31 JANVIER 2023
Arrêt n°
FD/NB/NS
Dossier N° RG 20/01213 - N° Portalis DBVU-V-B7E-FOPM
[B] [R]
/
[U] [L]
Arrêt rendu ce TRENTE ET UN JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :
M. Christophe RUIN, Président
Mme Frédérique DALLE, Conseiller
Mme Sophie NOIR, Conseiller
En présence de Mme Nadia BELAROUI greffier lors des débats et du prononcé
ENTRE :
Mme [B] [R]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Jean-michel DE ROCQUIGNY de la SCP COLLET DE ROCQUIGNY CHANTELOT BRODIEZ GOURDOU & ASSOCIES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
APPELANTE
ET :
Mme [U] [L]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par Me TRIOLAIRE, avocat suppléant Me Jean-louis BORIE de la SCP BORIE & ASSOCIES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
INTIMEE
Après avoir entendu Mme DALLE, Conseiller en son rapport, les représentants des parties à l'audience publique du 14 Novembre 2022, la Cour a mis l'affaire en délibéré, Monsieur le Président ayant indiqué aux parties que l'arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE
Madame [U] [L], née le 25 janvier 1967, a été engagée par Madame [X] [K], en qualité de préparatrice en pharmacie au sein de la pharmacie de [Localité 1], suivant contrat à durée indéterminée à compter du 1er septembre 1996.
La pharmacie a fait l'objet d'un rachat le 1er septembre 2006 et le contrat de travail de Madame [L] a été transféré à la nouvelle propriétaire, Madame [B] [R].
En février 2015, Madame [L] a été placée en arrêt de travail.
Le 22 août 2016, Madame [L] a établi une déclaration de maladie professionnelle pour syndrome anxiodépressif réactionnel.
Le taux d'incapacité prévisible a été évalué à plus de 25% par la CPAM.
Une enquête administrative a été diligentée par la CPAM et cette dernière a rendu une décision de prise en charge de la pathologie de Madame [L] au titre de la législation sur les risques professionnels le 21 novembre 2017.
Au terme d'une visite de reprise intervenue le 4 octobre 2018, le médecin du travail a émis l'avis suivant : 'l'état de santé de Mme [L] ne lui permet pas de reprendre son poste de préparatrice en pharmacie ni de faire de propositions de reclassement au sein de la pharmacie [R] [B]'.
Le 11 octobre 2018, le médecin du travail devait confirmer cet avis tout en précisant que l'état de santé de la salariée faisait obstacle à tout reclassement.
Madame [L] a été licenciée pour inaptitude professionnelle et impossibilité de reclassement par courrier daté du 27 novembre 2018.
Le courrier de notification est ainsi libellé :
« Madame,
En suite de votre convocation à l'entretien préalable du 19 novembre, je suis au regret de vous notifier par la présente votre licenciement pour inaptitude professionnelle.
Votre contrat de travail prendra fin à réception de la présente lettre.
Les pièces qui vous reviennent (bulletin du mois, certificat de travail, reçu pour solde de tout compte et attestation Pôle Emploi) vous seront expédiés à la fin du mois.
Veuillez croire, Chère Madame, à l'expression de nos sentiments distingués et dévoués. »
Le 29 avril 2019, par requête expédiée en recommandé, Madame [L] a saisi le conseil de prud'hommes de VICHY aux fins notamment de voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse outre obtenir diverses sommes à titre indemnitaire.
L'audience devant le bureau de conciliation et d'orientation s'est tenue en date du 13 juin 2019 et, comme suite au constat de l'absence de conciliation (convocation notifiée au défendeur le 29 avril 2019), l'affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement.
