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17/01/2023 | FRANCE | N°20/01064

France | France, Cour d'appel de Riom, Chambre sociale, 17 janvier 2023, 20/01064


17 JANVIER 2023



Arrêt n°

FD/NB/NS



Dossier N° RG 20/01064 - N° Portalis DBVU-V-B7E-FOAM



S.A. AUTOROUTES DU SUD DE LA FRANCE (ASF)



/



[H] [L]

Arrêt rendu ce DIX SEPT JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :



M. Christophe RUIN, Président



Mme Frédérique DALLE, Conseiller



Mme Sophie NOIR, Conseiller



En présence de Mme Nadia BELAROUI

greffier lors des débats et du prononcé



ENTRE :



S.A. AUTOROUTES DU SUD DE LA FRANCE (ASF) agissant en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qual...

17 JANVIER 2023

Arrêt n°

FD/NB/NS

Dossier N° RG 20/01064 - N° Portalis DBVU-V-B7E-FOAM

S.A. AUTOROUTES DU SUD DE LA FRANCE (ASF)

/

[H] [L]

Arrêt rendu ce DIX SEPT JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :

M. Christophe RUIN, Président

Mme Frédérique DALLE, Conseiller

Mme Sophie NOIR, Conseiller

En présence de Mme Nadia BELAROUI greffier lors des débats et du prononcé

ENTRE :

S.A. AUTOROUTES DU SUD DE LA FRANCE (ASF) agissant en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Sophie LACQUIT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND, avocat constitué, substitué par Me Philippe ROUSSELIN-JABOULAY de la SELARL ELAN SOCIAL, avocat au barreau de LYON, avocat plaidant

APPELANTE

ET :

M. [H] [L]

[Adresse 2]'

[Localité 3]

Comparant, assisté de Me Sonia SIGNORET de la SCP BORIE & ASSOCIES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

INTIME

Après avoir entendu Mme DALLE, Conseiller en son rapport, les représentants des parties à l'audience publique du 31 Octobre 2022, la Cour a mis l'affaire en délibéré, Monsieur le Président ayant indiqué aux parties que l'arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur [H] [L] a été embauché en qualité d'ouvrier autoroutier par la SA AUTOROUTES DU SUD DE LA FRANCE par contrat à durée indéterminée à compter du 24 avril 2009, et était affecté au site de [Localité 5].

Mis en cause, Monsieur [L] a été entendu le 16 février 2018 dans le cadre d'une enquête menée conjointement avec le CHSCT suite au droit de retrait exercé par une salariée faisant état de remarques déplacées de la part de plusieurs collègues.

Monsieur [L] a été convoqué par courrier en date du 6 mars 2018 à un entretien

préalable à licenciement fixé au 20 mars 2018.

Il a également été convoqué en conseil de discipline le 21 mars 2018 sans que ne lui soit

notifié de sanction conservatoire.

Par courrier en date du 9 avril 2018, Monsieur [L] a été licencié pour faute grave.

Le 11 octobre 2018, par requête expédiée en recommandé, Monsieur [L] a saisi le conseil de prud'hommes de RIOM aux fins notamment de voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse, voir obtenir sa réintégration au sein de l'entreprise, outre obtenir diverses sommes à titre indemnitaire.

L'audience devant le bureau de conciliation et d'orientation s'est tenue en date du 19 novembre 2018 et, comme suite au constat de l'absence de conciliation (convocation notifiée au défendeur le 15 octobre 2018 ), l'affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement.

Le 18 mars 2019, le bureau de jugement du conseil de prud'hommes de RIOM a ordonné la radiation de l'instance du rang des affaires en cours. Cette affaire a ensuite été réinscrite le 6 janvier 2020 sur demande de Monsieur [L].

