COUR D'APPEL
DE RIOM
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
Du 17 janvier 2023
N° RG 22/00604 - N° Portalis DBVU-V-B7G-FY5M
-DA- Arrêt n° 25
S.A.S. TRANSPORTS [R] [S] / S.C.I. LE COMPLEXE
Ordonnance Référé, origine Président du TJ de CLERMONT-FD, décision attaquée en date du 15 Février 2022, enregistrée sous le n° 21/00870
Arrêt rendu le MARDI DIX SEPT JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS
COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :
M. Philippe VALLEIX, Président
M. Daniel ACQUARONE, Conseiller
Mme Laurence BEDOS, Conseiller
En présence de :
Mme Marlène BERTHET, greffier lors de l'appel des causes et du prononcé
ENTRE :
S.A.S.U TRANSPORTS [R] [S]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Sophie LACQUIT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
et par Me Gilles-Jean PORTEJOIE de la SCP PORTEJOIE, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
Timbre fiscal acquitté
APPELANTE
ET :
S.C.I. LE COMPLEXE
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Sophie PUJO de la SCP GOUNEL-LIBERT-PUJO, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
Timbre fiscal acquitté
INTIMEE
DÉBATS : A l'audience publique du 14 novembre 2022
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 17 janvier 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par M. VALLEIX, président et par Mme BERTHET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
I. Procédure
Suivant procès-verbal d'adjudication du 27 avril 2021, la SCI Le Complexe s'est portée acquéreur d'un ensemble immobilier situé dans la zone artisanale de « Lavaur La Bechade » à Issoire (Puy-de-Dôme) moyennant le prix de 1 050 000 EUR. L'acte authentique constatant le caractère définitif de l'adjudication a été dressé par notaire le 26 juillet 2021.
L'ensemble immobilier comprend du terrain et des bâtiments.
Depuis l'acquisition du bien la SCI Le Complexe se plaint de l'occupation illégale des lieux par la SASU Transports [R] [S]. Elle a fait dresser par huissier plusieurs constats au cours de l'année 2021.
En dépit des démarches entreprises et d'une sommation de quitter les lieux délivrée le 3 août 2021, aucune solution amiable n'a été trouvée entre les deux parties.
Une première procédure en référé à l'initiative de la SCI Le Complexe contre la SASU Transports [R] [S] et M. [I] [S], aux fins d'expulsion, s'est soldée par le désistement de la requérante constaté par ordonnance du 25 novembre 2021.
Par exploit ensuite du 20 octobre 2021, la SCI Le Complexe a assigné la SASU Transports [R] [S] devant le juge des référés au tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand afin de voir constater la qualité d'occupant sans droit ni titre de la SASU Transports [R] [S], et en conséquence ordonner son expulsion, outre d'autres demandes accessoires.
Pour sa défense, la SASU Transports [R] [S] concluait au rejet de l'ensemble des demandes et à la condamnation de la SCI Le Complexe à lui payer la somme de 2 000 EUR au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
À l'issue des débats le juge des référés a rendu la décision suivante le 15 février 2022:
« Le Juge des référés, statuant après débats en audience publique et en premier ressort, par ordonnance contradictoire prononcée par mise à disposition au greffe,
AU PRINCIPAL renvoie les parties à se pourvoir ainsi qu'elles en aviseront,
AU PROVISOIRE,
ORDONNE à la SASU TRANSPORTS [R] [S], sous astreinte de 100,00 € par jour de retard à l'issue d'un délai de quinze jours à compter de la signification de la présente décision, d'évacuer et de rendre libres la partie d'immeuble à usage de Centre Technique Poids Lourds avec un seul local d'activité avec fosse, appentis et terrain situé [Adresse 4]) appartenant à la SCI LE COMPLEXE,
DIT que l'astreinte courra sur une période de 2 mois maximum,
DIT que faute pour la SASU TRANSPORTS [R] [S] de libérer les lieux litigieux dans le délai de deux mois pendant lequel l'astreinte courra, il sera procédé à son expulsion et à celle de tous occupants de son chef, avec l'aide, si nécessaire, de la force publique et à la séquestration, à ses frais, risques et périls, des biens et objets laissés dans les lieux,
DIT n'y avoir lieu à référé sur toutes autres demandes,
CONDAMNE la SASU TRANSPORTS [R] [S] à payer à la SCILE COMPLEXE la somme de 1.500,00 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
CONDAMNE la SASU TRANSPORTS [R] [S] aux entiers dépens comprenant le coût des constats d'Huissier de Justice,
RAPPELLE que la présente décision est exécutoire à titre provisoire. »
Dans les motifs de sa décision le juge des référés a notamment écrit :
Le 26 juillet 2021, Maître [X], Notaire, a reçu à la requête de Maître [P], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la SCI US, et de la SCI LE COMPLEXE Pacte authentique contenant le constat du caractère définitif de l'adjudication de l'ensemble immobilier au prix de 1.050.000,00 € payé comptant.
