de pilotage, en lui recommandant également de se faire accompagner par la cellule 'avenir' de l'entreprise.

L'employeur justifie d'un accompagnement de Madame [A] [T] par la cellule 'ORANGE AVENIR', avec des entretiens en septembre 2016, octobre 2016, janvier 2017, février 2017, avril 2017, décembre 2017, février 2018 et août 2018 pour accompagner la salariée dans ses projets personnels de promotion, d'évolution ou de sortie de l'entreprise.

Les évaluations professionnelles de Madame [A] [T] entre 2014 et 2018 mentionnent d'abord sur le plan chronologique une salariée compétente, impliquée et motivée, qui souhaitait monter en compétence et se voir attribuer des tâches d'animation et de développement commercial ainsi que le tutorat des apprentis. Jusque début 2017, Madame [A] [T] était appréciée de sa hiérarchie et ses qualités professionnelle louées sans réserve. Lorsque la candidature de Madame [T] sur le poste d'adjoint de la boutique ORANGE de [Localité 7] a été rejetée en janvier 2017, l'évaluateur a noté une baisse sensible de motivation et d'implication dans son travail de la part de Madame [A] [T] . Fin 2017 puis début 2018, il a également relevé que Madame [A] [T] souhaitait quitter la société ORANGE pour créer sa propre d'entreprise d'organisation d'événements et qu'après le rejet de sa demande de rupture conventionnelle le 16 mars 2018, la salariée ne s'est plus présentée à son poste à compter d'avril 2018.

- Sur l'appréciation finale -

En définitive, si Madame [A] [T] n'a jamais accepté expressément une modification de ses tâches contractuelles, elle a fait part à son supérieur hiérarchique comme à l'employeur de sa volonté de promotion ou d'évolution impliquant une montée en compétence et expérience. Elle a ainsi postulé sur le poste d'adjoint de la boutique ORANGE de [Localité 7] et a accepté une mission de 'tutorat jeune', d'ailleurs rémunérée en janvier 2018.

C'est dans ce contexte que Monsieur [H] [K] a pu demander, de façon très ponctuelle, à l'intimée de le remplacer à la tête de la boutique pendant une absence, et de rédiger une ou deux synthèses. Il n'est pas établi que cela aurait été imposé et non proposé à la salariée, ou que Madame [A] [T] n'aurait pas été en mesure de refuser des tâches non contractuelles.

S'agissant du management inadapté par courriels de Monsieur [H] [K], Madame [A] [T], contrairement à d'autres salariés, n'a pas été particulièrement stigmatisée dans ce cadre.

Le rejet de la candidature de Madame [A] [T] sur un poste d'adjoint à la boutique ORANGE de [Localité 7] est justifiée objectivement par l'employeur à raison d'un manque de compétence et d'expérience ainsi que de disponibilité géographique, et ce par rapport à un autre candidat.

Il apparaît que suite au rejet de sa candidature à une promotion (poste d'adjoint à la boutique ORANGE de [Localité 7]), Madame [A] [T] a fait preuve d'un manque d'implication et de motivation sur son poste de salariée subalterne au sein de la boutique ORANGE d'[Localité 6]. Face à cette situation, l'employeur a toutefois loyalement et sérieusement accompagné l'intimée dans sa réflexion et ses doutes quant à son évolution ou orientation professionnelle.

Après le refus de sa demande de rupture conventionnelle, décision qui ne saurait être reprochée à l'employeur, Madame [A] [T] a souhaité quitter la société ORANGE pour créer sa propre entreprise tout en bénéficiant du versement des allocations chômage, et ce quitte à se faire licencier en ne se présentant plus à son poste de travail.

Les seules pièces médicales produites ne font que relater les dires de l'intimée sans qu'il soit caractérisé un véritable syndrome anxio-dépressif, en tout cas en lien avec le travail et ayant nécessité un traitement médical.

Le mal-être présenté par Madame [A] [T] au cours de ses derniers mois de présence dans l'entreprise ORANGE apparaît imputable aux réflexions, hésitations et frustrations de l'intimée quant à son évolution professionnelle mais non à des manquements de l'employeur.

