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06/12/2022 | FRANCE | N°20/00796

France | France, Cour d'appel de Riom, Chambre sociale, 06 décembre 2022, 20/00796


06 DECEMBRE 2022



Arrêt n°

SN/NB/NS



Dossier N° RG 20/00796 - N° Portalis DBVU-V-B7E-FNHW



[T] [M]



/



S.A.R.L. AGENCEMENTS VITRERIE ISOLATION - AVI

Arrêt rendu ce SIX DECEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :



M. Christophe RUIN, Président



Mme Frédérique DALLE, Conseiller



Mme Sophie NOIR, Conseiller



En présence de Mme Nadia BELAROUI g

reffier lors des débats et du prononcé



ENTRE :



Mme [T] [M]

[Adresse 1]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par M. [C] [H], défenseur syndical CGT muni d'un pouvoir de rep...

06 DECEMBRE 2022

Arrêt n°

SN/NB/NS

Dossier N° RG 20/00796 - N° Portalis DBVU-V-B7E-FNHW

[T] [M]

/

S.A.R.L. AGENCEMENTS VITRERIE ISOLATION - AVI

Arrêt rendu ce SIX DECEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :

M. Christophe RUIN, Président

Mme Frédérique DALLE, Conseiller

Mme Sophie NOIR, Conseiller

En présence de Mme Nadia BELAROUI greffier lors des débats et du prononcé

ENTRE :

Mme [T] [M]

[Adresse 1]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par M. [C] [H], défenseur syndical CGT muni d'un pouvoir de représentation du 03 juillet 2020

APPELANTE

ET :

S.A.R.L. AGENCEMENTS VITRERIE ISOLATION - AVI

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Me Barbara GUTTON PERRIN de la SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND, avocat constitué, substitué par Me Bernard ROUSSET de la SCP DREVET-RIVAL ROUSSET, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

INTIMEE

Après avoir entendu Mme NOIR, Conseiller en son rapport, les représentants des parties à l'audience publique du 03 Octobre 2022, la Cour a mis l'affaire en délibéré, Monsieur le Président ayant indiqué aux parties que l'arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

La société Agencements Vitrerie Isolation (AVI) est une entreprise de menuiserie spécialisée dans la fabrication de fenêtres et de volets.

Madame [T] [M] a été embauchée par la société Agencements Vitrerie Isolation le 7 octobre 2013 au poste de secrétaire, coefficient NA, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à temps complet.

La convention Collective Nationale du Bâtiment ETAM est applicable à la relation de travail.

La salariée a été placée en arrêt de travail pour maladie entre le 8 novembre 2018 et le 29 novembre 2018 et n'a pas réintégré son poste à l'issue de son arrêt de travail.

Elle a été licenciée pour faute grave par la société Agencements Vitrerie Isolation le 11 janvier 2019.

Mme [M] a saisi le conseil de prud'hommes du Puy en Velay le 22 mars 2019 pour obtenir le paiement de diverses sommes à caractère indemnitaire et salarial.

Par jugement du 23 juin 2020 le conseil de prud'hommes du Puy en Velay a :

- débouté Madame [M] de sa demande de paiement d'heures supplémentaires et d`indemnité compensatrice de congés payés afférente ;

- débouté Madame [M] de sa demande concernant les heures déduites à tort au titre des congés sur la période du 9 avril 2018 au 19 avril 2018 et sur les indemnités de congés afférents à cette demande ;

- débouté Madame [M] de sa demande de commissions supplémentaires d'un montant de 540,69 euros et de l'indemnité de congés payés afférente ;

- débouté Madame [M] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral et matériel pour non-respect des durées maximales de travail ;

- condamné la société Agencements Vitrerie Isolation à payer à Madame [M] les sommes suivantes :

* 463,33 euros à titre de remboursement des frais téléphoniques,

* 783,20 euros à titre de remboursement de frais de transport,

* 637 euros à titre de remboursement de frais de repas,

* 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des menaces calomnieuses ;

