06 DECEMBRE 2022
Arrêt n°
SN/NB/NS
Dossier N° RG 20/00832 - N° Portalis DBVU-V-B7E-FNKX
S.A.R.L. [M]
/
[T] [F]
Arrêt rendu ce SIX DECEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :
M. Christophe RUIN, Président
Mme Frédérique DALLE, Conseiller
Mme Sophie NOIR, Conseiller
En présence de Mme Nadia BELAROUI greffier lors des débats et du prononcé
ENTRE :
S.A.R.L. [M]
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me FAGEOLE, avocat suppléant Me Valérie BARDIN-FOURNAIRON de la SAS HDV AVOCATS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
APPELANT
ET :
Mme [T] [F]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Eric NURY de la SCP GIRAUD-NURY, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
INTIME
Après avoir entendu Mme NOIR, Conseiller en son rapport, les représentants des parties à l'audience publique du 03 Octobre 2022, la Cour a mis l'affaire en délibéré, Monsieur le Président ayant indiqué aux parties que l'arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE
Madame [T] [F] a été embauchée le 4 août 1994 par l'EURL POINT CHAUD 63 en qualité de vendeuse aide laboratoire, par contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel.
Le 1er février 2006 son contrat de travail a été transféré à Monsieur [L] [H] puis à compter du 1er Juillet 2006 à la SARL [M] qui exploite une boulangerie.
Par avenant du 30 décembre 2010 à effet au 1er janvier 2011, la durée du temps de travail de la salariée a été portée à 35 heures hebdomadaires.
Par courrier du 14 mars 2014, la SARL [M] a proposé à Mme [F] une modification de son contrat de travail pour motif économique consistant en une réduction de son temps de travail à 25 heures par semaine en contrepartie d'un salaire de 1 041,15 euros bruts.
Mme [F] a refusé la proposition le 10 avril 2014.
La même modification de la durée du temps de travail lui a de nouveau été proposée le 28 avril 2014, à titre de reclassement.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 21 mai 2014, Mme [F] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour motif économique, fixé au 2 juin 2014.
Lors de cet entretien, la SARL [M] lui a proposé le bénéfice du contrat de sécurisation professionnelle.
Mme [F] a été licenciée pour motif économique par lettre recommandée avec accusé de réception du 13 juin 2014.
N'ayant pas accepté d'adhérer au contrat de sécurisation professionnelle, son contrat de travail a pris fin le 18 août 2014.
Madame [F] a saisi le conseil de prud'hommes de Riom le 26 août 2014 pour voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir le paiement de diverses sommes à caractère indemnitaire et salarial.
Par jugement du 17 avril 2019, le conseil de prud'hommes de Riom a :
- dit que la SARL [M] a modifié unilatéralement le contrat de travail de Mme [F] en supprimant le travail du dimanche ;
- constaté que la SARL [M] reconnaît devoir à Mme [F] la somme de 300,00 euros au titre de la prime exceptionnelle et bénévole ;
- constaté qu'au jour de l'audience la SARL [M] n'a pas réglé la somme de 300,00 euros à Mme [F] ;
- fixé la fin du préavis de Mme [F] au 14 août 2014 ;
- dit que la cause économique du licenciement est établie ;
- dit que le licenciement de Mme [F] repose sur une cause réelle et sérieuse ;
- condamné la SARL [M], prise en la personne de son représentant légal, à lui porter et payer les sommes de :
* 1 200,00 euros à titre de dommages et intérêts pour avoir supprimé unilatéralement le travail du dimanche à compter du 1er janvier 2013,
* 1 340,00 euros au titre de la prime exceptionnelle et bénévole,
* 134,00 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de paiement de la prime exceptionnelle et bénévole,
* 203,07 euros à titre de rappel de salaire retenu sur le bulletin de salaire d'août 2014,
* 700,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire sauf exécution provisoire de droit dans les limites de l'article R1454-28 du code du travail ;
- débouté Mme [F] de ses demandes relatives au licenciement et aux dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- débouté la SARL [M] de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la SARL [M] aux dépens.
La SARL [M], le 13 mai 2019, a interjeté appel partiel de ce jugement et cet appel a été enregistré sous le n°19/00950.
Le 25 mai 2019, Mme [F] a également relevé appel partiel de ce jugement, lequel a été enregistré sous le n°19/01055.