Par jugement contradictoire en date du 27 juillet 2020 (audience du 2 juin 2020), le conseil de prud'hommes de RIOM a :

- requalifié le licenciement pour faute grave de Monsieur [L] en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- dit qu'en cas de réintégration de Monsieur [L] la société AUTOROUTES DU SUD DE LA FRANCE devra lui porter et payer la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice subi outre intérêts de droit ;

A défaut de réintégration :

- condamné la société AUTOROUTES DU SUD DE LA FRANCE à payer et porter à

Monsieur [L] les sommes suivantes:

* 17 256,88 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 5752,30 euros au titre du préavis outre 575,23 euros au titre des congés payés,

* 23 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Dans tous les cas :

- condamné la société AUTOROUTES DU SUD DE LA FRANCE à payer et porter à

Monsieur [L] la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- prononcé l'exécution provisoire sur les seules sommes de droit ;

- débouté la société AUTOROUTES DU SUD DE LA FRANCE de l'ensemble de ses

demandes ;

- condamné la société AUTOROUTES DU SUD DE LA FRANCE aux dépens.

Le 25 août 2020, la société AUTOROUTES DU SUD DE LA FRANCE a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié à sa personne le 29 juillet 2020.

Vu les conclusions notifiées à la cour le 30 septembre 2022 par la société AUTOROUTES DU SUD DE LA FRANCE,

Vu les conclusions notifiées à la cour le 13 septembre 2022 par Monsieur [L],

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 3 octobre 2022.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières écritures, la société AUTOROUTES DU SUD DE LA FRANCE demande à la cour de :

- infirmer le jugement rendu le 27 juillet 2020 par le Conseil de Prud'hommes de RIOM, en ce qu'il a :

* requalifié le licenciement pour faute grave de Monsieur [L] en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* dit qu'en cas de réintégration de Monsieur [L] la société ASF devra lui porter et payer la somme de 20.000 euros en réparation du préjudice subi outre intérêts de droit ;

* à défaut de réintégration, condamné la société ASF à payer et porter à Monsieur [L] les sommes de 17.256,88 euros d'indemnité conventionnelle de licenciement, 5.752,30 euros au titre du préavis outre 575,23 euros de congés payés y afférents, 23.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

* dans tous les cas, condamné la société ASF à payer et porter à Monsieur [L] 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens ;

* débouté la société ASF de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens ;

- débouter Monsieur [L] de l'intégralité de ses demandes ;

- condamner Monsieur [L] à lui verser la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Monsieur [L] aux entiers dépens d'instance.

La société AUTOROUTES DU SUD DE LA FRANCE soutient que le licenciement pour faute grave de Monsieur [L] est parfaitement fondé, en raison des remarques dépréciatrices récurrentes tenues par le salarié aux dépens de l'une de ses collègues, Madame [S], mais aussi en raison des remarques déplacées à l'encontre de Messieurs [C] et [T]. Elle affirme que ces faits rendaient impossible la poursuite du contrat de travail de Monsieur [L] et justifient son licenciement pour faute grave.

Elle ajoute que l'absence de mise à pied conservatoire ne constitue en rien un argument de nature à remettre en cause le bien-fondé d'un licenciement pour faute grave.

Elle conclut en conséquence à l'infirmation du jugement entrepris et au débouté du salarié des demandes qu'il formule de ce chef.

Dans ses dernières écritures, Monsieur [L] conclut à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a limité la condamnation de la société AUTOROUTES DU SUD DE LA FRANCE à lui payer et porter la somme de 23 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif et demande à la cour, statuant à nouveau, de :

- condamner la société AUTOROUTES DU SUD DE LA FRANCE à lui porter et payer la somme de 45 000 euros à titre de dommages et intérêts, outre intérêts de droit à compter du jugement déféré sur le montant de la somme allouée par les premiers juges et à compter du présent arrêt pour le surplus, et avec capitalisation des intérêts conformément aux règles légales ;

- condamner la société AUTOROUTES DU SUD DE LA FRANCE à lui payer et porter la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;

- débouter la société AUTOROUTES DU SUD DE LA FRANCE de toutes ses demandes, fins te conclusions.