- dit que les créances salariales sont productrices d'intérêts au taux légal à compter de la réception par le défendeur de la convocation à comparaître à l'audience de conciliation et d'orientation et à défaut de demande initiale, à compter de la date à laquelle ces sommes ont été réclamées et les créances indemnitaires à compter du prononcé du présent jugement ;

- ordonné l'exécution provisoire de la condamnation au paiement de la somme correspondant aux remboursements des frais professionnels à hauteur de 883,53 euros ;

- débouté la société Agencements Vitrerie Isolation de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Agencements Vitrerie Isolation à verser à Madame [M] la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Agencements Vitrerie Isolation aux entiers dépens de l'instance et d'exécution.

Madame [M] a interjeté appel de ce jugement le 6 juillet 2020.

Vu les conclusions notifiées le 30 mars 2021 par Madame [M],

Vu les conclusions notifiées le 6 janvier 2021 par la société Agencements Vitrerie Isolation,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 5 septembre 2022.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions, Madame [M] demande à la cour de :

- infirmer les décisions suivantes du conseil de prud'hommes, en ce qu'elles l'ont déboutée :

- de sa demande en paiement d'heures supplémentaires sur la période du 30/05/2016 au 30/10/2018 et de l'indemnité compensatrice de congés payés afférentes,

- de sa demande concernant les heures déduites à tort au titre des congés payés sur la période du 9 avril 2018 au 19 avril 2018,

- de sa demande de rappel de salaire sur commission sur vente et de l'indemnité de congés payés afférente,

- de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral et matériel pour non-respect des durées maximales travail,

- statuant à nouveau sur ces chefs de demande, de condamner la société Agencements Vitrerie Isolation à verser :

* la somme de 7085,18 euros bruts en paiement d'heures supplémentaires sur la période du 30/05/2016 au 30/10/2018 et de l'indemnité compensatrice de congés payés afférentes de 708,51 euros brut,

* la somme de 784,77 euros bruts concernant les heures déduites à tort au titre des congés payés sur la période du 9 avril 2018 au 19 avril 2018,

* au titre de rappel de salaire sur commission sur vente la somme de 540,69 euros bruts et de l'indemnité de congés payés afférente soit 54,06 euros bruts,

* la somme de 2000 euros nets dommages et intérêts pour préjudice moral et matériel pour non-respect des durées maximales des travail ;

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes en date du 23 juin 2020 en ce qu'il a condamné la société Agencements Vitrerie Isolation à lui payer :

* 463,33 euros net à titre de remboursement des frais téléphoniques,

* 783,20 euros net à titre de remboursement de transport,

* 637 euros net à titre de remboursement de frais de repas,

* 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des menaces calomnieuses,

* 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la cour y ajoutant 2000 euros ;

- condamner la société Agencements Vitrerie Isolation aux entiers dépens et émoluments ;

- rejeter l'ensemble des demandes de la société Agencements Vitrerie Isolation, formées à l'occasion de son appel incident, à savoir : le paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la condamnation de Madame [M] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Dans ses dernières conclusions, la société Agencements Vitrerie Isolation demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes du Puy en Velay en date du 23 juin 2020, en ce qu'il a :

- débouté Madame [M] de sa demande en paiement d'heures supplémentaires et d'indemnité compensatrice de congés payés afférente,

- débouté Madame [M] de sa demande concernant les heures déduites à tort au titre des congés pour la période du 9 avril au 19 avril 2018 et de sa demande d'indemnité compensatrice de congés payés afférente,

- débouté Madame [M] de sa demande en paiement de commissions supplémentaires d'un montant de 540,69 euros et de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente,

- débouté Madame [M] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral et matériel pour non-respect des durées maximales de travail,

Sur son appel incident :

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes du Puy en Velay en date du 23 juin 2020, en ce qu'il a :

- condamné la société Agencements Vitrerie Isolation à payer à Madame [M] la somme de 463,33 euros net au titre du remboursement de frais téléphoniques,

- condamné la société Agencements Vitrerie Isolation à payer à Madame [M] la somme de 783,20 euros net à titre de remboursement de frais de transport,

- condamné la société Agencements Vitrerie Isolation à payer à Madame [M] la somme de 637 euros net au titre du remboursement de frais de repas,

- condamné la société Agencements Vitrerie Isolation à payer à Madame [M] la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de menaces calomnieuses.

