31 JANVIER 2023
Arrêt n°
FD/NB/NS
Dossier N° RG 20/01245 - N° Portalis DBVU-V-B7E-FOSB
[C] [F]
/
S.A.S. BARBIER ET CIE
Arrêt rendu ce TRENTE ET UN JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :
M. Christophe RUIN, Président
Mme Frédérique DALLE, Conseiller
Mme Sophie NOIR, Conseiller
En présence de Mme Nadia BELAROUI greffier lors des débats et du prononcé
ENTRE :
M. [C] [F]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Me Kader KARAKAYA, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
APPELANT
ET :
S.A.S. BARBIER ET CIE
prise en la personne de son Président en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Sophie LACQUIT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND, avocat constitué, substitué par Me Delphine TOURRET du Cabinet CAPSTAN, avocat au barreau de LYON, avocat plaidant
INTIMEE
Après avoir entendu Mme DALLE, Conseiller en son rapport, les représentants des parties à l'audience publique du 14 Novembre 2022, la Cour a mis l'affaire en délibéré, Monsieur le Président ayant indiqué aux parties que l'arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE
La SAS BARBIER est une société exerçant une activité de transformation de plastiques à [Localité 4]. Elle emploie environ 500 salariés et applique les dispositions de la convention collective nationale des industries de textile.
Monsieur [C] [F] a été embauché par la SAS BARBIER en qualité de conducteur de soudeuse, coefficient 131, du 1er avril 2009 au 31 mars 2010 suivant contrat à durée déterminée, suivi par un contrat à durée indéterminée.
A compter du 10 octobre 2017, Monsieur [F] a été placé en arrêt de travail pour maladie professionnelle.
A l'issue de la visite médicale de reprise du 19 juillet 2018, le médecin du travail a formulé les restrictions suivantes : « pas de port de charges supérieures à 10kg et pas de gestes ni de postures avec élévation des bras au-delà de 90 degrés d'angle thorax bras de façon définitive. »
A l'issue de la visite médicale du 7 septembre 2018, le médecin du travail a conclu à l'inaptitude de Monsieur [F] en ces termes : « inapte au poste, apte à un autre. Capacités résiduelles : contre-indication de port de charges supérieures à 10kg et travail avec élévation des bras supérieure à 90 degrés à fortiori avec charge y compris travail en poussée. »
Par courrier recommandé avec avis de réception expédié le 11 octobre 2018, Monsieur [F] a été convoqué à un entretien préalable à licenciement fixé au 22 octobre suivant.
Par courrier recommandé avec avis de réception expédie le 25 octobre 2018, Monsieur [F] a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Le 27 mai 2019 par requête expédiée en recommandé, Monsieur [F] a saisi le conseil de prud'hommes du PUY-EN-VELAY aux fins notamment de voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse outre obtenir diverses sommes à titre indemnitaire.
L'audience devant le bureau de conciliation et d'orientation s'est tenue en date du 2 juillet 2019 et, comme suite au constat de l'absence de conciliation (convocation notifiée au défendeur le 29 mai 2019), l'affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement.
Par jugement contradictoire en date du 8 septembre 2020 (audience du 23 juin 2020), le conseil de prud'hommes du PUY-ENV-VELAY a :
- Dit que le licenciement de Monsieur [F] est bien survenu pour une cause réelle et sérieuse ;
En conséquence :
- Débouté Monsieur [F] de l'ensemble de ses demandes ;
- Débouté la société BARBIER de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens.
Par déclaration du 30 septembre 2020, Monsieur [F] a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié à sa personne le 14 septembre 2020.
Vu les conclusions notifiées à la cour le 17 décembre 2020 par Monsieur [F],
Vu les conclusions notifiées à la cour le 16 mars 2021 par la société BARBIER,
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 17 octobre 2022.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses dernières écritures, Monsieur [F] conclut à l'infirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions et demande à la cour, statuant à nouveau, de :
- Retenir qu'il a été licencié en considération de son état de santé et sans que soit remplie loyalement l'obligation de reclassement ;
Condamner la société BARBIER au paiement des sommes suivantes :
* 25.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et licenciement nul,
* 10.000 euros pour exécution déloyale du contrat de travail,
* 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Monsieur [F] considère tout d'abord que l'employeur a usé de stratagèmes afin de laisser croire qu'il respectait la législation protectrice des salariés victimes d'une maladie professionnelle ou d'un accident du travail et qu'il avait, dès réception du certificat médical, décidé de l'évincer des effectifs de l'entreprise. Il soutient ensuite, subséquemment, que l'employeur n'a nullement procédé à des recherches loyales et sérieuse de reclassement. Il déduit de ces circonstances que son licenciement est nul et, en tout état de cause dénué de cause réelle et sérieuse, et sollicite en conséquence l'indemnisation afférente.