Au vu des éléments d'appréciation dont la cour dispose, la société ORANGE démontre que les quelques agissements circonstanciés dénoncés par la salariée ne sont pas constitutifs d'un harcèlement moral vis-à-vis de Madame [A] [T] mais justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Madame [A] [T] sera déboutée en sa demande de voir juger qu'elle a été victime d'une situation de harcèlement moral imputable à la société ORANGE.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce que le conseil de prud'hommes a constaté une situation de harcèlement moral à l'égard de Madame [A] [T].

- Sur la discrimination -

Aux termes des dispositions de l'article L. 1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, en raison de sa situation de famille ou de sa grossesse.

Aux termes des dispositions de l'article L. 1134-1 du code du travail, lorsque survient un litige, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

S'agissant de la charge de la preuve d'une discrimination en matière civile, celle-ci est partagée et répartie sur le salarié et l'employeur puisqu'il appartient au salarié qui s'estime victime d'une discrimination de soumettre au juge les éléments de fait, obtenus loyalement, laissant supposer l'existence d'une discrimination, directe ou indirecte, et il incombe ensuite à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Le salarié qui s'estime victime d'une discrimination doit nécessairement invoquer un des motifs de discrimination illicite (à défaut, il peut invoquer le harcèlement ou une atteinte à l'égalité de traitement).

La discrimination est directe quand, pour l'un de ces motifs, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable. La discrimination est indirecte lorsqu'une disposition, un critère ou une pratique, neutre en apparence, est susceptible d'entraîner un désavantage particulier pour certaines personnes par rapport à d'autres, sauf à être objectivement justifié par un but légitime et des moyens nécessaires et appropriés. Autrement dit, la discrimination n'est pas nécessairement volontaire et intentionnelle.

Toute disposition ou tout acte pris à l'égard d'un salarié en méconnaissance des dispositions du code du travail sur le principe de non-discrimination est nul.

En l'espèce, Madame [A] [T] soutient que le rejet de sa candidature sur un poste d'adjoint à la boutique ORANGE de [Localité 7] est lié à son état de grossesse et sa situation de famille.

Reste que les seules pièces produites en ce sens par l'intimée ne laissent pas supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte à raison de la grossesse ou de la situation de famille de Madame [A] [T].

Il échet de relever, à titre liminaire, que Madame [A] [T] ne justifie pas de sa situation de famille ou de sa période de grossesse. À travers les explications des parties et certaines pièces, la cour croit seulement comprendre que Madame [A] [T] était mariée et aurait accouché vers mars 2016.

La candidature de Madame [A] [T] sur un poste d'adjoint à la boutique ORANGE de [Localité 7] a été examinée sérieusement par l'employeur et la salariée a bénéficié d'un entretien dans ce cadre. Cette candidature a finalement été rejetée au motif qu'un autre candidat avait déjà exercé les fonctions d'adjoint de boutique et apparaissait plus disponible alors que l'intimée avait expliqué à son employeur qu'elle n'envisageait pas de changer de domicile mais acceptait de faire chaque jour un trajet d'une durée comprise entre 2 heures 30 minutes et 3 heures (aller et retour) pour aller travailler à [Localité 7].

Dans une évaluation (entretien du 30 mars 2017), Monsieur [K] a d'ailleurs relevé que le rejet de la candidature de l'intimée était motivée par une problématique de distance domicile-travail et non concernant les capacités de la salariée.

La cour ne trouve aucun élément objectif de prise en compte par l'employeur d'un état de grossesse ou de la situation familiale de Madame [A] [T] s'agissant de l'exécution du contrat de travail.

Parmi les témoins, seule Madame [O] évoque dans son témoignage des conditions de travail qui auraient changé pour l'intimée à compter de son état de grossesse en 2016, mais ce façon lapidaire et sans aucune précision.

La simple mention, tout à fait neutre, dans une évaluation (entretien du 30 mars 2017), d'une maternité arrivée à son terme en mars 2016, avec des préoccupations personnelles en conséquence, ne laisse pas plus supposer l'existence d'une discrimination dans ce cadre, d'autant qu'il est précisé par l'évaluateur que la baisse constatée d'implication et de motivation de la salariée semblait liée au rejet de sa candidature sur un poste d'adjoint à la boutique ORANGE de [Localité 7] .

La cour ne relève en l'espèce aucune discrimination imputable à la société ORANGE à raison de la grossesse ou de la situation de famille de Madame [A] [T].

