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06/12/2022 | FRANCE | N°20/00869

France | France, Cour d'appel de Riom, Chambre sociale, 06 décembre 2022, 20/00869


06 DECEMBRE 2022



Arrêt n°

SN/NB/SN



Dossier N° RG 20/00869 - N° Portalis DBVU-V-B7E-FNNU



S.A. TRADIVAL



/



[X] [Y].

Arrêt rendu ce SIX DECEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :



M. Christophe RUIN, Président



Mme Frédérique DALLE, Conseiller



Mme Sophie NOIR, Conseiller



En présence de Mme Nadia BELAROUI greffier lors des débats et du

prononcé



ENTRE :



S.A. TRADIVAL

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Barb...

06 DECEMBRE 2022

Arrêt n°

SN/NB/SN

Dossier N° RG 20/00869 - N° Portalis DBVU-V-B7E-FNNU

S.A. TRADIVAL

/

[X] [Y].

Arrêt rendu ce SIX DECEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :

M. Christophe RUIN, Président

Mme Frédérique DALLE, Conseiller

Mme Sophie NOIR, Conseiller

En présence de Mme Nadia BELAROUI greffier lors des débats et du prononcé

ENTRE :

S.A. TRADIVAL

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Barbara GUTTON PERRIN de la SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND, avocat constitué, substitué par Me Christine ARANDA de la SCP FROMONT BRIENS, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

APPELANTE

ET :

Mme [X] [Y].

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Anicet LECATRE, avocat au barreau de MOULINS

INTIMEE

Après avoir entendu Mme NOIR, Conseiller en son rapport, les représentants des parties à l'audience publique du 03 Octobre 2022, la Cour a mis l'affaire en délibéré, Monsieur le Président ayant indiqué aux parties que l'arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

La société TRADIVAL appartient à une coopérative agricole dénommée SICAREV, composée de producteurs de bovins, veaux et porcs qui apportent leurs productions à la coopérative, laquelle assure l'abattage et la transformation par le biais de plusieurs sociétés.

Mme [X] [Y] a été embauchée par la SA ARROW SA (société rachetée en 2002 par la société FOREZ PORC, elle-même fusionnée en 2010 avec la société ORLÉANS VIANDES pour devenir TRADIVAL) par contrat de travail à durée indéterminée du 09 septembre 1998, en qualité d'ouvrière d'abattage et de découpe viande.

Au dernier état de la relation de travail, elle occupait les fonctions de responsable département, statut cadre.

La Convention collective applicable à la relation de travail est celle des entreprises de l'industrie et du commerce en gros des viandes.

Le 16 novembre 2015, la salariée a été victime d'un malaise sur son lieu de travail et a été placée en arrêt de travail durant une journée.

Le 31 janvier 2017, Madame [Y] a été placée en arrêt de travail pour maladie jusqu'au 30 juin 2017 suite à un accident de ski.

Au terme d'une visite médicale de reprise du 25 juillet 2017, le médecin du travail l'a déclarée inapte à son poste dans les termes suivants :'Madame [X] [B] est inapte à reprendre son poste de responsable de secteur au sein de TRADIVAL LAPALISSE;

Son état de santé ne permet pas de faire des propositions de reclassement au sein de l'entreprise.

Le suivi d'une formation est possible sur le plan médical'.

Madame [Y] a été licenciée le 27 décembre 2017 pour impossibilité de reclassement suite à une inaptitude physique d'origine non professionnelle par courrier rédigé ainsi.

'Madame,

Par courrier recommandé en date du 6 décembre 2017, nous vous avons convoquée à une entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement pour impossibilité de reclassement, suite au constat de votre inaptitude d'origine non professionnelle. Cet entretien devait se dérouler le 15 décembre 2017 matin, au sein des locaux administratifs de TRADIVAL, [Adresse 4].

Vous nous avez informés, par courrier recommandé reçu le 13 décembre 2017 que vous ne pouviez pas être présente compte tenu d'une contre indication de votre médecin traitant, sans pour autant sollicité le report de l'entretien.

