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04/04/2023 | FRANCE | N°21/01063

France | France, Cour d'appel de Riom, Chambre sociale, 04 avril 2023, 21/01063


04 AVRIL 2023



Arrêt n°

SN/SB/NS



Dossier N° RG 21/01063 - N° Portalis DBVU-V-B7F-FTBP



[S] [E]



/



Association ACPPA LA CHARITE







jugement au fond, origine conseil de prud'hommes - formation paritaire de montlucon, décision attaquée en date du 08 avril 2021, enregistrée sous le n° 17/00110

Arrêt rendu ce QUATRE AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :


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br>M. Christophe RUIN, Président



Mme Karine VALLEE, Conseiller



Mme Sophie NOIR, Conseiller



En présence de Mme Séverine BOUDRY greffier lors des débats et du pro...

04 AVRIL 2023

Arrêt n°

SN/SB/NS

Dossier N° RG 21/01063 - N° Portalis DBVU-V-B7F-FTBP

[S] [E]

/

Association ACPPA LA CHARITE

jugement au fond, origine conseil de prud'hommes - formation paritaire de montlucon, décision attaquée en date du 08 avril 2021, enregistrée sous le n° 17/00110

Arrêt rendu ce QUATRE AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :

M. Christophe RUIN, Président

Mme Karine VALLEE, Conseiller

Mme Sophie NOIR, Conseiller

En présence de Mme Séverine BOUDRY greffier lors des débats et du prononcé

ENTRE :

M. [S] [E]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par Me Eric NURY suppléant Me Sophie GIRAUD de la SCP GIRAUD-NURY, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

APPELANT

ET :

Association ACPPA LA CHARITE Etablissement médicalisé pour personnes âgées - SIRET n°327

355 160 00067

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Emmanuelle TOURNAIRE, avocat au barreau de LYON, et par Me Barbara GUTTON PERRIN de la SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

INTIMEE

Après avoir entendu, Mme NOIR, conseiller en son rapport, les représentants des parties à l'audience publique du 06 Février 2023, la Cour a mis l'affaire en délibéré, Monsieur le Président ayant indiqué aux parties que l'arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

L'association Acppa (Accueil et Confort Pour Personnes Agées) est une association ayant pour objet l'accueil, au sein de ses établissements, de personnes âgées et dépendantes.

M. [E] a été embauché en CDI par l'association Retraite à la Charité à compter du 1er juin 2013 au poste de responsable logistique, affecté au poste de chef de cuisine.

M [E], membre du syndicat Sud Santé, était élu au CHSCT.

Par courrier remis en mains propres le 1er octobre 2015, l'employeur l'a convoqué à un entretien préalable à son licenciement pour faute grave et lui a notifié une mise à pied à titre conservatoire en raison de propos injurieux et à caractère sexuel à l'égard de plusieurs salariés de l'EHPAD et notamment de Mme [U] et de Mme [M].

Le 16 octobre 2015 le Comité d'entreprise a émis un avis défavorable au licenciement de M. [S] [E].

Le 13 novembre 2015, l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser le licenciement.

Suite à cette décision, l'employeur a réintégré le salarié à son poste à compter du 23 novembre 2015.

Le 1er février 2017, le contrat de travail a été transféré à l'association Acppa suite à la reprise en gestion de l'AHPAD par cette association.

M. [E] a saisi le conseil des prud'hommes de Montluçon le 25 septembre 2017 d'une demande de dommages-intérêts pour discrimination syndicale fondée sur la procédure de licenciement initiée le 1er octobre 2015.

Par courrier du 31 août 2018, le salarié a pris acte de la rupture du contrat de travail dans les termes suivants :

'Nous nous sommes vus ce matin au conseil des prud'hommes de Montluçon et avons constaté que ce qui avait été prévu à la dernière audience (l'appel en cause et en garantie de l'association retraite à la charité par vos soins pour l'audience de ce jour) n'avait pas été régularisé et qu'aucune conciliation ne pouvait intervenir sur ma demande indemnitaire formée au titre de l'article L 1132-1 du code du travail.