Par jugement contradictoire en date du 3 septembre 2020 (audience du 25 juin 2020), le conseil de prud'hommes de VICHY a :
- rejeté la demande de sursis à statuer et statué sur le fond ;
- dit que l'inaptitude professionnelle de Madame [L] est en lien direct avec ses conditions de travail et donc d'origine professionnelle ;
- dit que le licenciement de Madame [L] pour inaptitude et impossibilité de reclassement repose sur un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
En conséquence :
- condamné Madame [R] à verser et payer les sommes suivantes :
* 5.306,68 euros net à titre d'indemnité équivalente au préavis,
* 17.381,52 euros brut à titre de complément d'indemnité spéciale de licenciement,
* 21.226,72 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et en réparation du préjudice subi,
* 2.909,63 euros à titre de rappels de solde de congés payés
- condamné Madame [R] à produire l'intégralité des bordereaux de prestations incapacité de travail de KLESIA de 2015 à ce jour concernant l'arrêt de Madame [L] sous 2 mois, à défaut condamné Madame [R] à porter et payer à Madame [L] la somme de 4.797,89 euros à titre de remboursement de trop perçu injustifié ;
- condamné Madame [R] à verser et payer la somme de 800 euros net au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- dit qu'en application de l'article R.1454-28 du code du travail le salaire de référence s'élève à la somme de 2.653,34 euros ;
- rappelé qu'en application de l'article R.1454-28 du code du travail le présent jugement qui ordonne le paiement de sommes à titre des rémunération et indemnités mentionnées au 2° de l'article R.1454-14 est exécutoire à titre provisoire dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire ;
- dit n'y avoir lieu au prononcé de l'exécution provisoire pour le surplus ;
- dit que les intérêts au taux légal courent à compter de la réception par le greffe de la demande introductive, en ce qui concerne les éléments de salaire et du jugement pour les dommages et intérêts et qu'ils pourront être capitalisés ;
- débouté les parties du surplus de leur demande ;
- condamné Madame [R] aux dépens.
Le 28 septembre 2020, Madame [R] a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié à sa personne le 10 septembre 2020.
Vu les conclusions notifiées à la cour le 12 octobre 2022 par Madame [R],
Vu les conclusions notifiées à la cour le 14 octobre 2022 par Madame [L],
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 17 octobre 2022.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses dernières écritures, Madame [R] demande à la cour de :
- Reformer le jugement en ce qu'il a dit que l'inaptitude de Madame [L] était d'origine professionnelle et condamné Madame [R] aux demandes afférentes ;
- Rejeter toutes les demandes de Madame [L] à ce titre ;
- Reformer le jugement ne ce qu'il a dit que le licenciement de Madame [L] était sans cause réelle et sérieuse et condamné Madame [R] aux demandes afférentes ;
- Rejeter toutes les demandes de Madame [L] à ce titre ;
- Réformer le jugement en ce qu'il a condamné Madame [R] à produire l'intégralité des bordereaux de prestations incapacité de travail de 2015 à ce jour ;
- Rejeter toute demande plus ample ou contraire.
Madame [R] conteste que l'inaptitude de la salariée soit d'origine professionnelle et qu'elle ait plus spécialement trouvé sa cause dans une dégradation de ses conditions de travail. Elle relève qu'alors que la salariée a déclaré un syndrome anxiodépressif réactionnel le 22 août 2016, elle ne travaillait toutefois plus depuis le mois de février 2015, et que la décision de prise en charge de la caisse ne repose que sur les seules allégations de l'intimée.
Elle considère ensuite parfaitement fondé le licenciement pour inaptitude de la salariée dès lors que le médecin du travail a conclu à l'impossibilité de tout reclassement dans l'entreprise.
Dans ses dernières écritures, Madame [L] conclut à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qui concerne le quantum des dommages et intérêts alloués en réparation du préjudice subi du fait du licenciement sans cause réelle et sérieuse et demande à la cour, statuant à nouveau, de :
- Condamner Madame [R] à lui payer et porter la somme de 70.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ;
- Y ajoutant, condamner Madame [R] à lui payer et porter la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Dire et juger que les condamnations portent intérêts de droit à compter de la demande avec capitalisation des intérêts conformément aux règles légales en ce qui concerne les demandes à caractère de salaire, et à compter du jugement de première instance en ce qui concerne les demandes indemnitaires ;
- Condamner Madame [R] aux entiers dépens.
