21 FEVRIER 2023
Arrêt n°
FD/NB/NS
Dossier N° RG 20/01345 - N° Portalis DBVU-V-B7E-FO22
[P] [O]
/
S.A.S. SOCIETE DES GRANDS GARAGES D'AUVERGNE
jugement au fond, origine conseil de prud'hommes - formation paritaire de clermont-ferrand, décision attaquée en date du 30 septembre 2020, enregistrée sous le n° f 19/00413
Arrêt rendu ce VINGT ET UN FEVRIER DEUX MILLE VINGT TROIS par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :
M. Christophe RUIN, Président
Mme Frédérique DALLE, Conseiller
Mme Sophie NOIR, Conseiller
En présence de Mme Nadia BELAROUI greffier lors des débats et du prononcé
ENTRE :
M. [P] [O]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Comparant
Représenté par Me Olivier TOURNAIRE de la SELARL TOURNAIRE - MEUNIER, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND, Avocat constitué
APPELANT
ET :
S.A.S. SOCIETE DES GRANDS GARAGES D'AUVERGNE
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Elise MARNAT, avocat supléant Me Barbara GUTTON PERRIN de la SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND, avocat constitué, substitué par Me Jean BOISSON de la SAS SR CONSEIL, avocat au barreau de CHAMBERY, avocat plaidant
INTIMEE
Après avoir entendu Mme DALLE, Conseiller en son rapport, les représentants des parties à l'audience publique du 05 Décembre 2022, la Cour a mis l'affaire en délibéré, Monsieur le Président ayant indiqué aux parties que l'arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE
La société GRANDS GARAGES D'AUVERGNE exerce une activité de commerce et de réparation de véhicules de marque FIAT (FCA), et dispose de trois établissements sis respectivement à [Localité 4] (63), [Localité 5] (01) et [Localité 6] (48).
La société ARVERNE AUTOMOBILES exploite, dans les mêmes locaux que la société GRANDS GARAGE D'AUVERGNE, une activité de commerce et de réparation de véhicules de marque TOYOTA.
Les sociétés GRANDS GARAGES D'AUVERGNE et ARVERNE AUTOMOBILES constituent une unité économique et sociale.
Monsieur [P] [O] a été embauché par la société ARVERNE AUTOMOBILES à compter du 2 janvier 1997 dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée au poste de responsable de l'établissement d'[Localité 4]. A compter de janvier 2008, il a été promu au poste de directeur de l'établissement de [Localité 5] des deux sociétés ARVERNE AUTOMOBILES et GRANDS GARAGES D'AUVERGNE, puis à compter du mois de mai 2010 au poste de directeur du centre VO, créé pour l'exploitation des véhicules d'occasion dans le cadre d'un contrat de travail régularisé avec la société FINANCIERE [L] (holding familiale du groupe [L]).
Le 1er octobre 2012, le contrat de travail du salarié le liant à la société FINANCIERE [L] a été rompu. Par suite, Monsieur [O] a régularisé deux contrats de travail le liant respectivement aux sociétés d'exploitation ARVERNE AUTOMOBILES et GRANDS GARAGES D'AUVERGNE.
Le 29 mars 2013, les sociétés GRANDS GARAGES D'AUVERGNE et ARVERNE AUTOMOBILES ont été cédées au groupe de distribution automobiles multimarques DAVID GERBIER. Dans ce cadre, un contrat de concessionnaire automobile de la marque TOYOTA pour la société ARVERNE AUTOMOBILES et de la marque FIAT pour la société GRANDS GARAGES D'AUVERGNE a été régularisé.
En 2015, par suite de la fermeture du centre VO, Monsieur [O] a été affecté le 2 mars 2015 au poste de responsable commercial VN TOYOTA de l'établissement d'[Localité 4] de la société ARVERNES AUTOMOBILES.
Monsieur [O] a été convoqué à un entretien préalable à licenciement fixé au 11 avril 2019.
Il a ensuite été licencié pour insuffisance professionnelle suivant un courrier recommandé avec avis de réception en date du 25 avril 2019.
Par requête reçue au greffe le 22 août 2019, Monsieur [P] [O] a saisi le conseil de prud'hommes de CLERMONT FERRAND.
L'audience devant le bureau de conciliation et d'orientation s'est tenue en date du 21 octobre 2019 et, comme suite au constat de l'absence de conciliation, l'affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement.
Par jugement contradictoire rendu en date du 30 septembre 2020, le conseil de prud'hommes de CLERMONT FERRAND a :
- dit et jugé recevables mais non fondées les demandes présentées par Monsieur [P] [O] à l'encontre de la SOCIÉTÉ DES GRANDS GARAGES D'AUVERGNE ;
- dit et jugé que Monsieur [P] [O] n'a pas été victime de harcèlement moral et que son licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse ;
- débouté Monsieur [P] [O] de l'intégralité de ses demandes ;
- débouté la société GRANDS GARAGES D'AUVERGNE de sa demande reconventionnelle tendant au paiement d'une somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné Monsieur [P] [O] aux dépens.
Par requête reçue au greffe le 16 octobre 2020, Monsieur [P] [O] a interjeté appel de ce jugement notifié à sa personne le 2 octobre 2020.
Vu les dernières écritures notifiées le 18 janvier 2021 par Monsieur [P] [O] ;
Vu les dernières écritures notifiées le 15 mars 2021 par la société GRANDS GARAGES D'AUVERGNE ;
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 7 novembre 2022.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses dernières écritures, Monsieur [P] [O] conclut à l'infirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions et demande à la cour, statuant à nouveau, de :
A titre principal
- juger qu'il a été victime de harcèlement moral.
En conséquence
- juger que le licenciement du 25 avril 2019 est nul et de nul effet ;
- condamner la société GRANDS GARAGES D'AUVERGNE à lui verser les somme de 194 400 euros au titre du préjudice moral et 439 535 euros au titre du préjudice financier ;
A titre subsidiaire
- juger que le licenciement décidé par la société GRANDS GARAGES D'AUVERGNE à son encontre est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
En conséquence
- condamner la société GRANDS GARAGES D'AUVERGNE, prise en la personne de son représentant légal en exercice, à lui payer et porter les sommes de 133 650 euros au titre du préjudice moral et 439 535 euros au titre du préjudice financier.
En tout état de cause
- condamner la société GRANDS GARAGES D'AUVERGNE à lui payer et porter la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- juger que les condamnations porteront intérêt à taux légal, avec capitalisation des intérêts, à compter de la saisine du conseil de prud'hommes ;
- condamner la société GRANDS GARAGES D'AUVERGNE aux dépens, comprenant les frais de l'expert judiciaire ayant chiffré le préjudice financier.
Monsieur [O] fait valoir, à titre principal, que le rachat de l'entreprise par un groupe national a engendré une dégradation de ses conditions de travail, avec pour seul objectif de le voir quitter l'entreprise. Il excipe à cet égard des diverses modifications ayant affecté son contrat de travail, des sanctions disciplinaires (avertissements des 9 janvier 2017, 27 juillet 2018 et 16 août 2018) dont il a fait l'objet outre de la diminution significative de ses responsabilités. Il considère que l'ensemble de ces faits caractérisent une situation de harcèlement moral à son encontre et en déduit que le licenciement qui lui a été notifié est dès lors entaché de nullité.