Par la présente, nous sommes contraints de vous notifier votre licenciement pour impossibilité de reclassement ensuite de votre inaptitude d'origine non professionnelle, pour les raisons que nous vous exposons ci-après.

Vous avez été placée en arrêt maladie à compter du 30 janvier 2017 et ce jusqu'au 30 juin 2017. Cet arrêt maladie faisait suite à une chute de ski, se rapportant à vos activités personnelles.

Votre arrêt de travail a pris fin le 30 juin 2017, et c'est dans ce cadre que vous avez été reçue par la Médecine du travail afin qu'elle se prononce sur votre inaptitude à reprendre votre poste de travail.

A l'issue des visites médicales des 3 et 17 juillet 2017 (en application de l'article R4624-31 du code du travail) le médecin du travail a conclu à votre inaptitude en ces termes:

'Inapte à tous les postes. Inapte à son poste d'ouvrière d'abattoir boyauderie. Contre-indication médicale aux mouvements répétitifs des bras. Etat de santé compatible avec un poste prenant en compte ces restrictions, le suivi d'une formation.'

C'est dans ce contexte que suite à ce constat et en concertation avec le Docteur [K], nous avons conformément à nos obligations en la matière, procéder à des recherches exhaustives de postes de reclassement, compatibles tant avec vos aptitude physiques que professionnelles, au sein de notre entreprise et des autres entreprises du groupe.

Malgré nos recherches, il est apparu cependant qu'aucun poste de reclassement compatible avec les préconisations du médecin du travail et vos aptitudes professionnelles n'était disponible au sein de la société et du groupe.

Aussi, c'est dans ce contexte que les délégués du personnel ont été consultés sur les démarches entreprises par la société dans le cadre de la procédure de reclassement, lors d'une réunion du 30 novembre 2017.

C'est au regard de ce qui précède que nous avons été contraints de constater l'impossibilité de procéder à votre reclassement, comme nous vous l'avons confirmé par courrier recommandé en date du 4 décembre 2017.

Par conséquent, nous sommes contraints de vous notifier par la présente votre licenciement pour impossibilité de reclassement ensuite d'une inaptitude d'origine non professionnelle au regard de l'absence de tout lien caractérisé entre votre activité professionnelle et votre état de santé.

Par courrier recommandé du 11 décembre 2017, vous nous indiquez que votre inaptitude serait d'origine professionnelle, et ce, suite à un accident du travail du 16 novembre 2015 et à une prétendue demande de reconnaissance de maladie professionnelle formulée le 20 juillet 2017.

Néanmoins, et après vérification auprès de la CPAM, aucun dossier de reconnaissance de maladie professionnelle n'est instruit à ce jour, par ailleurs aucun élément ne permet à ce jour de caractériser un quelconque lien de causalité entre votre inaptitude (consécutive à un arrêt de travail lié à un accident de ski) et votre activité professionnelle.

Dans la mesure où votre état de santé ne vous permet pas d'exécuter votre préavis, la rupture de votre contrat sera donc effective à compter de la date de première présentation du présent courrier (...)'.

Madame [Y] a saisi le conseil de prud'hommes de VICHY le 28 mars 2018 pour voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir diverses indemnités.

Par jugement du 18 juin 2020 le conseil de prud'hommes de VICHY en sa formation de départage a :

- dit que l'inaptitude de Madame [Y] constatée le 25 juillet 2017 par le médecin du travail n'est pas d'origine professionnelle ;

- dit que le licenciement de Madame [Y] par la société TRADIVAL en date du 27 décembre 2017 est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- condamné, en conséquence, la société TRADIVAL à payer à Madame [Y] les sommes de :

* 6 997,04 euros (brut) au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 699,70 euros (brut) au titre des congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter de la réception par la société TRADIVAL de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation, soit le 3 avril 2018,

* 10 495,56 euros (net) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;

- dit que des sommes ci-dessus énoncées en brut devront éventuellement être déduites les charges sociales salariales précomptées et reversées aux organismes sociaux par l'employeur ;