Madame [L] fait tout d'abord valoir que la décision de la caisse de prise en charge de la pathologie au titre de la législation professionnelle a acquis un caractère définitif à son égard et qu'il est constant qu'une décision d'une juridiction de sécurité sociale qui déclarerait inopposable à l'employeur ladite décision de prise en charge n'a aucune incidence sur l'application des dispositions du code du travail afférentes à l'origine professionnelle de l'inaptitude d'un salarié. Elle considère de la sorte qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de sursis à statuer présentée par l'appelante.
Sur le fond, elle soutient que son inaptitude recouvre une origine professionnelle. Elle explique plus spécialement avoir été placée en arrêt de travail à compter du 3 février 2015 sans interruption à raison de son état dépressif, que son état de santé a été consolidé le 2 octobre 2018 et qu'il lui a été alloué un taux d'incapacité permanente de 67% à raison de l'importance des séquelles médicalement constatées. Elle ajoute que l'employeur avait, au jour du licenciement, une parfaite connaissance du caractère professionnel de sa maladie, et réfère à cet égard au courrier de notification au terme duquel il est indiqué qu'il est procédé à son licenciement 'pour inaptitude professionnelle'.
Sur les faits à l'origine de son inaptitude, elle excipe des agissements fautifs de l'employeur, à savoir des brimades et humiliations, qu'elle considère caractérisés par les termes mêmes de l'avis d'inaptitude puisque le médecin du travail a conclu à une impossibilité de reclassement à tout poste de l'entreprise et les différents témoignages retranscrits dans le dossier d'enquête administrative de la caisse.
Elle sollicite en conséquence que son licenciement soit jugé sans cause réelle et sérieuse outre le paiement de l'indemnité de préavis, de l'indemnité spéciale de licenciement.
Elle conteste ensuite le bien fondé du trop-perçu d'indemnités journalières revendiqué par l'employeur en l'absence de tout décompte précis produit par Madame [R].
Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions, moyens et arguments des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux dernières conclusions régulièrement notifiées et visées.
MOTIFS
- Sur la demande de sursis à statuer -
En première instance, Madame [R] a sollicité un sursis à statuer dans l'attente de la décision du pôle social du tribunal judiciaire de MOULINS suite à sa contestation de la prise en charge d'une maladie professionnelle de Madame [L] par la CPAM de l'ALLIER.
Il est cependant constant que la décision du pôle social du tribunal judiciaire de MOULINS est entre-temps intervenu, laquelle a déclaré inopposable à l'employeur la décision de prise en charge d'une maladie de Madame [L] au titre de la législation professionelle.
Surtout, il ressort des dernières conclusions de Madame [R] que cette dernière ne demande plus, en cause d'appel et aux termes du dispositif de ses écritures, le sursis à statuer sollicité en première instance.
Dès lors la cour n'a pas à statuer sur la demande de sursis à statuer présentée par Madame [R] en première instance.
- Sur la rupture du contrat de travail et ses conséquences -
Lorsqu'un salarié en contrat de travail à durée indéterminée est déclaré inapte, l'employeur peut prononcer un licenciement pour cause d'inaptitude du salarié avec impossibilité de reclassement en respectant la procédure de licenciement fixée par le code du travail (articles L. 1226-2 à L. 1226-4-3 pour l'inaptitude consécutive à une maladie ou à un accident d'origine non professionnelle / articles L. 1226-7 à L. 1226-17 pour l'inaptitude consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle).
Si le code du travail prévoit des règles identiques, en cas d'inaptitude consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle ou d'inaptitude d'origine non professionnelle, en matière de reclassement et de reprise de versement du salaire, la rupture du contrat de travail emporte des conséquences différentes pour ces deux cas de figure. La rupture du contrat de travail d'un salarié inapte à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle emporte certains effets spécifiques qui sont plus favorables pour le salarié.
