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14/03/2023 | FRANCE | N°21/01294

France | France, Cour d'appel de Riom, 1ère chambre, 14 mars 2023, 21/01294


COUR D'APPEL

DE RIOM

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE







Du 14 mars 2023

N° RG 21/01294 - N° Portalis DBVU-V-B7F-FTV5

-DA- Arrêt n°



[I] [J] agissant tant en son nom personnel qu'ès qualités de représentant légal de ses fils mineurs [W] et [V] [X], [K] [M] épouse veuve [J] / [O] [J] épouse [NA], [A] [Z]



Jugement au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP du PUY EN VELAY, décision attaquée en date du 09 Mars 2021, enregistrée sous le n° 16/00498



Arrêt rendu le MARDI QUATORZE M

ARS DEUX MILLE VINGT TROIS



COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

M. Philippe VALLEIX, Président

M. Daniel ACQUARONE, Consei...

COUR D'APPEL

DE RIOM

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

Du 14 mars 2023

N° RG 21/01294 - N° Portalis DBVU-V-B7F-FTV5

-DA- Arrêt n°

[I] [J] agissant tant en son nom personnel qu'ès qualités de représentant légal de ses fils mineurs [W] et [V] [X], [K] [M] épouse veuve [J] / [O] [J] épouse [NA], [A] [Z]

Jugement au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP du PUY EN VELAY, décision attaquée en date du 09 Mars 2021, enregistrée sous le n° 16/00498

Arrêt rendu le MARDI QUATORZE MARS DEUX MILLE VINGT TROIS

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

M. Philippe VALLEIX, Président

M. Daniel ACQUARONE, Conseiller

Mme Laurence BEDOS, Conseiller

En présence de :

Mme Céline DHOME, greffier lors de l'appel des causes et du prononcé

ENTRE :

Mme [I] [J] agissant tant en son nom personnel qu'ès qualités de représentant légal de ses fils mineurs [W] et [V] [X]

[Adresse 2]

[Localité 7]

et

Mme [K] [M] épouse veuve [J]

[Adresse 8]

[Localité 5]

Représentées par Maître Barbara GUTTON PERRIN de la SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

Timbre fiscal acquitté

APPELANTES

ET :

Mme [O] [J] épouse [NA]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Maître Sébastien RAHON, avocat au barreau de CLERMONT- FERRANDet par Maître Eric FUMAT de la SCP BONIFACE-HORDOT- FUMAT- MALLON, avocat au barreau de [Localité 9]

Timbre fiscal acquitté

M. [A] [Z]

[Adresse 3]

[Localité 6]

Non représenté

INTIMES

DÉBATS : A l'audience publique du 23 janvier 2023

ARRÊT : DÉFAUT

Prononcé publiquement le 14 mars 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par M. VALLEIX, président et par Mme DHOME, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

PROCÉDURE :

Le procès intéresse la succession de M. [N] [J] décédé le 13 octobre 2014, laissant pour lui succéder son épouse [K] née [M] et ses deux filles [O] [J] épouse [NA] et [I] [J].

Interviennent également à la procédure les enfants respectivement de Mmes [O] [NA] et [I] [J], à savoir : M. [W] [X] et M. [V] [X], fils de Mme [I] [J], et M. [A] [Z], fils de Mme [O] [NA].

Le litige porte sur la validité d'un testament qui avait été rédigé par M. [N] [J] le 5 décembre 2008.

Les 18 et 27 avril 2016 Mme [O] [J] épouse [NA] a fait assigner sa mère Mme [K] [M] veuve [J], sa s'ur Mme [I] [J] ainsi que les enfants mineurs de celle-ci [W] et [V], et enfin son fils M. [A] [Z], devant le tribunal de grande instance du Puy-en-Velay, afin notamment que le testament du 5 décembre 2008 soit déclaré nul en raison de l'insanité d'esprit du disposant.

À l'issue des débats, par jugement du 9 mars 2021, le tribunal judiciaire du Puy-en-Velay a statué comme suit :

« Le tribunal judiciaire du Puy-en-Velay, présidé par [T] [WG], statuant publiquement par jugement réputé contradictoire et susceptible d'appel,

Ordonne le partage judiciaire de la communauté ayant existé entre les époux [J] et de la succession de feu [N] [J] né le 27 mars 1934 à [Localité 10] (57) et décédé le 13 octobre 2014 au Puy-en-Velay (43),

Prononce la nullité du testament en date du 5 décembre 2008,

Désigne, pour procéder aux opérations de liquidation et partage, Me [U], notaire à [Localité 11],

Rappelle que les parties devront remettre au notaire commis toutes les pièces utiles à l'accomplissement de sa mission, qui aura notamment pour objet de :

- [F] tous les comptes ouverts au nom des deux époux au 13 octobre 2014, jour du décès,

- Déterminer le solde de chacun de ces comptes pour le porter à l'actif de la communauté,

- Dresser un compte de récompenses,

- Établir la part de communauté revenant à chaque époux,

- Rechercher les comptes bancaires ouverts, au 13 octobre 2014, au nom de [N] [J] et de Madame [E] [CZ] [M] veuve [J],

- Interroger le FICOBA pour retrouver les coordonnées de tous les comptes bancaires, mêmes joints, ouvertes par le (ou les) défunt(s), aux fins notamment de connaître et consulter les comptes et vérifier les mouvements opérés sur ceux-ci à compter du 13 octobre 2004 (10 ans avant le décès de [N] [J]),

- Au cas où des retraits sans contrepartie auraient été effectués sur ces comptes, en déterminer le bénéficiaire et recueillir les observations des successibles quant à la cause de ces opérations,

- De vérifier l'existence de contrats d'assurance-vie et de vérifier les mouvements opérés sur ces contrats depuis leur ouverture, et de préciser le montant exact des primes versées ainsi que l'identité de leurs bénéficiaires

Rappelle que le notaire commis devra, à l'aide de ces éléments dresser un projet d'état liquidatif dans le délai d'un an à compter de sa désignation.