Monsieur [L] soutient que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse. En effet, il indique que les éléments invoqués dans la lettre de licenciement par l'employeur, notamment concernant Madame [S], ne sont pas suffisamment circonstanciés et ne lui sont pas directement imputables concernant l'incidence sur l'état de santé de sa collègue. Il ajoute que les éléments concernant Monsieur [C] et Monsieur [T] ne sont également pas suffisamment circonstanciés et établis.

Il affirme que le climat délétère est lié à une nouvelle organisation manifestement mal préparée par la direction, source de souffrance et d'inquiétude professionnelle au sein du service, ce qui ne saurait là encore lui être imputé.

Il sollicite en conséquence à titre principal sa réintégration au sein de l'entreprise et à titre subsidiaire, l'indemnisation du préjudice subi à raison de la perte de son emploi.

Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions, moyens et arguments des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux dernières conclusions régulièrement notifiées et visées.

MOTIFS

- Sur la rupture du contrat de travail -

Si l'employeur peut sanctionner par un licenciement un acte ou une attitude du salarié qu'il considère comme fautif, il doit s'agir d'un comportement volontaire (action ou omission). À défaut, l'employeur ne peut pas se placer sur le terrain disciplinaire. La faute du salarié correspond en général à un manquement aux obligations découlant du contrat de travail. Elle ne doit pas être prescrite, ni avoir déjà été sanctionnée.

Le code du travail ne donne aucune définition de la faute grave. Selon la jurisprudence, la faute grave se définit comme étant celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié, constituant une violation des obligations qui résultent du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et la poursuite du contrat de travail.

La faute grave suppose une action délibérée ou une impéritie grave, la simple erreur d'appréciation ou l'insuffisance professionnelle ne pouvant ouvrir droit à une sanction disciplinaire. La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et justifie la cessation immédiate du contrat de travail sans préavis, en tout cas une rupture immédiate du contrat de travail avec dispense d'exécution du préavis.

Il incombe à l'employeur d'apporter la preuve de la faute grave qu'il invoque. Le doute doit profiter au salarié.

En cas de faute grave, la mise en oeuvre de la procédure de licenciement doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits fautifs, mais le maintien du salarié dans l'entreprise est possible pendant le temps nécessaire pour apprécier le degré de gravité des fautes commises.

Le licenciement pour faute grave entraîne la perte du droit aux indemnités de préavis et de licenciement. Elle peut justifier une mise à pied conservatoire, mais le prononcé d'une telle mesure n'est pas obligatoire.

La société AUTOROUTES DU SUD DE LA FRANCE soutient que le licenciement pour faute grave de Monsieur [L] est parfaitement fondé, en raison des remarques dépréciatrices récurrentes tenues par le salarié aux dépens de l'une de ses collègues, Madame [S], mais aussi en raison des remarques déplacées à l'encontre de Messieurs [C] et [T]. Elle affirme que ces faits rendaient impossible la poursuite du contrat de travail de Monsieur [L] et justifient son licenciement pour faute grave.

Elle ajoute que l'absence de mise à pied conservatoire ne constitue en rien un argument de nature à remettre en cause le bien-fondé d'un licenciement pour faute grave.

Monsieur [L] soutient que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse. En effet, il indique que les éléments invoqués dans la lettre de licenciement par l'employeur, notamment concernant Madame [S], ne sont pas suffisamment circonstanciés et ne lui sont pas directement imputables concernant l'incidence sur l'état de santé de sa collègue. Il ajoute que les éléments concernant Monsieur [C] et Monsieur [T] ne sont également pas suffisamment circonstanciés et établis.

Il affirme que le climat délétère est lié à une nouvelle organisation manifestement mal préparée par la direction, source de souffrance et d'inquiétude professionnelle au sein du service, ce qui ne saurait là encore lui être imputé.

