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06/12/2022 | FRANCE | N°20/00741

France | France, Cour d'appel de Riom, Chambre sociale, 06 décembre 2022, 20/00741


06 DECEMBRE 2022



Arrêt n°

FD/NB/NS



Dossier N° RG 20/00741 - N° Portalis DBVU-V-B7E-FNBG



S.A.S. WÜRTH FRANCE



/



[B] [P]

Arrêt rendu ce SIX DECEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :



M. Christophe RUIN, Président



Mme Frédérique DALLE, Conseiller



Mme Sophie NOIR, Conseiller



En présence de Mme Nadia BELAROUI greffier lors des débats

et du prononcé



ENTRE :



S.A.S. WÜRTH FRANCE prise en la personne de son Président en exercice.

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Sandrine LEGAY de la SELARL AUVERJURI...

06 DECEMBRE 2022

Arrêt n°

FD/NB/NS

Dossier N° RG 20/00741 - N° Portalis DBVU-V-B7E-FNBG

S.A.S. WÜRTH FRANCE

/

[B] [P]

Arrêt rendu ce SIX DECEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :

M. Christophe RUIN, Président

Mme Frédérique DALLE, Conseiller

Mme Sophie NOIR, Conseiller

En présence de Mme Nadia BELAROUI greffier lors des débats et du prononcé

ENTRE :

S.A.S. WÜRTH FRANCE prise en la personne de son Président en exercice.

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Sandrine LEGAY de la SELARL AUVERJURIS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND, avocat constitué, substitué par Me Christine TSCHEILLER-WEISS, avocat au barreau de STRASBOURG, avocat plaidant

APPELANTE

ET :

M. [B] [P]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Isabelle VERDEAUX-KERNEIS de l'AARPI JURIS LITEM AARPI, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

INTIME

Après avoir entendu Mme DALLE, Conseiller en son rapport, les représentants des parties à l'audience publique du 03 Octobre 2022, la Cour a mis l'affaire en délibéré, Monsieur le Président ayant indiqué aux parties que l'arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur [B] [P] a été engagé par la SAS WURTH FRANCE suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps complet en qualité de VRP exclusif dans la division poids lourds le 24 novembre 2006.

La société WURTH FRANCE, localisée à [Localité 1] (67), commercialise de la visserie, boulonnerie, outillage et produits annexes auprès des professionnels du métier.

La rémunération mensuelle de Monsieur [P] était constituée d'une partie fixe et d'une partie variable (commissions et primes). Elle s'élevait selon dernière situation à 2 362.76 euros bruts.

La convention collective applicable est celle des VRP.

Après deux courriers lui reprochant des insuffisances dans ses résultats (contestées par le salarié) et un incident concernant un client en particulier, l'employeur a proposé à Monsieur [P] de signer un contrat de progrès, que ce dernier a refusé.

Monsieur [P], hospitalisé pour dépression le 4 décembre 2015, a été placé en arrêt de travail pour maladie jusqu'au 3 avril 2016. Un nouvel arrêt suite à accident du travail a été déclaré le 8 juin 2016.

Il a reçu pendant son arrêt de travail une convocation a entretien préalable, son licenciement lui a été notifié le 6 décembre 2016.

Le 15 janvier 2018, par requête expédiée en recommandé, Monsieur [P] a saisi le conseil de prud'hommes de CLERMONT-FERRAND aux fins notamment de voir juger son licenciement nul, ou subsidiairement dépourvu de cause réelle et sérieuse, outre obtenir diverses sommes à titre indemnitaire.

L'audience devant le bureau de conciliation et d'orientation s'est tenue en date du 26 février 2018 et, comme suite au constat de l'absence de conciliation (convocation notifiée au défendeur le 17 janvier 2018), l'affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement.