Dans ses dernières écritures, la société BARBIER demande à la cour de :
Sur la rupture du contrat :
Sur la validité du licenciement :
A titre principal :
- Infirmer le jugement déféré et statuant de nouveau ;
- Constater que Monsieur [F] n'a pas contesté l'avis d'inaptitude du 7 septembre 2018 dans le délai de 15 jours imparti ;
- Constater que Monsieur [F] est donc forclos ;
En conséquence :
- Déclarer la demande de nullité de licenciement de Monsieur [F] irrecevable ;
A titre subsidiaire :
- Confirmer le jugement entrepris ;
- Constater qu'il n'y a pas de nullité sans texte ;
- Constater que Monsieur [F] ne justifie d'aucun texte permettant de considérer qu'elle aurait commis un manquement susceptible de faire encourir la nullité au licenciement prononcé ;
- Constater, en tout état de cause qu'elle n'a commis aucun manquement ;
En conséquence :
- Débouter Monsieur [F] de sa demande de nullité de licenciement et de l'indemnisation afférente ;
Sur le bien-fondé du licenciement :
- Confirmer le jugement entrepris ;
- Constater qu'elle a procédé à des sérieuses recherches de reclassement, en étroite collaboration avec le médecin du travail ;
En conséquence :
- Constater que le licenciement de Monsieur [F] repose bien sur une cause réelle et sérieuse ;
- Débouter Monsieur [F] de l'intégralité de ses demandes de ce chef ;
Sur l'exécution déloyale du contrat :
- Confirmer le jugement entrepris ;
- Constater que Monsieur [F] ne remplit par la charge de la preuve qui lui incombe, ne précisant pas même en quoi elle aurait exécuté de manière déloyale le contrat ;
En conséquence :
- Débouter Monsieur [F] de sa demande de dommages et intérêts de ce chef ;
En tout état de cause, sur sa demande reconventionnelle :
- Condamner Monsieur [F] à lui verser la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société BARBIER relève tout d'abord que le salarié sollicite à la fois que son licenciement soit déclaré nul et sans cause réelle et sérieuse, et conteste le bien fondé de cette double demande.
A titre principal, elle soutient que le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement notifié au salarié est parfaitement valable. Elle prétend qu'il est en effet parfaitement possible de prendre en considération l'état de santé du salarié, sans que le licenciement n'encourt la nullité, lorsqu'il s'agit de prononcer un licenciement pour inaptitude au poste de travail.
Elle explique également qu'alors que le salarié considère que c'est à tort que le médecin du travail l'a déclaré inapte à son poste de travail, il n'a toutefois pas contesté en temps utile les termes dudit avis, lequel est en conséquence devenu définitif, en sorte qu'il n'est plus fondé à remettre en cause son inaptitude.
Elle réfute ensuite avoir commis de quelconques faute à l'égard du salarié susceptible d'entraîner la nullité de son licenciement.
A titre subsidiaire, elle considère que le licenciement du salarié est bien fondé dès lors qu'elle a satisfait à son obligation de recherches loyales et sérieuses de reclassement. Elle explique avoir recherché avec diligence à reclasser le salarié, s'être rapprochée à cette fin du médecin du travail, mais que les restrictions médicales, en l'espèce particulièrement significatives, ont fait obstacle à ce qu'une solution puisse être identifiée. Elle conteste à cet égard avoir, dès réception du certificat médical du salarié, pris la décision de l'évincer des effectifs de l'entreprise.
Elle conteste enfin toute mauvaise foi dans l'exécution du contrat de travail du salarié et excipe de l'absence de tout élément objectif susceptible de corroborer ces allégations.
Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions, moyens et arguments des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux dernières conclusions régulièrement notifiées et visées.
MOTIFS
- Sur la rupture du contrat de travail et ses conséquences -
Lorsqu'un salarié en contrat de travail à durée indéterminée est déclaré inapte, l'employeur peut prononcer un licenciement pour cause d'inaptitude du salarié avec impossibilité de reclassement en respectant la procédure de licenciement fixée par le code du travail (articles L. 1226-2 à L. 1226-4-3 pour l'inaptitude consécutive à une maladie ou à un accident d'origine non professionnelle / articles L. 1226-7 à L. 1226-17 pour l'inaptitude consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle).