Après cette audience, j'ai évoqué avec vous les problèmes que je vivais au quotidien auxquels vous m'avez répondu que vous n'aviez rien à me reprocher, si ce n'est que vous ne m'avez pas apporté la moindre réponse sur les problèmes que je rencontre dans mon travail.

Aussi, ai-je pris la décision de prendre acte de la rupture de contrat de travail à compter de ce jour.

Je suis redevable à votre égard du délai d'un mois à titre de préavis, ce qui fait que je vous demanderai de bien vouloir me préparer tous les documents conformes à cette prise d'acte qui sera effective au 30 juin prochain au soir.

Je ne peux que regretter et déplorer de devoir prendre une telle décision mais j'ai constaté et constate que malgré toutes mes alertes (notamment par e-mail les plus récents des 10 mai, 11 mai et 21 mai dernier), tous les entretiens, aucune mesure réelle et concrète n'a été prise en ce qui me concerne)

Les conditions de travail tel que je les vis ne me permettent plus d'assurer mon rôle de chef de cuisine (alors que vous avez reconnu mon dynamisme dans mon travail comme mon sérieux.

J'ai réuni, pour bien justifier ma décision, de uxtémoignages qui à mes yeux résument parfaitement la décision (je les tiens à votre disposition en copie si vous le souhaitez - je les reproduis in extenso dans le présent courrier)

Le premier témoignage Monsieur [K] [X]

' Suite à la réunion entre la cuisine et le directeur qui a eu lieu le 25 avril 2018, il ressort que le directeur est bien conscient et a bien vu qu'une grosse partie du personnel en veut au chef de cuisine

'Il lui est reproché entre autre de 'fliquer'les soignants sur la gestion de tout ce qui se rapproche de la restauration alors que cette demande vient du directeur en vue d'un suivi des consommations précises pour un bilan mensuel

' Le directeur reconnaît qu'une cabale a été lancée contre le chef et il rajoute que pour lui, le chef est très professionnel et fait un travail irréprochable

' il précise également n'avoir aucun problème avec la cuisine'

Le second témoignage et de Madame [C] [N]

' Le 25 avril 2018, s'est tenue une réunion entre le directeur et le personnel de cuisine

' Il en résulte les constatations suivantes : il y a une tension manifeste entre une grande partie du personnel soignant et le chef de cuisine

'le directeur demande à ce dernier de suivre la gestion de toute la consommation restauration afin de tenir un bilan mensuel précis

' Il lui demande également un suivi des offices afin de suivre la péremption des produits et la bonne utilisation de ceux-ci. Les soignants se sentent alors 'fliquer' par le chef de cuisine alors qu'il ne fait que son travail

' Le directeur reconnaît qu'une cabale a été lancée contre le chef

'celui-ci rajoute que ce dernier est très professionnel et irréprochable dans son travail

' Il rajoute également n'avoir aucun souci avec la cuisine

' étant dans l'établissement depuis l'ouverture (cinq ans) et étant affectée au service ménage donc en lien direct avec la cuisine par le biais du service petit déjeuner, je n'ai jamais subi du harcèlement moral par le chef mais plutôt des conseils pratiques d'hygiène

' À plusieurs reprises, j'ai effectuée des remplacements en cuisine où là je me suis rendue compte que le personnel soignant dénigrait la cuisine

'ayant intégrée pour un remplacement longue duré voir un poste définitif la cuisine, le chef n'a jamais manifesté le moindre énervement à mon égard et s'est toujours montré professionnel et bienveillant malgré mon expérience'

Dans de telles conditions, vous comprendrez aisément les raisons qui m'obligent à prendre acte de la rupture de mon contrat de travail.

J'avais espéré que les mesures auraient été prises pour faire cesser une telle situation. Tel n'aura pas été le cas (...)'.

Par courrier du 15 juin 2018, l'employeur a contesté ces griefs et a considéré que le courrier du 31 mai 2018 s'analysait en une démission.