Par ordonnance du 10 septembre 2019, le conseiller de la mise en état a ordonné la jonction des deux procédures sous le n° 19/950.
L'affaire n°19/950 a fait l'objet d'une radiation par ordonnance d'incident du 26 novembre 2019 en application de l'article 526 du code de procédure civile, faute par la SARL [M] d'avoir réglé les condamnations assorties de l'exécution provisoire.
Cette même ordonnance a également ordonné la disjonction des procédures enrôlées sous les numéros 19/00950 et 19/01055.
L'affaire radiée a ensuite été réinscrite le 13 juillet 2020 sous le n° 20/00832, sur demande de la SARL [M], qui a adressé au conseil de l'intimée un chèque de 1515,85 euros en règlement de l'exécution provisoire de plein droit, outre le bulletin de salaire rectifié de septembre 2019.
Par ordonnance du 26 septembre 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la jonction des instances 20/832 et 19/1055 et dit que l'affaire serait désormais suivie sous le numéro 20/832.
La clôture, initialement fixée au 5 septembre 2022, a été rabattue le 26 septembre 2022 pour permettre aux parties de conclure à nouveau avant l'audience.
Vu les dernières conclusions notifiées à la cour le 8 août 2019 par la SARL [M] ;
Vu les dernières conclusions notifiées à la cour le 28 juillet 2019 par Mme [F] dans l'instance n°19/950 ;
Vu les dernières conclusions notifiées à la cour le 28 juillet 2019 par Mme [F] dans l'instance n°19/01055.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions, la SARL [M] demande à la cour de:
- confirmer le jugement sur le licenciement économique de Mme [F] qui repose sur une cause réelle et sérieuse ;
- subsidiairement diminuer les dommages et intérêts sollicités ;
- infirmer le jugement s'agissant du travail le dimanche et les jours fériés ;
- subsidiairement, débouter Mme [F] de sa demande de dommages et intérêts faute de rapporter la preuve du préjudice subi;
- infiniment subsidiairement, diminuer les dommages et intérêts dans de plus justes proportions ; - infirmer le jugement sur le préavis et débouter Mme [F] de ses demandes relatives au préavis ;
- faire droit à la demande de rappel de salaires à hauteur de 300 euros brut au titre de la prime exceptionnelle et bénévole, infirmer le jugement pour le surplus ;
En tout état de cause :
- condamner Mme [F] à payer et à porter la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
La SARL [M] soutient que le motif économique du licenciement a un caractère réel et sérieux, à savoir la réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise. Elle indique que Mme [F] n'a pas été licenciée seulement en raison d'une baisse générale du pouvoir d'achat mais bien à cause de la baisse répétée du résultat net de l'entreprise sur trois exercices comptables consécutifs.
Elle ajoute que l'obligation de recherche de reclassement a bien été respectée.
Subsidiairement, si la cour faisait droit à la demande de dommages- intérêts sollicités par Mme [F], la société affirme que la salariée ne rapporte pas la preuve de son préjudice en application de l'article L.1235-5 du code du travail.
Sur le travail des dimanches et jours fériés, la société explique que Mme [F] a signé un avenant le 30 décembre 2010 sur lequel figure l'absence du travail le dimanche et le fait que l'horaire n'est aucunement contractuel et ne constitue pas un élément essentiel au présent contrat.
Elle ajoute que la salariée avait accepté ne pas travailler le dimanche et les jours fériés.
Sur la prime exceptionnelle et bénévole, elle estime que Mme [F] ne démontre pas de préjudice.
Elle soutient ensuite que la salariée ne saurait lui faire grief d'avoir fixé la fin du préavis au lundi 18 août 2014.
Dans ses dernières conclusions notifiées dans l'instance n°19/950, Mme [F] demande à la cour de :
- constater et juger que la SARL [M] ne conteste pas les chiffres arrêtés par le jugement et ne demande pas leur réformation ;
- débouter la SARL [M] de son appel limité tel que contenu dans la déclaration d'appel du 13 mai 2019 ;
- la débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions contraires aux présentes ;
- confirmer le jugement du 17 avril 2019 sur les dispositions querellées par la SARL [M] dans sa déclaration d'appel du 13 mai 2019 ;
- la condamner à lui verser la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.