- Sur l'obligation de sécurité -

Selon les dispositions des articles L. 4121-1 et suivants du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Dans le cadre de son obligation légale de sécurité, l'employeur prend notamment des mesures comprenant des actions de prévention des risques professionnels, des actions d'information et de formation, la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. Il doit veiller à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

L'employeur est ainsi tenu vis-a-vis de ses salariés d'une obligation de sécurité dans le cadre ou à l'occasion du travail. Cette obligation de sécurité s'applique à toute situation de risque en matière de sécurité et de protection de la santé physique et mentale des travailleurs. Pour satisfaire à cette obligation, l'employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, notamment en justifiant, d'une part, avoir pris toutes les mesures de prévention prévues notamment par les articles L. 4121-l et L. 4121-2 du code du travail et, d'autre part, dès qu'il est informé de l'existence de faits susceptibles de constituer une atteinte à la sécurité ou la santé, physique et mentale d'un salarié, avoir pris les mesures immédiates propres à les faire cesser.

La responsabilité de l'employeur est engagée vis-a-vis d'un salarié dès lors qu'un risque pour la santé ou la sécurité de celui-ci est avéré sans qu'il soit nécessaire que soit constatée une atteinte effective à la santé.

Selon l'article L. 1152-4 du code du travail, l'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.

En outre, vu les articles L. 4121-1 et suivants du code du travail, l'employeur est tenu à une obligation légale de sécurité lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, notamment en matière de harcèlement.

La prévention du harcèlement (moral ou sexuel) à l'encontre des salariés de l'entreprise est confiée au chef d'entreprise à qui il appartient de prendre toute mesure en ce sens.

L'obligation de sécurité de résultat de l'employeur étant désormais appréciée par rapport non à la réalisation du risque, soit la commission effective de faits de harcèlement à l'encontre d'un salarié, mais par rapport aux diligences de l'employeur, la responsabilité de ce dernier peut être ainsi écartée en matière de harcèlement, moral ou sexuel, s'il a mis en oeuvre toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, et s'il a mis fin à la situation de harcèlement en prenant les mesures, immédiates et adaptées, propres à la faire cesser rapidement dès qu'il a été informé de l'existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement.

Dans le cadre de ses obligations, l'employeur doit donc prévenir le harcèlement, moral ou sexuel, mais également réagir de façon rapide et adaptée pour faire cesser des faits de harcèlement avérés ou susceptibles d'avoir été commis.

En matière de harcèlement moral, l'employeur a une obligation générale de prévention afin d'assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salariés. Dans ce cadre, il lui incombe de mettre en place les actions utiles de prévention (informations, formations, écoute, organisation du travail, etc.). Lorsqu'une situation de harcèlement moral lui est signalée, il a l'obligation de réagir efficacement et rapidement pour y mettre fin si elle est avérée et de prendre les mesures appropriées, après mise en oeuvre, le cas échéant, d'une enquête interne. L'obligation de sécurité de l'employeur ne peut être considérée comme remplie, lorsqu'il est informé de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, que s'il justifie avoir pris les mesures immédiates propres à le faire cesser.

Les obligations résultant des articles L. 1132-1, L. 1152-1, L. 1153-1, L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail sont distinctes en sorte que la méconnaissance de chacune d'elles, lorsqu'elle entraîne des préjudices différents, ouvre droit à des réparations spécifiques.

L'obligation de l'employeur en matière de prévention des risques professionnels, notamment du risque de harcèlement, fondée sur l'application des articles L. 4121-1 et L.4121-2 du code du travail, est distincte de l'interdiction ou prohibition des agissements de harcèlement, prévue par les articles L. 1152-1 et L. 1153-1 du code du travail, et ne se confond pas avec elle. En conséquence, si elle justifie de préjudices distincts, la victime peut obtenir des dommages et intérêts à la fois au titre du harcèlement (moral et/ou sexuel), au titre du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et au titre d'une discrimination.

En l'espèce, Madame [A] [T] expose que sa hiérarchie était informée de son mal-être au travail mais n'a rien fait, lui suggérant même d'abandonner son poste.

Vu les attendus qui précèdent, la cour ne relève vis-à-vis de Madame [A] [T] aucune situation de harcèlement moral ou de discrimination imputable à la société ORANGE.