Par jugement contradictoire en date du 9 mars 2020 (audience du 2 décembre 2019), le conseil de prud'hommes de CLERMONT-FERRAND a :

- dit et jugé que le licenciement de Monsieur [P] est nul;

- condamné la société WURTH FRANCE, prise en la personne de son représentant légal, à payer et porter à Monsieur [P] les sommes suivantes :

* 15.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

* 7088,28 euros au titre de l'indemnité de préavis, outre 708,82 euros à titre d'indemnité de congés payés sur préavis,

* 1.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour le retard dans la transmission de l'attestation pôle emploi rectifiée,

* 1.500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société WURTH FRANCE, prise en la personne de son représentant légal, à délivrer à Monsieur [P], sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du quinzième jour suivant la notification de la présente décision et ce pendant 30jours, une attestation Pôle Emploi rectifiée sur la base des 12 derniers mois de salaire et des primes afférentes qui précédent le dernier jour travaillé et payé ;

- condamné la société WURTH FRANCE, prise en la personne de son représentant légal, à délivrer à Monsieur [P], sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du quinzième jour suivant la notification de la présente décision et ce pendant 30 jours, les bulletins de salaire rectifiés conformes au présent jugement ;

- dit que le Conseil se réserve le droit de liquider ces astreintes le cas échéant ;

- débouté Monsieur [P] du surplus de ses demandes ;

- condamné d'office, en application de l'article L.1235-4 du code du travail, la société WURTH FRANCE, prise en la personne de son représentant légal, à rembourser à Pôle Emploi le montant des indemnités chômage susceptibles d'avoir été versées à Monsieur [P], du jour de la rupture du contrat de travail au jour du présent jugement, et ce dans la limite de six mois ;

- débouté la société WURTH FRANCE de sa demande reconventionnelle et l'a condamnée aux dépens de l'instance.

Le 24 juin 2020, Monsieur [P] a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié à sa personne le 11 mars 2020.

Vu les conclusions notifiées à la cour le 2 septembre 2022 par la société WURTH FRANCE,

Vu les conclusions notifiées à la cour le 21 juillet 2022 par Monsieur [P],

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 5 septembre 2022.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières écritures, la société WURTH FRANCE demande à la cour de :

- déclarer son appel recevable et bien-fondé ;

- déclarer l'appel incident de Monsieur [P] irrecevable, en tout cas mal fondé ;

- infirmer le jugement rendu par le Conseil des Prud'hommes de CLERMONT-FERRAND le 9 mars 2020 en toutes ses dispositions ;

Et, statuant à nouveau :

- déclarer la demande de Monsieur [P] irrecevable, en tous les cas mal fondée ;

- débouter Monsieur [P] en conséquence de l'ensemble de ses réclamations ;

- ordonner le remboursement des sommes versées en exécution du jugement de première

instance ;

- subsidiairement : réduire les montants alloués à Monsieur [P] ;

- condamner Monsieur [P] à lui payer la somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Monsieur [P] aux entiers dépens, y compris les éventuels frais de signification et d'exécution de l'arrêt à intervenir.

La société WURTH FRANCE soutient qu'aucun des éléments produits par Monsieur [P] ne permet d'établir l'existence d'un harcèlement. Elle indique qu'aucun élément ne permet de rattacher les arrêts de travail de Monsieur [P] à son activité professionnelle. Elle ajoute que le salarié n'a jamais dénoncé ces prétendus faits au médecin du travail. Elle affirme qu'il est établi qu'elle n'a commis aucun fait constitutif de harcèlement moral.

Elle soutient ensuite que le licenciement de Monsieur [P] est motivé et bien fondé. Elle indique que l'absence du salarié est sans lien avec son activité professionnelle et des faits de harcèlement moral. Elle ajoute qu'elle a mis en oeuvre la procédure de licenciement de manière régulière et fondée.

Elle conclut au débouté de Monsieur [P] de l'intégralité de ses demandes.

Elle sollicite la condamnation de Monsieur [P] au paiement d'une somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures, Monsieur [P] conclut à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne le surplus et demande à la cour de :

- débouter la société WURTH FRANCE de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes du 9 mars 2020 pour le surplus ;

Statuant à nouveau :

- condamner la société WURTH FRANCE à lui payer et porter les sommes suivantes :

* 30 000,00 euros au titre du harcèlement moral,

* 10.000,00 euros au titre d'indemnité pour manquement à l'obligation de prévention et de sécurité,

* 40 000,00 euros au titre de la nullité du licenciement, ou, subsidiairement, 40.000,00 euros au titre du licenciement sans cause réelle ni sérieuse ;

- indiquer le salaire de référence en application de l'article R.1454-28 du code du travail ;

- condamner la société WURTH FRANCE à lui payer et porter la somme de 3.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société WURTH FRANCE au paiement des entiers dépens.