A titre subsidiaire, il objecte que les griefs de licenciement ne sont pas matériellement établis. Il indique plus spécialement :
* concernant l'insuffisance de performance commerciale : La faute invoquée de ce chef a déjà été sanctionnée par l'avertissement du 27 juillet 2018, étant rappelé qu'il est constant qu'un même fait fautif ne peut donner lieu à une double sanction. En tout état de cause, s'il ne conteste pas que les objectifs n'aient pas été atteints, il souligne en revanche la hausse des ventes ;
* sur l'insuffisance de production de financement : Il fait valoir que l'objectif de financement des véhicules neufs est fixé par TOYOTA FRANCE à 32% de pénétration et que sur la concession sise à [Localité 4] dont il avait la charge, le taux de pénétration est de 37,60%. Il ajoute que les sites de [Localité 6] et [Localité 7], dont le pourcentage de pénétration est largement inférieur et dont il n'assure pas la direction, explique la sous-performance du pôle Auvergne dans son ensemble alors même qu'elle ne saurait lui être imputée dès lors que le taux de son site a atteint l'objectif défini nationalement ;
* sur le management : Il fait valoir que la faute qui lui est imputée de ce chef a déjà fait l'objet d'une double sanction par effet de deux avertissements respectivement notifiés les 27 juillet et 16 août 2018 ;
* sur la gestion de reprise des véhicules : Il indique qu'il n'existe aucun objectif en ce domaine.
Il conclut ainsi à l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement et sollicite l'indemnisation afférente.
Dans ses dernières écritures, la société LES GRANDS GARAGES D'AUVERGNE demande à la cour de :
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de CLERMONT FERRAND en date du 30
septembre 2020 en ce qu'il a :
' dit et jugé recevables mais non fondées les demandes présentées par M. [O] à son encontre ;
' dit et jugé que Monsieur [P] [O] n'a pas été victime de harcèlement moral et que son licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse ;
' débouté Monsieur [P] [O] de l'intégralité de ses demandes ;
' condamné Monsieur [P] [O] aux dépens.
Et, statuant de nouveau
- condamner Monsieur [P] [O] à la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La société LES GRANDS GARAGES D'AUVERGNE réfute tout d'abord l'existence de tout harcèlement moral à l'encontre de la personne de Monsieur [O]. Elle soutient à cet égard que les avertissements notifiés au salarié sont parfaitement fondés, qu'il n'est pas établi par le salarié que Monsieur [N], son supérieur hiérarchique, ait adopté à son encontre un management agressif et déshumanisant, qu'aucune diminution de ses fonctions et tâches n'est intervenue. Elle conclut ainsi à l'absence de nullité du licenciement du salarié.
Elle soutient ensuite que le licenciement notifié pour insuffisance professionnelle au salarié est bien fondé et ajoute que les manquements et insuffisances de Monsieur [O] ont impacté négativement les intérêts de l'entreprise et mis en péril la poursuite du contrat de concessionnaire avec la marque TOYOTA et plus largement, la pérennité de l'entreprise dans son ensemble.
Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux dernières conclusions régulièrement notifiées.
MOTIFS
- Sur le harcèlement moral -
Le harcèlement, sexuel ou moral, s'intègre désormais dans une problématique plus vaste, à savoir la prévention des risques psycho-sociaux et la prise en compte juridique de la souffrance au travail.
Aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Ne répond pas à cette définition un acte isolé (telle une rétrogradation) ou la publicité donnée à la mise en cause de méthodes de management.
Le harcèlement moral suppose l'existence d'agissements répétés, peu importe que les agissements soient ou non de même nature, qu'ils se répètent sur une brève période ou soient espacés dans le temps, sauf si le salarié se disant victime peut le relier à une discrimination prohibée. La loi 2008-496 du 27 mai 2008 assimile à une discrimination les faits de harcèlement moral qu'elle définit comme tout agissement (singulier et non pluriel) lié à un motif discriminatoire subi par une personne et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement hostile, dégradant, humiliant ou offensant. Une demande fondée sur un acte isolé ou unique peut donc être rejetée par le juge au titre du harcèlement moral mais retenue au titre d'une discrimination prohibée si les deux fondements sont invoqués par le salarié.
Le harcèlement peut être constitué même si son auteur n'avait pas d'intention de nuire et peu importe que l'auteur du harcèlement ait mésestimé la portée de ses actes. La mauvaise foi n'a pas à être caractérisée.
Les méthodes de gestion, l'environnement de travail, les conditions de travail peuvent aussi caractériser un harcèlement moral, même si aucune différence de traitement entre salariés n'est constatée.
La loi n'émet aucune limite quant à l'auteur potentiel d'un harcèlement moral. L'auteur du harcèlement peut être l'employeur, un supérieur hiérarchique, un collègue, un subordonné ou un tiers à l'entreprise, mais pas un médecin du travail car cela ne serait pas imputable à l'employeur.
La loi n'exige pas la caractérisation ou démonstration d'un préjudice du salarié se disant victime pour retenir le harcèlement puisqu'il suffit que les agissements soient susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. La simple possibilité d'une atteinte aux droits ou à la dignité, d'une altération de la santé physique ou mentale, d'une atteinte à l'avenir professionnel du salarié suffit. Toutefois, le plus souvent, les faits de harcèlement moral ont un impact direct sur l'état de santé du salarié.
Ne constituent pas notamment un harcèlement moral :
- l'exercice légitime par l'employeur de son pouvoir disciplinaire lorsque la sanction prononcée est justifiée et proportionnée ;
- la mise en oeuvre de mesures imposées ou justifiées par la loi ;
- des mesures prises par l'employeur ayant pour seule finalité de permettre le fonctionnement permanent du service ;
- des demandes de travaux ou tâches figurant dans la fiche de poste ;
- des décisions objectives et non-discriminatoires concernant l'évolution professionnelle du salarié.
La victime d'un harcèlement peut engager une action devant le juge civil.
En application de l'article L.1154-1 du même code, en cas de litige relatif à l'application de l'article L.1152-1 et de l'article L.1153-1, il appartient au salarié concerné de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, y compris les documents médicaux éventuellement produits, puis d'apprécier si les faits matériellement établis dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Sous ses conditions, contrôlées par la Cour de cassation, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits permettant de présumer l'existence de harcèlement et si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.
Le juge doit procéder en deux étapes :
- apprécier si le salarié présente des faits matériels, précis et concordants, et si ceux-ci, dans leur ensemble, laissent présumer l'existence d'un harcèlement moral ou sexuel (si non, cela s'arrête là) ;
- s'il estime qu'il y a bien une présomption de harcèlement, apprécier si l'employeur démontre que les éléments d'appréciation présentés par le salarié ne constituent pas un harcèlement moral ou sexuel.
En matière de harcèlement, la seule obligation du salarié est d'établir la matérialité de faits précis et concordants, à charge pour le juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral ou sexuel. La preuve du lien entre les faits et l'existence d'un harcèlement n'incombe donc pas au salarié.
Le juge ne peut rejeter la demande d'un salarié au seul motif de l'absence de relation entre l'état de santé de celui-ci et la dégradation des conditions de travail. Si le juge ne peut se fonder uniquement sur l'altération de l'état de santé du salarié, à l'inverse, il ne doit pas non plus négliger les documents médicaux produits par le salarié.
Si, malgré des agissements permettant de présumer un harcèlement, le juge ne retient pas le harcèlement, il doit préciser en quoi il est établi par l'employeur que les faits matériels présentés par le salarié ne constituent pas un harcèlement et que les décisions ou agissements dénoncés par le salarié sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le harcèlement peut relever de faits imputables à un ou des auteurs déterminés mais aussi, de façon plus générale, à un environnement de travail.
Un harcèlement peut causer à la victime un préjudice, d'ordre moral ou corporel, dont évaluation relève de la compétence du juge prud'homal. Si elle justifie de préjudices distincts, la victime peut obtenir des dommages et intérêts à la fois au titre du harcèlement (moral ou sexuel) subi et au titre du manquement de l'employeur à son obligation de prévention (violation obligation de sécurité) ou au titre d'une discrimination.