Les articles L.1226-6 à L.1226-12 du code du travail contiennent les règles particulières aux salariés victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle qui s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.
La lettre de licenciement doit mentionner l'inaptitude physique et l'impossibilité de reclassement.
Aux termes des dispositions alors applicables de l'article L. 4121-1 du code du travail : 'L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent : 1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ; 2° Des actions d'information et de formation ; 3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.'.
Aux termes des dispositions alors applicables de l'article L. 4121-2 du code du travail : 'L'employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants : 1° Eviter les risques ; 2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ; 3° Combattre les risques à la source ; 4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ; 5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ; 6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ; 7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-2 et L. 1152-3 ; Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ; 9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.'.
L'employeur est tenu vis-à-vis de ses salariés d'une obligation de sécurité dans le cadre ou à l'occasion du travail. Cette obligation spécifique a été consacrée par la jurisprudence de la Cour de cassation qui a désormais abandonné le fondement contractuel de l'obligation de sécurité de l'employeur pour ne retenir que le fondement légal, tiré notamment des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, interprété à la lumière de la réglementation européenne concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs. Cette obligation de sécurité dont doit répondre l'employeur s'applique à toute situation de risque en matière de sécurité et de protection de la santé physique et mentale des travailleurs.
Tenu d'une obligation de sécurité, il appartient donc à l'employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, notamment en justifiant, d'une part, avoir pris toutes les mesures de prévention prévues notamment par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et, d'autre part, dès qu'il est informé de l'existence de faits susceptibles de constituer une atteinte à la sécurité ou la santé, physique et mentale d'un salarié, avoir pris les mesures immédiates propres à les faire cesser.
La responsabilité de l'employeur est engagée vis-à-vis des salariés (ou du salarié) dès lors qu'un risque pour la santé ou la sécurité des travailleurs (du travailleur) est avéré. Il n'est pas nécessaire que soit constaté une atteinte à la santé, le risque suffit.
L'obligation de sécurité de l'employeur, ou obligation pour celui-ci de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, couvre également les problèmes de stress ou mal-être au travail, plus généralement la question des risques pyscho-sociaux liées aux conditions de travail, aux relations de travail ou à l'ambiance de travail. Dans ce cadre, il appartient à l'employeur de mettre en place des modes d'organisation du travail qui ne nuisent pas à la santé physique et mentale des salariés et de réagir de façon adaptée en cas de risque avéré.
La jurisprudence qualifie l'obligation de sécurité de l'employeur d'obligation de résultat. Selon la Cour de cassation, cette obligation de sécurité est désormais de résultat non au regard du risque effectivement encouru par le salarié, ou de l'atteinte à sa santé subi par le salarié, mais de son objet (prévention et cessation du risque). Le résultat attendu de l'employeur est de prévenir, par des moyens adaptés, tout risque lié non seulement à l'exécution de la prestation de travail mais également à l'environnement professionnel dans lequel elle est délivrée. Il s'agit pour l'employeur de prévenir, de former, d'informer et de mettre en place une organisation et des moyens adaptés. Le résultat dont il est question dans la notion d'obligation de résultat n'est pas l'absence d'atteinte à la santé physique et mentale, mais l'ensemble des mesures prises de façon effective par l'employeur dont la rationalité, la pertinence et l'adéquation sont analysées et appréciées par le juge. L'employeur peut s'exonérer de sa responsabilité en démontrant avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L.4121-2 du code du travail. Ainsi, en cas de risque avéré ou réalisé pour la santé ou la sécurité du travailleur, l'employeur engage sa responsabilité, sauf s'il démontre qu'il a pris les mesures générales de prévention nécessaires et suffisantes pour l'éviter, ce qu'il appartient aux juges du fond d'apprécier souverainement.
Au titre de son obligation de sécurité, il appartient à l'employeur de repérer les situations de tension et, le cas échéant, d'ouvrir rapidement une enquête. L'inertie de l'employeur en présence d'une situation susceptible d'être qualifiée de souffrance au travail, dont il a connaissance, alors qu'il est tenu légalement d'assurer la protection de la santé et de la sécurité des salariés et d'exécuter de bonne foi le contrat de travail, engage nécessairement sa responsabilité, quand bien même il ne serait pas l'auteur des faits dénoncés.