Monsieur [P] soutient qu'il a été victime d'agissements de harcèlement moral de la part de son employeur.

Il explique qu'entre 2013 et 2016, ses conditions de travail ont connu une dégradation constante, le salarié subissant de multiples agissements hostiles de la part de son employeur visant à le dévaloriser et à le soumettre à une pression constante.

Il précise avoir été victime de reproches injustifiés et répétés malgré de bons résultats constants, de propos dénigrants et injurieux à son encontre diffusés dans l'entreprise, d'une tentative pour l'obliger à reconnaître une insuffisance de résultats, puis, suite à son refus, de l'envoi d'une lettre d'intimidation, d'un refus de lui réactiver son outil de travail à sa reprise et d'un entretien disciplinaire injustifié et d'une altercation du 8 juin 2016. Il indique que l'employeur ne rapporte à ces faits aucune justification objective, permettant d'établir que les agissements susvisés sont étrangers à tout harcèlement.

Il conclut ainsi à la confirmation du jugement entrepris sur ce point.

Il soutient ensuite que l'employeur a manqué à son obligation de prévention et de sécurité. Il affirme que l'employeur n'a pas pris les mesures adaptées, propres à faire cesser la situation de harcèlement moral subie.

En conséquence, il soutient que son licenciement est entaché de nullité. Il explique que son absence prolongée est due à cette situation de harcèlement moral. Il fait valoir que cela a été reconnu par le conseil de prud'hommes.

Il sollicite les conséquences indemnitaires et financières de son licenciement nul.

A titre subsidiaire, il soutient que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Il sollicite enfin la condamnation de l'employeur au paiement d'une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions, moyens et arguments des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux dernières conclusions régulièrement notifiées et visées.

MOTIFS

- Sur le harcèlement moral -

Le harcèlement, sexuel ou moral, s'intègre désormais dans une problématique plus vaste, à savoir la prévention des risques psycho-sociaux et la prise en compte juridique de la souffrance au travail.

Aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Ne répond pas à cette définition un acte isolé (telle une rétrogradation) ou la publicité donnée à la mise en cause de méthodes de management.

Le harcèlement moral suppose l'existence d'agissements répétés, peu importe que les agissements soient ou non de même nature, qu'ils se répètent sur une brève période ou soient espacés dans le temps, sauf si le salarié se disant victime peut le relier à une discrimination prohibée. La loi 2008-496 du 27 mai 2008 assimile à une discrimination les faits de harcèlement moral qu'elle définit comme tout agissement (singulier et non pluriel) lié à un motif discriminatoire subi par une personne et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement hostile, dégradant, humiliant ou offensant. Une demande fondée sur un acte isolé ou unique peut donc être rejetée par le juge au titre du harcèlement moral mais retenue au titre d'une discrimination prohibée si les deux fondements sont invoqués par le salarié.

Le harcèlement peut être constitué même si son auteur n'avait pas d'intention de nuire et peu importe que l'auteur du harcèlement ait mésestimé la portée de ses actes. La mauvaise foi n'a pas à être caractérisée.

Les méthodes de gestion, l'environnement de travail, les conditions de travail peuvent aussi caractériser un harcèlement moral, même si aucune différence de traitement entre salariés n'est constatée.

La loi n'émet aucune limite quant à l'auteur potentiel d'un harcèlement moral. L'auteur du harcèlement peut être l'employeur, un supérieur hiérarchique, un collègue, un subordonné ou un tiers à l'entreprise, mais pas un médecin du travail car cela ne serait pas imputable à l'employeur.