En l'espèce, Monsieur [H] [L] a été embauché en qualité d'ouvrier autoroutier par la SA AUTOROUTES DU SUD DE LA FRANCE par contrat à durée indéterminée à compter du 24 avril 2009, et était affecté au site de [Localité 5].

Mis en cause, Monsieur [L] a été entendu le 16 février 2018 dans le cadre d'une enquête menée conjointement avec le CHSCT suite au droit de retrait exercé par une salariée faisant état de remarques déplacées de la part de plusieurs collègues.

Monsieur [L] a été convoqué par courrier en date du 6 mars 2018 à un entretien

préalable à licenciement fixé au 20 mars 2018.

Il a également été convoqué en conseil de discipline le 21 mars 2018 sans que ne lui soit

notifié de sanction conservatoire.

Par courrier en date du 9 avril 2018, Monsieur [L] a été licencié pour faute grave.

Le courrier de notification est ainsi libellé :

' Monsieur,

Nous faisons suite à l'entretien préalable du 20 mars 2018 et vous notifions votre licenciement pour faute grave, les explications fournies lors de cet entretien, ainsi que lors du conseil de discipline du 21 mars 2018, n'ayant pas modifié notre appréciation sur la gravité des faits qui vous sont reprochés.

En effet, en octobre 2016, votre encadrement est venu à rappeler les règles de savoir vivre et de savoir être au travail après que l'une de vos collègues du Péage, Madame [J] [S], se soit plainte de ce qu'elle était la cible de remarques déplacées et insistantes sur sa qualité de salariée du Péage et son statut de volontaire à la diversification d'activités lors de son passage sur le site de [Localité 6].

Ainsi, l'assistant district a fait une mise au point claire et sans équivoque de ce qui n'était pas acceptable dans les relations au travail, insistant sur le fait que nous étions tous au travail

garants de la santé et du bien-être des uns et des autres.

A cette suite, vos conducteurs de travaux ont dispensé un quart-d'heure diversité afin d'appuyer sur la façon d'être au travail.

Or, nous avons été saisis le 7 février 2018 par Madame [S] d'une alerte sur le fait que cette salariée déclare être de nouveau victime de remarques régulières faites par plusieurs de ses collègues ouvriers autoroutiers et atelier sur son travail, sa participation à la diversification d'activités mais également être victime de réflexions sur son physique et son odeur corporelle.

L'intensité de la situation a été telle que cette salariée, qui a décidé d'exercer un droit d'alerte et de retrait de sa situation de travail, a ensuite été hospitalisée au regard des conséquences psychiques générées par le climat de tensions dont elle a été victime; les médecins l'ayant pris en charge à la suite de son effondrement psychique ayant diagnostiqué, selon l'époux de Madame [S], une situation de stress suite à harcèlement au travail.

Plus concrètement, les 7 et 9 février 2018, elle vous a directement mis en cause au motif avancé que vous lui faites subir en permanence, avec trois autres de vos collègues, des remarques désobligeantes sur son travail et son physique qui portent atteinte à ses droits et à sa dignité, en même temps qu'elles compromettent la bonne exécution de son travail et altèrent sa santé morale.

A la suite de cette alerte et de l'exercice consécutif par la salariée de son droit de retrait, vous avez été entendu le 16 février 2018, dans le cadre d'une enquête conjointe menée avec le

CHSCT.