Avant d'abandonner son poste de travail en avril 2018, Madame [A] [T] n'a jamais alerté ou signalé à quiconque dans l'entreprise une situation de harcèlement moral ou de discrimination. Si la salariée a pu présenter un mal-être et/ou un manque d'implication professionnelle à compter du début de l'année 2017, sa hiérarchie a pu légitimement considérer que cette situation était en lien avec les réflexions, hésitations et frustrations de l'intimée quant à son évolution professionnelle mais non imputable à des manquements de l'employeur.

La société ORANGE, qui a loyalement exécuté le contrat de travail et accompagné la salariée dans ses démarches, n'a pas commis vis-à-vis de Madame [A] [T] de manquement à son obligation de sécurité ou à son obligation de prévention et de réaction en matière de harcèlement moral ou de discrimination.

Madame [A] [T] sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts en réparation du manquement à l'obligation de sécurité de l'employeur.

- Sur l'obligation de formation et d'adaptation -

Aux termes des dispositions de l'article L. 6321-1 du code du travail applicables à l'époque considérée, l'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail. Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations. Il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences, ainsi qu'à la lutte contre l'illettrisme.

L'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail, essentiellement au moyen de la formation (professionnelle). L'obligation d'assurer l'adaptation du salarié à son poste de travail s'impose en particulier en cas de projet de licenciement pour motif économique. L'employeur doit également veiller au maintien de l'employabilité des salariés, c'est-à-dire à leur capacité à occuper un emploi ou effectuer un travail salarié, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations.

C'est une obligation d'origine légale et jurisprudentielle, peu importe si les accords collectifs ne la mettent pas à la charge de l'employeur.

Cette obligation incombe à l'employeur et non au salarié. La Cour de cassation juge ainsi que l'obligation de veiller au maintien de la capacité des salariés à occuper un emploi relève de l'initiative de l'employeur et non du salarié.

L'employeur ne peut pas s'exonérer de son obligation en faisant valoir que le salarié n'a émis aucune demande de formation, que le salarié a été recruté sans compétence ni expérience au poste auquel il a été formé par l'employeur, que l'expérience acquise par le salarié lui permet désormais de prétendre à des postes similaires dans la branche, que le poste de travail du salarié n'a connu depuis son embauche aucune évolution particulière nécessitant une formation d'adaptation.

Caractérise un manquement de l'employeur à son obligation l'absence de formation du salarié pendant une longue période, même si le salarié n'en a pas réclamé, ou un faible nombre de formations sur une longue période, susceptible de compromettre son évolution professionnelle.

L'employeur ne peut en revanche se voir reprocher l'absence d'évolution de carrière d'un salarié qui a bénéficié des mêmes possibilités de formation que les autres mais a manifesté clairement la volonté de demeurer dans son emploi.

L'obligation d'adaptation n'implique pas pour l'employeur d'apporter au salarié une formation initiale qui relève de l'Éducation nationale, ni de dispenser une formation lourde débouchant sur une qualification professionnelle. L'employeur n'est pas plus tenu de former le salarié à l'acquisition de compétences qu'il avait faussement déclaré posséder lors de son embauche.

L'employeur qui manque à son obligation d'adaptation peut être condamné à réparer le préjudice subi par les salariés, distinct de celui résultant de la rupture du contrat de travail.

En l'espèce, Madame [A] [T] fait valoir qu'elle était amenée, lors des jours de congé du responsable de la boutique ORANGE d'[Localité 6], à assurer ses fonctions, mais également à réaliser des synthèses, tâches ne relevant pas de sa qualification, sans formation adaptée en ce sens.

La cour a déjà relevé que si, à seulement quelques reprises, le supérieur hiérarchique direct de l'intimée a pu lui demander d'accomplir des tâches non contractuelles relevant d'une qualification supérieure, c'était dans l'intention d'accompagner ponctuellement Madame [A] [T] dans son objectif d'évolution professionnelle avec une demande de la salariée de pouvoir monter en compétence et en expérience.

Pour le surplus, selon les documents produits par la société ORANGE, dont le contenu n'est pas contesté par l'intimée, Madame [A] [T] a suivi 25 formations entre juin 2016 et mars 2018.

La société ORANGE n'a pas manqué à son obligation de formation, d'adaptation et de maintien de l'employabilité concernant Madame [A] [T].

En conséquence, Madame [A] [T] sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts à ce titre.