En l'espèce, Monsieur [O] fait valoir que le rachat de l'entreprise par un groupe national a engendré une dégradation de ses conditions de travail avec pour seul objectif de le voir quitter l'entreprise.
Il excipe à cet égard des diverses tentatives de modifications ayant affecté son contrat de travail puisque l'employeur lui a proposé une modification de son contrat de travail en juin 2013 puis en juillet 2013, ces modifications ayant pour but d'instaurer une baisse significative de sa rémunération.
Par la suite, dans le cadre d'un accord tripartite conclu le 30 décembre 2013, le contrat de travail de Monsieur [P] [O] a été transféré à la société GRANDS GARAGES D'AUVERGNE, au sein de laquelle il était chargé, compter du 1er janvier 2014, de l'organisation et de la gestion de l'activité du pôle véhicules d'occasion (VO) des sociétés GRANDS GARAGES D'AUVERGNE et ARVERNE AUTOMOBILES.
Une nouvelle proposition d'avenant a alors été transmis en salarié le 2 mars 2015, la société GRANDS GARAGES D'AUVERGNE envisageant la fermeture du centre VO et proposant à Monsieur [O] d'être affecté au poste de directeur commercial VN (véhicules neufs) TOYOTA. Cet avenant était à nouveau refusé par Monsieur [O] en ce qu'il modifiait en profondeur la nature de ses fonctions, l'étendue de ses obligations et de son secteur géographique.
Par ailleurs, Monsieur [O] a fait l'objet de plusieurs sanctions disciplinaires qu'il estime injustifiées et qui démontreraient l'acharnement de l'employeur à lui faire quitter son emploi. Ainsi:
- le 9 janvier 2017, Monsieur [O] reçoit un avertissement en raison d'une absence injustifiée l'après-midi du 29 novembre 2016 et en ce qu'il aurait été constaté, par téléphone, qu'il était en état d'ébriété ;
- le 27 juillet 2018, il reçoit un deuxième avertissement pour une baisse des ventes de véhicules neufs et des difficultés de management ;
- le 16 août 2018, il fait l'objet d'un troisième avertissement au motif qu'il aurait tenu des propos racistes et sexistes.
Monsieur [O] conteste la validité de ces sanctions disciplinaires en produisant notamment:
- les courriers de contestations du salarié suite aux trois avertissements adressés ;
- des courriels d'échanges démontrant une modification des liens commerciaux et structurels de nature à avoir engendré une baisse des ventes de véhicules ;
- un tableau récapitulatif des ventes de véhicules sur la période de 2017 et de 2018 établi par ses soins ;
- l'attestation de Monsieur [A], ancien collaborateur exerçant des fonctions de responsable de la marque LEXUS, qui affirme: "à mon arrivée, Mr [N] m'a dressé un tableau [de Monsieur [O]] en me faisant comprendre clairement qu'il souhaitait vraiment [le] faire quitter l'entreprise. En me disant que si tout allait mal ici, c'était de [sa] faute et de [son] manque à manager une équipe. Je devais donner mon point de vue sur [sa] manière de travailler et lui faire remonter toutes informations négatives à [son] sujet (...)" ;
- les attestations d'anciens collaborateurs et collaborateurs, et notamment de Monsieur [M], Monsieur [X], Monsieur [S], Monsieur [R] et de Madame [H], lesquels témoignent des qualités humaines et professionnelles du salarié, même s'il convient de relever que Messieurs [M], [X] et [S] n'étaient plus présents dans l'entreprise à compter de l'année 2017.
Il ressort ainsi de tout ce qui précède que le salarié présente des faits matériels, précis et concordants qui, dans leur ensemble, laissent présumer l'existence d'un harcèlement moral.
En réponse, la société LES GRANDS GARAGES D'AUVERGNE réfute l'existence de tout harcèlement moral à l'encontre de la personne de Monsieur [O]. Elle soutient à cet égard que les avertissements notifiés au salarié sont parfaitement fondés, qu'il n'est pas établi par le salarié que Monsieur [N], son supérieur hiérarchique, ait adopté à son encontre un management agressif et déshumanisant et qu'aucune diminution de ses fonctions et tâches n'est intervenue.
S'agissant des avenants de modifications du contrat de travail proposés au salarié, la société estime que Monsieur [O] bénéficiait d'une rémunération du plus haut niveau de la centaine d'employés que comptait les deux sociétés alors qu'au poste de directeur du centre VO, il n'était directement responsable que de deux vendeurs et d'une secrétaire.
Les premiers avenants de juin et de juillet 2013 visaient donc à assortir son système de rémunération d'éléments variables liés à la rentabilité et à la performance du centre véhicules d'occasion qu'il dirigeait.
En tout état de cause, il est constant que, devant le refus du salarié d'accepter ces avenants, les contrats de travail ont été maintenus en l'état jusqu'en fin d'année 2013, date à laquelle Monsieur [O] a accepté de signer un avenant tripartite du transfert de la relation contractuelle à la société GRANDS GARAGES D'AUVERGNE.
Le dernier avenant lui a été proposé en raison de la décision de fermeture du centre VO, celui-ci n'étant pas rentable. Monsieur [O] a accepté une proposition au poste de responsable commercial VN TOYOTA et son statut et rémunération ont de nouveau été maintenus.
En ce qui concerne les avertissements adressés au salarié, la société fait état des éléments suivants.
L'avertissement du 9 janvier 2017 fait suite à une absence non prévue, ni justifiée de Monsieur [O] l'après-midi du 29 novembre 2016 alors qu'une tâche importante pour la clôture du chiffre d'affaires lui avait été confiée, cette absence n'étant au demeurant pas contestée par le salarié. Ce dernier aurait ensuite reconnu lors de l'entretien et devant témoins que son absence faisait suite à un déjeuner alcoolisé.
L'avertissement du 27 juillet 2018 portait sur une baisse des ventes de véhicules neufs et des difficultés de management, ces griefs étant reprochés sur les fondements suivants:
- Monsieur [O] a livré 322 véhicules neufs sur le site d'[Localité 4] en 2018 contre 363 livrés l'an passé à la même date, soit 11% de moins, alors que dans le même temps en France le taux de progression est de 4,82%, ce qui a engendré un résultat de perte important pour la société sur la période de 2017 à 2018 ;
- une mauvaise gestion du recrutement du personnel qui a généré, en 3 ans, la perte de 14 collaborateurs, certains se plaignant du comportement de Monsieur [O].
L'avertissement en date du 16 août 2018 au motif qu'il aurait tenu des propos racistes et sexistes fait suite aux témoignages recueillis par cinq collaborateurs, les attestations suivantes étant versées aux débats:
- Madame [F] indique: "étant malheureusement dotée d'une poitrine généreuse, de nombreuses remarques et allusions ont été faites sur cette dernière de sa part (...)" ;
- Monsieur [Y] dit "avoir été témoin de différents propos anormaux à l'encontre de clients et collègues émanant de Monsieur [O]", ce dernier ayant reproché à son équipe d'avoir mis un client dans son bureau "alors qu'il est noir et cela pue", mettant en lien une incompétence professionnelle du fait d'une "origine maghrébine", ayant dit à l'intéressé "quelle idée d'être avec une africaine" ou affirmant au sujet d'une collègue qu'à "défaut d'avoir de la jugeotte, elle a des gros seins" ;
- Selon Madame [I], Monsieur [O] mettait en lien les incompétences professionnelles d'un collègue en raison de ses origines portugaises, les Portugais n'étant "doués que dans le bâtiment", ou la désignait personnellement comme "l'autre avec les gros seins" ;
- Madame [T] fait état du fait que le salarié pouvait avoir des comportements familiers quand il sentait "fortement l'alcool" au travail, du fait qu'elle évitait de se retrouver seule avec lui et faisait l'objet de propos "visant la taille de ma poitrine" ;
- Madame [Z] attestait avoir reçu les confidences de Madame [T] sur son mal-être lié au comportement déplacé et inapproprié de Monsieur [O].