Madame [R] conteste que l'inaptitude de la salariée soit d'origine professionnelle et qu'elle ait plus spécialement trouvé sa cause dans une dégradation de ses conditions de travail. Elle relève qu'alors que la salariée a déclaré un syndrome anxiodépressif réactionnel le 22 août 2016, elle ne travaillait toutefois plus depuis le mois de février 2015, et que la décision de prise en charge de la caisse ne repose que sur les seules allégations de l'intimée.
Elle considère ensuite parfaitement fondé le licenciement pour inaptitude de la salariée dès lors que le médecin du travail a conclu à l'impossibilité de tout reclassement dans l'entreprise.
Madame [L] répond que la décision de la caisse de prise en charge de la pathologie au titre de la législation professionnelle a acquis un caractère définitif à son égard.
Sur le fond, elle soutient que son inaptitude recouvre une origine professionnelle. Elle explique plus spécialement avoir été placée en arrêt de travail à compter du 3 février 2015 sans interruption à raison de son état dépressif, que son état de santé a été consolidé le 2 octobre 2018 et qu'il lui a été alloué un taux d'incapacité permanente de 67% à raison de l'importance des séquelles médicalement constatées. Elle ajoute que l'employeur avait, au jour du licenciement, une parfaite connaissance du caractère professionnel de sa maladie, et réfère à cet égard au courrier de notification au terme duquel il est indiqué qu'il est procédé à son licenciement 'pour inaptitude professionnelle'.
Sur les faits à l'origine de son inaptitude, elle excipe des agissements fautifs de l'employeur, à savoir des brimades et humiliations, qu'elle considère caractérisés par les termes mêmes de l'avis d'inaptitude puisque le médecin du travail a conclu à une impossibilité de reclassement à tout poste de l'entreprise et les différents témoignages retranscrits dans le dossier d'enquête administrative de la caisse.
Elle sollicite en conséquence que son licenciement soit jugé sans cause réelle et sérieuse outre le paiement de l'indemnité de préavis, de l'indemnité spéciale de licenciement.
En l'espèce, Madame [U] [L], née le 25 janvier 1967, a été engagée par Madame [X] [K], en qualité de préparatrice en pharmacie au sein de la pharmacie de [Localité 1], suivant contrat à durée indéterminée à compter du 1er septembre 1996.
La pharmacie a fait l'objet d'un rachat le 1er septembre 2006 et le contrat de travail de Madame [L] a été transféré à la nouvelle propriétaire, Madame [B] [R].
En février 2015, Madame [L] a été placée en arrêt de travail.
Le 22 août 2016, Madame [L] a établi une déclaration de maladie professionnelle pour syndrome anxiodépressif réactionnel.
Le taux d'incapacité prévisible a été évalué à plus de 25% par la CPAM.
Une enquête administrative a été diligentée par la CPAM et cette dernière a rendu une décision de prise en charge de la pathologie de Madame [L] au titre de la législation sur les risques professionnels le 21 novembre 2017.
Au terme d'une visite de reprise intervenue le 4 octobre 2018, le médecin du travail a émis l'avis suivant : 'l'état de santé de Mme [L] ne lui permet pas de reprendre son poste de préparatrice en pharmacie ni de faire de propositions de reclassement au sein de la pharmacie [R] [B]'.
Le 11 octobre 2018, le médecin du travail devait confirmer cet avis tout en précisant que l'état de santé de la salariée faisait obstacle à tout reclassement.
Madame [L] a été licenciée pour inaptitude professionnelle et impossibilité de reclassement par courrier daté du 27 novembre 2018.
Le courrier de notification est ainsi libellé :
« Madame,
En suite de votre convocation à l'entretien préalable du 19 novembre, je suis au regret de vous notifier par la présente votre licenciement pour inaptitude professionnelle.