Commet le juge chargé des liquidations et partages successoraux pour surveiller ces opérations, Dit que la présente décision sera communiquée au notaire par les soins du greffe,

Rappelle que le notaire commis pourra s'adjoindre, si la valeur ou la consistance des biens le justifie, un expert choisi d'un commun accord entre les parties ou, à défaut, désigné par le juge commis.

Rappelle qu'à défaut pour les parties de signer cet état liquidatif, le notaire devra transmettre au greffe un procès-verbal de dires et son projet de partage,

Ordonne l'emploi des dépens en frais généraux de partage,

Dit qu'ils seront supportés par les copartageants dans la proportion de leurs parts dans l'indivision,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, Ordonne l'exécution provisoire.

Réserve toute autre demande jusqu'à l'éventuel procès-verbal de difficultés du notaire si les parties n'arrivent pas à trouver une solution amiable au règlement du litige,

Rappelle que les copartageants peuvent, à tout moment, abandonner les voies judiciaires et poursuivre le partage à l'amiable. »

Sur la validité du testament du 5 décembre 2008, après examen des pièces du dossier, le tribunal judiciaire a conclu : « Dans ces conditions, au regard de tous ces éléments, notamment médicaux, et en l'absence de démonstration d'un intervalle de lucidité contemporain de la rédaction de l'acte, il y a lieu de considérer que le 5 décembre 2008, feu [N] [J] ne pouvait pas valablement disposer de ses biens par voie testamentaire. »

***

Mme [I] [J], agissant en son nom personnel et en qualité de représentant légal de ses fils mineurs [W] et [V], et Mme [K] [M] veuve [J], ont fait appel de cette décision contre Mme [O] [J] épouse [NA], et M. [A] [Z], précisant :

« L'appel tend à obtenir la nullité ou, à tout le moins la réformation de la décision susvisée en ce qu'elle a :

- ordonné le partage judiciaire de la communauté ayant existé entre les époux [J] et de la succession de feu [N] [J] né le 27 mars 1934 à [Localité 10] (57) et décédé le 13 octobre 2014 au Puy-en-Velay (43)

- prononcé la nullité du testament en date du 5 décembre 2008

- désigné, pour procéder aux opérations de liquidation et partage, Me [U], notaire à [Localité 11]

- rappelé que les parties devront remettre au notaire commis toutes les pièces utiles à l'accomplissement de sa mission, qui aura notamment pour objet de :

- [F] tous les comptes ouverts au nom des deux époux au 13 octobre 2014, jour du décès,

- Déterminer le solde de chacun de ces comptes pour le porter à l'actif de la communauté,

- Dresser un compte de récompenses,

- Établir la part de communauté revenant à chaque époux,

- Rechercher les comptes bancaires ouverts, au 13 octobre 2014, au nom de [N] [J] et de Madame [E] [CZ] [M] veuve [J],

- Interroger le FICOBA pour retrouver les coordonnées de tous les comptes bancaires, mêmes joints, ouvertes par le (ou les) défunt(s), aux fins notamment de connaître et consulter les comptes et vérifier les mouvements opérés sur ceux-ci à compter du 13 octobre 2004 (10 ans avant le décès de [N] [J]),

- Au cas où des retraits sans contrepartie auraient été effectués sur ces comptes, en déterminer le bénéficiaire et recueillir les observations des successibles quant à la cause de ces opérations,

- De vérifier l'existence de contrats d'assurance-vie et de vérifier les mouvements opérés sur ces contrats depuis leur ouverture, et de préciser le montant exact des primes versées ainsi que l'identité de leurs bénéficiaires

- rappelé que le notaire commis devra, à l'aide de ces éléments dresser un projet d'état liquidatif dans le délai d'un an à compter de sa désignation.

- commis le juge chargé des liquidations et partages successoraux pour surveiller ces opérations.

- dit que la présente décision sera communiquée au notaire par les soins du greffe,

- rappelé que le notaire commis pourra s'adjoindre, si la valeur ou la consistance des biens le justifie, un expert choisi d'un commun accord entre les parties ou, à défaut, désigné par le juge commis

- rappelé qu'à défaut pour les parties de signer cet état liquidatif, le notaire devra transmettre au greffe un procès-verbal de dires et son projet de partage

- ordonné l'emploi des dépens en frais généraux de partage

- dit qu'ils seront supportés par les copartageants dans la proportion de leurs parts dans l'indivision,

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

- ordonné l'exécution provisoire,

- réservé toute autre demande jusqu'à l'éventuel procès-verbal de difficultés du notaire si les parties n'arrivent pas à trouver une solution amiable au règlement du litige

Cet appel est fondé sur les pièces dont il a été fait état en première instance ou toute autre à produire devant la Cour. »