Aux termes de l'article 202 du code de procédure civile, "l'attestation contient la relation des faits auxquels son auteur a assisté ou qu'il a personnellement constatés. Elle mentionne les nom, prénoms, date et lieu de naissance, demeure et profession de son auteur ainsi que, s'il y a lieu son lien de parenté ou d'alliance avec les parties, de subordination à leur égard, de collaboration ou de communauté d'intérêts avec elles.
Elle indique en outre qu'elle est établie en vue de sa production en justice et que son auteur a connaissance qu'une fausse attestation de sa part l'expose à des sanctions pénales.
L'attestation est écrite, datée et signée de la main de son auteur. Celui-ci doit annexer, en original ou en photocopie, tout document officiel justifiant de son identité et comportant sa signature."
Dans leur forme, ces cinq attestations ne respectent pas les dispositions de l'article 202 du code de procédure civile puisqu'elles ne comportent pas les mentions légales obligatoires.
Cependant, les dispositions de l'article 202 du code de procédure civile ne sont pas prescrites à peine de nullité, d'irrecevabilité ou d'inopposabilité alors qu'il convient de relever que les autres dispositions de l'article 202 du code de procédure civile ont bien été respectées et que les attestations sont précises, circonstanciées et concordantes.
Il n'y a dès lors pas lieu d'écarter ces attestations des débats.
Enfin, l'employeur produit également d'autres attestations, notamment de Madame [J], de Monsieur [V] et de Madame [C], qui font état des compétences humaines et professionnelles de Monsieur [N], le supérieur hiérarchique de Monsieur [O].
Ainsi, au vu de l'ensemble de ces éléments et des principes de droit susvisés, l'employeur établit que les faits matériels présentés par le salarié ne constituent pas un harcèlement.
En effet, s'agissant des avenants de 2013 et de 2015, ceux-ci s'inscrivent clairement dans le cadre de mesures prises par l'employeur ayant pour seule finalité de permettre le fonctionnement permanent du service, l'avenant de 2015 faisant suite à la décision de fermeture du site VO en raison d'un défaut de rentabilité alors que le poste de responsable commercial VN TOYOTA était proposé à Monsieur [O].
Si les échanges sur des avenants au cours de l'été 2013 ont été instaurés visant à augmenter la part variable de rémunération du salarié au déterminent de la part fixe, il est constant que le salarié les a refusés et que son statut et rémunération ont été maintenus par la suite.
En ce qui concerne les sanctions disciplinaires prononcées à l'encontre du salarié, celles-ci s'inscrivent dans un exercice légitime par l'employeur de son pouvoir disciplinaire, les sanctions prononcées étant justifiées et proportionnées au vu de la nature des sanctions en question, en l'espèce des avertissements, et des faits précis, objectifs et circonstanciés reprochés au salarié.
L'existence d'un comportement agressif ou harcelant de la part de son supérieur hiérarchique, Monsieur [N], n'apparaît pas davantage établi, l'unique attestation en ce sens, rédigée par Monsieur [A], étant peu précise et reposant davantage sur un ressenti subjectif que sur des éléments factuels, alors que tous les courriers et courriels d'échanges entre le salarié et son supérieur ne traduisent aucun élément d'animosité ou de pressions inadaptées dans le déroulement de leurs rapports professionnels.
Enfin, il convient d'observer que Monsieur [O] ne verse aucun élément médical faisant état d'une détérioration de son état de santé en lien avec ses conditions de travail.
En conséquence, il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que les agissements de la SAS GRANDS GARAGES D'AUVERGNE ne sont pas constitutifs d'un harcèlement moral à l'encontre de Monsieur [P] [O].
- Sur la rupture du contrat de travail -
Aux termes de l'article L.1235-3-1 du code du travail:
"L'article L. 1235-3 n'est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d'une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
Les nullités mentionnées au premier alinéa sont celles qui sont afférentes à :
1° La violation d'une liberté fondamentale ;
2° Des faits de harcèlement moral ou sexuel dans les conditions mentionnées aux articles L. 1152-3 et L. 1153-4 ;
3° Un licenciement discriminatoire dans les conditions mentionnées aux articles L. 1132-4 et L. 1134-4 ;
4° Un licenciement consécutif à une action en justice en matière d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans les conditions mentionnées à l'article L. 1144-3, ou à une dénonciation de crimes et délits ;
5° Un licenciement d'un salarié protégé mentionné aux articles L. 2411-1 et L. 2412-1 en raison de l'exercice de son mandat ;
6° Un licenciement d'un salarié en méconnaissance des protections mentionnées aux articles L. 1225-71 et L. 1226-13.
L'indemnité est due sans préjudice du paiement du salaire, lorsqu'il est dû en application des dispositions de l'article L. 1225-71 et du statut protecteur dont bénéficient certains salariés en application du chapitre Ier du Titre Ier du livre IV de la deuxième partie du code du travail, qui aurait été perçu pendant la période couverte par la nullité et, le cas échéant, sans préjudice de l'indemnité de licenciement légale, conventionnelle ou contractuelle."
L'insuffisance professionnelle constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement. Elle se distingue de la faute.
Contrairement aux autres motifs de licenciement pour lesquels, avant l'application de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, la lettre de licenciement devait être circonstanciée, il suffit à l'employeur d'invoquer le grief d'insuffisance professionnelle, motif matériellement vérifiable, pour que la lettre soit dûment motivée.
Si l'appréciation de l'insuffisance professionnelle d'un salarié relève en principe du seul pouvoir de direction de l'employeur, cela ne dispense pas l'employeur de justifier d'une cause réelle et sérieuse de licenciement en établissant des faits objectifs, précis et vérifiables s'agissant de l'incompétence alléguée comme motif de la rupture du contrat de travail. Dans le cadre d'un licenciement, le grief d'insuffisance professionnelle ne peut être fondé sur une appréciation purement subjective de l'employeur mais doit reposer sur des éléments concrets.
Entrent notamment en compte dans l'appréciation de l'insuffisance professionnelle : la qualification professionnelle du salarié, l'ancienneté dans le service, les circonstances de l'engagement, les relations antérieures, le temps laissé au salarié pour s'adapter à un nouveau travail ou poste, les moyens et aides apportés par l'employeur, les alertes, mises en garde ou recadrages notifiés etc.
Pour que les mauvais résultats d'un salarié justifient son licenciement, il faut que le salarié se soit vu fixer des objectifs quantifiables et que son incapacité à les atteindre résulte soit d'une insuffisance professionnelle, soit de son comportement fautif.
Les objectifs fixés par l'employeur doivent être clairs et réalisables mais il n'est pas nécessaire que le salarié les accepte, explicitement ou implicitement, car l'employeur peut définir unilatéralement les objectifs fixés au salarié, sauf clause contractuelle ou disposition conventionnelle contraire, notamment prévoyant un accord des parties.
Ces objectifs, qui peuvent être fixés de façon contractuelle, conventionnelle ou unilatéralement par l'employeur, doivent être réalistes et compatibles avec le marché. Le salarié doit avoir les moyens de les atteindre et en avoir eu connaissance en début d'exercice. L'employeur doit laisser au salarié le temps nécessaire pour atteindre les résultats fixés et l'alerter ou le mettre en garde préalablement quant à la nécessité de réaliser les objectifs.
Le licenciement pour insuffisance de résultats est sans cause réelle et sérieuse lorsque cette insuffisance n'est pas imputable au salarié mais due à un manquement de l'employeur ou à la situation du marché.