- ordonné l'exécution du jugement à hauteur de 1 883,53 euros,

- débouté la société Agencements Vitrerie Isolation de sa demande reconventionnelle sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Agencements Vitrerie Isolation à payer à Madame [M] une somme de 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Agencements Vitrerie Isolation aux dépens de l'instance ;

Statuant à nouveau :

- débouter Madame [M] de sa demande en remboursement de frais téléphoniques ;

- débouter Madame [M] de sa demande en remboursement de frais de transport ;

- débouter Madame [M] de sa demande en remboursement de frais de repas ;

- débouter Madame [M] de sa demande en paiement de dommages et intérêts relative à des menaces calomnieuses ;

- débouter Madame [M] de sa demande en paiement d'une indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Madame [M] à lui payer la somme de 4 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Madame [M] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de rappel d'heures supplémentaires au titre de la période du 30 mai 2016 au 30 octobre 2018 :

La durée légale du travail effectif de 35 h par semaine prévue à l'article à l'article L.3121-10 du code du travail dans sa rédaction antérieure au 10 août 2016 et à l'article L 3121-27 du code du travail dans sa rédaction applicable depuis le 10 août 2016, constitue le seuil de déclenchement des heures supplémentaires payées à un taux majoré.

Seules peuvent donner lieu à rémunération :

- les heures supplémentaires accomplies à la demande de l'employeur,

- les heures supplémentaires accomplies avec l'accord de l'employeur, fût-il implicite, même en l'absence d'autorisation préalable, laquelle n'exclut pas, en soi, un accord tacite de l'employeur. Tel est le cas, notamment, lorsque l'employeur a eu connaissance des heures supplémentaires réalisées par le salarié et qu'il ne s'y est pas opposé,

- les heures supplémentaires dont l'accomplissement a été rendu nécessaire par la réalisation des tâches confiées au salarié, peu important alors l'absence d'autorisation préalable de l'employeur.

Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments de contrôle de la durée du travail. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce Mme [T] [M] soutient :

- qu'outre ses tâches de secrétariat, l'employeur lui a confié des tâches de recrutement et de formation, des tâches de comptabilité et, à partir du mois de février 2018, des tâches commerciales

- qu'elle devait en outre s'occuper de la SCI du Garay, appartenant à l'employeur

- que cette surcharge de travail l'a conduite à effectuer de nombreuses heures supplémentaires tout au long de la relation de travail, dont l'employeur avait connaissance et auxquelles il ne s'est pas opposé

- que ces heures supplémentaires ne lui ont pas été payées.

La société Agencements Vitrerie Isolation répond :

- que l'exécution d'heures supplémentaires par Mme [M] n'est pas établie et que cette dernière n'en a jamais effectué

- que Mme [M] 'prenait manifestement certaines libertés avec l'horaire de travail de l'entreprise'

- qu'elle n'a jamais donné son accord et encore moins demandé l'exécution des heures supplémentaires et que M. [E] - le directeur de la société - étant très souvent à l'extérieur de l'entreprise, il n'a jamais pu constater l'exécution d'heures supplémentaires par la salariée

- que Mme [T] [M] n'a jamais accompli de tâches commerciales et que ses tâches administratives et de ressources humaines ne nécessitaient pas la réalisation d'heures supplémentaires

- que par courrier du 1er mars 2009, M. [E] a rappelé à Mme [M] que les heures supplémentaires sont des heures commandées par l'employeur et qu'il avait toujours refusé qu'elle réalise des heures supplémentaires

- que la salariée n'a jamais demandé le paiement de ces heures supplémentaires avant le 4 février 2019.

