21 FEVRIER 2023
Arrêt n°
ChR/NB/NS
Dossier N° RG 20/01711 - N° Portalis DBVU-V-B7E-FPYZ
[C] [T]
/
[S] [N]
jugement au fond, origine conseil de prud'hommes - formation paritaire de moulins, décision attaquée en date du 23 octobre 2020, enregistrée sous le n° f18/00004
Arrêt rendu ce VINGT ET UN FEVRIER DEUX MILLE VINGT TROIS par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :
M. Christophe RUIN, Président
Mme Frédérique DALLE, Conseiller
Mme Sophie NOIR, Conseiller
En présence de Mme Nadia BELAROUI greffier lors des débats et du prononcé
ENTRE :
M. [C] [T]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me William HILLAIRAUD de la SCP SCP D'AVOCATS W. HILLAIRAUD - A. JAUVAT, avocat au barreau de MOULINS
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/000972 du 02/04/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de CLERMONT-FERRAND)
APPELANT
ET :
M. [S] [N]
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représenté par Me Gilles-jean PORTEJOIE de la SCP PORTEJOIE, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
INTIME
Après avoir entendu M. RUIN, Président en son rapport, les représentants des parties à l'audience publique du 05 Décembre 2022, la Cour a mis l'affaire en délibéré, Monsieur le Président ayant indiqué aux parties que l'arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE
Monsieur [S] [N] a exploité une entreprise individuelle dans le secteur d'activité des travaux de plâtrerie.
Monsieur [C] [T], né le 2 août 1981, soutient avoir travaillé pour le compte de Monsieur [S] [N] au cours de l'année 2017.
Par requête expédiée le 12 janvier 2018, Monsieur [C] [T] a saisi le conseil de prud'hommes de MOULINS d'une demande tendant à voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusif de son employeur, Monsieur [S] [N], outre juger que la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et obtenir diverses sommes à titre de rappel de salaires et d'indemnités.
L'audience devant le bureau de conciliation et d'orientation s'est tenue en date du 14 février 2018 et, comme suite au constat de l'absence de conciliation, l'affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement.
Parallèlement, en suite d'un dépôt de plainte de l'URSSAF, le tribunal correctionnel de MOULINS a, suivant jugement du 16 octobre 2019, déclaré Monsieur [S] [N] coupable de travail dissimulé. Par arrêt rendu contradictoirement le 30 septembre 2020, la Cour d'appel de RIOM a confirmé ce jugement en ce qu'il a reconnu Monsieur [S] [N] coupable de travail dissimulé.
Par jugement contradictoire en date du 23 octobre 2020 (audience du 29 mai 2020), le conseil de prud'hommes de MOULINS a :
- dit qu'il n'existe pas de relation contractuelle employeur-salarié entre Monsieur [S] [N] et Monsieur [C] [T] ;
- débouté Monsieur [C] [T] de l'ensemble de ses demandes ;
- débouté Monsieur [S] [N] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné Monsieur [C] [T] aux éventuels dépens de la présente instance.
Le 25 novembre 2020, Monsieur [C] [T] a interjeté appel de ce jugement notifié à sa personne le 27 novembre 2020.
Vu les dernières écritures notifiées le 5 janvier 2021 par Monsieur [C] [T],
Vu les dernières écritures notifiées le 4 février 2021 par Monsieur [S] [N],
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 7 novembre 2022.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses dernières écritures, Monsieur [C] [T] conclut à l'infirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions et demande à la cour, statuant à nouveau, de :
- dire que la résiliation du contrat le liant à Monsieur [S] [N] est imputable à ce dernier ;
- en conséquence, condamner Monsieur [S] [N] à lui payer et porter les sommes de :
* 1.645,00 euros à titre d'indemnité de préavis,
* 165,00 euros au titre des congés payés sur préavis,
* 7.135,00 euros au titre des rappels de salaire,
* 1.151,00 euros au titre des congés payés,
* 9.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé ;
- condamner Monsieur [S] [N] sous astreinte à établir un contrat de travail, à lui remettre l'intégralité de ses fiches de salaire et sa déclaration d'embauche dans les huit jours de la décision à intervenir et à défaut, sous astreinte de 30 euros par jour de retard;
- condamner Monsieur [S] [N] au paiement d'une somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Monsieur [C] [T] soutient avoir été embauché le 10 mai 2017 par Monsieur [S] [N] sans qu'un contrat de travail écrit ne soit régularisé entre les parties et avoir effectué de nombreuses heures de travail à raison de 48 heures hebdomadaires. Il ajoute qu'il a été victime d'un accident du travail le 7 décembre 2017 et qu'il n'a dès lors plus jamais réussi à prendre à contact avec son employeur. Il précise que la cour d'appel de RIOM, par arrêt du 30 septembre 2020, a confirmé la condamnation de Monsieur [S] [N] du chef de travail dissimulé. Il s'estime en conséquence bien fondé, eu égard aux différents manquements ainsi décrits de l'employeur, en sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, celle-ci devant dès lors produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il sollicite en outre l'indemnisation afférente, un rappel de salaires pour la période de mai à septembre 2017, ainsi que la somme de 1.151,00 euros au titre de son droit à congés payés.