La loi n'exige pas la caractérisation ou démonstration d'un préjudice du salarié se disant victime pour retenir le harcèlement puisqu'il suffit que les agissements soient susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. La simple possibilité d'une atteinte aux droits ou à la dignité, d'une altération de la santé physique ou mentale, d'une atteinte à l'avenir professionnel du salarié suffit. Toutefois, le plus souvent, les faits de harcèlement moral ont un impact direct sur l'état de santé du salarié.

Ne constituent pas notamment un harcèlement moral :

- l'exercice légitime par l'employeur de son pouvoir disciplinaire lorsque la sanction prononcée est justifiée et proportionnée ;

- la mise en oeuvre de mesures imposées ou justifiées par la loi ;

- des mesures prises par l'employeur ayant pour seule finalité de permettre le fonctionnement permanent du service ;

- des demandes de travaux ou tâches figurant dans la fiche de poste ;

- des décisions objectives et non-discriminatoires concernant l'évolution professionnelle du salarié.

La victime d'un harcèlement peut engager une action devant le juge civil.

En application de l'article L.1154-1 du même code, en cas de litige relatif à l'application de l'article L.1152-1 et de l'article L.1153-1, il appartient au salarié concerné de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, y compris les documents médicaux éventuellement produits, puis d'apprécier si les faits matériellement établis dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Sous ses conditions, contrôlées par la Cour de cassation, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits permettant de présumer l'existence de harcèlement et si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.

Le juge doit procéder en deux étapes :

- apprécier si le salarié présente des faits matériels, précis et concordants, et si ceux-ci, dans leur ensemble, laissent présumer l'existence d'un harcèlement moral ou sexuel (si non, cela s'arrête là) ;

- s'il estime qu'il y a bien une présomption de harcèlement, apprécier si l'employeur démontre que les éléments d'appréciation présentés par le salarié ne constituent pas un harcèlement moral ou sexuel.

En matière de harcèlement, la seule obligation du salarié est d'établir la matérialité de faits précis et concordants, à charge pour le juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral ou sexuel. La preuve du lien entre les faits et l'existence d'un harcèlement n'incombe donc pas au salarié.

Le juge ne peut rejeter la demande d'un salarié au seul motif de l'absence de relation entre l'état de santé de celui-ci et la dégradation des conditions de travail. Si le juge ne peut se fonder uniquement sur l'altération de l'état de santé du salarié, à l'inverse, il ne doit pas non plus négliger les documents médicaux produits par le salarié.

Si, malgré des agissements permettant de présumer un harcèlement, le juge ne retient pas le harcèlement, il doit préciser en quoi il est établi par l'employeur que les faits matériels présentés par le salarié ne constituent pas un harcèlement et que les décisions ou agissements dénoncés par le salarié sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le harcèlement peut relever de faits imputables à un ou des auteurs déterminés mais aussi, de façon plus générale, à un environnement de travail.

Un harcèlement peut causer à la victime un préjudice, d'ordre moral ou corporel, dont évaluation relève de la compétence du juge prud'homal. Si elle justifie de préjudices distincts, la victime peut obtenir des dommages et intérêts à la fois au titre du harcèlement (moral ou sexuel) subi et au titre du manquement de l'employeur à son obligation de prévention (violation obligation de sécurité) ou au titre d'une discrimination.

La société WURTH FRANCE soutient qu'aucun des éléments produits par Monsieur [P] ne permet d'établir l'existence d'un harcèlement. Elle indique qu'aucun élément ne permet de rattacher les arrêts de travail de Monsieur [P] à son activité professionnelle. Elle ajoute que le salarié n'a jamais dénoncé ces prétendus faits au médecin du travail. Elle affirme qu'il est établi qu'elle n'a commis aucun fait constitutif de harcèlement moral.

Monsieur [P] répond qu'il a été victime d'agissements de harcèlement moral de la part de son employeur.

Il explique qu'entre 2013 et 2016, ses conditions de travail ont connu une dégradation constante, le salarié subissant de multiples agissements hostiles de la part de son employeur visant à le dévaloriser et à le soumettre à une pression constante.