Mme [T] [M] verse notamment aux débats :

- une attestation de Mme [P] [N], dont aucun élément ne permet de douter de la sincérité, affirmant que Mme [T] [M] était en charge de toute la partie administrative du fonctionnement de la société, de la comptabilité, de toutes les questions juridiques, des ressources humaines, du recrutement, de la formation et qu'elle avait également des fonctions commerciales lui imposant des rendez-voux extérieurs et dans 3 agences de la société, qu'elle commençait tôt le matin et finissait tard le soir pour 'avancer le côté administratif'

- une attestation de Mme [Y] [W] ayant travaillé au magasin d'Andrezieux entre le 2 novembre 2017 et le 30 avril 2018, dont aucun élément ne permet non plus de douter de la sincérité, qui indique que Mme [T] [M] cumulait les postes de secrétaire comptable et de commerciale suite au départ de M. [L] et qu'elle-même recevait des courriels professionnels de Mme [T] [M] tard le soir

- la photocopie d'un document publicitaire de la société Agencements Vitrerie Isolation demandant de contacter '[T]' pour réaliser un devis gratuit de remplacement de menuiseries

- des photocopies de calendriers des années 2016, 2017 et 2018 mentionnant des horaires de travail

- de très nombreux courriels envoyés par ses soins, tôt le matin (par exemple à 6 h 33 le 24 mai 2018) ou entre 18 heures et 23 heures, soit à des clients pour leur transmettre des devis ou répondre à leurs questions, soit à d'autres salariés de l'entreprise ([U] [Z] ou [Y] [W]), soit à M. [S] [E] au sujet de candidatures spontanées (le 19 février 2018 à 21h05, le 15 février 2018 à 20h25), soit à des fournisseurs (courriel du 2 avril 2018 envoyé à 20h45)

- un tableau de rappel d'heures supplémentaires détaillant jour par jour et semaine par semaine ses horaires de travail entre le 11 janvier 2016 et le 28 octobre 2018 ainsi que le nombre d'heures travaillées chaque semaine.

Ces éléments sont suffisamment précis quant aux heures non rémunérées que Mme [T] [M] prétend avoir accomplies pour permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments de contrôle de la durée du travail.

Or la société Agencements Vitrerie Isolation ne produit pas les éléments utilisés pour contrôler le temps de travail de la salariée.

Il ressort par ailleurs des pièces visées ci-dessus que le directeur de la société était informé des heures tardives de travail de Mme [T] [M] et qu'il ne s'y est pas opposé.

Il est ainsi établi que la société Agencements Vitrerie Isolation a donné son accord implicite à la réalisation de ces heures supplémentaires et, il importe peu qu'elle ait par la suite, dans un courrier tardif du 1er mars 2019 faisant suite à la demande de paiement des heures supplémentaires, indiqué à Mme [T] [M] avoir toujours refusé qu'elle réalise des heures supplémentaires en lui rappelant que seules les heures commandées sont payées en heures supplémentaires.

Les éléments ci-dessus établissent également que l'accomplissement des heures supplémentaires litigieuses était rendu nécessaire par la réalisation des tâches confiées à la salariée et la société Agencements Vitrerie Isolation ne produit aucune preuve suffisante de ce que certaines de ces heures ont été consacrées à la création de la société de Mme [T] [M].

Les calculs opérés par la partie appelante dans ses tableaux détaillés (pièce 18) faisant apparaître un montant d'heures supplémentaire de 7 085,18 euros après neutralisation des heures supplémentaires accomplies entre le 11 janvier 2016 et le 29 mai 2016 qui figurent également dans le décompte, la société Agencements Vitrerie Isolation sera condamnée à payer à Mme [T] [M] la somme de 7 085,18 euros, outre 708,51 euros de congés payés afférents à titre de rappel d'heures supplémentaires du 30 mai 2016 au 30 octobre 2018.

Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.

Sur la demande de dommages et intérêts pour non respect des durées maximales de travail :

Selon l'article L. 3121-20 du code du travail dans sa rédaction issue de la Loi 2016-1088 du 10 août 2016 : « Au cours d'une même semaine, la durée maximale hebdomadaire de travail est de quarante-huit heures.»

Les dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail relatives à la répartition de la charge de la preuve des heures de travail effectuées entre l'employeur et le salarié ne sont pas applicables à la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l'Union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne, du respect des temps de pause fixées par le droit interne et du respect du seuil communautaire fixant à 11 heures consécutives la période minimale du repos journalier, preuves qui incombent à l'employeur.

Au soutien de sa demande de dommages et intérêts pour non respect des durées maximales de travail Mme [T] [M] fait valoir qu'elle a effectué plus de 48 heures de travail par semaine à 10 reprises en 2018 et que cela lui a causé un préjudice 'physique et moral'.

Elle invoque également un préjudice financier constitué par la privation de sa rémunération pendant plusieurs années, 'impliquant une perte de pouvoir d'achat'.

La société Agencements Vitrerie Isolation répond :

- que l'existence d'heures supplémentaires n'est pas établie

- qu'en toute hypothèse, Mme [T] [M] ne rapporte pas la preuve d'un préjudice et que le préjudice financier allégué est susceptible d'être réparé par le rappel d'heures supplémentaires.

La cour relève qu'elle est saisie d'une demande de dommages et intérêts pour non respect des durées maximales de travail par le dispositif des conclusions de la partie appelante et non pas d'une demande de dommages et intérêts pour privation de rémunération.

En outre, le préjudice financier allégué est intégralement réparé par le rappel d'heures supplémentaires accordé.

Les tableaux détaillant les heures supplémentaires réalisées par la salariée démontrent que la durée maximale de 48 heures de travail hebdomadaires a été dépassée à 10 reprises durant l'année 2018.

Le seul constat du dépassement de la durée maximale de travail ouvre droit à la réparation.

Au vu des éléments de la cause la cour évalue à 800 euros le montant des dommages et intérêts permettant de réparer le préjudice subi par Mme [T] [M].

Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.

Sur la demande de rappel de commissions sur ventes :

En application de l'article 1353 du code civil, lorsque le calcul de la rémunération dépend d'éléments détenus par l'employeur, celui-ci est tenu de les produire en vue d'une discussion contradictoire.

Il appartient à ce dernier de justifier des éléments permettant de déterminer la base de calcul et la rémunération variable.

Au soutien de sa demande de rappel de commissions sur ventes Mme [T] [M] fait valoir :

- qu'à compter du mois de février 2018, elle a assuré les fonctions de commerciale et a perçu chaque mois des commissions de 7% des marges réalisées

- que les 297,36 euros de commissions payées au titre du mois de novembre 2018 ne tiennent pas compte de toutes les ventes conclues par elle et issues de ses démarchages

- que la société Agencements Vitrerie Isolation n'a pas donné suite à sa sommation de communiquer les éléments indispensables au calcul de sa rémunération variable.

La société Agencements Vitrerie Isolation répond :

- que Mme [T] [M] n'a jamais exercé les fonctions de commerciale et qu'elle a seulement apporté des affaires sur la base desquelles elle a été commissionnée selon les mêmes modalités que les commerciaux

- qu'elle ne rapporte pas la preuve de l'existence d'apport d'affaires sur lesquelles elle n'aurait pas perçu de commissions

- que le tableau présenté par Mme [T] [M] au soutien de sa réclamation est contredit par son propre courrier du 1er mars 2019.