Aucune clause du contrat de travail ne peut valablement décider qu'une circonstance quelconque constituera une cause de licenciement. Un employeur ne peut donc licencier un salarié en application d'une clause contractuelle prévoyant que la non-réalisation de l'objectif fixé, pendant un certain temps, pourra être considéré comme un motif de rupture du contrat de travail. Il appartient au seul juge d'apprécier l'existence d'une insuffisance professionnelle et si les faits invoqués par l'employeur dans la lettre de licenciement peuvent caractériser une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Monsieur [O] considère qu'il a subi des faits de harcèlement moral et en déduit que le licenciement qui lui a été notifié est dès lors entaché de nullité.
A titre subsidiaire, Monsieur [O] objecte que les griefs de licenciement ne sont pas matériellement établis. Il conclut ainsi à l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement et sollicite l'indemnisation afférente.
La société LES GRANDS GARAGES D'AUVERGNE conclut à l'absence de nullité du licenciement du salarié en l'absence de tout harcèlement moral de ce dernier.
Elle soutient ensuite que le licenciement notifié pour insuffisance professionnelle au salarié est bien fondé et ajoute que les manquements et insuffisances de Monsieur [O] ont impacté négativement les intérêts de l'entreprise et mis en péril la poursuite du contrat de concessionnaire avec la marque TOYOTA et plus largement, la pérennité de l'entreprise dans son ensemble.
En l'espèce, Monsieur [P] [O] a été embauché par la société ARVERNE AUTOMOBILES à compter du 2 janvier 1997 dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée au poste de responsable de l'établissement d'[Localité 4]. A compter de janvier 2008, il a été promu au poste de directeur de l'établissement de [Localité 5] des deux sociétés ARVERNE AUTOMOBILES et GRANDS GARAGES D'AUVERGNE, puis à compter du mois de mai 2010 au poste de directeur du centre VO, créé pour l'exploitation des véhicules d'occasion dans le cadre d'un contrat de travail régularisé avec la société FINANCIERE [L] (holding familiale du groupe [L]).
Le 1er octobre 2012, le contrat de travail du salarié le liant à la société FINANCIERE [L] a été rompu. Par suite, Monsieur [O] a régularisé deux contrats de travail le liant respectivement aux sociétés d'exploitation ARVERNE AUTOMOBILES et GRANDS GARAGES D'AUVERGNE.
Le 29 mars 2013, les sociétés GRANDS GARAGES D'AUVERGNE et ARVERNE AUTOMOBILES ont été cédées au groupe de distribution automobiles multimarques DAVID GERBIER. Dans ce cadre, un contrat de concessionnaire automobile de la marque TOYOTA pour la société ARVERNE AUTOMOBILES et de la marque FIAT pour la société GRANDS GARAGES D'AUVERGNE a été régularisé.
En 2015, par suite de la fermeture du centre VO, Monsieur [O] a été affecté le 2 mars 2015 au poste de responsable commercial VN TOYOTA de l'établissement d'[Localité 4] de la société ARVERNES AUTOMOBILES.
Monsieur [O] a été convoqué à un entretien préalable à licenciement fixé au 11 avril 2019.
Il a ensuite été licencié pour insuffisance professionnelle suivant un courrier recommandé avec avis de réception en date du 25 avril 2019.
Le courrier de notification est ainsi libellé:
"Monsieur,
Pour faire suite à notre entretien du 11 avril 2019, nous vous informons avoir décidé de prononcer votre licenciement, notamment en raison de votre insuffisance professionnelle avérée et persistante.
Nous avons mûrement réfléchi cette décision, dans le prolongement de l'entretien précité.
Il reste que votre insuffisance professionnelle entraîne un très fort déficit de rentabilité du service de véhicules neufs de TOYOTA ce qui déséquilibre et met en péril l'entité dans son ensemble.
Au-delà, cette sous-performance commerciale menace la poursuite du contrat de distributeur de la marque TOYOTA et compromet à plus ou moins court terme, la pérennité de la structure et de ses emplois, ce qui nous contraint à prendre la décision de vous licencier.
Pour la bonne compréhension, avant d'expliciter les motifs de cette rupture du lien contractuel, il nous apparaît opportun de rappeler la chronologie de notre relation de travail, initiée au sein des sociétés ARVERNE AUTOMOBILES, GALA, GRANDS GARAGES D'AUVERGNE, FINANCIÈRE [L], dont les titres étaient jusqu'en avril 2013, détenus par la famille [L] avant leur cession à la société GROUPE DAVID GERBIER.
Pour précision, les sociétés ARVERNE AUTOMOBILES, distributeur TOYOTA, et GRANDS GARAGES D'AUVERGNE, distributeur de Marc FIAT détiennent, chacune, des établissements distincts de quelques centaines de mètres à [Localité 4], des établissements pourvus de locaux communs à [Localité 7] [Localité 5] et à [Localité 6], ainsi qu'un centre de véhicules d'occasion commun à [Localité 4].
Vous avez intégré le 2 janvier 1997, la société ARVERNE AUTOMOBILES au poste de Responsable de l'établissement TOYOTA d'[Localité 4] (contrat à durée indéterminée du 02/01/1997 avec la société ARVERNE AUTOMOBILES).
À compter du 1er janvier 2008, vous avez occupé le poste de Responsable de l'établissement de [Localité 5]-[Localité 7] des deux sociétés ARVERNE AUTOMOBILES et GRANDS GARAGES d'AUVERGNE, distribuant les marques TOYOTA et FIAT (contrat à durée indéterminée du 01/01/2008 avec la société GALA, modifié par avenant du 01/01/2009 réduisant votre temps de travail à 24,50h-temps de travail compensé par un second contrat de travail, portant sur 10,50h avec la société GRANDS GARAGES d'AUVERGNE).
À compter du 17 mai 2010, vous avez pris en charge le poste de Directeur VO au sein du centre de véhicules d'occasion d'[Localité 4], celui-ci commercialisent les véhicules d'occasions des deux sociétés ARVERNE AUTOMOBILE et GRANDS GARAGES d'AUVERGNE. (17 /05/2010 : conclusion d'un contrat de travail à durée indéterminée et à temps plein, rattaché à la société mère, la société Financière [L] conservant l'ancienneté acquise au sein des sociétés ARVERNE AUTOMOBILES en GALA : 01/10/ 2012 le contrat avec la société Financière [L] a été rompu au profit de deux contrats de travail voulions à temps partagé à chacune des deux sociétés ARVERNE AUTOMOBILES et GRANDS GARAGES D'AUVERGNE, et vous conservant votre entière ancienneté).
À la date du 1er octobre 2012, votre contrat de travail avec la société FINANCIERE [L], société mère du groupe, a été rompu, et la collaboration s'est poursuivie par deux contrats vous liant conjointement aux deux sociétés filiales, avec au « passage » une considérable majoration de votre salaire de 53 %.
La cession des titres des deux sociétés ARVERNE AUTOMOBILES et GRANDS GARAGES d'AUVERGNE sous mandat ad hoc, a eu lieu quelques mois plus tard, en avril 2013, à la société GROUPE DAVID GERBIERS.
Le nouveau dirigeant a très rapidement pris l'initiative d'une demande de reconnaissance d'une Union Economique et Social-UES entre les deux sociétés, celle-ci existant de fait depuis des années. Ceci en raison de dirigeants communs, de locaux communs, d'une permutabilité du personnel, dont certains collaborateurs travaillaient, comme cela a été votre cas au centre commun de véhicules d'occasion, pour le compte des deux sociétés.