Dans leurs conclusions nº 6 ensuite du 20 janvier 2023, les appelants demandent à la cour de :

« Vu l'article 901 du code civil

Réformer le jugement rendu le 9 mars 2021 en ce qu'il a prononcé la nullité du testament établi par Monsieur [N] [J] en date du 5 décembre 2008,

Ce faisant, dire qu'il doit être tenu compte de ce testament dans le cadre de la liquidation de la succession de Monsieur [N] [J]

Confirmer le jugement pour le surplus

En tant que de besoin ordonner l'audition ou la consultation du Pr [Y] en application des articles 204 et suivants du code de procédure civile

À défaut commettre un médecin dans la spécialité de neurologie et ordonner une expertise sur pièces tendant à analyser le testament au regard de la capacité de discernement dont pouvait disposer Monsieur [N] [J]

En tout état de cause, rejeter la demande de Madame [NA] tendant à la nullité de l'avenant du 29 septembre 2008.

Rejeter toutes demandes, fins et conclusions prises au nom de Madame [NA] et notamment sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Dire que le notaire commis pour poursuivre la liquidation de la succession pourrait être un notaire désigné par la Chambre départementale des notaires du Rhône

Condamner Madame [NA] à porter et payer à Madame [I] [J] et à Madame [E] [CZ] [J] la somme de 4000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

La condamner en outre aux entiers dépens, tant de première instance que d'appel et faire application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la SELARL LEXAVOUE RIOM CLERMONT prise en la personne de Me [H]. »

***

Dans ses conclusions nº 4 du 20 janvier 2023, Mme [O] [NA] née [J] demande pour sa part à la cour de :

« À titre liminaire,

En l'absence d'appel de cette partie du jugement,

DÉCLARER irrecevable la demande tendant à désigner un Notaire choisi par la Chambre des Notaires du Rhône,

CONFIRMER le jugement dont appel en ce qu'il a désigné Maître [R] [U], Notaire à [Localité 11], pour procéder aux opérations de liquidation et de partage,

A - À titre principal,

Vu les 901 et suivants du Code civil,

Vu son état de démence,

Vu les troubles mentaux persistant dont se trouvait atteint de [N] [J],

Vu son incapacité à faire valablement quelque acte juridique que ce soit,

Vu l'article 146 du Code de Procédure Civile,

Vu les articles 204 et suivants du même Code,

REJETER la demande des appelants tendant à l'audition du Pr [Y],

CONFIRMER le jugement en ce qu'il a prononcé la nullité des actes juridiques réalisés par [N] [J] alors qu'il était victime de troubles mentaux,

DÉCLARER nul et de nul effet le testament rédigé par [N] [J] le 5 décembre 2008,

Vu l'article 757 du Code Civil,

Vu l'article 758-3 du Code Civil.

Vu l'option faite par Madame [K] [J],

DÉCLARER que la succession de [N] [J] se répartira de la manière suivante :

- Madame veuve [J] : 1/4 en pleine propriété et 3/4 en usufruit

- Madame [O] [D] : 3/8ème en nue-propriété

- Madame [I] [J] : 3/8ème en nue-propriété

B - À titre très infiniment subsidiaire.

Si par extraordinaire, la Cour ne faisait pas droit à la demande d'annulation du testament de [N] [J],

Vu l'article 913 du Code Civil,

Vu l'article 920 du Code Civil,

Vu l'article 1077-2 du même Code,

DÉCLARER que le testament de [N] [J] porte atteinte à la réserve de Madame [O] [D] en ce qu'il la prive de toute part dans la succession,

DÉCLARER RECEVABLE ET BIEN FONDÉE l'action en reconstitution de la réserve de Madame [D],

L'AUTORISER à mener, au décès de Madame [K] [J], une action en réduction des legs pour reconstituer sa réserve héréditaire

C - Vu l'arrêt de la Cour de cassation, 25 septembre 2013 nº12-23.197 (Cote doctrine J)

PRONONCER la nullité de l'avenant signé le 29 septembre 2008 auprès de la Compagnie PARNASSE MAIF, (PIECE 29)

ENJOINDRE à la Compagnie MAIF PARNASSE de révéler au Notaire le nom des bénéficiaires portés sur le contrat d'assurance avant la modification de la clause bénéficiaire.

D - Vu l'article 700 du Code de Procédure Civile,

CONDAMNER solidairement Madame [E] [CZ] et Madame [I] [J] agissant tant en son nom personnel qu'es qualités de représentant légal de ses fils mineurs, [W] [X] et [V] [X] à payer à Madame [O] [D] une participation de 6.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile pour les frais exposés en cause d'appel,

CONDAMNER Madame [E] [CZ] et Madame [I] [J] agissant tant en son nom personnel qu'es qualités de représentant légal de ses fils mineurs, [W] [X] et [V] [X] aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de Maître Sébastien RAHON, Avocat sur son affirmation de droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC. »

***

La déclaration d'appel a été signifiée à M. [A] [Z] le 2 août 2021 selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile.

Il ne comparaît pas devant la cour.

***

La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fait ici expressément référence au jugement entrepris ainsi qu'aux dernières conclusions déposées, étant précisé que le litige se présente céans de la même manière qu'en première instance.

La clôture de la procédure a été prononcée à l'audience des plaidoiries le 23 janvier 2023.