L'appelant considère en outre que l'employeur s'est rendu coupable de travail dissimulé à son égard et sollicite la somme de 9.000 euros à titre de dommages et intérêts.
Monsieur [C] [T] réclame enfin la condamnation de l'employeur à établir un contrat de travail ainsi qu'à lui remettre l'ensemble de ses bulletins de paie ainsi que sa déclaration d'embauche dans les huit jours à compter de la décision à intervenir, et à défaut sous astreinte de 30 euros par jour de retard.
Dans ses dernières écritures, Monsieur [S] [N] conclut à la confirmation du jugement entrepris et demande à la cour, y ajoutant, de condamner Monsieur [C] [T] à lui payer et porter la somme de 2. 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
L'intimé expose avoir, par l'intermédiaire d'une connaissance commune, accepté de sous-traiter quelques chantiers à Monsieur [C] [T] du mois de juin au 6 décembre 2017 et relève que lorsqu'il a eu connaissance du défaut de qualité d'auto-entrepreneur de celui-ci ainsi que de sa présence irrégulière sur le territoire national français, il n'a dès lors plus fait appel à ses services.
Monsieur [S] [N] conteste ainsi avoir été l'employeur de Monsieur [C] [T], lequel a exercé en qualité d'entrepreneur individuel. Il souligne qu'aux termes d'un courrier daté du 4 décembre 2019, l'URSSAF d'AUVERGNE a expressément souligné le 'défaut d'éléments matériels probants permettant de déterminer le montant exact des rémunérations versées à Monsieur [T] ainsi que la durée réelle du travail effectué'. Il relève en outre la contradiction manifeste existant entre les déclarations de l'appelant et les pièces de la procédure dès lors que celui-ci indique avoir été embauché du 10 mai au 7 décembre 2017 alors même qu'il est matériellement établi qu'il a effectué un séjour au MAROC en juillet/août 2017 en sorte qu'il n'a manifestement pas pu collaborer avec lui sur ladite période. Il prétend de même que Monsieur [T] s'est rendu au mois de septembre 2017 en ITALIE afin de procéder au renouvellement de son titre de séjour. Il conclut ainsi au débouté de Monsieur [T] de l'ensemble de ses demandes en l'absence de toute relation salariale entre les parties.
Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions, moyens et arguments des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux dernières conclusions régulièrement notifiées et visées.
MOTIFS
- Sur l'existence d'un contrat de travail -
L'existence d'un contrat de travail suppose qu'il existe entre les parties un lien de subordination caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
Le lien de subordination peut se révéler par l'exercice d'un travail au sein d'un service organisé lorsque l'employeur détermine unilatéralement les conditions d'exécution du travail, par la fourniture du matériel et des outils nécessaires à l'accomplissement du travail. Elle peut aussi résulter des contraintes imposées par l'employeur quant au lieu de travail, l'horaire de travail et plus généralement de tous éléments par lesquels l'employeur manifeste son pouvoir de direction.
L'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions dans lesquelles est exercée l'activité de l'intéressé.
En l'espèce, Monsieur [C] [T] expose qu'il a été embauché par M. [N] à partir du 10 mai 2017 en qualité d'ouvrier. Il précise qu'il a effectué de nombreuses heures de travail et qu'il travaillait chaque semaine du lundi au samedi de 8h00 à 12h00 et de 13h00 à 17h00, soit 8 heures par jour et 48 heures par semaine mais qu'il n'a jamais pu obtenir de son employeur son contrat de travail ni ses bulletins de salaire. Il ajoute qu'il a été victime d'un accident du travail le 7 décembre 2017 alors qu'il se trouvait sur un chantier confié à M. [N] et que, depuis lors, il a tenté en vain de le joindre.