Par jugement du 8 avril 2021, le conseil des prud'hommes de Montluçon a:

- jugé irrecevables les demandes concernant la prise d'acte de rupture du contrat de travail de M. [E] ;

- débouté M. [E] de l'ensemble de ses demandes portant sur la prise d'acte de rupture du contrat de travail ;

- dit que M. [E] n'a fait l'objet d'aucune discrimination syndicale ;

- débouté M. [E] de sa demande de dommages et intérêts de 28 000 euros pour discrimination syndicale ;

- débouté les deux parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté les parties de toutes autres demandes plus amples ou contraires ;

- mis les dépens à la charge de M. [E].

M. [E] a interjeté appel de ce jugement le 07 mai 2021.

Vu les conclusions notifiées à la cour le 30 décembre 2022 par M. [E],

Vu les conclusions notifiées à la cour le 06 janvier 2023 par l'association Acppa La Charité.

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 09 janvier 2023.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions, M. [E] demande à la cour de :

- débouter l'Acppa de toutes ses demandes, fins et conclusions contraires aux présentes ;

Réformant,

- condamner l'Acppa La Charité à lui verser la somme de 28.000 euros à titre de dommages intérêts ;

- déclarer recevable et bien fondée la prise d'acte de rupture du contrat de travail de M.[E] ;

- juger qu'elle produira les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamner L'Acppa La Charité à lui verser :

- la somme de 5.532 euros à titre d'indemnité de préavis ;

- la somme de 553,20 euros au titre des congés payés sur préavis ;

- la somme de 3.457,50 euros au titre d'indemnités de licenciement

- la somme de 16.596 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamner l'Acppa La Charité à lui remettre, dans un tel délai qu'il plaira au Conseil de fixer, les documents administratifs conformes au jugement à intervenir ;

- condamner l'Acppa La Charité a versé à M.[E] la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner l'Acppa La Charité aux entiers dépens ;

Dans ses dernières conclusions, l'association Acppa La Charité demande à la cour de :

' déclarer M. [E] infondé dans son appel ;

Concernant la prise d'acte :

A titre principal :

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Montluçon en ce qu'il :

- juge les demandes concernant la prise d'acte de rupture du contrat de travail de M. [E] irrecevables ;

- déboute M. [E] de l'ensemble de ses demandes portant sur la prise d'acte de rupture de son contrat de travail ;

A titre subsidiaire :

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Montluçon en ce qu'il :

- déboute M. [S] [E] de l'ensemble de ses demandes portant sur la prise d'acte de rupture de son contrat de travail;

A titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire la Cour considérait la demande formulée par l'appelant recevable et fondée et infirmait le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Montluçon à ce titre, de:

- débouter M. [E] de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis à hauteur de 5 532 euros et sa demande de rappel d'indemnité compensatrice de congés payés à hauteur de 553.20 euros ;

- fixer l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse dans les limites des barèmes mentionnés à l'article L. 1235-3 du Code du travail et en tout état de cause au minimum de ce barème, soit 8 299,8 euros ;

Concernant la prétendue discrimination syndicale :

A titre principal :

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Montluçon ce qu'il :

- dit que M. [E] n'a fait l'objet d'aucune discrimination syndicale ;

- déboute M. [E] de sa demande dommages et intérêts de 28 000 euros pour discrimination syndicale ;

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la Cour considérait la demande formulée fondée et infirmait le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Montluçon à ce titre, de ramener le montant des condamnations à de plus justes montants ;

En tout état de cause :

- débouter M. [E] de ses demandes relatives à l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens ;

A titre reconventionnel, condamner M. [E] à verser à l'Acppa la somme de 2. 000 euros au titre de l'article 70 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de la Selarl Lexavoues Riom ' Clermont, es qualité d'avocat postulant, en application de l'article 699 du Code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur discrimination syndicale :

Aux termes de l'article L 1132-1 du code du travail dans ses différentes versions applicables au litige, aucun salarié ne peut être sanctionné ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte en raison de ses activités syndicales ou mutualistes.