Dans ses dernières conclusions notifiées dans l'instance n°10/1055, Mme [F] demande à la cour de :
- débouter la SARL [M] de toutes ses demandes ;
- réformant sur les points précisés dans sa déclaration d'appel, juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner la SARL [M] à lui verser la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts ainsi que celle de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre condamnation aux dépens.
Au soutien de ses demandes, Mme [T] [F] fait valoir que :
1) aux termes de ses conclusions notifiées dans l'instance n°19/1055
- le raisonnement de la SARL [M] dans la lettre de licenciement, faisant état d'une forte baisse d'activité en raison de la concurrence accrue des sociétés voisines, de la baisse générale du pouvoir d'achat et de la suppression de son poste, n'est pas cohérent, surtout pour se séparer en juin 2014 de la seule vendeuse du magasin, puisque Mme [G] se trouvait en congé parental jusqu'en août 2015
- la référence au chiffre d'affaires 2011 n'est pas non plus sérieuse puisque c'est en 2011 qu'elle est passée à temps complet, ce qui est bien la preuve d'une certaine santé économique de l'entreprise
- il n'y a pas eu de suppression de poste de vendeuse, surtout qu'il lui était proposé une modification de son poste, que la boulangerie est ouverte les lundi, mardi, jeudi, vendredi, samedi et dimanche et que l'autre vendeuse n'a repris le travail qu'un an après et que l'on ne peut faire croire que la boulangerie a fonctionné sans vendeuse.
2) aux termes de ses conclusions notifiées dans l'instance n°19/950
- elle travaillait régulièrement les dimanches et jours fériés, mais qu'il lui fut demandé de plus venir travailler, à compter du 1er janvier 2013
- il existe un avenant en date du 1er septembre 2005 conclu entre M. [H] et elle, aux termes duquel elle devait travailler en alternance un dimanche sur deux, avenant qui ne fut pas dénoncé par la société [M]
- dès lors, il y a bien eu modification unilatérale de son contrat de travail par la SARL [M], justifiant pleinement l'allocation d'une somme de 1200 euros à titre de dommages et intérêts
- concernant la prime exceptionnelle et bénévole, cette prime d'un montant mensuel de 150 euros lui a été versée à compter du 1er novembre 2011, mais pas en décembre 2011, puis de janvier à novembre 2012, pour être diminuée à 100 euros de janvier 2013 à juillet 2014 et enfin abaissée à 60 euros par mois à compter d'août 2014, c'est donc le montant initial sur toute cette période qui doit lui être alloué, comme retenu par le jugement
- le point de départ du délai de préavis doit être fixé à la date de la première présentation de la lettre recommandée, en l'espèce au 14 juin 2014 et ce délai expirait le 14 août 2014 et non le 18 août 2014 et qu'elle est droit de solliciter le règlement de la retenue opérée par la société [M].
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la clôture :
L'ordonnance de clôture du 5 septembre 2022 ayant été rabattue, la date de clôture des deux instances n°19/1055 et n°20/832, jointes depuis sous le seul n°20/832, sera désormais fixée au 3 octobre 2022, date de l'audience.
Sur la demande de dommages et intérêts pour suppression du travail le dimanche :
Mme [F] expose avoir travaillé régulièrement pendant près de huit ans les dimanches et jours fériés et indique qu'à compter du 1er janvier 2013, il lui a été demandé de ne plus venir travailler les dimanches.
Elle soutient que l'employeur a ainsi modifié unilatéralement le contrat de travail puisque, par avenant du 1er septembre 2005, jamais dénoncé par la société [M], il était stipulé qu'elle travaillerait en alternance un dimanche sur deux.
Elle allègue que cette modification l'a privée des compléments de rémunération découlant de l'application des articles 27 et 28 de la convention collective nationale de la boulangerie pâtisserie, ce à compter du 1er janvier 2013.
La SARL [M] réplique que :
- elle n'a pas modifié unilatéralement le contrat de travail à compter du 1er janvier 2013 puisque Mme [T] [F] a signé un avenant le 30 décembre 2010 'sur lequel figure l'absence de travail le dimanche'et qui mentionne que 'l'horaire n'est aucunement contractuel et ne constitue pas un élément essentiel du contrat de travail'
- la salariée n'a jamais contesté l'aménagement d'horaire portant sur la suppression du travail les dimanches et jours fériés à compter de l'année 2013.
Subsidiairement, la salariée ne rapporte pas la preuve d'un préjudice.