A l'appui de ses dires, il verse aux débats plusieurs attestations:
- Mme [R] atteste que M. [T] a travaillé sur le chantier de sa maison en tant que peintre, 'pour le compte de AHDECO' (c'est-à-dire l'entreprise de M. [N]), dans le courant du mois de novembre 2017,
- M. [O] témoigne avoir traité avec M. [N] pour des travaux de peinture en précisant que ces travaux ont été effectués par M. [T], 'son employé', entre le 15 et le 25 juillet 2017,
- Mme [L] certifie que M. [T] a travaillé sur le chantier de sa maison en tant que peintre, 'pour le compte de la société AHDECO de M. [N]'.
Monsieur [C] [T] justifie que M. [N] lui a remis 5 chèques d'un montant variant entre 430,00 euros et 1 200,00 euros (4 380,00 euros au total) au cours de l'année 2017.
Alors que ces attestations sont de nature à démontrer que Monsieur [C] [T] a exécuté des prestations de travail sur des chantiers confiés à M. [N], celui-ci reconnaît qu'il a travaillé sur quelques-uns de ses chantiers entre juin et décembre 2017 mais il conteste l'existence d'une relation salariale en soutenant que Monsieur [C] [T] s'était présenté à lui en tant qu'auto-entrepreneur et qu'il ne serait intervenu qu'en qualité de sous traitant.
Monsieur [S] [N] se prévaut de plusieurs attestations :
- Mme [M] explique qu'elle avait besoin d'un plâtrier pour effectuer le ponçage d'un mur de sa maison en construction et que M. [N] lui a proposé 'en sous traitance' M. [T], n'ayant pas lui-même le temps d'intervenir en septembre 2017. Elle précise que M. [T] lui a demandé la somme de 100,00 euros pour ces travaux,
- M. [Y] rapporte qu'il a effectué des travaux de rénovation chez lui et que M. [T] s'est présenté pour faire les joints de plâtre et de peinture. Il ajoute qu'il ne sait pas comment M. [T] a eu son numéro de téléphone pour le contacter,
- M. [D] explique avoir appelé M. [T] qui s'était présenté comme 'peintre à son compte', pour lui faire un devis pour la construction de sa maison, qu'à la suite de ce devis d'un montant de 1 000,00 euros, il a acheté le matériel mais que M. [T] n'a jamais commencé les travaux et n'a plus donné de nouvelles,
- M. [B] atteste avoir sollicité M. [N] pour effectuer des travaux de rénovation chez lui et que celui-ci, n'ayant pas le temps, lui a proposé 'un sous traitant', M. [T], lequel s'est présenté chez lui 'comme auto entrepreneur'. Il précise l'avoir payé par chèque,
- M. [F], gérant de salon de coiffure, dit qu'au cours d'une discussion avec M. [N] le 6 décembre 2017, celui-ci lui a dit faire travailler M. [T] 'en tant que sous traitant sur certains chantiers en tant qu'auto entrepreneur'.
Compte tenu, notamment, que les chantiers dont font état les témoins de chacune des parties ne sont pas les mêmes, les attestations produites par Monsieur [S] [N] tendent, certes, à montrer que Monsieur [C] [T] a effectué ou tenté d'effectuer des travaux pour son propre compte et qu'il a proposé ses services à titre individuel à certaines personnes, mais elles ne permettent pas d'exclure l'existence parallèle d'un contrat de travail entre les parties pour des prestations réalisées chez d'autres personnes ainsi qu'en font état les témoins dont se prévaut Monsieur [C] [T]. Contrairement à ce que soutient M. [N], l'emploi du temps allégué par Monsieur [C] [T] dans le cadre d'un contrat de travail ne permet pas en lui-même d'exclure d'autres interventions pour son propre compte. De même, le fait que M. [N] ait effectué un séjour au Maroc en juillet/août 2017 ou que Monsieur [C] [T] ait lui-même effectué un déplacement en Italie en septembre 2017, n'est pas incompatible avec une relation salariale.
Il convient de relever que M. [N] ne conteste pas que les attestations produites par Monsieur [C] [T] qui font état de chantiers dont il était titulaire ni que Monsieur [C] [T] a exécuté des travaux sur ces chantiers. Il doit être également constaté qu'il n'est justifié d'aucun contrat de sous traitance qui aurait lié les parties, d'aucun devis ni d'aucune facture dont M. [N] aurait été destinataire dans le cadre d'une relation de sous traitance.