- dit que les sommes nettes s'entendent - net - de toutes cotisations et contributions sociales ;

- dit qu'en application de l'article R. 1 454-28 du Code du Travail le salaire de référence s'élève à la somme de 3 498,52 euros brut ;

- débouté Madame [Y] de sa demande au titre de l'indemnité légale de licenciement ;

- condamné la société TRADIVAL à payer à Madame [Y] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté la société TRADIVAL de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société TRADIVAL aux dépens de l'instance ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire pour les condamnations qui n'en seraient pas assortis de plein droit ;

- ordonné le remboursement au Pôle Emploi Auvergne, en application des dispositions de l'article L 1235-4 du code du travail, des indemnités de chômage qui ont pu être versées à Madame [Y] pour une durée de six mois, le licenciement étant intervenu sans cause réelle et sérieuse dans une entreprise comptant plus de 10 salariés et à l'encontre d'une salarié ayant plus de deux ans d'ancienneté.

La société TRADIVAL a interjeté appel de ce jugement le 17 juillet 2020.

Vu les conclusions notifiées à la cour le 29 août 2022 par la société TRADIVAL,

Vu les conclusions notifiées à la cour le 28 septembre 2022 par Madame [Y],

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 3 octobre 2022.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions, la société TRADIVAL demande à la cour de :

- constater la recevabilité de son appel ;

- constater qu'elle a pleinement respecté son obligation de recherche d'un reclassement à l'égard de Madame [Y] ;

- constater qu'elle a régulièrement consulté les délégués du personnel concernant la procédure de recherche de reclassement ;

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré le licenciement de Madame [Y] sans cause réelle et sérieuse ;

- constater que l'inaptitude de Madame [Y] n'a pas d'origine professionnelle ;

En conséquence :

- débouter Madame [Y] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

A titre subsidiaire :

- réduire le montant des dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 10.425 euros ;

En tout état de cause :

- condamner Madame [Y] à lui verser la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Madame [Y] aux dépens.

Dans ses dernières conclusions, Madame [Y] demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse;

- infirmer sur le quantum et statuant à nouveau condamner la société TRADIVAL à lui payer et porter la somme de 52 477,80 euros à titre de dommages et intérêts ;

A titre principal :

- infirmer le jugement en ce qu'il a écarté l'origine professionnelle de l'inaptitude ;

Statuant à nouveau :

- juger que son inaptitude est au moins partiellement d'origine professionnelle ;

- condamner, en conséquence, la société TRADIVAL à lui payer et porter les sommes suivantes :

* 6 997,04 euros bruts à titre de l'indemnité compensatrice art L 1226-14,

* 19 533,40 euros nets à titre de solde indemnité spéciale art L 1226-14 ;

- à titre infiniment subsidiaire et si par impossible, l'origine professionnelle n'était pas reconnue, confirmer le jugement sur l'indemnité compensatrice de préavis de 6 997,04 euros bruts ;

- dire que ces sommes porteront intérêts de droit à compter :

- de la convocation de l'employeur à comparaître devant le bureau de conciliation pour les sommes allouées à caractère salarial,

- du jugement dont appel pour les sommes allouées par les premiers Juges à caractère indemnitaire,

- de l'arrêt à intervenir pour les sommes allouées en plus de celles accordées par la juridiction de première instance ;

- ordonner la capitalisation de ces intérêts échus pour une année entière et rappeler que ces intérêts échus porteront eux-mêmes intérêts au taux légal le cas échéant majoré ;

- s'agissant des frais irrépétibles, confirmer le jugement en ce qu'il a alloué une somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais irrépétibles de première instance ;

Y ajoutant :

- condamner la société TRADIVAL à lui payer et porter la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais irrépétibles d'appel ainsi qu'en tous les dépens.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions recevables des parties et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion contenue dans ces écritures mais qu'en revanche, elle ne statue pas sur des prétentions indéterminées, trop générales ou non personnalisées, ou non efficientes, notamment celles qui relèvent d'une reprise superfétatoire, dans le dispositif des conclusions d'une partie, de l'argumentaire (ou des moyens) contenu dans les motifs.