En application des articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail, lorsque le salarié présente des éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Au soutien de sa demande de dommages-intérêts l'action syndicale, M. [S] [E] soutient :

- qu'à l' occasion de la procédure de licenciement initiée au mois d'octobre 2015, l'employeur n'a pas respecté les dispositions de l'article R2421-6 du code du travail en matière de délai de convocation du Comité d'entreprise et de délai de demande d'autorisation de licenciement :

- que l'employeur ne s'explique pas sur le non-respect de la procédure :

Selon les dispositions des articles L 2421-3 et R 2421-6 du code du travail, en cas de faute grave, l'employeur peut prononcer la mise à pied immédiate d'un membre élu du Comité d'entreprise titulaire ou suppléant jusqu'à la décision de l'inspecteur du travail.

La consultation du comité d'entreprise a lieu dans un délai de dix jours à compter de la date de la mise à pied. La demande d'autorisation de licenciement est présentée au plus tard dans les quarante-huit heures suivant la délibération du comité d'entreprise.

En l'espèce, il résulte des pièces versées au dossier que l'employeur a mis à pied le salarié à titre conservatoire le 1er octobre 2015 et a consulté le Comité d'entreprise le 16 octobre 2015 puis a saisi l'inspecteur du travail d'une demande d'autorisation de licenciement le 17 octobre 2015, reçue le 20 octobre 2015.

Le manquement de l'employeur aux règles posées à l'article R 2421-6 du code du travail est ainsi établi et ce dernier ne s'explique pas sur ces irrégularités.

- que l'enquête policière n'a jamais mis en évidence les faits de harcèlement moral et sexuel qui lui étaient reprochés au soutien de cette procédure de licenciement, qu'il n'a jamais fait l'objet de poursuites pénales et que l'employeur n'a jamais mené d'enquête interne comme il le soutient :

L'employeur ne verse aux débats aucune pièce relative à l'enquête pénale diligentée suite à la plainte de Mme [U] du 10 septembre 2015 dans laquelle cette salariée accuse M. [S] [E] de lui avoir tenu des propos à caractère sexuel à partir du mois d'octobre 2013, qu'elle qualifie de harcèlement sexuel.

Il est également constant que le salarié n'a fait l'objet d'aucune poursuite pénale suite à ce dépôt de plainte.

Il ressort du procès-verbal du Comité d'entreprise extraordinaire du 16 octobre 2015 que l'employeur n'a diligenté aucune enquête interne suite aux dénonciations de Mme [U] et de Mme [M].

La matérialité de ces faits n'est pas établie.

- que l'analyse de l'inspecteur du travail du 13 novembre 2015 ayant mis en doute les accusations de Mme [U] et de Mme [M] n'a pas fait l'objet d'un recours de la part de l'employeur :

Selon les termes du courrier de convocation de M. [S] [E] à la réunion du Comité d'entreprise du 12 octobre 2015, la procédure de licenciement du mois d'octobre 2015 était fondée sur des propos à connotation sexuelle tenus par ce dernier à l'égard de Mme [U] et un harcèlement moral à l'égard de Mme [M].

Cette convocation précise que ces deux salariés se sont plaintes du comportement de M. [E] par courriers du 28 juin 2015 pour la première et du 19 septembre 2015 pour la seconde.

La décision de rejet de la demande d'autorisation de licenciement du 13 novembre 2015 rendue après enquête contradictoire des 30 octobre 2015 et 4 novembre 2015 est motivée ainsi :

' Considérant qu'il est reproché à M. [E] [S] d'avoir eu à l'encontre de plusieurs salariés de l'EHPAD des propos injurieux et à caractère sexuel et plus particulièrement vis-à-vis de Mme [U] [T], animatrice, et de Mme [M], ASH, au sein de l'établissement, toutes deux ayant alerté la direction par lettre remise en main propre pour la première, le 26 août 2015 et lettre du 19 septembre 2015 pour la seconde, remise en main propre le 23 septembre 2015.

Considérant cet unique grief, que la demande d'autorisation du 17 octobre 2015 mentionne que la direction a été alertée par Mme [U], Mme [M] et Mme [L], psychologue de l'établissement.