Il s'ensuit de manière non contestable que la SCI LE COMPLEXE, qui a réglé le prix de vente à hauteur de 1.050.000,00 €, a acquis par adjudication l'ensemble immobilier litigieux comprenant « la partie d'immeuble à usage de Centre Technique Poids Lourds avec un seul local d'activité avec fosse, appentis et terrain situé [Adresse 4] ».
Il est de principe à cet égard que le contrat de vente demeure valable tant qu'une juridiction du fond n'a pas statué sur l'action en nullité.
La vente par adjudication s'impose donc aux parties et dans toutes ses modalités contractuelles.
Le moyen soulevé à ce titre par la SASU TRANSPORTS [R] [S] sera donc écarté [']
Il se déduit de manière non contestable des mentions des actes authentiques précités que le bien litigieux était libre de toute occupation au moment de l'adjudication.
Dans ces conditions, aucun contrat de location dont l'exécution aurait été poursuivie par le liquidateur judiciaire dans le cadre de là procédure collective de la SCI US ne peut être opposé à la SCI LE COMPLEXE, contrairement à ce que soutient la défenderesse.
***
La « S.A.S TRANSPORTS [R] [S] » a fait appel de cette décision le 22 mars 2022, précisant :
« Objet/Portée de l'appel : Le présent appel tend à obtenir la nullité, l'infirmation ou à tout le moins la réformation de la décision susvisée, dont les chefs du jugement sont expressément critiqués en ce qu'elle a : - ordonné à la SAS TRANSPORTS [R] [S], sous astreinte de 100 € par jour de retard à l'issue d'un délai de 15 jours à compter de la signification de la décision, d'évacuer et de rendre libres la partie d'immeuble à usage centre technique poids lourds avec un seul local d'activité avec fosse, appentis et terrain sis [Adresse 4] appartenant à la SCI LE COMPLEXE, sur une période de 2 mois maximum, - dit que faute pour la SAS TRANSPORTS [R] [S] de libérer les lieux litigieux dans le délai de 2 mois pendant lequel l'astreinte courra, il sera procédé à son expulsion et à celle de tous occupants de son chef, avec l'aide, si nécessaire, de la force publique et à la séquestration, à à ses frais, risques et périls des biens et objets laissés dans les lieux, - condamné la SAS TRANSPORTS GALE [S] à payer à la SCI LE COMPLEXE une somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du CPC, ainsi qu'aux entiers dépens comprenant le coût des constats d'huissier, - rejeté la demande de la SAS TRANSPORTS [R] [S] au titre de l'article 700 du CPC et des dépens. L'appel porte également sur les demandes sur lesquelles il n'a pas été statué et plus généralement toutes dispositions faisant grief à l'appelante. »
Dans ses conclusions ensuite du 13 juin 2022 la « SASU TRANSPORTS [R] [S] » demande à la cour de :
« Vu les articles 834 et 835 du Code de procédure Civile,
Vu le bail signé entre la SCI US et la SASU TRANSPORTS [R] [S] le 1er octobre 2016,
Vu l'existence de contestations sérieuses dans la demande d'expulsion formulée par la SCI LE COMPLEXE,
Il est demandé à la Cour d'Appel de RIOM de :
Réformer l'ordonnance rendue le 15 février 2022 par Madame la Présidente près le Tribunal Judiciaire de Clermont-Ferrand.