Il sera rappelé que le travail en sous-traitance se caractérise par un contrat conclu avec un donneur d'ordres en vue de l'exécution d'une tâche objective et précise, définie avec précision par le donneur d'ordres, tâche que celui-ci ne peut pas l'accomplir lui-même avec son propre personnel, pour des raisons d'opportunité technique ou de spécificité technique. Le sous-traitant doit assumer la responsabilité de l'exécution des travaux et percevoir une rémunération forfaitaire qu'il facture pour l'accomplissement de la tâche accomplie. Contrairement au salarié, le sous traitant n'est pas soumis aux horaires de l'entreprise donneuse d'ordres, il travaille avec son propre matériel et conserve sa totale autonomie sans pouvoir recevoir d'ordres de celle-ci.
Il est constant, en l'espèce, qu'aucun contrat de sous-traitance n'est intervenu, que Monsieur [C] [T] n'était pas inscrit en qualité d'auto-entrepreneur et que M. [N] n'a cherché à aucun moment à s'enquérir de l'existence d'une telle qualité.
A la suite de l'accident dont il a été victime le 7 décembre 2017, Monsieur [C] [T], interrogé par l'agent de contrôle de la Direction régionale des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l'Emploi (DIRECCTE), a précisé ses relations avec M. [N] en expliquant que celui-ci l'appelait pour lui dire où il devait aller travailler et ce qu'il devait faire, qu'il lui fournissait un véhicule pour se rendre sur les chantiers. Il a précisé qu'il allait chercher le matériel nécessaire au dépôt de M. [N] ou, quand il n'y en avait plus, qu'il allait chercher le matériel que M. [N] avait commandé dans un magasin de peinture de [Localité 5].
Il ressort du jugement du tribunal correctionnel de Moulins en date du 16 octobre 2019 qui a condamné M. [N] pour travail dissimulé ainsi que de l'arrêt confirmatif de la cour d'appel de Riom du 30 septembre 2020, qu'il a été constaté, au titre des faits et des déclarations des parties, que M. [N] a reconnu confier à M. [T] des tâches que lui-même n'avait pas le temps de réaliser, que celui-ci allait chercher du matériel dans les magasins pour son compte et qu'il se rendait sur les chantiers avec un véhicule qu'il lui fournissait. Il en ressort également que, selon l'enquête de la DIRECCTE, M. [A], client de M. [N] chez qui a eu lieu l'accident du 7 décembre 2017, a confirmé que M. [T] était bien un salarié de M. [N] et non un sous traitant.
M. [N] ne saurait utilement se prévaloir de la lettre d'observations rédigée le 4 décembre 2019 par les services de l'URSSAF suite au contrôle réalisé dans son entreprise. Si les inspectrices ont admis que les renseignements recueillis ne leur avaient pas permis d'établir la durée d'emploi de Monsieur [C] [T] ni le montant de sa rémunération (ce qui les a conduit à procéder à une régularisation forfaitaire), elles ont néanmoins retenu, en se référant aux investigations de la DIRECCTE, que Monsieur [C] [T] avait été identifié comme l'employé de M. [N] par les clients de ce dernier, qu'il était soumis à son pouvoir de direction et qu'il percevait une rémunération fixée par M. [N].
Les éléments d'appréciation sont donc concordants, en l'absence de tout élément de preuve susceptible de les remettre en cause, pour faire apparaître que Monsieur [C] [T] a exercé une prestation de travail sur les chantiers confiés à M. [N] entre le mois de mai et le mois de décembre 2017 pour exercer des travaux relevant du domaine d'activité de celui-ci (plâtrerie-peinture), que M. [N] lui indiquait les travaux à exécuter, et lui fournissait un véhicule pour se rendre sur les chantiers ainsi que le matériel nécessaire à l'accomplissement du travail sur des lieux et selon des horaires déterminés par M. [N]. Il s'ensuit que Monsieur [C] [T] travaillait selon les directives et sous le contrôle de M. [N], qu'il se conformait à ses exigences pour assurer une prestation répondant aux besoins de l'activité de l'entreprise, se trouvant, dès lors, soumis au pouvoir de direction de M. [N], ce qui établit l'existence du lien de subordination entre les parties.
Les parties étant ainsi liées par un contrat de travail, le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [C] [T] de sa demande à ce titre.
- Sur la demande de rappel de salaire -
Monsieur [C] [T] qui soutient avoir travaillé chaque semaine du lundi au samedi de 8h00 à 12h00 et de 13h00 à 17h00, soit 8 heures par jour et 48 heures par semaine, revendique un salaire mensuel de 1 645,00 euros brut.
En l'absence d'écrit, le contrat de travail est présumé à temps complet. Il ne s'agit, certes, que d'une présomption, mais il incombe à l'employeur de rapporter la preuve, d'une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue et, d'autre part, que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur.