Les parties ne produisent ni les contrats antérieurs ayant lié Mme [F] aux employeurs précédant, ni celui signé le 1er juillet 2006 avec la SARL [M], pouvant permettre d'en connaître les termes, à l'exception des avenants du 1er septembre 2005 et 30 décembre 2010.
L'avenant du 1er septembre 2005 du contrat liant alors Mme [F] à l'entreprise de M. [H] est rédigé comme suit :
'Les deux parties en commun accord ont décidé qu'à partir du 1er septembre 2005, Mlle [F] [T] travaillera, 1 dimanche sur deux en alternance avec Mlle [X] [R].
Cet accord sera susceptible de modification selon si Mr [D] travail 6 jours sur 7, alors Mlle [F] [T] reprendre son horaire habituel, sans alternance de dimanche.
Dans tous les cas, l'horaire de travail de Mlle [F] [T] reste fixé à 30 heures par semaine.' (pièce 17 de Mme [F]).
Cependant, cet avenant n'est signé par aucune des parties et se trouve donc dépourvu de toute portée juridique.
Aux termes de l'avenant du 30 décembre 2010 signé entre Mme [T] [F] et la société [M] que : ' les horaires de travail de Melle [F] et leur aménagement peuvent être réaménagé en fonction des impératifs de la boulangerie' et ' il est expressément convenu entre les parties que l'horaire n'est aucunement contractuel et ne constitue pas un élément essentiel au présent contrat'.
Il résulte de ces dispositions que le travail le dimanche n'était pas contractualisé et que l'employeur n'a pas procédé à une modification unilatérale du contrat de travail en supprimant le travail le dimanche à compter du mois de janvier 2013, même si la salariée a ainsi perdu le bénéfice des complément de rémunération prévue par les articles 27 et 28 de la convention collective nationale de la boulangerie pâtisserie.
En conséquence la cour infirme le jugement en ce qu'il a dit que la société [M] a modifié unilatéralement le contrat de travail en supprimant le travail le dimanche et en ce qu'il a condamné cette société à payer à Mme [T] [F] la somme de 1 200 euros à titre de dommages-intérêts pour suppression unilatérale du travail du dimanche à compter du 1er janvier 2013.
Sur la demande de rappel de prime exceptionnelle et bénévole :
Lorsqu'une prime ne résultant pas du contrat de travail est la contrepartie de l'exécution d'une tâche précise, elle cesse en principe d'être due dès lors que cette tâche n'existe plus.
Au soutien de sa demande de rappel de prime, Mme [F] fait valoir :
- qu'à compter du 1er novembre 2011, l'employeur a mis en place une prime exceptionnelle et bénévole d'un montant de 150 euros
- que cette prime ne lui a pas été payée au titre des mois de décembre 2011 de décembre 2012 à hauteur de 300 euros
- qu'à compter du mois de janvier 2013, la société [M] a baissé le montant de cette prime mensuelle à la somme de 100 euros puis à 60 euros à compter du mois d'août 2014
- que l'employeur ne précise pas sur quel fondement juridique il était autorisé à diminuer le montant de la prime ni de ce qu'il l'a prévenue de cette modification
- que, dans la déclaration d'appel, la société [M] n'a pas demandé l'infirmation du montant du rappel de prime exceptionnelle et bénévole.
La SARL [M] répond principalement que :
- la prime de 150 euros par mois, qualifiée 'exceptionnelle et bénévole' par le comptable de l'entreprise, a été mise en place à compter de l'ouverture de la boulangerie de [Localité 4] le 2 novembre 2011 où se rendait Mme [M] deux matinées chaque semaine jusqu'à la fermeture de cet établissement, pour compenser le fait que Mme [F] travaillait alors deux matinées par semaine seule à la boulangerie de [Localité 3]
- elle ne conteste pas devoir la prime de 150 euros pour les mois de décembre 2011 et décembre 2012, soit une somme totale de 300 euros
- cette prime a été néanmoins maintenue mais à hauteur de 100 euros lorsque Mme [M] a repris ses fonctions à la boulangerie de [Localité 3], alors que la contrainte ' de garder le magasin en l'absence de la gérante' n'existait plus, sans contestation de la part de Mme [F], et ce jusqu'en juillet 2014, puis abaissée à la somme mensuelle de 60 euros à compter d'août 2014
- cette prime étant exceptionnelle et bénévole, elle pouvait donc être diminuée par l'employeur.