***

Par message RPVA du 1er février 2023 la cour sollicite une note en délibéré, en ces termes :

« Par note en délibéré de ce jour, la cour demande à Maître [H] [C], conseil des consorts [J], appelants, de produire l'avenant du 29 septembre 2008 au contrat d'assurance-vie souscrit par M. [N] [J] auprès de la compagnie PARNASSE-MAIF.

La cour précise qu'il n'y a pas lieu à réouverture des débats, étant considéré que les parties ont suffisamment échangé sur ce point dans leurs écritures avant l'audience des plaidoiries clôturant les débats.

La production de cette pièce devra être faite dans les quinze jours du présent message, faute de quoi la cour tirera toutes conséquences d'une éventuelle carence. »

MOTIFS :

1. Sur la procédure

a. Concernant la demande de désignation d'un autre notaire

Dans les motifs de sa décision dont appel du 9 mars 2021, le tribunal judiciaire du Puy-en-Velay, faute d'accord des parties, a désigné le président de la chambre des notaires d'Auvergne avec faculté de délégation, à l'exclusion de la SCP Barre et Faure, pour procéder aux opérations de partage et liquidation de la succession de M. [N] [J] (page 2).

Curieusement, dans le dispositif de cette même décision, le premier juge désigne, sans mieux s'en expliquer, Maître [U], notaire à [Localité 11] (Haute-Loire).

Dans le dernier état de leurs conclusions nº 6 du 11 janvier 2023 les consort [J] demandent notamment à la cour de « Dire que le notaire commis pour poursuivre la liquidation de la succession pourrait être un notaire désigné par la Chambre départementale des notaires du Rhône ».

Mme [O] [NA] s'oppose à cette réclamation et sollicite à titre liminaire qu'elle soit déclarée irrecevable en application de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, faute pour les consort [J] d'avoir « relevé appel de cette partie du jugement ».

Or cette affirmation est inexacte puisque dans leur déclaration d'appel du 11 juin 2021 les consort [J] ont expressément écrit qu'ils sollicitent la réformation de la décision en ce qu'elle a « désigné, pour procéder aux opérations de liquidation et partage, Me [U], notaire à [Localité 11] ».

Il est exact par contre que dans leurs premières conclusions céans du 13 septembre 2021, les consort [J] demandaient seulement à la cour de réformer le jugement en ce qu'il a prononcé la nullité du testament du 5 décembre 2008 ; dire en conséquence qu'il doit être tenu compte de ce testament dans le cadre de la liquidation de la succession de M. [N] [J] ; condamner Mme [NA] à payer aux appelants la somme de 4000 EUR en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens de première instance et d'appel.

En pareil cas ce n'est pas l'article 954 du code de procédure civile qui s'applique, mais l'article 910-4 en ce qu'il dispose :

À peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.

Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Dans leurs premières conclusions à la cour le 13 septembre 2021 les appelants n'ont pas sollicité la désignation d'un notaire dans le département du Rhône, moyennant quoi leur demande ultérieure du même chef doit être jugée irrecevable, étant précisé que pour sa part Mme [NA] sollicite la confirmation du jugement en ce que le tribunal a désigné Maître [R] [U] notaire à [Localité 11].

À toutes fins utiles la cour rappelle que dans pareille situation les parties peuvent toujours se faire assister par le notaire de leur choix.

b. Sur la qualification de la demande de Mme [O] [NA] concernant l'avenant du 29 septembre 2008

Dans le dispositif de ses écritures page 34, Mme [O] [NA] forme une demande exprimée comme suit :

« C - Vu l'arrêt de la Cour de cassation, 25 septembre 2013 nº 12-23.197 (Cote doctrine J)

PRONONCER la nullité de l'avenant signé le 29 septembre 2008 auprès de la Compagnie PARNASSE MAIF, (PIÈCE 29)

ENJOINDRE à la Compagnie MAIF PARNASSE de révéler au Notaire le nom des bénéficiaires portés sur le contrat d'assurance avant la modification de la clause bénéficiaire. »

Dans leurs conclusions page 29, les consort [J] écrivent que cette demande est formée par Mme [NA] « à titre subsidiaire ».

Or la lecture du dispositif des conclusions de Mme [NA] montre que cette interprétation est inexacte. En effet, l'intimée divise le dispositif de ses conclusions en quatre parties A, B, C et D. La partie A comporte la demande principale concernant la confirmation de l'annulation du testament du 5 décembre 2008. La partie B comporte un « infiniment subsidiaire » « si par extraordinaire, la Cour ne faisait pas droit à la demande d'annulation du testament de [N] [J] ». La partie C contient la demande relative à l'avenant litigieux dans le contrat d'assurance-vie. La partie D enfin contient les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens. On voit par conséquent que chaque partie est indépendante et que la partie B « infiniment subsidiaire » se rapporte uniquement à la partie A en cas d'échec de la demande de confirmation contenue dans celle-ci.

En conséquence, il convient de considérer que la réclamation relative à la nullité de l'avenant du 29 septembre 2008 constitue une demande principale et non pas subsidiaire. Et dans la mesure où les appelants y répondent dans leurs conclusion page 29, en sollicitant le rejet de la demande de nullité de cet avenant, la cour tranchera également cette question, considérant qu'elle lui est valablement soumise.

2. Sur le fond

a. sur la validité du testament du 5 décembre 2008

Deux problèmes sont soumis à la cour : la forme du testament, à la rédaction duquel une tierce personne a participé, et la capacité intellectuelle du testateur à exprimer librement sa volonté.