Considérant, concernant Madame [U] [T], que le témoignage écrit ne comporte ni date ni signature, qu'il fait état de huit propos qui auraient été tenus par M. [E], propos indépendants les uns des autres et des contextualisés et dont le dernier concerne le sobriquet de 'pom pom' dont l'aurait affublé M. [E] mais ne l'aurait jamais prononcé devant elle, selon ce qu'elle relate.

Considérant que selon le directeur qu'il écrit dans une lettre à nos services le 27 août 2015, ces propos auraient été tenus plus d'un an avant le signalement, dans la mesure où Mme [U] a été embauchée en 2013,qu'elle s'est arrêtée une année, soit de juillet 2014 à juillet 2015, suite à sa grossesse et un congé d'éducation de six mois, puis qu'elle est partie en congés en août 2015 et qu'enfin elle dépose son signalement le 26 août 2015.

Considérant que le signalement de Mme [M] du 19 septembre 2015 remis le 23 septembre 2015 évoque à la fois du harcèlement moral et du harcèlement sexuel en termes très généraux et deux ans après les faits supposés dans la mesure où Mme [M] [Z] a commencé le 3 juin 2013 et est sortie le 19 juillet 2013 avant le terme de sa période d'essai.

Considérant que Mme [L], Psychologue de l'établissement, entendue lors de l'enquête contradictoire, affirme sans donner d'autre précision qu'au moins une personne s'était plainte des agissements de M. [E], sans qu'une quelconque vérification soit possible en l'absence de renseignements sur l'identité de cette personne.

Considérant que le représentant de l'employeur, en l'occurrence M. [P], directeur, a reconnu lors de l'enquête contradictoire que l'enquête interne mentionnée sur la demande d'autorisation n'a pas été menée, qu'il a reçu que Mme [U] et Mme [L], qu'il n'a pas mis en 'uvre les articles L 1153-5 du code du travail quant à la prévention de faits de harcèlement sexuel, qu'il ne démontre pas que les faits sont personnellement imputables à Monsieur [E]

Considérant que la direction affirme dans la demande d'autorisation que les faits dénoncés par Mme [U] ne sont pas isolés au sein de l'EHPAD, que cette affirmation n'a pu être démontrée lors de l'enquête contradictoire.

Considérant que le contexte social de l'EHPAD est très tendu depuis le licenciement de l'ancien directeur, début 2014, alors que l'établissement avait ouvert en juin 2013, que sont également apparues de graves tensions entre les membres du personnel, que des clans se sont formés sur fond d'affrontements syndical entre le syndicat Sud et le syndicat FO.

Considérant qu'un rapport de l'organisme Secafi, en octobre 2015 ( expertise juillet- septembre), suite à un droit d'alerte du CHSCT, fait état du mal-être du personnel, de la souffrance au travail, de rapports dégradés, d'une gestion managériale incohérente, voir laxiste, que par ailleurs la nomination d'un médiateur n'a pas abouti en septembre, qu'enfin un administrateur a été nommé fin octobre 2015 pour gérer l'établissement.

Considérant qu'on ne puisse écarter toute discrimination syndicale envers M. [E], du syndicat Sud, dans la mesure où une déléguée syndicale Sud a été convoquée à un entretien préalable ainsi que la secrétaire du comité d'établissement, que l'infirmière coordonnatrice de Sud, également, a subi des pressions, et a été mis en cause personnellement, ceci entre février et juillet 2015 pour ces trois personnes.

Apprécie sur cet unique grief, que la matérialité des faits n'est pas établie, qu'ils ne peuvent justifier une mesure de licenciement pour faute grave.

Considérant qu'il n'a pas été établi de lien entre le mandat détenu par Monsieur [E] et la présente procédure.'

Il résulte de ces motifs que l'inspecteur du travail a considéré que la matérialité des faits dénoncés par Mme [U], Mme [M] et Mme [L] à l'entre de M. [S] [E] n'était pas établie et il est constant que cette décision n'a pas fait l'objet d'un recours.