Il ressort des attestations de Mme [Y] [W] et de Mme [P] [N] détaillées ci-dessus et confirmées par la photocopie d'un avis de passage établi au nom de la société Agencements Vitrerie Isolation invitant les prospects à contacter 'sophie' à un numéro de téléphone correspondant à celui de la salariée que cette dernière exerçait effectivement des fonctions de commerciale en plus de ses autres tâches.

Ses bulletins de paie démontrent qu'à compter du mois de février 2018, elle a perçu chaque mois des 'commissions sur CA'.

De son côté, la société Agencements Vitrerie Isolation ne précise ni ne justifie du mode de calcul de ces commissions et ne produit pas les éléments permettant d'établir que la somme de 297,36 euros payée à Mme [T] [M] au titre du mois de novembre 2018 correspond au paiement intégral des commissions sur chiffre d'affaires dues à la salariée.

En conséquence et sur la base des éléments de calcul produits par la salariée comportant le nom des clients et les taux de marge par chantier, la cour condamne la société Agencements Vitrerie Isolation à payer à cette dernière la somme de 540,69 euros, outre 56,06 euros à titre de rappel de commissions sur vente.

Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.

Sur la demande de remboursement des heures déduites au titre des congés payés sur la période du 9 avril au 19 avril 2018 :

Au soutien de sa demande de remboursement des heures déduites à titre de congés payés, Mme [T] [M] fait valoir que, hormis le 12 avril 2018, elle a travaillé du 9 au 19 avril 2018 et que la société Agencements Vitrerie Isolation lui a indûment décompté ces journées travaillées en congés payés.

L'employeur répond que la salariée ne rapporte pas la preuve de ses allégations.

Le bulletin de salaire du mois d'avril 2018 délivré par l'employeur mentionne la prise de congés payés du 9 au 13 avril 2018 et du 16 au 19 avril 2018.

L'employeur ne produit pas la demande de congés payés remplie par la salariée au titre de ces journées et la cour relève que Mme [T] [M] a reçu et envoyé plusieurs courriels professionnels durant cette période, ce qui démontre qu'elle travaillait.

La preuve de la prise de congés payés entre le 9 et le 19 avril 2018 n'étant pas rapportée la cour, infirmant le jugement de ce chef, condamne la société Agencements Vitrerie Isolation à payer à Mme [T] [M] la somme de 784,77 euros à titre de rappel de salaires sur les heures de travail déduites à tort sur la période du 9 au 19 avril 2018.

Sur la demande de remboursement des frais de transport :

Les frais qu'un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur doivent lui être remboursés sans qu'ils puissent être imputés sur la rémunération qui lui est due.

La charge de la preuve des frais professionnels dont le salarié demande remboursement incombe à celui-ci et les juges du fond apprécient souverainement les éléments de fait et de preuve qui leur sont soumis.

En l'espèce, Mme [T] [M] sollicite le remboursement de frais kilométriques aux motifs :

- que ses fonctions de commerciale ont nécessité des déplacements chez des clients potentiels avec sa voiture personnelle entre les mois de février et de novembre 2018

- que l'employeur ne lui a jamais remboursé ces frais

- que les primes exceptionnelles versées par ce dernier n'ont 'rien à voir' avec le remboursement de ses frais kilométriques.

La société Agencements Vitrerie Isolation répond :

- qu'elle ne conteste pas l'existence de déplacements ponctuels de Mme [T] [M] au bureau secondaire d'Andrezieux mais pas dans les proportions alléguées par la salariée

- qu'un véhicule était à la disposition de la salariée pour effectuer ces déplacements mais qu'elle a choisi de ne pas l'utiliser

- que les primes exceptionnelles payées ont 'contribué au remboursement de Mme [M]'.

L'employeur ne rapporte pas la preuve de la mise à la disposition de la salariée d'un véhicule de service.