Statuant à nouveau :
Débouter la SCI LE COMPLEXE de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
Condamner la SCI LE COMPLEXE à payer et porter à la société TRANSPORTS [S] la somme de 2. 000 €uros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens. »
***
Pour sa défense, dans des écritures du 12 mai 2022 SCI Le Complexe demande à la cour de :
« Vu les articles 559, 834 et 835 du code de procédure civile Vu les articles 1743 et suivants du code civile Vu l'article 514-3 du code de procédure civile Vu l'article 210-6 du code de commerce Vu les pièces à l'appui
- DIRE ET JUGER recevable et bien-fondée la SCI LE COMPLEXE en son argumentation
- PRONONCER L'IRRECEVABILITÉ des pièces produites par la SASU TRANSPORTS [R] [S] sous les Nº 1, 2, 7 et 8
- LES ÉCARTER DES DÉBATS
- CONFIRMER L'Ordonnance rendue par la Juridiction des référés du Tribunal Judiciaire de Clermont-Ferrand en toutes ses dispositions
- DÉBOUTER la SASU TRANSPORTS [R] [S] de l'intégralité de ses demandes fins et prétentions,
Y AJOUTANT
- CONDAMNER SASU TRANSPORTS [R] [S] à payer et porter à SCI LE COMPLEXE une somme de 8000 € à titre de dommages intérêts sur le fondement de l'article 559 du code de procédure civile
- CONDAMNER SASU TRANSPORTS [R] [S] à payer et porter à SCI LE COMPLEXE une somme de 5000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de la procédure, dont distraction au profit de la SCP GOUNEL-LIBERT-PUJO sur son affirmation de droit. »
***
La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fait ici expressément référence au jugement entrepris ainsi qu'aux dernières conclusions déposées, étant précisé que le litige se présente céans de la même manière qu'en première instance.
L'affaire, instruite selon les modalités de l'article 905 du code de procédure civile est venue devant la cour à son audience du lundi 14 novembre 2022.
II. Motifs
Il n'y a pas lieu d'écarter des débats les pièces qui ont été régulièrement communiquées.
Il résulte du dossier les éléments suivants.
Agissant en sa qualité de liquidateur de la SCI US (précédent propriétaire des biens immobiliers acquis par la SCI Le Complexe) et autorisé par arrêt de cette cour en date du 20 mars 2019, Me [P] a souhaité mettre en vente les immeubles appartenant à la société liquidée.
Afin de mettre en oeuvre cette vente le notaire Me [X] a dressé le 31 mars 2021 un cahier des charges d'adjudication à la requête de Me [P], mentionnant que l'immeuble à vendre est occupé dans le cadre de trois contrats de location par les sociétés « American Control », « American café », « Transports Coudert », et que M. [I] [S] occupe à titre gratuit un appartement à usage d'habitation. Il n'est nullement mentionné l'existence d'un bail qui aurait été conclu avec la SASU Transports [R] [S].
Le procès-verbal d'adjudication a été dressé par Me [X] le 27 avril 2021, déclarant adjudicataire la SCI Le Complexe. Le notaire a ensuite constaté le caractère définitif de l'adjudication par acte du 26 juillet 2021.
D'un courrier d'avocat adressé à Me [P] (pièce nº 6 dans le dossier de la SCI Le Complexe), il résulte que « tous les bâtiments, contrôle technique, restaurant, sont libres », sauf les parkings qui « sont occupés par l'entreprise [S] ». Cette lettre n'est pas datée mais elle fait suite à des échanges du 8 juillet 2021 auxquels il est fait expressément référence.