Suivant rapport d'enquête définitif du 2 mars 2018, il est apparu que :

- La salariée a bien été victime de propos réguliers dénigrant tout à la fois son travail en diversification d'activité, son statut de salariée du péage, ces faits ayant perduré après la mise au point d'octobre 2016;

- Elle a également été victime de propos acerbes sur son physique, et vous avez personnellement reconnu dire de votre collègue qu'elle «faisait de l''dème pulmonaire» en référence à sa poitrine;

- Elle était surnommé«la frite» sur le site de [Localité 6] en référence à son odeur corporelle;

- En outre, tout en affirmant qu'il existe une bonne ambiance sur le site, vous avez convenu qu'il y ait « pu avoir des petites réflexions et quelques blagues» et qu'il était d'usage dans l'équipe de « se charrier, confirmant que «Madame [S] se fait elle aussi charrier parce qu'elle serait acceptée dans l'équipe» ;

- Vous avez également déclaré s'agissant des réflexions subies par Madame [S] sur son travail lors des visites des aires que la réaction de cette dernière aurait été disproportionnée;

- Vous avez enfin reconnu avoir été avisé de l'incident d'octobre 2016 et que, suite à l'intervention des conducteurs de travaux et leur rappel à I'ordre, la situation s'était selon vous arrangée.

Il est également apparu lors de l'enquête que d'autres salariés ont été victimes de réflexions désobligeantes concernant leur statut ou leur physique sur le site, au titre de ce que vous qualifiez de «charriage» et de blagues.

Il ressort également des informations recueillies lors de l'enquête qu'à force d'être la cible de tels propos, Madame [S] a fini par se renfermer sur elle-même, alors qu'elle avait toujours fait montre d'une force de caractère appuyée; travaillant avec le sourire et de manière volontaire.

Lors de la procédure disciplinaire, vous avez cherché à nier les faits pour finalement trouver à expliquer que ce qui était arrivé n'était que la conséquence d'une organisation de travail qui, selon vous, monterait les salariés les uns contre les autres.

Pareilles explications sont inadmissibles en ce que vous oubliez que chacun est le garant au travail de la santé de l'autre, vous y compris.

En outre, cela ne justifie en rien que vous en fassiez le grief à une collègue de travail.

Votre prétendue incompréhension sur la situation dénoncée par Madame [S] est tout autant inacceptable et démontre votre absence totale de prise de conscience de la gravité de la situation, d'empathie et de bienveillance.

L'ensemble des éléments portés à notre connaissance démontre votre implication dans la dégradation de l'état de santé de votre collègue et caractérise, dans tous les cas, un manquement à vos obligations professionnelles.

En conséquence, nous avons décidé de vous licencier pour faute grave.

La gravité de ces faits rend impossible la poursuite de notre relation, y compris pendant la durée d'un préavis.

En conséquence, votre contrat de travail prend fin ce jour, sans préavis ni indemnité compensatrice.

Il vous appartient de nous restituer à l'expiration de votre contrat de travail votre logement de fonction selon les conditions prévues parla convention de mise à disposition de ce dernier, votre carte professionnelle, votre badge TIS, ainsi que tous biens appartenant à la société (clés de la villa n°8, tenues de travail...).

Conformément à la législation en vigueur, vous bénéficiez du maintien à titre gratuit de la couverture complémentaire santé et prévoyance applicable au sein de notre entreprise au jours de votre sortie des effectifs, sous réserve d'en remplir les conditions détaillées dans la notice d'information qui vous sera envoyée ultérieurement.

Le cas échéant, si vous deviez retrouver un emploi ou ne plus bénéficier du versement

d'allocations chômage quelle qu'en soit la cause, vous voudrez bien en informer dans les plus brefs délais I'organisme assureur et notre service ressources humaines.

A compter de votre départ de l'entreprise, vous pourrez continuer d'effectuer des versements, non abondés toutefois, sur votre éventuel compte Archimède, alors même que vous n'auriez pas de nouvel employeur ou bien que celui-ci ne proposerait pas de PERCO.

Vous pourrez également, si votre éventuel nouvel employeur propose un PERCO, y transférer la totalité de vos avoirs détenus dans ARCHIMEDE, sans influence sur la date d'échéance.

Mais dans tous les cas, la cessation de votre contrat n'étant pas un cas de déblocage anticipé, vous ne pourrez pas demander le remboursement de vos avoirs affectés sur Archimède.