- Sur l'intéressement et la participation -

Alors que Madame [A] [T] produit des pièces numérotées 50 et 51 sur ces questions et que le conseil de prud'hommes a fait droit à sa demande en condamnation la société ORANGE à payer à son ancienne salariée la somme de 489,40 euros net (541,9 euros brut) au titre de la prime d'intéressement et 691,32 euros net (765,58 euros brut) au titre de la prise de participation, force est de constater que dans ses dernières conclusions, tout en maintenant dans le dispositif une demande d'infirmation, l'appelante ne présente pas le moindre moyen, ni même un quelconque argument, dans la discussion contenue dans ces écritures au soutien de cette prétention.

En conséquence, la cour ne peut que confirmer la décision du premier juge de ces chefs.

- Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail -

L'action en résiliation judiciaire du contrat de travail, qui ne constitue pas une prise d'acte de la rupture, ne met pas fin au contrat de travail et implique la poursuite des relations contractuelles dans l'attente de la décision du juge du fond.

Si le salarié est licencié avant qu'intervienne la décision judiciaire sur une demande de résiliation présentée avant la notification du licenciement, les juges doivent, en premier lieu, rechercher si la demande de résiliation était justifiée, peu important que l'employeur ait engagé la procédure de licenciement avant l'introduction de cette demande ou que le salarié ait adhéré à un dispositif de départs volontaires dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi ou à un contrat de sécurisation professionnelle ou dispositif de même nature, et c'est seulement dans le cas où ils estiment que la demande de résiliation judiciaire n'est pas justifiée que les juges se prononcent sur le licenciement notifié par l'employeur postérieurement à la saisine du juge prud'homal afin de résiliation.

Si les manquements de l'employeur invoqués par le salarié sont suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail, le juge prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail, et donc la rupture de celui-ci aux torts de l'employeur, au jour de sa décision, sauf si le contrat de travail a déjà été rompu (si le salarié a été licencié avant la date de prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail, c'est à la date d'envoi de la notification du licenciement qu'est fixée la prise d'effet de la résiliation judiciaire) ou si le salarié n'est plus au service de son employeur.

Les manquements de l'employeur susceptibles de justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail à ses torts doivent être d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation de travail. La réalité et la gravité des manquements de l'employeur invoqués par le salarié sont souverainement appréciés par les juges du fond.

En principe, c'est au salarié de rapporter la preuve des manquements de l'employeur qu'il invoque et le doute doit profiter à l'employeur, sauf à appliquer des règles spécifiques de preuve comme, par exemple, celles prévues en matière de harcèlement ou de discrimination.

Les juges du fond doivent examiner l'ensemble des manquements de l'employeur invoqués par le salarié, en tenant compte de toutes les circonstances intervenues jusqu'au jour du jugement. Les juges peuvent décider que la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail n'est pas justifiée si les faits invoqués par le salarié sont anciens, ont cessé ou ont été régularisés. La régularisation des manquements de l'employeur entre la date de la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail par le salarié et le jour où les juges statuent n'a toutefois pas d'effet contraignant sur le pouvoir d'appréciation des juges. Cette régularisation, qui peut être prise en compte par les juges dans le cadre de l'appréciation de la gravité des manquements reprochés à l'employeur, ne saurait écarter automatiquement la gravité des manquements commis. Il échet de tenir compte notamment de la possibilité ou de l'impossibilité de poursuivre la relation de travail.

La rupture du contrat de travail par résiliation judiciaire aux torts de l'employeur produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ou d'un licenciement nul en cas de harcèlement ou de discrimination ou si le salarié est protégé ou si le salarié était victime d'un accident du travail ou si un autre cas de nullité de la rupture du contrat de travail est caractérisé.

Si les manquements de l'employeur invoqués par le salarié ne sont pas établis ou ne sont pas suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail, le juge déboute le salarié de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail et il ne peut dans ce cas prononcer ou constater la rupture du contrat de travail. En conséquence, la relation contractuelle se poursuit, sans que l'employeur ne puisse tirer argument ou prétexte de l'action en justice du salarié pour le licencier.

En l'espèce, le seul manquement de l'employeur à ses obligations en matière de participation et d'intéressement, qui a donné lieu à une régularisation portant sur des sommes de faible montant (cf supra), n'est pas d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation de travail et ne saurait fonder la résiliation judiciaire du contrat de travail de Madame [A] [T].