Sur l'origine de l'inaptitude :

La législation protectrice des victimes d'accident du travail ou de maladie professionnelle s'applique lorsqu'il est démontré que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée a, au moins partiellement pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.

L'application de cette législation n'est pas subordonnée à la reconnaissance du caractère professionnel d'un accident ou d'une maladie par un organisme de sécurité sociale ni à l'accomplissement par le salarié des formalités de déclaration de l'accident du travail auprès de l'organisme compétent.

Une décision de refus de prise en charge de la CPAM ne suffit pas davantage à écarter ce lien de causalité et une décision de prise en charge par un organisme de sécurité sociale d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ne constitue qu'un élément de preuve parmi d'autres laissés à l'appréciation du juge prud'homal auquel il appartient de rechercher lui-même, lorsqu'il est saisi d'un litige sur ce point, l'existence d'un lien de causalité entre l'inaptitude d'une part, et l'accident du travail ou la maladie professionnelle d'autre part.

En l'espèce, Mme [X] [Y] soutient que son inaptitude est, au moins partiellement, en lien avec son activité professionnelle, ce dont l'employeur était informé au moment du licenciement.

Elle fait plus précisément valoir :

- qu'elle a été victime d'un accident du travail régulièrement pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels

- que le fait d'avoir été 'prise en charge au titre de la maladie de droit commun en dernier lieu n'est pas de nature à lui faire perdre le bénéfice de la législation professionnelle'

- que l'application de la législation protectrice des articles L1226-10 et suivants n'est pas subordonnée à une décision de prise en charge de la CPAM

- que la société Tradival ne peut contester avoir eu connaissance de l'accident du travail dont elle a été victime

- que les éléments médicaux versés aux débats démontrent l'existence d'une dépression réactionnelle à une souffrance au travail

- qu'à la date de ses arrêts de travail, elle n'avait aucune difficulté d'ordre physique ou psychique en lien avec son accident de ski

- que les termes de l'avis d'inaptitude, en mentionnant expressément le site de [Localité 3], démontrent, d'une part que l'accident de ski n'est pas à l'origine de l'inaptitude, d'autre part que les conditions de travail sont à l'origine de sa dépression réactionnelle et constituent, même partiellement, la cause de son inaptitude

- que l'employeur avait connaissance de sa volonté de faire reconnaître sa pathologie au titre de la législation sur les risques professionnels

- que le médecin du travail a, dans un courrier du mois de mars 2017, établi le diagnostic d'un état anxio dépressif en lien avec les problématiques au travail.

La société Tradival conteste tout à la fois l'origine professionnelle, même partielle, de l'inaptitude et la connaissance qu'elle pouvait en avoir à la date du licenciement.

Elle précise notamment:

- que le certificat initial n'est pas produit, pas plus que les certificats médicaux antérieurs au 22 mars 2017 mais qu'il n'est pas contesté que l'arrêt de travail du mois de janvier 2017 fait suite à l'accident de ski de la salariée

- que le courrier du médecin du travail du mois de mars 2017 fait expressément mention des suites de l'accident de ski

- que l'inaptitude a été prononcée plus d'un an et demi après l'accident du travail du 16 novembre 2015 et à la suite d'une période d'arrêts maladie de droit commun continus et consécutifs à l'accident de ski

- que l'avis inaptitude ne fait pas état d'une origine professionnelle et ne fait pas allusion à l'accident du 16 novembre 2015

- que la salariée allègue un stress réactionnel au travail alors qu'elle était en arrêt de travail depuis plusieurs mois, qu'elle n'a jamais alerté son employeur, l'inspection du travail ou les représentants du personnel sur d'éventuelles difficultés notamment lors de son entretien professionnel du 16 mars 2016 et qu'elle ne produit aucun élément démontrant qu'elle a subi un stress au travail

- que la déclaration d'inaptitude du médecin du travail n'est pas accompagnée du Cerfa permettant à la salariée de bénéficier d'indemnités journalières spécifiques pendant le premier mois de la procédure de reclassement