L'objectif était de ne plus avoir à gérer des situations de doubles contrats de travail pour un même salaire pour un même salarié ou deux contrats successifs d'une société à l'autre comme ci-avant décrites.
À cette époque vous vous trouviez en poste de directeur des ventes VO, lié à la société ARVERNE AUTOMOBILES, par un contrat de travail de 21 heures hebdomadaires, pour un salaire mensuel brut de 4.860 euros. Par un autre contrat de 14 heures par semaine, vous étiez lié à la société GRANDS GARAGES d'AUVERGNE, moyennant une rémunération mensuelle brute de 3.240 euros. Les deux contrats spécifiaient votre temps partagé entre les deux sociétés, en indiquant votre libre faculté d'organiser la répartition de votre temps de travail entre celles-ci.
Cette situation complexifiant l'établissement des bulletins de paie, les déclarations sociales, la gestion des congés, nous avons convenu avec votre accord, de transférer votre contrat de travail sur l'une des deux entités.
Cette modification a été actée à la date du 31 décembre 2013, « au profit » de la société GRANDS GARAGES d'AUVERGNE, l'intégralité de votre ancienneté et rémunération étant conservé soit 8.100 euros mensuels.
Ceci étant précisé, une année plus tard, au premier trimestre 2015, nous avons décidé de la fermeture du centre commun de véhicules d'occasion et nous sommes attachés à trouver la meilleure solution de réaffectation pour vous.
C'est ainsi que nous vous avons proposé, le 9 février 2015, de prendre en charge le poste de Directeur Commercial TOYOTA de site d'[Localité 4], localisé à 500 mètres du centre commun précité. Ceci dans la continuité de la relation de travail, puisque vous aviez déjà longuement officier en tant que Responsable de site TOYOTA.
Vous avez librement accepté de prendre ce poste en charge, que vous occupez effectivement, depuis le 1er mars 2015, en toute autonomie.
Votre contrat de travail est resté attaché à la société GRANDS GARAGES d'AUVERGNE, étant rappelée l'UES liant vos employeurs successifs, vous-même ayant été salarié, tantôt de la société ARVERNE AUTOMOBILES, tantôt de la société GRANDS GARAGES d'AUVERGNE, et même parfois des deux sociétés en même temps, sans que cela n'occasionne des difficulté.
Par correspondance du 19 janvier 2017, nous vous avons signifié que nous procédions à la modification de la dénomination de votre emploi par l'appellation de Directeur Commercial VN TOYOTA, conformément au poste que vous occupiez depuis près de deux années, ce qui n'a appelé aucune objection, voir simple observation de votre part.
Cette chronologie de la relation de travail étant dûment rappelée, votre mission en tant que directeur commercial VN TOYOTA de l'établissement d'[Localité 4] consistait à :
- manager, animer l'équipe commerciale VN TOYOTA, pour le meilleur résultat de l'ensemble ;
- réaliser la performance commerciale, en assurant tout particulièrement les approvisionnements des véhicules neufs, en nombre et en qualité, répondant à la demande des clients et ainsi générer des volumes et de la marge commerciale sur les ventes VN ;
- manager la vente de solutions de financement et la pénétration financement sur les ventes VN ;
- organiser les conditions de reprises de véhicules d'occasion sur les ventes de véhicules neufs TOYOTA, à fin de générer du volume, de la marge sur la revente de ces véhicules d'occasion, de la marge pour l'atelier, du fait des remises en état, de la marge et du chiffre d'affaires pièces de rechange.
Votre bon pilotage des quatre objectifs ci-avant, associé au respect des standards de performance qualité devait engendrer une bonne rentabilité de l'activité VN TOYOTA au sein de la concession. Toutefois bien que cette fonction soit en parfaite adéquation avec votre qualification et votre expérience antérieure, votre travail au poste de directeur VN TOYOTA n'a jamais donné réelle satisfaction. Vous êtes défaillant sur chacun des sujets qui construisent la rentabilité du service "véhicules neufs" TOYOTA dont vous avez la responsabilité; le service VN devant bien évidemment contribuer de manière active à la rentabilité globale de l'entité.
Au mois de juillet 2018, nous vous avions formellement alerté quant à votre manque de performance dans le management de l'équipe et l'animation des plans d'actions, carence ayant déjà suscité une très mauvaise performance commerciale à mi-parcours de l'année 2018.
Vous n'en avez pas tenu compte, le bilan de l'année 2018 étant mauvais et le premier
trimestre 2019 encore plus inquiétant comme explicité ci-après.
' La performance commerciale VN de la concession TOYOTA [Localité 4] est insatisfaisante, avec une part de marché en 2018 de 3,83%, alors que la moyenne en France est de 4,48%, soit un indice de performance de 85,47%.
En 2018, l'objectif livraisons constructeur n'a pas été atteint avec 718 livraisons/immatriculations pur un objectif fixé à 1 040, soit une efficience de 69%.
Ceci, alors que les immatriculations de la marque, au niveau national, ont progressé de près de 10% en 2018 par rapport à 2017'
Malheureusement, le début d'année 2019 marque une détérioration des performances commerciales de la concession d'[Localité 4], encore plus importante par rapport à la moyenne
France.
o Les prises de commandes sont très basses sur le 1 er trimestre 2019, en recul de 13,6% par rapport au premier trimestre 2018 et en total décalage avec la performance de la marque dont les prises de commande sont en hausse de 5,5 % au niveau national, sur le T1 2019/T1 2018.
o L'objectif de prise de commande n'est couvert qu'à hauteur de 63% sur le T1 2019, alors que cet objectif est atteint au niveau France à 97%.
o La part de marche d'[Localité 4] sur son secteur est de 3,36% pour une moyenne France de 3,92% à fin mars 2019. L'indice de performance n'est que de 85,64% sur le début de l'année 2019.
Cette sous performance commerciale VN TOYOTA, prive la concession d'[Localité 4] des marges afférentes à chacune des livraison VN non réalisées, de commissions sur vente de financement, de vente d'accessoires, d'une partie de ses primes de volume constructeur, calculés sur la réalisation de ces objectifs'.
' La production financement de la concession TOYOTA [Localité 4] est insatisfaisante
L'objectif ROF (ristournes des organismes financiers = total de la rémunération versée par les partenaires financiers sur la production de financement), visant un commissionnement de 300 euros par VN n'a pas été atteint en 2018, avec un commissionnement perçu de 227 euros par VN'
L'objectif d'un commissionnement de 300 euros était pourtant parfaitement réaliste et atteignable puisque, au niveau national, le commissionnement perçu par les concessionnaires TOYOTA de volume similaire est de 382 euros par VN en 2018.
Le début de l'année 2019 ne laisse pas présager d'amélioration.
A fin mars 2019, l'objectif annuel proratisé de production TOYOTA Finance n'est couvert qu'à hauteur de 76%. La ROF à la VN est de 131 euros par VN, pour un objectif de 300 euros par VN.
' Votre gestion de l'équipe commerciale n'est pas bonne
Votre management a été à plusieurs reprises, qualifié d'inadéquat ; et votre manque d'accompagnement et d'équité a été stigmatisé par différents vendeurs.
Le turn over au sein de votre service est important : des démissions, des ruptures d'essai, des commerciaux qui se plaignent de votre management inapproprié, une équipe qui ne trouve pas de stabilité.
Le registre du personnel des 3 dernières années enseigne qu'une quinzaine de vendeurs se sont succédés au sein de votre équipe qui compte un effectif de 8 commerciaux.
D'évidence, ce management qualifié par certains de caractériels, perturbe l'équipe commerciale au préjudice de ses résultats.
' Votre gestion des conditions de reprise des véhicules au sein du service n'est pas bonne
Vous ne faites pas respecter les procédures de reprises et d'évaluation des frais de remise en état au sein de votre service, les fiches d'estimation de reprises sont non conformes, non signés des clients, parfois non chiffrées, les caractéristiques des véhicules sont incomplètes.