Si le code du travail prévoit des règles identiques, en cas d'inaptitude consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle ou d'inaptitude d'origine non professionnelle, en matière de reclassement et de reprise de versement du salaire, la rupture du contrat de travail emporte des conséquences différentes pour ces deux cas de figure. La rupture du contrat de travail d'un salarié inapte à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle emporte certains effets spécifiques qui sont plus favorables pour le salarié.
Les articles L.1226-6 à L.1226-12 du code du travail contiennent les règles particulières aux salariés victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle qui s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.
La lettre de licenciement doit mentionner l'inaptitude physique et l'impossibilité de reclassement.
Lorsque le médecin du travail déclare le salarié inapte à reprendre son poste, l'employeur doit chercher à reclasser le salarié dans un autre emploi adapté à ses nouvelles capacités, sauf dispense expresse du médecin du travail. L'employeur doit solliciter, au préalable, l'avis des représentants du personnel. Si le reclassement est impossible, il doit le notifier par écrit au salarié.
L'employeur, non dispensé de son obligation de reclassement, doit interroger le médecin du travail sur les possibilités de reclassement du salarié, notamment sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise et, le cas échéant, sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.
L'employeur doit consulter les délégués du personnel ou le comité social et économique, à compter de sa mise en place, sur les possibilités de reclassement du salarié.
En cas de manquement de l'employeur à son obligation de consultation des représentants du personnel en matière de reclassement, le licenciement pour inaptitude du salarié est sans cause réelle et sérieuse.
Pour être valable, la consultation des représentants du personnel doit intervenir après la constatation de l'inaptitude et avant proposition au salarié d'un poste de reclassement ou avant l'engagement de la procédure de licenciement. Il est admis que l'employeur, ayant proposé un reclassement à un salarié sans avoir recueilli préalablement l'avis des représentants du personnel,
puisse régulariser la procédure en faisant une nouvelle offre de reclassement, après avoir consulté les représentants du personnel et avant la convocation à l'entretien préalable au licenciement.
L'employeur doit fournir aux représentants du personnel toutes les informations nécessaires sur le reclassement, telles que, par exemple, les conclusions du médecin du travail sur l'aptitude du salarié à occuper un emploi dans l'entreprise.
L'employeur doit proposer au salarié un emploi approprié à ses capacités, compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des dernières indications en date que celui-ci formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise et sa capacité à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.
En cas d'avis successifs du médecin du travail, l'employeur doit se conformer au dernier avis émis, que celui-ci ait été donné à l'issue d'une nouvelle suspension du contrat de travail ou non.
L'emploi de reclassement doit être aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutation, aménagement, adaptation ou transformation de postes existants, ou aménagement du temps de travail. Il ne doit en principe entraîner aucune modification du contrat de travail du salarié inapte. Toutefois, si le seul poste disponible emporte une modification du contrat de travail, il doit être proposé au salarié déclaré inapte.
Le reclassement doit être recherché parmi les emplois disponibles, y compris ceux pourvus par voie de contrat à durée déterminée.
Lorsque l'entreprise qui emploie le salarié appartient à un groupe, la recherche de reclassement doit s'effectuer au sein des entreprises du groupe situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel. En cas de litige sur la consistance ou le périmètre du groupe de reclassement, le juge forme sa conviction au vu de l'ensemble des éléments fournis par les deux parties.
Si l'employeur conclut à l'impossibilité de reclassement, soit parce qu'aucun poste conforme n'est disponible, soit parce que le salarié a refusé le ou les postes proposés, il doit faire connaître à ce dernier, par écrit, les motifs s'opposant à son reclassement avant d'engager la procédure de rupture du contrat à durée indéterminée ou du contrat à durée déterminée.
Aux termes de l'article L.1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L.3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap.
Selon l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses mesures d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations:
- constitue une discrimination directe la situation dans laquelle sur le fondement de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion,
ses convictions, son âge, son handicap, son orientation sexuelle ou de son sexe, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable,
- constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d'entraîner, pour l'un des motifs précités, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés,
- la discrimination inclut tout agissement lié à l'un des motifs précités et tout agissement à connotation sexuelle, subis par une personne et ayant pour objet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement hostile, dégradant humiliant ou offensant.