- qu'aucune mention de l'avis d'inaptitude n'évoque une restriction générale d'ordre psychique

- que l'avis d'inaptitude ne fait pas mention d'un lien entre l'inaptitude et le travail de la salariée ou son état de santé psychologique du fait de ses conditions de travail

- qu'il n'est pas démontré que la déclaration de maladie professionnelle du 20 juillet 2017 versée aux débats par la salariée a été envoyée à la CPAM et qu'elle n'a jamais été informée de l'ouverture d'une enquête en reconnaissance d'une maladie professionnelle, la CPAM lui ayant au contraire confirmé qu'aucune procédure de reconnaissance de maladie professionnelle n'avait été engagée

- qu'à la date du licenciement, aucun des éléments en sa possession ne laissaient présumer l'origine professionnelle de l'inaptitude.

Mme [X] [Y] verse aux débats :

- un certificat médical initial d'accident du travail du 17 novembre 2015 faisant état d'une douleur thoracique justifiant des examens médicaux

- son courrier du 10 septembre 2017 décrivant les circonstances du malaise survenu sur son lieu de travail le 16 novembre 2015 alors qu'elle venait d'apprendre qu'on lui retirait son poste d'ordonnancement pour l'affecter à un autre poste ' pour lequel on était pas capable de [lui]donner la liste des tâches'

- le justificatif de la prise en charge de cet accident par la CPAM au titre de la législation sur les risques professionnels le 9 novembre 2017

- une attestation de paiement des indemnités journalières versées durant la période du 16 novembre 2015 au 25 août 2017 faisant état d'une prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels durant la seule journée du 16 novembre 2015, d'un placement en arrêt de travail pour maladie de droit commun du 17 décembre 2015 au 20 décembre 2015 puis à nouveau du 31 janvier 2017 au 25 août 2017

- un courrier du médecin du travail adressé à son médecin traitant le 13 mars 2017 rédigé ainsi : ' Je vous adresse Mme [Y] [B] pour conseil thérapeutique et prolongation de l'arrêt de travail (outre les suites de l'accident de ski état anxiodépressif en lien avec les problématiques au travail)'

- un questionnaire du niveau de stress rempli par ses soins à une date non précisée

- l'avis d'inaptitude du 25 juillet 2017

- cinq avis de prolongation d'arrêt de travail portant sur la période du 22 mars 2017 au 24 juillet 2017 faisant état d'un syndrome anxiodépressif

- une demande de reconnaissance de maladie professionnelle remplie par ses soins et datée du 20 juillet 2017 faisant état d'une dépression réactionnelle et d'un harcèlement moral depuis de nombreux mois.

Il ressort de ces différentes pièces :

- que la salariée a déclaré une douleur thoracique survenue au temps et au lieu de travail le 16 novembre 2015, ultérieurement reconnue comme accident du travail par la CPAM

- qu'à compter du 22 mars 2017 elle a souffert d'un syndrome anxiodépressif ayant nécessité un arrêt de travail pour maladie de droit commun jusqu'au 24 juillet 2017

- qu'elle a été déclarée inapte à son poste par le médecin du travail immédiatement après la fin de cet arrêt maladie.

Il est également constant que Mme [X] [Y] a été victime d'un accident de ski le 31 janvier 2017 à la suite duquel elle a été placée en arrêt de travail de droit commun, régulièrement renouvelé jusqu'au 24 juillet 2017.

Contrairement à ce que soutient Mme [X] [Y], les termes de l'avis d'inaptitude rappelés ci-dessus ne permettent pas d'en attribuer l'origine à l'accident du travail du 16 novembre 2015 et le délai de 20 mois séparant cet accident de la déclaration d'inaptitude exclut, en l'absence de tout autre élément, un lien entre les deux événements.

De même, le seul fait que le médecin du travail mentionne dans l'avis d'inaptitude que l'état de santé de la salariée ne lui permet pas de faire des propositions de reclassement au sein de la société Tradival, ne suffit pas à démontrer que l'inaptitude est en lien avec les conditions de travail de Mme [Y] au sein de la société Tradival.