Ces dysfonctionnements génèrent des frais de remise en état indus sur des véhicules repris'
Au delà, votre sous performance commerciale, dans les ventes de véhicules neufs, retire des reprises de véhicules d'occasion au service VO d'[Localité 4] pour chacune des livraisons VN non réalisées.
Vous privez la section VO de reprises et donc de marges commerciale sur la revente de ces véhicules d'occasion.
Votre taux de reprise VO sur vente VN, en 2018 étant de 50,27%, c'est 522 reprises de véhicules d'occasion qui auraient dues être faites, si vous aviez réalisé votre objectif au service VN, en lieu et place des 361 VO repris en 2018'
Sur le 1er trimestre de l'année 2019, le constat est le même puisque votre sous performance VN a fait perdre 68 reprises VO au service véhicules d'occasion (réalisation de 65 reprises sur ventes VN alors que le potentiel était de 133 (soit 50,27% des 266 VN de l'objectif livraison)'
Conséquences
En raison de vos carences dans le management de la performance commerciale, le management de la pénétration financement sur les ventes TOYOTA, dans la bonne gestion et le ménagement de l'équipe commerciale, la rentabilité du service VN dont vous êtes chargé est excessivement mauvaise. En 2018 le résultat de la section VN TOYOTA à [Localité 4] n'est que de 84 € par VN livré alors que ce résultat est de 641 euros par VN en moyenne au sein des concessions TOYOTA de volume similaire en France. C'est donc plus de 600Keuros de résultat potentiel, que votre service a directement fait perdre à l'entité en 2018.
Au-delà encore par votre insuffisance dans la mévente de 322 VN en 2018 vous avez privé la société de marges sur la revente de véhicules d'occasion, du chiffre d'affaires correspondant à la vente d'accessoires à hauteur d'un montant de 97 Keuros mais aussi indéniablement de chiffre d'affaires atelier et carrosserie, par une carence de la clientèle amenée par le service commercial.
Votre insuffisance professionnelle et la sous performance commerciale véhicules neufs affectent ainsi la rentabilité de chacun des services de l'entreprise.
Au premier trimestre 2019, aucun des objectifs "constructeur" n'est atteint, alors que la marque est en progression sur le territoire national à des niveaux qu'elle n'a jamais connus jusqu'alors.
Les prises de commandes qui sont nos futures livraisons sont à un niveau très bas, en très fort décalage avec la performance France.
À la fin mars 2019, l'objectif commande n'est couvert qu'à 63 % alors que réalisé à 97 % sur le territoire national. L'objectif livraison n'est couvert qu'à 87 % alors que réalisé à 97 % au niveau national.
L'objectif financement proratisé à la fin mars 2019 n'est couvert qu'à 76 % , le ROF à la VN est de 131 € par VN pour un objectif de 300 euros par VN. En premier trimestre 2019, votre service enregistre une perte de 37,618 euros alors que la rentabilité potentielle du trimestre est destinée à cents 170,506 euros.
Enfin par votre insuffisance dans la mévente de 76 VN au T1 2019 vous avez privé la société de marges sur la revente de véhicules d'occasion, du chiffre d'affaires correspondant à la vente d'accessoires à hauteur d'un montant de 23 Keuros mais aussi de chiffre d'affaires atelier et carrosserie.
Ces mauvais résultats en décrochage avec les excellents résultats de la marque TOYOTA sur le territoire national sont très préjudiciable à la structure. La sous performance commerciale du service "véhicules neuf s"nous a déjà par deux fois conduit à une convocation par la direction générale de TOYOTA France réclamant des explications quant aux actions que nous allions mettre en place pour y remédier. Il nous a notamment été démontré que nos approvisionnements en véhicules neufs sur stock n'étaient pas correctement réalisé, puisque nous nous trouvions régulièrement en pénurie sur certaines silhouettes ( modèle de véhicules ), d'où notre sous performance commerciale, bien qu'un outil de pilotage soit mis à votre disposition par la marque.
À terme cette sous performance commerciale en décalage avec les résultats obtenus par la marque sur le territoire national pourrait remettre en cause la légitimité de la concession d'[Localité 4] au sein du réseau TOYOTA et menacée la pérennité de son contrat avec le constructeur.
Ces éléments on dûment été portés à votre connaissance, lors de l'entretien préalable du 11 avril 2019. Vous n'avez souhaité y apporter que très peu de commentaires, et notre position ne s'en est pas trouvée modifiée.
En résumé votre insuffisance professionnelle est très préjudiciable aux intérêts, à hauteur de plus de 700.000 euros en 2018 et de plus de 200.000 euros au 1er trimestre 2019, ce qui entraîne une perte totale de confiance renforcée par un management défaillant, ne nous permettant pas de poursuivre notre collaboration.
Votre licenciement deviendra effectif à l'issue d'un préavis de trois mois, qui débutera à la date de première présentation de cette lettre.
Nous avons décidé de vous dispenser de toute exécution de votre préavis, les salaires afférents vous étant verser aux échéances normales de paie.
La période correspondant à votre mise à pied conservatoire vous sera rémunérée.
A l'issue du préavis, nous tiendrons à votre disposition votre certificat de travail, votre solde de tout compte et l'attestation POLE EMPLOI.
Nous vous informons qu'en application de la loi n°2013'504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi, venue compléter les dispositions relatives au maintien des garanties instauré par l'Accord National Interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2008.
Vous garderez le bénéfice des garanties des couvertures complémentaires santé et prévoyance appliquées dans l'entreprise pendant votre période de chômage et pour une durée égale à la durée de votre dernier contrat de travail, ou de vos derniers contrats de travail lorsqu'ils sont consécutifs chez le même employeur, appréciée un mois entier, le cas échéant arrondie au nombre supérieur, dans la limite de 12 mois.
Le bénéfice du maintien des garanties est subordonné à la condition que les droits à couverture complémentaire aient été ouverts au sein de l'entreprise.
Le financement du maintien des garanties est assuré par un mécanisme de mutualisation, qui ne nécessite pas de cotisation supplémentaire de la part du salarié ou de ses ayant droit.
Il vous sera remis une note d'information relative au maintien des garanties, ainsi que le bulletin de demande de maintien des garanties.
Nous vous informons enfin que vous pouvez faire une demande de précision des motifs de licenciement énoncés dans la présente lettre, dans les quinze jours suivant sa notification par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé.
Nous avons la faculté d'y donner suite dans un délai de quinze jours après réception de cette demande par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé.
Nous pouvons également, le cas échéant est dans les mêmes formes prendre l'initiative d'apporter des précisions à ses motifs dans un délai de quinze jours suivant la notification du licenciement.
Nous vous prions d'agréer, monsieur, l'expression de nos salutations distinguées.
David Ney, directeur général."
- Sur la nullité du licenciement -
En l'espèce la cour a déjà retenu que les agissements de la SAS GRANDS GARAGES D'AUVERGNE ne sont pas constitutifs d'un harcèlement moral à l'encontre de Monsieur [P] [O].
La demande de ce dernier de voir prononcer la nullité de son licenciement en raison des faits de harcèlement moral dont il se prévaut, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il débouté Monsieur [P] [O] de ses demandes de voir juger que le licenciement est nul ainsi que de ses demandes indemnitaires subséquentes au titre du préjudice moral et du préjudice financier.
- Sur le licenciement pour insuffisance professionnelle -
Il ressort de la lettre de licenciement, laquelle fixe les limites du litige, que la société GRANDS GARAGES D'AUVERGNE reproche au salarié les quatre griefs suivants, qu'il conviendra d'analyser successivement: une insuffisance de performance commerciale, une insuffisance de production de financement, son management et sa gestion de reprise des véhicules.