Concernant la forme du testament, les parties débattent à propos des ajouts faits par Mme [K] [J], épouse du testateur.

Mme [NA] allègue dans ses écritures que non seulement le testateur n'était pas en pleine possession de ses moyens intellectuels le 5 décembre 2008, mais encore que la lecture du testament « révèle la présence de deux écritures », Mme [K] [J], épouse de M. [N] [J], ayant avoué être l'auteur des surcharges, ce que les consort [J] ne contestent pas, minimisant les ajouts « certes maladroits » mais purement formels de Mme [J]. Dans les motifs de sa décision le tribunal a écrit que l'intervention de l'épouse du testateur prouvait que celui-ci « n'était pas en capacité de rédiger correctement la libéralité litigieuse », mais il n'a pas examiné la question de la validité du testament spécialement sous l'angle des ajouts effectués par Mme [K] [J]. Au demeurant, la cour ne sait pas si la question lui était posée de cette manière dans la mesure où les écritures de première instance de Mme [NA] ne sont pas produites par les parties et où le tribunal, ayant procédé par visas, ne les a pas reproduites ou synthétisées.

Concernant les ajouts effectués par Mme [K] [J], qui ne sont pas contestés, l'article 970 du code civil dispose que « Le testament olographe ne sera point valable s'il n'est écrit en entier, daté et signé de la main du testateur : il n'est assujetti à aucune autre forme. » Il est cependant constant que l'assistance matérielle d'un tiers n'est pas totalement prohibée, dès lors que l'écriture du testateur demeure reconnaissable et que l'intervention du tiers n'est pas prépondérante au point de modifier l'expression de sa volonté.

En l'espèce, s'il est exact que Mme [K] [J] a ajouté de sa main deux éléments sur le testament rédigé par son mari le 5 décembre 2008, il ne s'agit que de mentions très mineures consistant à préciser son propre lieu de naissance, étant elle-même bénéficiaire d'un usufruit total dans cet acte, ainsi qu'à écrire les mots « un tiers » au lieu du chiffre 1/3 utilisé par M. [N] [J] à la dixième ligne. Ces ajouts, qui ne peuvent pas être considérés comme des corrections de nature à modifier le sens du document, sont donc sans incidence sur la validité de celui-ci au regard de l'article 970 du code civil.

Il convient maintenant d'examiner la question de la capacité intellectuelle du testateur à exprimer librement sa volonté.

Le texte applicable en pareil cas est l'article 901 du code civil qui dispose : « Pour faire une libéralité, il faut être sain d'esprit. La libéralité est nulle lorsque le consentement a été vicié par l'erreur, le dol ou la violence. »

Par principe, la charge de la preuve de l'insanité d'esprit du testateur incombe à celui qui agit en annulation du testament (1re Civ., 26 mai 1964, Bulletin 1964 nº 276). Cependant, il est admis que les juges peuvent prononcer la nullité d'un testament pour insanité d'esprit de son auteur en se fondant sur l'état habituel du testateur à l'époque ou le testament a été rédigé, sauf au bénéficiaire de la libéralité à établir que le rédacteur du testament était exceptionnellement dans un intervalle de lucidité au moment de la confection de l'acte (1re Civ., 11 juin 1980, nº 78-15.129). En conséquence la preuve de l'insanité d'esprit dans la période proche de la libéralité fait présumer que, lors de l'établissement du testament, le disposant était en état de trouble mental et il appartient à celui qui se prévaut d'un tel testament de démontrer qu'au moment précis de l'acte, le testateur se trouvait dans un état de lucidité (cour d'appel de Paris, Chambre 2 section B, 13 janvier 2000, JurisData : 2000-106592).

De longue date la jurisprudence a été amenée à se prononcer sur la notion d'insanité d'esprit. La définition de principe en a été posée par la Cour de cassation dans un arrêt du 4 février 1941, dont l'attendu principal est ainsi libellé : Attendu que l'insanité d'esprit prévue par ce texte comme cause de nullité des dispositions à titre gratuit émanées de celui qui en était atteint au moment de ces libéralités, comprend toutes les variétés d'affections mentales par l'effet desquelles l'intelligence du disposant aurait été obnubilée ou sa faculté de discernement déréglée.

Au fil du temps les juridictions du fond ont dégagé plusieurs critères pour tenter de cerner au mieux la notion d'insanité d'esprit selon les affaires qui leur étaient présentées : une annihilation de l'intelligence et un dérèglement du discernement excluant une volonté libre et réfléchie ; une détérioration ou une altération des facultés intellectuelles avec trouble de la mémoire, du jugement et du raisonnement mettant hors d'état de manifester une volonté ou de rédiger un testament ; une incapacité d'exprimer une volonté éclairée libre et consciente ; un affaiblissement de l'intelligence, de la faculté de discernement ou encore un affaiblissement mental important ; une affection touchant à l'intelligence et à la lucidité ; une affection de la lucidité d'un disposant ne procédant pas d'une maladie mentale spécifique ; de graves troubles du comportement (cf. JurisClasseur Civil Code - Article 901 Fasc. unique  Donations et testaments » - Capacité de disposer ou de recevoir par donation entre vifs ou par testament - Existence du consentement, § 4).

En synthèse, ces définitions se rejoignent pour déterminer que l'insanité d'esprit d'une personne procède de toute affection mentale suffisamment grave pour altérer ses facultés au point de la priver de la capacité de discerner le sens et la portée de l'acte auquel elle participe.