Or, une telle preuve n'est pas rapportée, aucune explication n'étant fournie sur la durée de travail convenue ni sur les horaires de travail effectivement réalisés.
Monsieur [C] [T] est, en conséquence, bien fondé à solliciter la reconnaissance d'une relation de travail à temps complet.
Aucune contestation n'étant non plus opposée à ses prétentions quant à une durée hebdomadaire de travail de 48 heures, le montant de la rémunération mensuelle allégué à hauteur de 1 645,00 euros brut sera retenu.
Compte tenu que la relation salariale a duré 7 mois, la demande de Monsieur [C] [T] sera accueillie en ce qu'il fixe sa créance à hauteur de 11.515 euros (brut) pour solliciter, après déduction de la somme de 4.380,00 euros déjà perçue, la somme de 7.135 euros à titre de rappel de salaire, outre la somme de 1.151 euros correspondant à l'indemnité compensatrice de congés payés due pour l'ensemble de la période.
- Sur la demande de dommages-intérêts pour travail dissimulé -
Il résulte des dispositions de l'article L. 8223-1 du code du travail que le salarié dont l'employeur a volontairement dissimulé une partie du temps de travail ou a dissimulé son emploi en se soustrayant intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'Article L1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche, a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
Il est établi que Monsieur [N] a employé Monsieur [T] pendant sept mois en s'abstenant de procéder à la déclaration de cet emploi auprès des organismes concernés, en n'établissant aucun bulletin de salaire et en n'accomplissant aucune des formalités relatives à cet emploi.
Ces carences démontrent la volonté de l'employeur de dissimuler l'emploi de Monsieur [T] et justifient que soit allouée à ce dernier l'indemnité prévue par l'article L. 8223-1 précité, soit la somme de 9.000 euros.
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [T] de cette demande.
- Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail -
Monsieur [N] a manqué à ses obligations contractuelles en faisant travailler Monsieur [T] sans procéder aux formalités légales de déclarations, sans établir un contrat de travail et sans respecter les obligations incombant à l'employeur, notamment quant au versement du salaire et à l'établissement de bulletins de salaire.
De tels manquements présentent un caractère de gravité tel qu'ils justifient la résiliation judiciaire du contrat de travail à ses torts.
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [T] de sa demande à ce titre.
La résiliation judiciaire du contrat de travail à l'initiative du salarié et aux torts de l'employeur produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, Monsieur [T] est en droit de solliciter une indemnité compensatrice de préavis qui, eu égard au salaire retenu, sera fixée à 1 645,00 euros brut (1 mois de salaire) à laquelle s'ajoute l'indemnité compensatrice de congés payés afférente, soit 165,00 euros brut.
- Sur les demandes de documents -
L'employeur devra remettre au salarié un contrat de travail ainsi que l'intégralité de ses fiches de salaire et la justification de sa déclaration d'embauche. Cette remise devra intervenir dans le délai de quinze jours suivant le présent arrêt, sous peine d'une astreinte de 30,00 euros par jour de retard et pendant 60 jours.
- Sur les dépens et frais irrépétibles -
Monsieur [N], qui succombe totalement, devra supporter les entiers dépens de première instance et d'appel ce qui exclut qu'il puisse prétendre bénéficier des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Il serait par contre inéquitable de laisser Monsieur [T] supporter l'intégralité des frais qu'il a dû exposer pour faire assurer la défense de ses intérêts. Une indemnité de 2 000,00 euros lui sera accordée en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
- Infirmant le jugement, statuant à nouveau,
- Dit que Monsieur [C] [T] a été lié à Monsieur [S] [N] par un contrat de travail ;
- Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail ;
- Condamne Monsieur [S] [N] à payer à Monsieur [C] [T] les sommes de :
* 7.135,00 euros brut à titre de rappels de salaire,
* 1.151,00 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur rappel de salaire,
* 1.645,00 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
* 165,00 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
* 9.000,00 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé ;
- Dit que Monsieur [S] [N] doit remettre à Monsieur [C] [T] un contrat de travail ainsi que l'intégralité de ses fiches de salaire et la justification de sa déclaration d'embauche, cette remise devant intervenir dans le délai de quinze jours suivant le présent arrêt, sous peine d'une astreinte de 30 euros par jour de retard et pendant 60 jours ;
- Condamne Monsieur [S] [N] à payer à Monsieur [C] [T] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamne Monsieur [S] [N] aux dépens de la procédure de première instance et d'appel ;
- Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.
Le greffier, Le Président,
N. BELAROUI C. RUIN