- Sur l'insuffisance de performance commerciale -
La société fait valoir que la mauvaise performance commerciale de l'équipe TOYOTA d'[Localité 4], très en retrait des résultats obtenus par les autres concessionnaires de la marque sur le territoire national, s'est encore aggravée sur le premier trimestre 2019.
Monsieur [O] réplique que la faute invoquée de ce chef a déjà été sanctionnée par l'avertissement du 27 juillet 2018, étant rappelé qu'il est constant qu'un même fait fautif ne peut donner lieu à une double sanction. En tout état de cause, s'il ne conteste pas que les objectifs n'ont pas été atteints, il souligne en revanche une hausse des ventes.
Il ressort des éléments fournis par l'employeur, notamment du suivi objectifs livraison AMC et commandes 2018 et T1 2019, du comparatif constructeur de rentabilité des concessions et des prises de commande France au T1 2019, que les objectifs commerciaux fixés par le constructeur TOYOTA n'ont pas été atteints au premier trimestre 2019 et que le service VN TOYOTA était déficitaire de 37.618 euros.
Les prises de commandes étaient également très basses, en recul de 13,6 % par rapport au premier trimestre 2018, et en décalage avec les performances de la marque, dont les prises de commandes étaient en hausse de 5,5 % au niveau national sur la même période.
Enfin, l'objectif de prise de commande n'était atteint qu'à hauteur de 63 % alors que cet objectif était atteint au niveau France à 97 %.
Si le salarié fait valoir une hausse des ventes de 3,09 %, force est de constater que cette hausse porte sur la période de 2017 à 2018 et non sur le premier trimestre 2019.
Alors que le salarié avait déjà fait l'objet d'un avertissement le 27 juillet 2018 portant partiellement sur sa performance commerciale, il convient de relever que la performance commerciale du salarié s'est encore aggravée par la suite. Ainsi, le premier grief apparaît fondé.
- Sur l'insuffisance de production de financement -
L'employeur reproche au salarié les mauvais résultats portant sur la vente de solution de financement.
Monsieur [O] fait valoir que l'objectif de financement des véhicules neufs est fixé par TOYOTA FRANCE à 32% de pénétration et que sur la concession sise à [Localité 4] dont il avait la charge, le taux de pénétration est de 37,60%. Il ajoute que le résultat des sites de [Localité 6] et [Localité 7], dont le pourcentage de pénétration est largement inférieur et dont il n'assure pas la direction, explique la sous-performance du pôle Auvergne dans son ensemble alors même qu'elle ne saurait lui être imputée dès lors que le taux de son site a atteint l'objectif défini nationalement.
L'employeur démontre cependant, par la production du comparatif résultats VN [Localité 4] / moyenne nationale et du ROF (ristournes reversées par les partenaires financiers à la concession sur la production financement) 2018 commissionnement financement, que Monsieur [O] n'a pas atteinte l'objectif de commissionnement de 300 euros fixé par VN TOYOTA en 2018 avec une commission perçue de 227 euros par véhicule neuf, ceci alors qu'au niveau national le commissionnement perçu par les concessionnaires TOYOTA de volume similaire avait été de 382 euros en 2018.
En outre, tenant compte de l'écart entre un commissionnement potentiel de 312.000 euros, sur la base de l'objectif fixé à 300 euros par véhicule neuf et les 237.000 euros perçus en réalité, la société souffre d'un manque à gagner de 75.000 euros pour l'année 2018.
Le grief est ainsi établi.
- Sur le management -
La société considère que la gestion de l'équipe commerciale et le management de Monsieur [O] étaient en cause dans la sous performance et le déficit de rentabilité de son service.
En réponse, Monsieur [O] fait valoir que la faute qui lui est imputée de ce chef a déjà fait l'objet d'une double sanction par effet de deux avertissements respectivement notifiés les 27 juillet et 16 août 2018.
La jurisprudence interdit de sanctionner plusieurs fois la même faute. Un même fait ne saurait justifier successivement deux sanctions disciplinaires.
Des faits distincts ne peuvent pas non plus faire l'objet de sanctions successives si l'employeur avait connaissance de l'ensemble de ces faits lors du prononcé de la première sanction. L'employeur qui, ayant connaissance de divers faits commis par le salarié considérés par lui comme fautifs, choisit de n'en sanctionner que certains, ne peut plus ultérieurement prononcer une nouvelle mesure disciplinaire pour sanctionner les autres faits antérieurs à la première sanction.
Il ressort cependant de l'examen des pièces produites par l'employeur que ce dernier produit plusieurs attestations établies postérieurement aux sanctions disciplinaires notifiées les 27 juillet et 16 août 2018, parmi lesquelles:
- Monsieur [B], qui atteste que le salarié était "irrespectueux" et "extrêmement désagréable avec certains employés" ;
- Monsieur [V], responsable du site de [Localité 6], indique que "Monsieur [O] a eu une communication difficile avec mon équipe et moi-même" ;
- Monsieur [D], ancien salarié, indique que "les promesses de Monsieur [O] n'étaient pas tenues, ce dernier ne m'a vraiment aidé et formé lors de mon parcours".
Ces éléments nouveaux portés à la connaissance de l'employeur, cumulés avec les faits déjà portés à sa connaissance et sanctionnés par les avertissements des 27 juillet et du 16 août 2018, caractérisent les manquements réitérés du salarié liés au management, tant par le turnover important des salariés matérialisé par le premier avertissement que par les propos racistes et sexistes qui lui sont reprochés aux termes du deuxième avertissement.
- Sur la gestion de reprise des véhicules -
L'employeur reproche au salarié une gestion approximative des procédures de reprise et d'évaluation des frais de remise en état des véhicules d'occasion à reprendre sur les ventes de véhicules neufs entraînant des frais indus.
Monsieur [O] réplique qu'il ne lui a jamais été fixé aucun objectif en ce domaine et conteste les calculs présentés par la société sur sa gestion de reprise des véhicules.
A l'instar des premiers juges, il a lieu de relever que les chiffres figurant dans la lettre de licenciement concernent bien les résultats de l'établissement d'[Localité 4] et non pas d'autres établissements.
De surcroît, il résulte du rapport établi quelques semaines avant la notification du licenciement par le responsable transverse VO du groupe que la moitié des dossiers TOYOTA VN étaient non conformes et que les fiches permettant le calcul du prix de reprise étaient incomplètes et non renseignées alors que l'intégralité de ces dossiers avaient été validés par Monsieur [O].
Cette mauvaise gestion a été doublée de la sous performance de l'équipe commerciale VN TOYOTA en taux de reprise sur ventes VN qui a engendré des pertes de marges évaluées à 46.000 euros en 2018 et de 28.000 euros sur le premier trimestre 2019.
Ainsi, ce dernier grief est également établi.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, de l'ancienneté et de la rémunération importantes du salarié, des nombreuses alertes qui lui ont été notifiées, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que le licenciement pour insuffisance professionnelle de Monsieur [P] [O] repose sur une cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a débouté Monsieur [P] [O] de ses demandes indemnitaires subséquentes.
- Sur les frais irrépétibles et les dépens -
Les dispositions du jugement déféré relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance seront confirmées.
En équité, il convient de dire qu'il n'y a pas lieu de prononcer une condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
Monsieur [P] [O], qui succombe en son recours, sera condamné au paiement des dépens en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,
- Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
- Dit qu'il n'y a pas lieu de prononcer une condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
- Condamné [P] [O] au paiement des dépens en cause d'appel ;
- Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.
La Greffière Le Président
N. BELAROUI C. RUIN