Il convient maintenant, à la lumière de l'article 901 du code civil, des jurisprudences ci-avant citées et des éléments de la cause, d'aborder la question de la capacité de M. [N] [J] à rédiger son testament le 5 décembre 2008 de manière libre et éclairée, en pleine possession de tous ses moyens intellectuels.

M. [N] [J] est décédé le 13 octobre 2014. Il avait rédigé un testament olographe le 5 décembre 2008, qui est l'objet du litige.

Dans leurs plus récentes conclusions du 20 janvier 2023 (pages 19 et 20) les consort [J] écrivent que M. [N] [J] était atteint de la maladie d'Alzheimer, dont le premier diagnostic avait été posé « en 2008 ». Ils soutiennent néanmoins que nonobstant cette maladie M. [N] [J] était resté en possession de ses facultés intellectuelles, en tout cas suffisamment lucide et parfaitement capable le 5 décembre 2008 de rédiger son testament en pleine conscience et d'exprimer sa volonté de manière précise et pertinente, moyennant quoi le testament est parfaitement valable.

Mme [NA] plaide au contraire qu'à la date de rédaction de l'acte son père était atteint d'un trouble mental persistant « depuis 2005 jusqu'à son décès » et n'était plus capable de comprendre la portée de ses choix, de sorte que selon elle il a « recopié un texte dont il ne comprenait pas un traître mot » (conclusions du 20 janvier 2023 pages 10 et 18).

Dans la décision dont appel du 9 mars 2021 le tribunal judiciaire du Puy-en-Velay a donné raison à Mme [NA] et annulé le testament pour cause d'insanité d'esprit de M. [N] [J] à la date où le document a été rédigé.

Il résulte du dossier les éléments suivants.

Plusieurs années avant la date du testament litigieux, M. [N] [J] avait été frappé par un infarctus au mois de juin 2005. À partir de cette période, les pièces médicales attestant du suivi de sa situation montrent que le patient a présenté des troubles en relation avec une complication encéphalique.

C'est ainsi que le professeur [Y] qui prodigue ses soins à M. [N] [J] au centre hospitalier universitaire de [Localité 9], service de neurologie, note dans une lettre à son confrère le docteur [B] le 7 septembre 2005 qu'un phénomène « un peu inattendu après l'infarctus du mois de juin » est apparu avec des petites difficultés de langage par « manque du mot », des petits problèmes de spatialisation, des hallucinations visuelles, un trouble de l'enregistrement et un phénomène d'agitation confuse.

Un bilan neuropsychologique établi au CHU de [Localité 9] au mois d'octobre 2005 montre « une altération des capacités d'encodage et d'apprentissage d'une liste de mots ». La psychologue qui a réalisé le bilan note qu'il est préférable de surveiller l'évolution de ces difficultés qui ont été repérées par l'entourage familial.

Le 6 septembre 2006 le professeur [Y], écrivant de nouveau au docteur [B] note que M. [N] [J] se rend compte lui-même qu'il a « des petites difficultés pour les mots, l'accès aux noms propres, le rangement des affaires et le fonctionnement des instruments comme le portable, l'appareil à photos », même s'il reste complètement autonome pour beaucoup d'activités comme la conduite automobile. Le professeur [Y] estime que l'on se situe dans une zone de diagnostic « un petit peu incertaine » avec des lésions vasculaires mais des troubles qui « excèdent ce que laisserait attendre ce type de lésions vasculaires ». Il évoque une petite atteinte dégénérative au niveau des hippocampes, préconise un traitement symptomatique de type REMINYL LP et souhaite le revoir dans six mois.

Le Docteur [S], neurologue spécialisée dans les pathologies de la mémoire et du langage, a reçu également M. [N] [J] en consultation le 30 novembre 2006, à la suite de quoi il écrit au docteur [B] : « au total, j'ai indiqué à M. [J] et à sa fille les ambiguïtés diagnostiques mais on peut très certainement conclure à ce tableau de maladie d'Alzheimer avec composante cérébro-vasculaire justifiant la prise de REMINYL. »

Au mois de septembre 2007 une « consultation de dépistage de la plainte mnésique » par une psychologue conclut à une évolution du processus neurodégénératif « relativement lente ».

Une orthophoniste consultée le 3 octobre 2007 observe « une légère dégradation des capacités cognitives de M. [J] ces derniers temps ».

Le 29 septembre 2008 dans une lettre qu'il adresse une nouvelle fois au docteur [B], le professeur [Y] ayant reçu en consultation M. [N] [J] écrit : « Il évolue doucement vers un déficit plus global que le langage et actuellement, la présentation est quand même très proche d'une maladie d'Alzheimer car à l'entrée par le déficit de langage, s'ajoutent maintenant des troubles de mémoire, des troubles de l'orientation spatiale et des troubles praxiques dans l'utilisation des objets mêmes courant, télécommande, cafetière' donc dans un processus qui est à la fois dégénératif et vasculaire car tout avait débuté assez brutalement à la suite de son infarctus et on voyait pas mal de lésions vasculaires sur son cerveau. Il a un déclin cognitif lent mais certain malgré un traitement à visée vasculaire, malgré le REMINYL. Je rajoute le TOPCO mais évidemment, on n'aura pas beaucoup de changements évolutifs dans l'avenir ['] Donc je pense qu'on est dans une maladie d'Alzheimer qui avait commencé par le langage et qui actuellement diffuse à d'autres domaines, cognitif comme l'espace, les manipulations d'objets et surtout la mémoire. »

L'orthophoniste qui reçoit M. [N] [J] en consultation le 6 octobre 2008, écrit au docteur [B] qu'elle a constaté « depuis un an une détérioration importante des capacités cognitives de M. [J] lors des séances d'orthophonie » au cours desquelles il est « de plus en plus perdu surtout dans le temps ». Elle note qu'il ne peut plus gérer seul l'agenda ni retrouver la date du jour.