L'article L.1134-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Lorsque le salarié présente des éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Monsieur [F] considère que l'employeur a usé de stratagèmes afin de laisser croire qu'il respectait la législation protectrice des salariés victimes d'une maladie professionnelle ou d'un accident du travail et qu'il avait, dès réception du certificat médical, décidé de l'évincer des effectifs de l'entreprise. Il soutient ensuite, subséquemment, que l'employeur n'a nullement procédé à des recherches loyales et sérieuse de reclassement. Il déduit de ces circonstances que son licenciement est nul et, en tout état de cause dénué de cause réelle et sérieuse, et sollicite en conséquence l'indemnisation afférente.
La société BARBIER relève tout d'abord que le salarié sollicite à la fois que son licenciement soit déclaré nul et sans cause réelle et sérieuse, et conteste le bien fondé de cette double demande.
A titre principal, elle soutient que le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement notifié au salarié est parfaitement valable. Elle prétend qu'il est en effet parfaitement possible de prendre en considération l'état de santé du salarié, sans que le licenciement n'encourt la nullité, lorsqu'il s'agit de prononcer un licenciement pour inaptitude au poste de travail.
Elle explique également qu'alors que le salarié considère que c'est à tort que le médecin du travail l'a déclaré inapte à son poste de travail, il n'a toutefois pas contesté en temps utile les termes dudit avis, lequel est en conséquence devenu définitif, en sorte qu'il n'est plus fondé à remettre en cause son inaptitude.
Elle réfute ensuite avoir commis de quelconques faute à l'égard du salarié susceptible d'entraîner la nullité de son licenciement.
A titre subsidiaire, elle considère que le licenciement du salarié est bien fondé dès lors qu'elle a satisfait à son obligation de recherches loyales et sérieuses de reclassement. Elle explique avoir recherché avec diligence à reclasser le salarié, s'être rapprochée à cette fin du médecin du travail, mais que les restrictions médicales, en l'espèce particulièrement significatives, ont fait obstacle à ce qu'une solution puisse être identifiée. Elle conteste à cet égard avoir, dès réception du certificat médical du salarié, pris la décision de l'évincer des effectifs de l'entreprise.
En l'espèce, Monsieur [C] [F] a été embauché par la SAS BARBIER en qualité de conducteur de soudeuse, coefficient 131, du 1er avril 2009 au 31 mars 2010 suivant contrat à durée déterminée, suivi par un contrat à durée indéterminée.
A compter du 10 octobre 2017, Monsieur [F] a été placé en arrêt de travail pour maladie professionnelle.
A l'issue de la visite médicale de reprise du 19 juillet 2018, le médecin du travail a formulé les restrictions suivantes : « pas de port de charges supérieures à 10kg et pas de gestes ni de postures avec élévation des bras au-delà de 90 degrés d'angle thorax bras de façon définitive. »
A l'issue de la visite médicale du 7 septembre 2018, le médecin du travail a conclu à l'inaptitude de Monsieur [F] en ces termes : « inapte au poste, apte à un autre. Capacités résiduelles : contre-indication de port de charges supérieures à 10kg et travail avec élévation des bras supérieure à 90 degrés à fortiori avec charge y compris travail en poussée. »
Par courrier recommandé avec avis de réception expédié le 11 octobre 2018, Monsieur [F] a été convoqué à un entretien préalable à licenciement fixé au 22 octobre suivant.
Par courrier recommandé avec avis de réception expédié le 25 octobre 2018, Monsieur [F] a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Le courrier de notification est ainsi libellé :
« Monsieur,
Comme suite à l'entretien que nous avons eu le 22 octobre 2018, en application de l'article L1232-2 du code du travail, nous vous notifions par la présente, votre licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
En effet, après un examen médical, une étude de poste, une étude des conditions de travail en date du 29 août 2018 et après des échanges avec le médecin du travail, celui-ci vous a déclaré inapte médicalement à votre poste de travail le 7 septembre 2018, et a conclu en ces termes :
« Inapte au poste, apte à un autre. Capacités résiduelles : contre-indication de port de charges supérieures à 10kg et travail avec élévation des bras supérieure à 90 degrés à fortiori avec charge y compris travail en poussée. »
Compte tenu de l'avis rendu, nous avons été conduits à envisager toutes les mesures qui pouvaient être prises afin de vous reclasser.
Par courrier en date du 18 septembre 2018, nous vous avons interrogé pour savoir si vous déteniez des compétences professionnelles autres que celles qui vous permettaient d'assumer jusqu'alors votre poste de conducteur soudure. Nous avons eu retour de ce questionnaire en date du 24 septembre 2018.