Concernant enfin votre éventuelle épargne salariale stockée sur le PEG VINCI, nous vous informons que vous pourrez garder le bénéfice de l'ensemble des avantages liés aux Fonds Communs de Placement ou bien demander le remboursement de vos avoirs.

Pour toute information complémentaire, nous vous invitons à vous rendre sur votre espace personnel muni de votre identifiant et de votre mot de passe AMUNDI.

Nous tenons d'ores et déjà à votre disposition votre solde de tout compte, votre attestation Pôle Emploi et votre certificat de travail.'

Il ressort de la lettre de licenciement, laquelle fixe les limites du litige, que l'employeur reproche au salarié d'avoir tenu des remarques dépréciatrices récurrentes aux dépens de l'une de ses collègues, Madame [S], tant sur son travail que sur sa personne, ce qui a conduit à la dégradation de l'état de santé de cette dernière.

En ce sens, la SA AUTOROUTES DU SUD DE LA FRANCE verse à la procédure le mail suivant en date du 11 octobre 2016 adressé par Monsieur [X], assistant district A89 centre, à plusieurs salariés de la société avec pour objet 'diversification':

'Bonjour,

Plusieurs salariés du péage m'ont fait remontés des remarques quotidiennes sur leurs privilèges au sein de la viabilité, exemple: trop bien payé... au péage, il y a que des feignants.... ils choisissent leurs activités.... etc... Je vous demande de faire un rappel à l'embauche à l'ensemble des salariés pour que ce type de commentaire s'arrête.

Même si certains pensent faire de l'humour, au bout d'un moment et maintenant depuis plusieurs mois que certains salariés du péage viennent nous donner un coup de main sur certaines activités de la viabilité, il faut savoir passer à autres choses...

Je compte sur vous pour leur faire passer le bon message et leur faire comprendre que la présence de salariés péage au sein de la viabilité est un choix société et qu'en aucun cas ces salariés peuvent être discriminer.'

L'employeur produit également le courrier suivant rédigé par Madame [S] en date du 3 février 2018:

'Monsieur le Chef de District,

Par ce courrier, je viens vous informer de mes conditions de travail sur le site de [Localité 6].

Je subis en permanence des remarques désobligeantes. Ces remarques portent atteinte à mes droits et à ma dignité. Elles compromettent la bonne exécution de mon travail et altèrent ma santé morale.

Ces remarques sont faites par mes collègues ouvriers autoroutiers et d'atelier et ont aucun lien hiérarchique. Elles portent sur mon travail au péage, en diversification et même sur mon physique.

J'ai le tort d'être une femme, qui vient du péage et qui a accepté la diversification, privant ainsi mes collègues de la viabilité à faire l'inventaire du patrimoine (Trimble).

Je n'effectuerai donc plus l'audit des aires et ne continuerai pas la diversification dans ce contexte là. (...)'

Enfin, l'employeur produit un compte-rendu d'une enquête conjointe effectuée avec le CHSCT suite au droit d'alerte et de retrait exercés par Madame [Y] [F] [S], étant précisé que cette dernière a seulement été entendue par sa hiérarchie et non par le CHSCT.

Il convient de relever que le courrier de Madame [S] en date du 3 février 2018 est particulièrement peu précis et circonstancié, la salariée ne désignant pas nommément les collègues qui lui auraient fait des 'remarques désobligeantes' et ne précisant pas davantage en quoi consisteraient les remarques en question.

S'agissant du mail du 11 octobre 2016, celui-ci caractérise certes une ambiance de travail dégradée au sein de l'établissement. Cependant, cette situation apparaît davantage en lien avec la réorganisation des services au sein de la société qu'à des remarques déplacées à caractère plus personnel adressées à une salariée en particulier.

En ce qui concerne le compte-rendu de l'enquête conjointe effectuée avec le CHSCT, force est de constater qu'aucun des salariés entendus n'a pu rapporter avoir assisté directement à des propos précis qui auraient été tenus par Monsieur [L] à l'encontre de Madame [S].