Tous ces événements, antérieurs au testament du 5 décembre 2008, permettent à l'évidence de conclure à une dégradation certaine des capacités cognitives et intellectuelles de M. [N] [J] à partir de l'infarctus dont il avait été victime au mois de juin 2005, avec une accélération à partir de l'année 2007, étant observé que dès sa consultation du 6 septembre 2006 le professeur [Y] avait préconisé l'emploi du REMINYL qui est un médicament indiqué pour tenter de ralentir la progression des symptômes de la maladie d'Alzheimer.

Les plus récentes observations du professeur [Y] le 29 septembre 2008 montrent un déclin cognitif réel en ce que par exemple M. [N] [J] n'est plus capable de s'orienter dans l'espace ni d'utiliser les objets de la vie quotidienne. On comprend mal dans ces conditions comment ce même médecin peut valablement écrire dans une lettre du 10 mars 2022 qu'après avoir analysé le testament, son écriture, son orthographe et la sémantique, il considère que ce document « est recevable juridiquement » et « doit être considéré comme valide, les troubles aphasiques ne témoignant pas d'un désordre de la pensée et n'altérant pas la capacité de décision. »

Si l'on se place maintenant à peu de distance en aval du testament, il résulte d'un document médical établi par le Docteur [G] le 2 mars 2009, soit moins de trois mois après le 5 décembre 2008, que M. [N] [J] tient de plus en plus des propos incohérents « avec un manque du mot marqué ». Il lui arrive de se perdre dans sa maison où il ne se reconnaît pas comme étant chez lui. Il est totalement dépendant de sa femme qui lui fait sa toilette et « doit être présente lorsqu'il se rase car il ne sait plus utiliser les objets. » Elle ne peut plus le laisser seul que quelques minutes. Dans un second certificat du 16 avril 2009 le Docteur [G] mentionne que suivant les tests réalisés, M. [N] [J] ne sait plus converser ni se comporter de manière sensée, ni se repérer dans le temps les moments de la journée et les lieux. Il ne peut plus s'habiller, se déshabiller et faire seul sa toilette, ni se déplacer à l'extérieur ou utiliser des moyens de télécommunication comme le téléphone, la sonnette et le bouton d'alarme.

Ces éléments dans leur ensemble permettent de sérieusement douter des capacités intellectuelles de M. [N] [J] au moins à partir du dernier trimestre 2008, ce que confirme l'observation du testament rédigé le 5 décembre 2008.

On constate en premier lieu que les termes juridiques complexes employés dans ce document « usufruit de l'universalité des biens qui composeront ma succession », « fournir la caution prévue par l'article 601 du code civil », apparaissent peu compatibles avec l'état mental avéré du testateur à cette époque. Par ailleurs, le document lui-même comporte des ratures et des corrections qui laissent planer un sérieux doute sur les capacités intellectuelles du rédacteur. Ainsi, sur la sixième ligne le mot « universalité » est écrit d'abord « unaversalité » puis corrigé. À la neuvième ligne le mot « caution » a été raturé et corrigé, il était manifestement mal orthographié. À la 14e ligne dans la phrase « qui recevra ainsi la part de sa mère », le mot « sa » a semble-t-il été écrit deux fois puis raturé. À la 15e ligne les mots « un sixième » ont d'abord été écrits « un 1/6 », puis le « 1/6 » a été raturé. À la 17e ligne les mots « un sixième » ont été écrits « un 6e sixième » et le mot « biens » est fortement raturé sur la première lettre. La 18e ligne témoigne de la difficulté de M. [N] [J] à écrire les mots « mon petit-fils [V] [P] [J] », cette phrase pourtant simple comporte plusieurs ratures, le scripteur ayant manifestement eu du mal à la rédiger correctement, écrivant d'abord « mon petit [L] fils [V]' »

Ces erreurs et incohérences dans la rédaction même du testament témoignent d'un affaiblissement de l'esprit difficilement compatible avec une pensée lucide. Par conséquent, dans la mesure où le testament litigieux a été rédigé le 5 décembre 2008, alors que la maladie d'Alzheimer du testateur avait été diagnostiquée de manière certaine cette année-là, avec une dégradation très nette de ses facultés à tout le moins à partir du mois de septembre 2008, il convient de considérer que l'on se trouve dans la situation où les appelants doivent démontrer que nonobstant la pathologie dont souffrait leur auteur, il demeurait capable lors de la rédaction de l'acte d'en comprendre parfaitement les termes et la portée.

C'est donc sans renverser la charge de la preuve que le premier juge a considéré que dans ce cas particulier il appartenait aux consorts [J] de prouver que M. [N] [J] « était lucide au moment de la rédaction de l'acte litigieux ».