Nous avons ainsi recherché au sein du Groupe si des postes étaient disponibles et compatibles avec vos aptitudes et compétences. Cependant, aucune réponse positive ne nous est parvenue. Aucun poste disponible compatible avec votre état de santé et vos compétences n'a pu être identifié.
Compte tenu des conclusions du médecin du travail, et de l'absence de poste vacant compatible, nous n'avons pas été en mesure de vous proposer un reclassement.
Le 4 octobre dernier, les membres du CSE ont été consultés.
En conséquence, l'impossibilité de vous reclasser au sein de l'entreprise et /ou du groupe auquel elle appartient suite à votre inaptitude nous contraint à vous notifier votre licenciement.
Dans la mesure où vous n'êtes pas à même d'exécuter le préavis, la date de notification fixera la date de rupture de votre contrat de travail. (')
Demeurant à votre disposition pour tout renseignement complémentaire, nous vous prions d'agréer, Monsieur, nos salutations distinguées. »
Pour justifier du bien fondé du licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement du salarié, l'employeur verse aux débats les éléments suivants.
Suite à la première visite médicale de reprise du 19 juillet 2018, la SAS BARBIER a échangé par courriel en date du 10 août 2018 avec le médecin du travail pour réaliser une étude de poste suite aux restrictions émises par ce dernier.
Suite à la deuxième visite médicale du 7 septembre 2018, l'employeur a fait parvenir au salarié par courrier en date du 18 septembre 2018 de lui faire parvenir un questionnaire 'd'informations destinées à optimiser [les] recherches de reclassement'.
Par courriels du 19, du 20 et du 24 septembre, la SAS BARBIER s'est adressée à toutes les sociétés du groupe pour recenser les postes à pourvoir qui seraient compatibles avec l'état de santé de Monsieur [F] après avoir également effectué des recherches en interne, ce qui n'est au demeurant pas contesté par le salarié.
En l'absence de retour positif des sociétés du groupe, l'employeur a de nouveau échangé avec le médecin du travail par courriers du 25 septembre 2018 et du 2 octobre 2018.
L'employeur produit enfin le procès-verbal de la réunion du CSE du 4 octobre 2018 aux termes duquel le CSE a émis un avis favorable au licenciement pour inaptitude du salarié en raison de l'impossibilité de reclassement de ce dernier.
Monsieur [F] estime avoir fait l'objet d'une discrimination en raison de son état de santé et considère que l'employeur aurait effectué des pressions sur le médecin du travail entre son premier avis d'aptitude avec restrictions et le deuxième avis d'inaptitude. Il réclame sur ce fondement que soit prononcée la nullité du licenciement.
Il convient cependant d'observer que Monsieur [F] ne verse aucun élément objectivant le fait qu'il aurait fait l'objet d'une discrimination en raison de son état de santé et qu'il n'a pas contesté dans le délai de 15 jours prévu par la loi le contenu des avis médicaux en question.
En outre, si le salarié excipe de l'irrégularité dans les dates de remise de deux courriers d'échanges avec son employer, ces courriers étant datés du 17 septembre 2018 alors qu'il lui ont été remis en réalité le 10 et le 11 octobre 2018, les pièces remises à la cour ne comportent aucun autre élément laissant penser que cette erreur de datation ne résulterait pas d'une simple erreur de plume.
Ainsi, il apparaît que la procédure de licenciement pour inaptitude a bien été respectée et que l'employeur a effectué des recherches de reclassement loyales et sérieuses du salarié.
Au vu de ces éléments et des principes de droit susvisés, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que le licenciement de Monsieur [C] [F] est bien intervenu pour une cause réelle et sérieuse.
Le jugement déféré sera également confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [F] de ses demandes indemnitaires subséquentes à la rupture de son contrat de travail ainsi que de sa demande de dommages et intérêts au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail, laquelle n'est pas motivée par le salarié et n'apparaît pas fondée au vu de tout ce qui précède.
- Sur les frais irrépétibles et les dépens -
Les dispositions du jugement déféré relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance seront confirmées.
En équité, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
Il échet de condamner Monsieur [C] [F] au paiement des dépens en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,
- Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions soumises à la cour ;
Y ajoutant,
- Dit qu'il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
- Condamne Monsieur [C] [F] au paiement des dépens en cause d'appel ;
- Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.
Le greffier, Le Président,
N. BELAROUI C. RUIN