Le seul élément suffisamment précis susceptible d'établir un lien entre le syndrome anxiodépressif ayant justifié les arrêts de travail jusqu'à la veille de la déclaration d'inaptitude et cette inaptitude est le courrier rédigé par le médecin du travail le 13 mars 2017 à l'attention du médecin de la salariée.

.

Or, ce courrier précédant de plus de quatre mois la déclaration d'inaptitude, ne mentionne pas si les problématiques au travail décrites comme étant en lien avec l'état anxiodépressif de la salariée ont été constatées par le médecin du travail lui-même ou si elles ressortent uniquement des dires de la salariée.

En toute hypothèse, aucun des éléments versés aux débats ne permet de corroborer les déclarations de Mme [X] [Y] sur l'existence de ' problématiques au travail' ou d'une ' souffrance au travail' également invoquée, lesquelles ne sont d'ailleurs pas décrites.

Il n'est donc pas démontré que le médecin du travail a posé le diagnostic d'un état anxiodépressif en lien avec des 'problématiques au travail' comme le soutient la partie intimée.

Au vu de tous ces éléments, la cour considère que le lien entre les conditions de travail de Mme [X] [Y] et le syndrome anxiodépressif à l'origine de ses arrêts de travail régulièrement renouvelés jusqu'à la veille de la déclaration d'inaptitude n'est pas démontré et que la preuve de l'origine professionnelle de l'inaptitude n'est pas rapportée.

Le jugement déféré sera donc confirmé de ce chef.

Sur le licenciement :

Selon les dispositions de l'article L 1226-2 du code du travail dans sa version antérieure à l'Ordonnance n°2017-1718 du 20 décembre 2017 : 'Lorsque le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

(...)

Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel lorsqu'ils existent, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail'.

Il résulte de l'article L1226-2 du code du travail que l'avis des délégués du personnel doit être recueilli avant que la procédure de licenciement d'un salarié inapte à son emploi ne soit engagée et l'employeur ne peut pas se soustraire à cette obligation dès lors que la mise en place de tels délégués est obligatoire en application de l'article L2312-2 du code du travail dans sa version applicable au litige et qu'aucun procès-verbal de carence n'a été établi.

À défaut de consultation des délégués du personnel, le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

En l'espèce, le jugement déféré a déclaré le licenciement sans cause réelle et sérieuse au motif que l'employeur ne rapportait pas la preuve du respect de son obligation de consultation des délégués du personnel dans le cadre de la recherche de reclassement de la salariée.

Mme [X] [Y] fait notamment valoir que la société Tradival ne justifie pas avoir consulté tous les délégués du personnel, notamment en ce qu'elle ne produit pas le procès-verbal de carence des élections du collège n°2 agents de maîtrise/cadre.

La société Tradival affirme avoir consulté l'ensemble des délégués du personnel et verse aux débats (pièce 25) un procès-verbal de carence des élections des délégués du personnel deuxième collège - suppléants de l'établissement de [Localité 3] daté du 4 mai 2015.

Selon l'article L 2314-5 du code du travail dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2017-1386 du 22 septembre 2017 : 'Lorsque l'institution [ des délégués du personnel] n'a pas été mise en place ou renouvelée, un procès-verbal de carence est établi par l'employeur.

L'employeur porte à la connaissance des salariés par tout moyen permettant de donner date certaine à cette information le procès verbal dans l'entreprise et le transmet dans les quinze jours, par tout moyen permettant de conférer date certaine à cette transmission, à l'inspecteur du travail qui en envoie copie aux organisations syndicales de salariés du département concerné'.

Or, ainsi que le fait valoir la salariée, la société Tradival ne justifie aucunement de la transmission du procès-verbal de carence du 4 mai 2015 produit aux débats à l'inspecteur du travail et elle ne justifie pas non plus avoir porté ce procès-verbal à la connaissance des salariés et en avoir envoyé une copie aux organisations syndicales.

Le document produit en pièce 25 ne peut donc être considéré comme valant procès-verbal de carence.