La déclaration d'appel de la société [M] du 13 mai 2019 mentionne seulement que la demande de réformation vise le chef de jugement l'ayant condamnée au titre de la prime exceptionnelle et bénévole.
Cependant, le fait que le montant de la condamnation n'y soit pas précisé ne peut être considéré comme valant acceptation du montant de la condamnation prononcée et la cour est bien saisie d'un appel portant à la fois sur le principe et sur le montant de la condamnation.
Mme [T] [F] ne conteste pas que l'octroi de la prime exceptionnelle et bénévole d'un montant de 150 euros était lié à une contrainte particulière ayant a pris fin à compter du mois de janvier 2013 lorsque Mme [M] est revenue travailler les mardis et jeudi matin dans l'établissement de [Localité 3].
En conséquence, par application des principes susvisés, Mme [T] [F] n'est pas fondée à réclamer le paiement d'une prime d'un montant de 150 euros à compter du 1er janvier 2013, peu important que l'employeur ne l'ait pas prévenue de la diminution de cette prime.
Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu'il a condamné la société [M] à payer à Mme [T] [F] les sommes de 1340 euros au titre de la prime exceptionnelle et bénévole et de 134 euros à titre de dommages-intérêts pour absence de paiement de la prime exceptionnelle et bénévole.
En revanche, la société [M] sera condamnée à payer à Mme [T] [F] la somme de 300 euros correspondant au rappel de la prime exceptionnelle et bénévole des mois de décembre 2011 et de décembre 2012, que la SARL [M] ne conteste pas lui devoir.
Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.
Sur la date de fin du préavis et sur la demande indemnité compensatrice de préavis :
Selon l'article 32 de la convention collective nationale de la boulangerie, en cas de licenciement, le salarié ayant plus de deux ans d'ancienneté a droit à deux mois de préavis.
Selon l'article L1234-3 du code du travail : 'La date de présentation de la lettre recommandée notifiant le licenciement au salarié fixe le point de départ du préavis'.
L'article R1231-1 du code du travail applicable à toute rupture d'un contrat de travail à durée indéterminée dispose que : 'Lorsque les délais prévus par les dispositions légales du présent titre expirent un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, ils sont prorogés jusqu'au premier jour ouvrable suivant.'
Au soutien de sa demande de rappel de salaire, Mme [T] [F] fait valoir que :
- le point de départ du préavis est sans discussion possible fixé à la date de première présentation de la lettre recommandée au salarié, en l'espèce le 14 juin 2014
- la durée du préavis s'apprécie en semaines civiles et en mois calendaires : le préavis est un délai 'préfix' dont l'échéance ne peut être reportée sauf en cas d'arrêt pour accident du travail, congé maternité ou prise de congés, ce qui n'est pas le cas en l'espèce
- la boulangerie est ouverte le samedi et elle travaillait le samedi, la date du samedi 14 juin 2014 doit être retenue comme date de présentation de la lettre de licenciement
- de ce fait, la période de préavis expirait le jeudi 14 août 2014 et non le lundi 18 août 2014 - l'employeur lui a indûment retenu une somme de 203,07 euros
- le chiffre arrêté par le conseil des prud'hommes n'est pas contesté par la société [M] ni même visé dans la déclaration d'appel'.
La SARL [M] soutient, au visa des articles L1234-3 et R1231-1 du code du travail :
- que la date de première présentation de la lettre de licenciement est bien le samedi 14 juin 2014 ;
- que de ce fait et en application des dispositions de l'article R1231-1 du code du travail, le délai de préavis a commencé à courir le lundi 16 juin 2014 pour expirer le lundi 18 août 2014
- que Mme [T] [F] ayant été en absence injustifiée entre le 14 août et le 18 août 2014, elle était pas tenue de lui payer la somme de 203,07 euros correspondant aux journées non travaillées.
Contrairement à ce que soutiennent les parties, l'article R1231-1 du code du travail est relatif à l'expiration des délais applicable en matière de rupture d'un contrat de travail à durée indéterminée et non pas à leur point de départ.
En l'espèce, bien qu'aucune des parties ne produise de justificatif de la présentation de la lettre de licenciement, celles-ci s'accordent pour dire qu'elle l'a été le samedi 14 juin 2014.
Le préavis a donc commencé à courir le samedi 14 juin 2014.