Votre contrat de travail prendra fin à réception de la présente lettre.
Les pièces qui vous reviennent (bulletin du mois, certificat de travail, reçu pour solde de tout compte et attestation Pôle Emploi) vous seront expédiés à la fin du mois.
Veuillez croire, Chère Madame, à l'expression de nos sentiments distingués et dévoués. »
Pour étayer l'origine professionnelle de son inaptitude, Madame [L] s'appuie principalement sur l'enquête administrative diligentée par la CPAM de l'ALLIER.
Pour autant, il convient, à titre liminaire, de préciser que le juge n'est pas lié par la décision d'un organisme de sécurité sociale ou du médecin du travail et doit rechercher lui-même l'existence d'un lien de causalité entre l'accident du travail ou la maladie professionnelle et l'inaptitude.
Il ressort de la lecture de ladite enquête administrative que celle-ci repose quasi exclusivement sur les seules déclarations de l'assurée, qui affirme que sa situation professionnelle s'est dégradée à partir de 2008 car le mari de Madame [R] se serait trouvé sans emploi et cette dernière aurait souhaité l'employer à la place de Madame [L], étant précisé que le premier arrêt de travail de la salariée est intervenu bien plus tardivement, soit en février 2015.
En outre, les attestations versées par Madame [L] dans le cadre de cette enquête sont extrêmement peu circonstanciées et précises.
Ainsi, Madame [D] et Madame [I], clientes de la pharmacie, ne font que rapporter des propos tenus par Madame [L] sur ses conditions de travail.
Madame [N], autre cliente de la pharmacie, témoigne que l'ambiance de travail était dégradée et que l'employeur et la salariée se parlaient 'mal' mais sans caractériser davntage les faits ou leurs conditions spécifiques de déroulement.
Comme seul avis médical, outre les avis d'inaptitude déjà mentionnés, Madame [L] produit un certificat lapidaire du Docteur [E], psychaitre, lequel 'certifie que l'arrêt de travail de Madame [L] [U] (...) entre dans le cadre d'une maladie professionnelle (...)', sans aucune autre précision, notamment quant au traitement prescrit ou au lien de causalité prétendumment établi.
En réponse aux éléments soumis par la salariée, Madame [R] produit cinq autres attestations de clients, lesquels indiquent qu'il régnait une bonne ambiance de travail au sein de la pharmacie.
Au vu de l'ensemble de ces éléments et des principes de droit sus-visés, et notamment au vu de l'absence d'attestations circonstanciées résultant de témoignages directs et d'éléments médicaux plus spécifiques établissant un lien de causalité direct et certain, il y a lieu de considérer que la preuve de l'origine professionnelle de l'inaptitude de Madame [U] [L] n'est pas établie.
Le jugement déféré sera ainsi infirmé en ce qu'il a dit que l'inaptitude professionnelle de Madame [U] [L] est en lien direct avec ses conditions de travail et donc d'origine professionnelle et, statuant à nouveau, la cour dit qu'il n'est pas établi que l'inaptitude de Madame [U] [L] présente un lien direct avec ses conditions de travail et soit d'origine professionnelle.
En conséquence, et alors que la dispense de reclassement figurant aux avis d'inaptitude de Madame [L] n'est pas contestée par cette dernière, le jugement entrepris sera également réformé en ce qu'il a dit que le licenciement de Madame [U] [L] pour inaptitude et impossibilité de reclassement repose sur un licenciement sans cause réelle et sérieuse et, statuant à nouveau, la cour dit que le licenciement de Madame [U] [L] pour inaptitude et impossibilité de reclassement est survenu pour une cause réelle et sérieuse.
Enfin, le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a condamné Madame [B] [R] à payer à Madame [U] [L] les sommes de 5.306,68 euros à titre d'indemnité équivalente au préavis, de 17.381,52 euros à titre de complément d'indemnité spéciale de licenciement et de 21.226,72 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et, statuant à nouveau, la cour déboute Madame [U] [L] de l'ensemble de ses demandes indemnitaires liées aux conséquences de la rupture de son contrat de travail.