Mme [T] [M] justifie des kilomètres parcourus pour les besoins de son activité professionnelle entre le 3 septembre et le 28 septembre 2018 par un tableau précisant la date, le trajet et la distance parcourue (pièce 29).

Elle verse également aux débats la photocopie de la carte grise de son véhicule personnel de 8 chevaux fiscaux ainsi que le barème fiscal des indemnités kilométriques en vigueur au 5 février 2018.

Ces éléments suffisent à démontrer l'existence des frais de déplacement de nature professionnelle engagés par Mme [T] [M] et leur montant total s'élevant à 783,20 euros.

Par application du principe rappelé ci-dessus, les primes exceptionnelles ne peuvent être amputées par des remboursements de frais professionnels.

En conséquence la cour, confirmant le jugement déféré, condamne la société Agencements Vitrerie Isolation à payer à Mme [T] [M] la somme de 783,20 euros nets à titre de remboursement des frais de transport.

Sur la demande de remboursement des frais téléphoniques :

Au soutien de sa demande de remboursement de frais téléphoniques, Mme [T] [M] fait valoir :

- qu'entre le mois de février 2018 et le 8 novembre 2018, elle a utilisé son téléphone personnel dans le cadre de son activité de commerciale

- que l'employeur ne lui a pas remboursé ces frais alors qu'il prenait en charge ceux des autres commerciaux à hauteur d'un forfait de 50 euros nets par mois.

La société Agencements Vitrerie Isolation répond :

- que Mme [T] [M] disposait d'un téléphone de l'entreprise et qu'il ne lui a jamais été demandé d'utiliser son téléphone personnel

- que le remboursement forfaitaire de 50 euros par mois était réservé aux salarié ayant une activité commerciale les obligeant à utiliser leur propre téléphone, ce qui n'était pas le cas de Mme [T] [M]

- qu'il était convenu que les frais exposés par la salariée seraient 'rémunérés' sous la forme de primes exceptionnelles.

Il résulte des motifs ci-dessus que Mme [T] [M] avait une activité de commerciale.

La société Agencements Vitrerie Isolation ne justifie pas avoir mis à la disposition de la salariée un téléphone professionnel et il n'est pas contesté que le numéro de téléphone figurant sur la carte de visite professionnelle de cette dernière est son numéro de téléphone personnel.

Ces éléments démontrent que Mme [T] [M] utilisait sa ligne téléphonique personnelle pour les besoins de son activité professionnelle, ce dont l'employeur avait connaissance.

En application des principes rappelés dans le cadre de l'examen de la demande relative aux frais de transport, la société Agencements Vitrerie Isolation doit lui rembourser les frais téléphoniques exposés, sans pouvoir imputer ce remboursement sur les primes exceptionnelles.

Ce remboursement doit être opéré sur la base du forfait de 50 euros accordés aux commerciaux de la société, dont Mme [T] [M] faisait partie.

En conséquence la cour, confirmant le jugement de ce chef, condamne la société Agencements Vitrerie Isolation à payer à Mme [T] [M] la somme de 463,33 euros nets à titre de remboursement des frais téléphoniques.

Sur la demande de remboursement des frais de repas :

Mme [T] [M] soutient :

- que dans le cadre de ses fonctions de commerciale, elle a été amenée à effectuer des déplacements entre les mois de février et novembre 2018 qui ne lui permettaient pas de prendre ses repas à son domicile

- que sur la base du barème URSSAF 2018 fixant la valeur du repas à 9,10 euros et de 71 repas, la société Agencements Vitrerie Isolation doit lui rembourser la somme de 646,10 euros.

La société Agencements Vitrerie Isolation réplique :

- que Mme [T] [M] ne rapporte pas la preuve des frais de repas exposés

- que les primes exceptionnelles ont été affectées au remboursement des frais professionnels.

Le tableau récapitulatif produit par Mme [T] [M] faisant état de déplacements à l'agence Andrézieux Bouthéon - et non pas au domicile de clients visités comme elle le soutient - n'est pas corroboré par ses agendas et ces pièces ne permettent pas d'établir que la salariée n'a pu prendre ses repas à domicile avant ou après ses rendez-vous commerciaux.