Comme le relève Mme [F], sans être contredite par la SARL [M], la durée du préavis s'apprécie en semaines civiles et en mois calendaires.
Exprimé en mois, le préavis se termine la veille du jour dont le quantième correspond au jour de la notification, soit en l'espèce le 13 août 2014.
Or, il résulte de la fiche de paie du mois d'août 2014 versée aux débats que la salariée a été rémunérée jusqu'au 13 août 2014, après déduction de la somme de 203,07 euros déduite du salaire correspondant à une absence injustifiée - non contestée - de Mme [F] entre le 14 août et le 18 août 2014.
En conséquence la cour infirme le jugement en ce qu'il a fixé la fin du préavis de Mme [T] [F] au 14 août 2014 et en ce qu'il a condamné la société [M] à lui payer la somme de 203,07 euros à titre de rappel de salaire retenu sur le bulletin de salaire du mois d'août 2014.
Sur le licenciement :
Aux termes de l'article L1233-3 du code du travail, dans sa version en vigueur à la date du licenciement : 'constitue un licenciement pour motif économique, le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié, résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail consécutives notamment à des difficultés économiques, des mutations technologiques.'
En l'espèce, la lettre de licenciement est libellée comme suit :
' Madame,
Comme suite à l'entretien que nous avons eu le 2 juin 2014, nous vous rappelons que vous avez jusqu'au 23 juin 2014 inclus pour nous faire connaître votre décision d'adhérer au contrat de sécurisation professionnelle qui vous a été proposé lors de l'entretien précité. En cas d'adhésion, votre contrat de travail sera réputé rompu après l'expiration de ce délai de réflexion, soit le 24 juin 2014.
Nous vous rappelons également qu'en cas d'adhésion, votre contrat de travail se trouvera rompu dans les conditions qui figurent dans le document d'information remis, à la date du 2 juin 2014.
A défaut d'adhésion de votre part, la présente lettre constituera alors la notification de votre licenciement, sa date de première présentation fixera le point de départ du préavis d'une durée de deux mois au terme duquel votre contrat de travail sera définitivement rompu.
En ce qui concerne les motifs de ce licenciement, il s'agit de ceux qui vous ont été exposés lors de l'entretien précité du 2 juin 2014 à savoir :
Notre boulangerie connaît une forte baisse de son activité en raison, notamment de la concurrence accrue des sociétés voisines, ainsi qu'en raison de la baisse générale du pouvoir d'achat.
L'exploitation de la boulangerie dans son organisation actuelle ne saurait être pérenne. Il est donc nécessaire de réorganiser notre activité en vue de prévenir les difficultés économiques et sauvegarder sa pérennité face à la baisse de notre chiffre d'affaires et à notre résultat net comptable négatif sur les deux derniers exercices.
* Sur l'exercice comptable du 1er juillet 2011 au 30 juin 2012:
- Un chiffre d'affaires nets de 259.998 euros, alors que celui-ci était de 270.401 euros lors de notre exercice précédent ;
- Un résultat net comptable pour l'exercice de - 7334 euros.
* Sur l'exercice comptable du 1er juillet 2012 au 30 juin 2013:
- Un résultat net comptable pour l'exercice de - 35214euros
- Un chiffre d'affaires nets de 200 954euros.
Soit une diminution du chiffre d'affaires de 59 044euros.
* Sur l'exercice comptable du 1er juillet 2013 au 31 décembre 2013 :
- Un chiffre d'affaires de 102 269euros. .
En outre, les premiers résultats de l'année 2014 confirment les données des précédents exercices.
Dans ce contexte, il est donc envisagé une réorganisation de notre activité et la suppression de votre poste de vendeuse aide laboratoire.
Cette suppression envisagée rend toute recherche de reclassement interne impossible.
Nous vous avons néanmoins proposé une diminution de votre durée de travail par courrier recommandé en date du 14 mars 2014 modification que vous avez refusée le 10 avril 2014. Dès lors, nous vous avons proposé à titre de reclassement une diminution de votre durée de travail par courrier recommandé en date du 28 avril 2014, que vous avez également refusée.
Nous avons néanmoins prospecté auprès de nos confrères voisins pour connaître leurs postes disponibles pouvant vous être proposés à titre de solution de reclassement externe, par courriers du 28 avril 2014 et notamment :
- Auprès de la Boulangerie Pâtisserie MALOT
- Auprès de la Boulangerie Pâtisserie LE PART JOEL.