En revanche, il ressort en filigrane de l'ensemble des auditions ainsi recueillies que les conditions de travail dans l'établissement étaient dégradées suite à la réorganisation des services mise en place par la hiérarchie.

Ainsi, l'employeur n'apporte pas la preuve de la matérialité des faits reprochés au salarié, étant précisé par ailleurs que ce dernier n'avait jamais fait l'objet d'une quelconque procédure disciplinaire avant son licenciement.

L'employeur n'apporte pas non plus la preuve d'un lien de causalité entre le supposé comportement de Monsieur [L] et l'état de santé de Madame [S] dans la mesure où les éléments de la procédure font ressortir une ambiance de travail plus généralement dégradée qui a également pu affecter la santé de cette dernière, sans que cela puisse être imputé à un salarié en particulier.

En l'absence de toute démonstration de la réalité d'une faute grave de nature à rendre impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et la poursuite du contrat de travail, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a requalifié le lienciement pour faute grave de Monsieur [H] [L] en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- Sur les conséquences de la rupture du contrat de travail -

Monsieur [L] sollicite à titre principal sa réintégration au sein de l'entreprise et, à titre subsidiaire, l'indemnisation du préjudice qu'il a subi à raison de la perte de son emploi.

La SA AUTOROUTES DU SUD DE LA FRANCE s'oppose à toute réintégration du salarié.

- Sur la demande de réintégration et de dommages et intérêts -

Aux termes de l'article L.1235-3 du code du travail, 'si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. (...)'

Nonobstant le refus de principe de l'employeur, il convient de confirmer le jugement déféré, en cas de nouvelle appréciation de la part de ce dernier, et, au vu des éléments d'appréciation dont la cour dispose, de dire qu'en cas de réintégration de Monsieur [H] [L] la SA AUTOROUTES DU SUD DE LA FRANCE devra lui payer la somme de 20.000 euros en réparation du préjudice subi outre intérêts de droit.

- Sur les conséquences d'une non-réintégration -

Au moment du licenciement, Monsieur [H] [L] était âgé de 40 ans, bénéficiait de 12 années d'ancienneté et percevait un salaire de 2.876,15 euros.

Aux termes de l'article L.1235-3 du code du travail, Monsieur [L] peut bénéficier d'une indemnité en mois de salaire brut compris entre 3 et 11 mois de salaire.

En cas de non-réintégration, Monsieur [L] doit également bénéficier des indemnités conventionnelles prévues.

Au vu des éléments d'appréciation dont la cour dispose, les premiers juges ont justement apprécié les circonstances de la cause ainsi que les droits et obligations des parties en condamnant, à défaut de réintégration, la SA AUTOROUTES DU SUD DE LA FRANCE à payer à Monsieur [H] [L] les sommes de 17.256,88 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, de 5.752,30 euros au titre du préavis outre 575,23 euros au titre des congés payés et de 23.000 euros à titre de dommages et intérêts.

Le jugement déféré sera confirmé sur l'ensemble de ces points.

- Sur les frais irrépétibles et les dépens -

Les dispositions du jugement déféré relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance seront confirmées.

En équité, il convient de condamner la SA AUTOROUTES DU SUD DE LA FRANCE à payer à Monsieur [H] [L] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La SA AUTOROUTES DU SUD DE LA FRANCE, qui succombe en son recours, sera également condamnée au paiement des dépens en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,

- Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

- Condamne la SA AUTOROUTES DU SUD DE LA FRANCE à payer à Monsieur [H] [L] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne la SA AUTOROUTES DU SUD DE LA FRANCE au paiement des dépens en cause d'appel ;

- Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.

Le greffier, Le Président,

N. BELAROUI C. RUIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Riom
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/01064
Date de la décision : 17/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-17;20.01064 ?
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