- qu'en réalité, la direction avait décidé en 2015 de ' s'attaquer' à tous les élus et salariés protégé du syndicat Sud qui avait organisé une mobilisation pour obtenir la réintégration de l'ancien directeur abusivement limogé et notamment Mme [J], Mme [A] et Mme [W] avant lui:

Il résulte des motifs de la décision de refus d'autorisation du licenciement retranscrits ci-dessus que, dans un temps contemporain à la procédure de licenciement diligentée contre M. [E], plusieurs salariés appartenant également au syndicat Sud on fait l'objet de procédures disciplinaires qui n'ont pas été à leur terme, dans un contexte social très tendu depuis le licenciement de l'ancien directeur en début de l'année 2014.

Il ressort également de la lecture du compte rendu de la réunion du Comité d'entreprise extraordinaire du 16 octobre 2015, que Mme [J], déléguée syndicale Sud, a précisé à cette occasion, sans être contredite par les représentants de la direction de l'association :

- qu'au mois de février 2015 elle-même avait été convoquée à un entretien préalable à sanction

- qu'au mois de juillet 2015, Mme [W], secrétaire du Comité d'entreprise appartenant au syndicat Sud, a également été convoquée à un entretien préalable à sanction disciplinaire

- que toutes ces convocations n'ont été suivies d'aucun entretien préalable et qu'aucune sanction disciplinaire n'a été prononcée ' puisqu'il n'y avait pas de raison valable à cela'.

La matérialité de ces faits est également établie.

Tous ces éléments pris dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une discrimination syndicale en matière de licenciement.

De son côté, l'association ACPPA répond que :

- qu'à son retour de congé de maternité le 24 août 2015, Mme [U] a dénoncé des propos à connotation sexuelle tenus à son égard par M. [S] [E] depuis le mois d'octobre 2013

- que la salariée s'est également confiée à Mme [L], psychologue de l'établissement

- qu'elle a déposé plainte le 10 septembre 2015 contre M. [S] [E] pour harcèlement sexuel

- que le directeur a immédiatement adressé un signalement médecin du travail par courrier du 11 septembre 2015 et a informé l'inspecteur du travail par téléphone et par courrier les 26 et 27 août 2015

- qu'il s'est avéré que Mme [U] n'était pas la seule salariée 'persécutée' par les propos à caractère sexuel de M. [S] [E], ce qu'a confirmé Mme [L]

- que M. [S] [E] a reconnu dans le procès-verbal du comité d'entreprise extraordinaire du 16 octobre 2015 avoir tenu des propos à connotation sexuelle

- que compte tenu de la gravité des faits et de l'atteinte à la sécurité des salariés, l'employeur a décidé d'entamer une procédure de licenciement de M. [S] [E]

- qu'en retenant l'absence de lien entre le mandat détenu par M. [S] [E] et la procédure de licenciement, l'inspecteur du travail a reconnu l'absence de discrimination syndicale

- que le salarié ' n'apporte pas la moindre preuve venant étayer ses allégations de discrimination syndicale' et qu'il ne démontre pas non plus le lien entre la procédure de licenciement et son appartenance à l'organisation syndicale Sud

- que le principe de séparation des pouvoirs interdit de remettre en cause la décision de l'inspecteur du travail ayant considéré que la procédure de licenciement était sans lien avec le mandat du salarié.

L'association ACPPA ne verse pas les courriers de dénonciation des deux salariées à l'origine de la procédure de licenciement contre M. [S]

[E], pas plus que leurs attestations et il est également constant que l'employeur n'a pas diligenté d'enquête interne suite à ces dénonciations.

Le seul courrier adressé au médecin du travail le 11 septembre 2015 par M. [P] dans lequel le directeur de l'association Espace la Charité se fait l'écho des alertes de Mesdames [U] et [M] ne suffit pas à rapporter la preuve de l'existence des propos sexuels et des faits de harcèlement qui ont été reprochés au salarié au soutien de la procédure de licenciement pour faute grave.