En l'absence de ce procès-verbal, il n'est par rapporté la preuve de ce que l'employeur a procédé à la consultation de tous les délégués du personnel dans le cadre de la recherche de reclassement de la salariée.

En conséquence et par application des principes susvisés, le licenciement n'est pas fondé sur une cause réelle et sérieuse.

Le jugement déféré sera donc confirmé de ce chef.

L'indemnité de préavis est due au salarié dont le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison du manquement de l'employeur à son obligation de reclassement consécutive à l'inaptitude de sorte que Mme [X] [Y] peut prétendre à une indemnité compensatrice de préavis à hauteur de la somme, non discutée par les parties de 6 997,04 euros.

Le jugement déféré sera également confirmé de ce chef.

Dès lors qu'il est jugé que l'inaptitude n'est pas d'origine professionnelle, l'indemnité spéciale de licenciement n'est pas due.

Le jugement déféré, qui a omis de statuer sur cette prétention sera complété sur ce point.

Selon l'article L1235-3 du code du travail dans sa version applicable entre le 24 septembre 2017 et le 1er avril 2018, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le même article.

Pour déterminer le montant de l'indemnité, le juge peut tenir compte, le cas échéant, des indemnités de licenciement versées à l'occasion de la rupture, à l'exception de l'indemnité de licenciement mentionnée à l'article L. 1234-9.

Cette indemnité est cumulable, le cas échéant, avec les indemnités prévues aux articles L. 1235-12, L. 1235-13 et L. 1235-15, dans la limite des montants maximaux prévus au présent article.

En l'espèce, la salariée ne demande pas sa réintégration.

Contrairement à ce que cette dernière soutient, la référence faite dans la lettre de licenciement à un avis d'inaptitude qui ne la concerne manifestement pas ne caractérise pas des circonstances vexatoires et il est jugé plus haut que l'inaptitude est sans lien avec les conditions de travail de la salariée.

Compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Mme [X] [Y] (3 498,52 euros de salaire moyen durant les 6 derniers mois), de son âge au jour de son licenciement (45 ans), de son ancienneté à cette même date (19 ans et 3 mois), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels que ces éléments résultent des pièces et des explications fournies qui ne permettent cependant pas à la cour de connaître la situation professionnelle et financière de la salariée après son licenciement, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L.1235-3 du code du travail dans sa rédaction applicable en la cause, une somme de 35000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, assortis d'intérêts légaux à compter du jugement jusqu'à la somme de 10 495,56 euros et à compter du présent arrêt pour le surplus.

Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.

Sur la capitalisation des intérêts légaux:

La capitalisation des intérêts sera ordonnée, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil.

Sur les demandes accessoires:

Partie perdante, la société Tradival supportera la charge des dépens de première instance et d'appel.

Par ailleurs, Mme [X] [Y] a dû pour la présente instance exposer tant en première instance qu'en appel des frais de procédure et honoraires non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser intégralement à sa charge.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Tradival à lui payer la somme de 1500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, et de condamner cet employeur à lui payer sur le même fondement une indemnité de 1500 euros au titre des frais qu'elle a dû exposer en appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement par arrêt contradictoire réputé contradictoire par défaut, après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement déféré SAUF en ce qu'il a :

- condamné la société Tradival à payer à Mme [X] [Y] la somme de 10'495,56 € nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

- condamne la société Tradival à payer à Mme [X] [Y] la somme de 35 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, assortis d'intérêts légaux à compter du jugement jusqu'à la somme de 10 495,56 euros et à compter du présent arrêt pour le surplus ;

- rejette la demande de solde d'indemnité spéciale ;

DIT que les sommes allouées supporteront, s'il y a lieu, le prélèvement des cotisations et contributions sociales;

ORDONNE la capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière;

CONDAMNE la société Tradival à payer à Mme [X] [Y] la somme de 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Tradival aux entiers dépens de la procédure d'appel ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.

Le greffier, Le Président,

N. BELAROUI C. RUIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Riom
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/00869
Date de la décision : 06/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-06;20.00869 ?
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