Madame [A] [T] sera déboutée de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail ainsi que de ses prétentions en conséquence. Le jugement sera infirmé de ces chefs.

- Sur la rupture du contrat de travail -

En cas de licenciement disciplinaire, le juge doit vérifier que le motif allégué constitue une faute. Selon sa gravité, la faute commise par le salarié emporte des conséquences plus ou moins importantes. Si les faits invoqués, bien qu'établis, ne sont pas fautifs ou constituent une faute légère mais non sérieuse, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, donc abusif. En cas de licenciement fondé sur une faute constituant une cause réelle et sérieuse, le salarié a droit au règlement de l'indemnité compensatrice de congés payés, de l'indemnité de licenciement, du préavis ou de l'indemnité compensatrice de préavis (outre les congés payés afférents).Le licenciement pour faute grave entraîne la perte du droit aux indemnités de préavis et de licenciement. Le licenciement pour faute lourde, celle commise par le salarié avec l'intention de nuire à l'employeur ou à l'entreprise, entraîne également pour le salarié la perte du droit aux indemnités de préavis et de licenciement, avec possibilité pour l'employeur de réclamer le cas échéant au salarié réparation du préjudice qu'il a subi (dommages-intérêts). Dans tous les cas, l'indemnité compensatrice de congés payés reste due.

La sanction disciplinaire prononcée par l'employeur, y compris une mesure de licenciement, ne pas doit être disproportionnée mais doit être proportionnelle à la gravité de la faute commise par le salarié. Le juge exerce un contrôle de proportionnalité en matière de sanction disciplinaire et vérifie en conséquence que la sanction prononcée par l'employeur à l'encontre du salarié n'est pas trop sévère compte tenu des faits reprochés.

Le code du travail ne donne aucune définition de la faute grave. Selon la jurisprudence, la faute grave se définit comme étant celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié, constituant une violation des obligations qui résultent du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et la poursuite du contrat de travail pendant la durée du préavis.

La faute grave suppose une action délibérée ou une impéritie grave, la simple erreur d'appréciation ou l'insuffisance professionnelle ne pouvant ouvrir droit à une sanction disciplinaire. La gravité d'une faute n'est pas nécessairement fonction du préjudice qui en est résulté. La commission d'un fait isolé peut justifier un licenciement disciplinaire, y compris pour faute grave, sans qu'il soit nécessaire qu'il ait donné lieu à avertissement préalable.

La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et justifie la cessation immédiate du contrat de travail sans préavis, en tout cas une rupture immédiate du contrat de travail avec dispense d'exécution du préavis. Elle peut justifier une mise à pied conservatoire, mais le prononcé d'une telle mesure n'est pas obligatoire. La faute grave ne saurait être admise lorsque l'employeur a laissé le salarié exécuter son préavis au salarié. En revanche, il importe peu que l'employeur ait versé au salarié des sommes auxquelles il n'aurait pu prétendre en raison de cette faute, notamment l'indemnité compensatrice de préavis ou les salaires correspondant à une mise à pied conservatoire.

En cas de faute grave, la mise en oeuvre de la procédure de licenciement doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits fautifs, mais le maintien du salarié dans l'entreprise est possible pendant le temps nécessaire pour apprécier le degré de gravité des fautes commises.

Si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement ne pèse pas plus particulièrement sur l'employeur (la Cour de cassation juge que la preuve du caractère réel et sérieux du motif de licenciement n'incombe spécialement à aucune des parties), il incombe à l'employeur, en revanche, d'établir la faute grave ou lourde. Le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Dans tous les cas, en matière de bien-fondé du licenciement disciplinaire, le doute doit profiter au salarié.

En l'espèce, Madame [A] [T] a décidé, délibérément et unilatéralement, de ne plus se présenter à son poste de travail à compter du mardi 3 avril 2018. La salariée n'a pas souhaité répondre aux demandes d'explication et aux injonctions de son employeur suite à cet abandon de poste ou absence irrégulière.

Après les mises en demeure des 5 et 13 avril 2018, la société ORANGE a fait diligence en convoquant dès le 27 avril 2018 Madame [T] à un entretien préalable à éventuel licenciement.