Les très nombreux témoignages produits au dossier par les consort [J] tendent à démontrer, en synthèse, que malgré sa maladie M. [N] [J] avait conservé au moins jusqu'en 2009 une bonne lucidité qui lui permettait de mener une vie sociale à peu près normale.

Cependant, outre le caractère nécessairement subjectif d'appréciations portées par des proches ou des amis, ces témoignages ne sont pas suffisants pour permettre de conclure de manière certaine qu'au-delà des apparences l'intéressé disposait encore à la fin de l'année 2008 des capacités de discernement lui permettant de décider seul, librement et en pleine conscience, du sort de ses biens après sa mort. En ce sens, les consorts [J] échouent à rapporter la preuve qui leur incombe.

Ensemble la rédaction pour le moins malaisée du testament et les éléments médicaux incontestables ci-dessus analysés, conduisent au contraire à considérer que le 5 décembre 2008 M. [N] [J] ne disposait plus d'une lucidité suffisante pour exprimer sa volonté de manière libre et éclairée, s'agissant non pas des choses simples de la vie quotidienne mais du devenir d'un patrimoine, au surplus établi suivant des modalités juridiques complexes.

Ces éléments conduisent à la confirmation du jugement concernant l'annulation du testament du 5 décembre 2008.

b. Sur l'assurance-vie

Les parties sont également en litige à propos d'un avenant du 29 septembre 2008 à un contrat d'assurance-vie souscrit par M. [N] [J] auprès de la compagnie PARNASSE MAIF. Mme [O] [NA] demande à la cour de prononcer la nullité de cet avenant qui selon elle n'a pas été rédigé par M. [N] [J] mais écrit par Mme [K] [J]. Les consort [J] sollicitent le rejet de cette réclamation, au motif que « si les demandes concernant les avenants du 1er mars 2009 ont bien été rédigées par Mme [K] [J], cela ne démontre pas que l'avenant du 29 septembre 2008, qui est antérieur de plus de six mois à ceux du 1er mars 2009, l'aurait également été » (conclusion nº 6 à la cour page 30).

Le tribunal n'a pas tranché cette question qui semble-t-il ne lui était pas posée en ces termes, mais quoi qu'il en soit les deux parties en débattent maintenant devant la cour et ne soulèvent nul motif d'irrecevabilité.

Il convient de rappeler que dans les assurances sur la vie, l'assuré peut modifier jusqu'à son décès le nom du bénéficiaire dès lors que la volonté du stipulant est exprimée d'une manière certaine et non équivoque (1re Civ., 6 mai 1997, nº 95-15.319 ; 2e Civ., 13 septembre 2007, nº 06-18.199). Il est par ailleurs constant que la modification de la clause bénéficiaire d'un contrat d'assurance-vie par une simple signature au bas d'un avenant pré-rédigé ne suffit pas à établir que le souscripteur ait eu connaissance du contenu et de la portée exacts du document, ni qu'il ait exprimé la volonté certaine et non équivoque de modifier les bénéficiaires du contrat (1re Civ., 25 septembre 2013, nº 12-23.197).

Or aucune partie ne versait au dossier l'avenant litigieux, de sorte que la cour n'était pas en mesure de vérifier quoi que ce soit. Par message RPVA du 1er février 2023 elle a donc émis une note en délibéré, demandant au conseil des consorts [J] de produire l'avenant du 29 septembre 2008 au contrat d'assurance-vie souscrit par M. [N] [J] auprès de la compagnie PARNASSE-MAIF, sans réouverture des débats.

La production de cet avenant a été faite par message RPVA le 15 février 2023.

Par comparaison avec les autres documents versés au dossier, il est aisé de constater que cet avenant a été entièrement rédigé de la main de M. [N] [J], daté et signé par lui sous la mention manuscrite « Lu et approuvé ». Les autres mentions manuscrites contenues dans ce document ne sont pas de nature à permettre de douter de la lucidité de son rédacteur à cette date. En conséquence, la demande de nullité présentée à ce double titre par Mme [O] [NA] sera rejetée.

Il n'y a pas lieu dès lors d'enjoindre à l'assureur de communiquer le nom du bénéficiaire, dans la mesure où cette pièce est désormais produite. En toute hypothèse dans le dispositif de sa décision le tribunal judiciaire donne mission au notaire de « vérifier l'existence de contrats d'assurance-vie et de vérifier les mouvements opérés sur ces contrats depuis leur ouverture, et de préciser le montant exact des primes versées ainsi que l'identité de leurs bénéficiaires. »

c. Sur les autres demandes

La répartition de la succession relève de la compétence du notaire qui en est chargé, il n'y a pas lieu en l'état de statuer sur ce point.

Les motifs de la cour rendent inutiles et sans objet la demande d'expertise et celle consistant à entendre le professeur [Y].

3000 EUR sont justes en application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de Mme [NA].

Les dépens d'appel seront supportés par les consort [J].

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et par arrêt rendu par défaut,

Confirme le jugement ;

Y ajoutant, déboute Mme [O] [NA] de sa demande de nullité de l'avenant signé par M. [N] [J] le 29 septembre 2008 auprès de la compagnie PARNASSE-MAIF ;

Condamne les consort [J] à payer à Mme [O] [NA] la somme unique de 3000 EUR en application de l'article 700 du code de procédure civile devant la cour ;

Condamne les consort [J] aux dépens d'appel ;

Déboute les parties de leurs autres demandes.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Riom
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21/01294
Date de la décision : 14/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-14;21.01294 ?
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