- Sur le rappel d'indemnité compensatrice de congés payés -
Aux termes de l'article L.3141-5 du code du travail:
'Sont considérées comme périodes de travail effectif pour la détermination de la durée du congé :
1° Les périodes de congé payé ;
2° Les périodes de congé de maternité, de paternité et d'accueil de l'enfant et d'adoption ;
3° Les contreparties obligatoires sous forme de repos prévues aux articles L. 3121-30, L. 3121-33 et L. 3121-38 ;
4° Les jours de repos accordés au titre de l'accord collectif conclu en application de l'article L. 3121-44 ;
5° Les périodes, dans la limite d'une durée ininterrompue d'un an, pendant lesquelles l'exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d'accident du travail ou de maladie professionnelle ;
6° Les périodes pendant lesquelles un salarié se trouve maintenu ou rappelé au service national à un titre quelconque.'
Madame [U] [L] sollicite la somme de 2.909,63 euros bruts au titre d'un rappel d'indemnité compensatrice de congés payés.
Cependant la cour a déjà retenu que l'arrêt de travail de Madame [U] [L] et son inaptitude subséquente n'avaient pas une origine professionnelle.
Le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a condamné Madame [B] [R] à payer à Madame [U] [L] la somme de 2.909,63 euros à titre de rappel de solde de congés payés et, statuant à nouveau, la cour déboute Madame [U] [L] de sa demande à titre de rappel de solde de congés payés.
- Sur le remboursement de trop perçu injustifié -
Madame [L] demande de faire injonction à Madame [R] de produire l'intégralité des borederaux de prestations incapacité de travail de KLESIA concernant son arrêt de travail et à défaut de condamner Madame [R] à lui payer la somme d 4.797,89 euros.
Cette demande est basée sur le doublement pour maladie professionnelle des indemnités journalières alors que la cour a déjà retenu que l'arrêt de travail de Madame [U] [L] et son inaptitude subséquente n'avaient pas une origine professionnelle.
Le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a condamné Madame [R] à produire l'intégralité des bordereaux de prestations incapacité de travail de KLESIA de 2015 à ce jour concernant l'arrêt de Madame [L] sous 2 mois, à défaut condamné Madame [R] à porter et payer à Madame [L] la somme de 4.797,89 euros à titre de remboursement de trop perçu injustifié et, statuant à nouveau, la cour déboute Madame [U] [L] de sa demande de remboursement de trop perçu injustifié.
- Sur les frais irrépétibles et les dépens -
Au vu de la solution apportée au litige en cause d'appel, il échet d'infirmer le jugement déféré en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance, et statuant à nouveau, de dire qu'en équité il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et que Madame [U] [L] sera condamnée au paiement des dépens de première instance.
En équité, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
En cause d'appel, Madame [U] [L] sera condamnée au paiement des dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,
- Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions soumises à la cour ;
Statuant à nouveau,
- Dit qu'il n'est pas établi que l'inaptitude de Madame [U] [L] présente un lien direct avec ses conditions de travail et soit d'origine professionnelle ;
- Dit que le licenciement de Madame [U] [L] pour inaptitude et impossibilité de reclassement est bien survenu pour une cause réelle et sérieuse ;
- Déboute Madame [U] [L] de l'ensemble de ses demandes indemnitaires liées aux conséquences de la rupture de son contrat de travail;
- Déboute Madame [U] [L] de sa demande à titre de rappel de solde de congés payés ;
- Déboute Madame [U] [L] de sa demande de remboursement de trop perçu injustifié ;
- Dit qu'il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en première instance ;
- Condamne Madame [U] [L] au paiement des dépens de première instance ;
- Dit qu'il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
- Condamne Madame [U] [L] au paiement des dépens en cause d'appel ;
- Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.
Le greffier, Le Président,
N. BELAROUI C. RUIN