Malgré les recherches entreprises, au regard de la taille de la boulangerie et de sa situation économique, nous n'avons pas pu identifier de solution de reclassement (...)'.
Pour contester le bien-fondé de son licenciement, Mme [T] [F] fait valoir :
- que le fait de se séparer d'elle, seule vendeuse du magasin, n'est pas cohérent avec la forte baisse d'activité liée à la concurrence accrue des sociétés voisines et à la baisse générale du pouvoir d'achat invoqués dans la lettre de licenciement
- que la référence au chiffre d'affaires de l'année 2011 n'est pas non plus sérieux puisque c'est justement en 2011 que l'employeur lui a demandé de passer à temps complet, ce qui est bien la preuve d'une certaine santé économique de l'entreprise
- que son poste n'a manifestement pas été supprimé puisque la seconde vendeuse, Mme [V], n'est revenue de son congé parental qu'au mois d'août 2015 et que la boulangerie n'a pu fonctionner sans vendeuse pendant près d'un an.
La société [M] répond sur ces points :
- que même si elle a employé Mme [T] [F] à temps complet à compter du mois de janvier 2011, la baisse du chiffre d'affaires a entraîné un résultat d'exploitation négatif sur trois exercices comptables successifs
- qu'après le départ de Mme [T] [F], Mme [M] a travaillé seule et a assumé la totalité du travail lié à l'exploitation de la boulangerie, jusqu'au retour de Mme [V] de son congé parental et même après puisque cette dernière a été licenciée pour motif économique le 8 mars 2016.
Le fait d'avoir proposé à Mme [F] de passer d'un temps partiel à un temps complet au 1er janvier 2011 n'est pas de nature à remettre en cause les difficultés économiques invoquées au soutien du licenciement trois ans plus tard.
Il résulte du registre unique du personnel de la SARL [M] versé aux débats que le poste de Mme [T] [F] n'a pas été remplacé après son licenciement.
Enfin, il n'appartient pas au juge de contrôler le choix effectué par l'employeur entre les solutions possibles pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise, étant ici précisé que le licenciement résulte du refus de la salariée d'accepter la diminution de la durée du travail proposée par l'employeur le 14 mars 2014.
En conséquence c'est à bon droit que le conseil de prud'hommes de Riom a jugé que le licenciement de Mme [F] reposait sur une cause réelle et sérieuse et qu'il a débouté cette dernière de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le jugement sera donc confirmé de ces chefs.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Mme [T] [F] étant bénéficiaire de l'aide juridique partielle en première instance, la société [M] sera condamnée à lui payer la somme de 450 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Le jugement sera infirmé de ce chef.
Mme [T] [F] succombant en son appel, sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel sera rejetée. L'équité commande de ne pas faire droit à la demande de la société [M] présentée sur ce même fondement.
La société [M] sera condamnée aux dépens de la première instance et chaque partie conservera la charge de ses dépens d'appel.
Les dépens de première instance et d'appel seront recouvrés conformément à la Loi sur l'aide juridique.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement, et après en avoir délibéré conformément à la loi,
FIXE la clôture des instances n°19/1055 et n°20/832, jointes depuis sous le seul n°20/832, au 3 octobre 2022 ;
CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a :
- dit que le licenciement de Mme [T] [F] repose sur une cause réelle et sérieuse
- débouté Mme [T] [F] de ses demandes relatives au licenciement et aux dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;
INFIRME le jugement en toutes ses autres dispositions et, statuant à nouveau et y ajoutant :
Condamne la société [M] à payer à Mme [T] [F] la somme de 300 euros à titre de rappel de prime exceptionnelle et bénévole ;
Rejette le surplus de la demande de rappel de prime exceptionnelle et bénévole ;
Rejette la demande de dommages-intérêts pour absence de paiement de la prime exceptionnelle et bénévole ;
Rejette la demande de dommages-intérêts pour suppression unilatérale du travail du dimanche à compter du 1er janvier 2013 ;
Condamne la société [M] à payer à Mme [T] [F] la somme de 450 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais et honoraires exposés en première instance ;
Condamne la société [M] aux dépens de première instance ;
Dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens d'appel ;
Dit que les dépens de première instance et d'appel seront recouvrés conformément à la Loi sur l'aide juridique ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.
Le greffier, Le Président,
N. BELAROUI C. RUIN