S'il est vrai que M. [E] a indiqué lors de la réunion du Comité d'entreprise extraordinaire du 16 octobre 2015 que ' les propos qui me sont reprochés ont été entendus dans beaucoup d'autres établissements, si aujourd'hui on m'incrimine moi pour ces faits, on peut incriminer 50 % du personnel pour les mêmes faits les mêmes termes', cette déclaration, qui ne fait aucune référence aux propos en cause, n'est pas suffisamment explicite pour être considérée comme un aveu dans la mesure où M. [S] [E] a également déclaré juste avant qu'il contestait les faits reprochés et qu'il n'avait pas pu avoir de détails précis sur tout ce qui lui était reproché lors de l'entretien préalable du 9 octobre 2016.

Contrairement à ce que soutient l'association ACPPA, l'inspecteur du travail a bien considéré que la discrimination syndicale ne pouvait être écartée et le dernier considérant de la décision selon lequel 'il n'a pas été établi de lien entre le mandat détenu par M. [E] et la présente procédure' résulte manifestement d'une erreur matérielle dans la mesure où ce considérant est totalement contradictoire à la fois avec les motifs précédents et avec la décision de refus d'autorisation du licenciement.

En conséquence, l'employeur ne rapporte pas la preuve de ce que la procédure de licenciement était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

L'existence d'une discrimination syndicale est ainsi démontrée.

Au vu des éléments de la cause, la cour évalue à la somme de 5 000 euros le montant des dommages et intérêts propres à réparer le préjudice subi par M. [S] [E] du fait de cette discrimination syndicale.

Le jugement déféré sera infirmé de ces chefs.

Sur la recevabilité de la demande tendant à voir reconnaître à la prise d'acte les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Selon l'article 70 du code de procédure civile : 'Les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elle se rattache aux prétentions originaires par un lien suffisant'.

En l'espèce, il est constant que M. [S] [E] a présenté par voie de conclusions du 16 mai 2019 une demande de requalification de la prise

d'acte de rupture intervenue le 31 août 2018 en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Ainsi que le fait justement valoir l'association ACPPA, cette demande additionnelle est irrecevable car elle ne se rattache pas aux prétentions originaires par un lien suffisant.

En effet, le salarié a initialement saisi le conseil des prud'hommes d'une demande de dommages et intérêts pour discrimination syndicale et il résulte de son courrier du 31 août 2018 que sa prise d'acte est fondée sur l'absence de mesures prises par l'employeur pour mettre un terme à la ' cabale' dont M. [E] s'estime victime de la part du personnel soignant de l'établissement.

D'autre part, aucun des éléments versés aux débats ne démontre que cette prise d'acte est également fondée sur une discrimination syndicale perdurant depuis l'année 2015 et l'absence de réaction de l'employeur pour mettre fin à la mauvaise entente avec le personnel soignant n'est d'ailleurs pas invoquée par M. [S] [E] au soutien de sa demande tendant à voir reconnaître une discrimination syndicale.

En conséquence la cour, confirmant le jugement de ce chef, déclare irrecevable la demande tendant à voir produire à la prise d'acte de rupture les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la remise des documents administratifs conformes à l'arrêt :

L'employeur étant condamné au paiement de dommages et intérêts, il n'y a pas eu de droit à cette demande.

Sur les demandes accessoires :

Partie perdante, l'association ACPPA supportera la charge des dépens de première instance et d'appel.

Par ailleurs, M. [S] [E] a dû pour la présente instance exposer tant en première instance qu'en appel des frais de procédure et honoraires non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser intégralement à sa charge.

Il y a donc lieu d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a débouté de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner l'employeur à lui payer sur le même fondement une indemnité de 2500 euros au titre des frais qu'il a dû exposer en première instance et en appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande tendant à voir produire à la prise d'acte les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

INFIRME le jugement en toutes ses autres dispositions et, statuant à nouveau et y ajoutant :

CONDAMNE l'association ACPPA à payer à M. [S] [E] la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour discrimination syndicale, avec intérêts légaux à compter du présent arrêt ;

CONDAMNE l'association ACPPA à payer à M. [S] [E] la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE l'association ACPPA aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.

Le Greffier, Le Président,

S. BOUDRY C. RUIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Riom
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/01063
Date de la décision : 04/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-04;21.01063 ?
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