Au soutien de sa contestation de la décision du juge des référés, la SASU Transports [R] [S] produit au dossier un « contrat de location de parking/garage/box » daté du 1er octobre 2016, conclu entre la SCI US, bailleur, et « TRANSPORTS [R] [S] », locataire, moyennant quoi l'appelante plaide que bien avant l'adjudication du 27 avril 2021 elle disposait d'un titre lui permettant d'occuper valablement les lieux. Elle précise que « Maître [P] a toujours eu connaissance de l'existence de ce bail » et qu'il n'a d'ailleurs « jamais formulé la moindre objection à la poursuite de ce bail » (conclusions page 10).
Or, comme on l'a vu ci-dessus, le cahier des charges d'adjudication dressé par le notaire Me [X] à la requête du liquidateur Me [P] ne comporte aucune mention de ce bail particulier. Il est donc peu vraisemblable que maître [P] en ait été informé, contrairement à ce que soutient l'appelante.
Mais surtout, la société par actions simplifiée « TRANSPORTS [R] [S] » a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés seulement le 20 octobre 2017, sous le numéro 832 722 060, alors que le contrat de location est daté du 1er octobre 2016, soit plus d'une année auparavant. Il est par ailleurs surprenant de constater que le tampon de l'entreprise locataire sur le contrat du 1er octobre 2016 porte le numéro de RCS 832 722 060 qui ne lui sera attribué qu'un an plus tard'
Pour justifier cette curieuse situation l'appelante soutient dans ses écritures page 10, qu'en réalité le contrat de location du 1er octobre 2016 avait été souscrit par la société TRANSPORTS [R] [S] créée en février 2004 par M. [R] [S] sous la forme juridique d'une « affaire personnelle commerçant », et que celui-ci avait « souhaité modifier en 2017 la structure de son entreprise », substituant alors la SASU Transports [R] [S] à la société « TRANSPORTS [R] [S] (affaire personnelle commerçant) ».
Or cela n'explique nullement pourquoi sur le contrat de location du 1er octobre 2016 figure un numéro de RCS qui sera attribué au locataire seulement le 20 octobre 2017. Par ailleurs, l'immatriculation de M. [R] [K] [S] au registre du commerce et des sociétés le 13 février 2004 porte un numéro différent (452 011 604), et il s'agit de l'immatriculation d'une personne physique et non d'une personne morale, comme en témoigne l'extrait Kbis où l'on voit également que M. [R] [K] [S] exerce son activité sous l'enseigne commerciale « TRANSPORT [S] [R] », alors que sur le contrat du 1er octobre 2016 le locataire est désigné sous le nom « TRANSPORTS [R] [S] », ce qui n'est pas la même chose.
La SASU Transports [R] [S] verse encore au dossier quatre factures adressées par la SCI US à « TRANSPORTS [R] [S] » les 10 novembre et 10 décembre 2021, 9 février et 10 janvier 2022, portant sur la location d'un parking pour cinq ensembles routiers. Cependant, les documents ci-dessus établis par le notaire Me [X] montrent que la SCI US a été placée en liquidation judiciaire par le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand le 23 décembre 2016. Il est difficile de comprendre dans ces conditions comment cette société a pu valablement émettre des factures plusieurs années après sa liquidation.
Eu égard à ce qui précède, le Grand livre comptable produit par la SASU Transports [R] [S] pour justifier le règlement de factures émises dans la SCI US, ne saurait être considéré comme probant.
Toutes ces raisons, associées aux pertinents motifs du premier juge que la cour approuve, conduisent à confirmer l'ordonnance du 15 février 2022.
Il n'y a pas lieu à dommages-intérêts pour procédure abusive ou dilatoire, le droit d'appel ne présentant pas en l'espèce de telles caractéristiques.
L'équité commande que la SASU Transports [R] [S] paie à la SCI Le Complexe la somme de 3500 EUR en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La SASU Transports [R] [S] supportera les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,
Dit n'y avoir lieu à déclarer irrecevables certaines pièces du dossier ;
Confirme l'ordonnance ;
Condamne la SASU Transports [R] [S] à payer à la SCI Le Complexe la somme de 3500 EUR en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SASU Transports [R] [S] aux dépens d'appel dont distraction au profit de la SCP GOUNEL-LIBERT-PUJO sur son affirmation de droit ;
Déboute les parties de leurs autres demandes.
Le greffier, Le Président,