La société LA POSTE était tenue, légalement, réglementairement puis conventionnellement, de saisir préalablement pour avis une commission consultative paritaire pour toute sanction disciplinaire envisagée à l'encontre d'un salarié. L'employeur doit obtenir une décision d'avis de la part de ce conseil de discipline avant de notifier un licenciement pour motif disciplinaire. Cette commission, qui doit entendre préalablement le salarié concerné, a le pouvoir d'enquêter, notamment en entendant les témoins utiles.

S'agissant de la situation d'abandon de poste de Madame [T], cette procédure, qui constitue une garantie reconnue aux salariés de l'entreprise en matière disciplinaire, s'imposait à la société ORANGE qui était donc dans l'obligation d'attendre un avis du conseil de discipline. Or, vu la réglementation spécifique versée aux débats, la commission consultative paritaire n'apparaît pas être limitée ou restreinte en matière de délai pour délibérer et rendre un avis.

Le 22 mai 2018, la société ORANGE a avisé Madame [T] de la transmission de son dossier à la commission consultative paritaire, mais cette commission n'a agi apparemment qu'à compter du 15 octobre 2018 en convoquant Madame [T] le 15 novembre 2018 devant le conseil de discipline de la société ORANGE.

Ce n'est que le 15 novembre 2018, soit près de six mois après sa saisine, que l'employeur a obtenu de la commission consultative paritaire un avis (favorable) au licenciement pour faute grave de Madame [A] [T].

Si la durée excessive de la procédure disciplinaire est regrettable, Madame [A] [T] ne saurait en faire grief à la société ORANGE. En outre, Madame [A] [T] n'a pas répondu à la convocation physique du conseil de discipline.

Aucun manquement de l'employeur ne justifie l'abandon de poste de Madame [A] [T] entre le 3 avril 2018 et le 10 juillet 2018.

Madame [A] [T] a décidé, à compter du 3 avril 2018, de ne plus se présenter à son poste de travail suite au rejet par l'employeur de sa demande de rupture conventionnelle alors qu'elle était déjà engagée dans un processus de création d'entreprise personnelle, projet qu'elle a d'ailleurs concrétisé peu après vu les pièces produites par les parties.

Nonobstant sa décision arrêtée de quitter son emploi au sein de la société ORANGE, Madame [A] [T] ne voulait pas démissionner car elle souhaitait bénéficier des allocations de chômage après la rupture de son contrat de travail.

Si, par courrier daté du 2 juillet 2018, Madame [T] a indiqué à la société ORANGE qu'elle envisageait de reprendre son poste de travail le mercredi 11 juillet 2018, alors qu'elle continuait à agir pour créer son entreprise et ne souhaitait plus exécuter un contrat de travail dont elle souhaitait la rupture la plus rapide possible, c'est par seule motivation procédurale, dans la mesure où le temps long pris par le conseil de discipline l'empêchait de percevoir salaire ou indemnité de chômage.

Dans ce contexte, il ne saurait être reproché à la société ORANGE d'avoir notifié le 10 juillet 2018 à Madame [T] une mise à pied conservatoire.

Pour le surplus, l'abandon de poste (ou absence irrégulière) de Madame [A] [T] pendant plusieurs mois justifiait, au sens des principes susvisés, un licenciement pour faute grave.

Madame [A] [T] sera déboutée de toutes ses demandes, hors participation et intéressement (cf supra), en rapport avec la rupture de son contrat de travail. Le jugement sera infirmé de ces chefs.

- Sur les dépens et frais irrépétibles -

Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions sur les dépens et frais irrépétibles de première instance.

Chaque partie conservera la charge de ses propres dépens d'appel.

En équité, il n'y a pas lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

- Confirme le jugement en ce que le conseil de prud'hommes a condamné la société ORANGE à payer à Madame [A] [T] la somme de 489,40 euros net (541,9 euros brut) au titre de la prime d'intéressement, et la somme de 691,32 euros net (765,58 euros brut) au titre de la prise de participation ;

- Confirme le jugement en ses dispositions sur les dépens et frais irrépétibles de première instance ;

- Infirme le jugement en toutes ses autres dispositions ;

Statuant à nouveau,

- Déboute Madame [A] [T] de toutes ses autres demandes concernant l'exécution comme la rupture de son contrat de travail ;

- Dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens d'appel ;

- Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.

Le Greffier, Le Président,

S. BOUDRY C. RUIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Riom
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/01923
Date de la décision : 25/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-25;20.01923 ?
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