En conséquence la cour, infirmant le jugement de ce chef, rejette la demande de remboursement des frais de repas.

Sur la demande de dommages et intérêts pour 'menaces calomnieuses':

La salariée reproche à la société Agencements Vitrerie Isolation de lui avoir envoyé un courrier le 5 juillet 2019 l'accusant d'avoir conservé certains dossiers de comptabilité et la menaçant de déposer plainte à son encontre, alors que les dossiers étaient restés chez le comptable de la société.

Elle affirme que cette accusation calomnieuse et la menace de saisir la justice ont porté gravement atteinte à son honneur et à sa probité et ont nuit à son moral.

La société Agencements Vitrerie Isolation répond que la salariée avait déjà conservé par le passé des documents de l'entreprise de sorte que son courrier de mise en demeure était fondé.

Elle considère que ce courrier, dont elle précise qu'il a été adressé à la seule salariée, ne revêt aucun caractère calomnieux.

Il résulte des pièces versées aux débats que la mise en demeure de restituer les dossiers de la SCI du Garay et les taxes foncières 2018 envoyée le 5 juillet 2019 à Mme [M] était justifiée dans la mesure où ces dossiers avaient alors effectivement disparu des locaux de l'entreprise, même s'il s'est avéré par la suite qu'ils se trouvaient chez le comptable qui ne les avait pas restitués à M. [E]. Il ne revêt aucun caractère calomnieux

Par ailleurs, si ce courrier fait également état d'un possible dépôt de plainte en cas de non-restitution des dossiers à bref délai, cet avertissement d'un possible recours à une voie de droit ne peut être assimilé à une menace abusive.

En conséquence la cour, infirmant le jugement de ce chef, rejette la demande de dommages et intérêts pour menaces calomnieuses.

Sur les demandes accessoires :

Partie perdante, la société Agencements Vitrerie Isolation supportera la charge des dépens de première instance et d'appel.

Par ailleurs, Mme [T] [M] a dû pour la présente instance exposer tant en première instance qu'en appel des frais de procédure et honoraires non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser intégralement à sa charge.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Agencements Vitrerie Isolation à lui payer la somme de 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, et de condamner cet employeur à lui payer sur le même fondement une indemnité de 1 000 euros au titre des frais qu'il a dû exposer en appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a :

- condamné la société Agencements Vitrerie Isolation à payer à Mme [T] [M] les sommes suivantes :

783,20 euros nets à titre de remboursement des frais de transport ;

463,33 euros nets à titre de remboursement des frais téléphoniques ;

500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

INFIRME le jugement en toutes ses autres dispositions et, statuant à nouveau et y ajoutant :

CONDAMNE la société Agencements Vitrerie Isolation à payer à Mme [T] [M] les sommes suivantes :

- 7 085,18 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires du 30 mai 2016 au 30 octobre 2018 et 708,51 euros de congés payés afférents ;

- 800 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect des durées maximales de travail ;

- 540,69 euros à titre de rappel de commissions sur vente et 56,06 euros au titre des congés payés afférents ;

- 784,77 euros à titre de rappel de salaires sur les heures de travail déduites à tort sur la période du 9 au 19 avril 2018 ;

REJETTE la demande de remboursement des frais de repas ;

REJETTE la demande de dommages et intérêts pour menaces calomnieuses;

DIT que les sommes allouées supporteront, s'il y a lieu, le prélèvement des cotisations et contributions sociales ;

CONDAMNE la société Agencements Vitrerie Isolation à payer à Mme [T] [M] la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Agencements Vitrerie Isolation aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.

Le greffier, Le Président,

N. BELAROUI C. RUIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Riom
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/00796
Date de la décision : 06/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-06;20.00796 ?
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