Il précise avoir été victime de reproches injustifiés et répétés malgré de bons résultats constants, de propos dénigrants et injurieux à son encontre diffusés dans l'entreprise, d'une tentative pour l'obliger à reconnaître une insuffisance de résultats, puis, suite à son refus, de l'envoi d'une lettre d'intimidation, d'un refus de lui réactiver son outil de travail à sa reprise et d'un entretien disciplinaire injustifié et d'une altercation du 8 juin 2016. Il indique que l'employeur ne rapporte à ces faits aucune justification objective, permettant d'établir que les agissements susvisés sont étrangers à tout harcèlement.

En ce sens, Monsieur [P] verse les courriers qui lui ont été adressés par son employeur en date du 11 juin 2013, du 25 juillet 2013 et du 23 juin 2014 aux termes desquels l'employeur lui reproche, de façon réitérée, des insuffisances professionnelles.

Il importe de préciser que le salarié a répondu successivement à ces trois courriers par ses propres écrits, lesquels sont tout à fait mesurés, objectifs et professionnels.

Monsieur [P] produit également un courriel, adressé par son supérieur hiérarchique à une autre salariée de la structure, l'accusant indirectement de faire preuve de 'malhonnêteté' ainsi qu'un contrat de progrès qu'il a refusé de signer en date du 18 juin 2014.

Le salarié établit par ailleurs qu'en réalité il avait des résultats professionnels largement supérieurs à ceux de la grande majorité de ses collègues, lesquels ne faisaient l'objet d'aucun reproche de la part de leur hiérarchie, ces résultats traduisant, de surcroît, une progression régulière du chiffre d'affaires apporté par le salarié.

Il fait enfin valoir qu'il a fait l'objet d'un arrêt maladie pour un syndrome dépressif de décembre 2015 à avril 2016, puis de juin 2016 à décembre 2016, lorsque la société WURTH a notifié son licenciement au salarié.

Ces éléments sont suffisants pour considérer que le salarié présente des faits matériels, précis et concordants, laissant présumer l'existence d'un harcèlement moral.

En réponse, l'employeur se contente d'indiquer que le salarié n'a pas jugé bon de dénoncer ses conditions de travail au médecin du travail et à l'entreprise, alors que les courriers de réponse du salarié en date du 27 juin 2013, du 31 juillet 2013, du 27 janvier 2014 et du 3 juillet 2014 permettent précisément d'établir l'inverse, à savoir que Monsieur [P] était dans une situation de souffrance au travail avérée, qu'il a signalée, alors que son employeur multipliait à son encontre des reproches tout à fait injustifiés, d'un point de vue objectif, sur ses performances professionnelles.

Ainsi, au vu des reproches répétés et injustifiés de l'employeur concernant la soi-disante insuffisance de résultats du salarié, des propos non fondés à son encontre tenus auprès d'autres salariés concernant son honnêteté professionnelle ainsi que d'autres éléments figurant dans la procédure en lien avec les conditions de travail du salarié avant son licenciement, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a considéré que le harcèlement moral de la SAS WURTH France à l'égard de Monsieur [B] [P] est établi.

- Sur le manquement à l'obligation de sécurité -

Aux termes des dispositions alors applicables de l'article L. 4121-1 du code du travail : 'L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent : 1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ; 2° Des actions d'information et de formation ; 3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.'.

Aux termes des dispositions alors applicables de l'article L. 4121-2 du code du travail : 'L'employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants : 1° Eviter les risques ; 2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ; 3° Combattre les risques à la source ; 4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ; 5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ; 6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ; 7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-2 et L. 1152-3 ; Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ; 9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.'.

L'employeur est tenu vis-à-vis de ses salariés d'une obligation de sécurité dans le cadre ou à l'occasion du travail. Cette obligation spécifique a été consacrée par la jurisprudence de la Cour de cassation qui a désormais abandonné le fondement contractuel de l'obligation de sécurité de l'employeur pour ne retenir que le fondement légal, tiré notamment des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, interprété à la lumière de la réglementation européenne concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs. Cette obligation de sécurité dont doit répondre l'employeur s'applique à toute situation de risque en matière de sécurité et de protection de la santé physique et mentale des travailleurs.

Tenu d'une obligation de sécurité, il appartient donc à l'employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, notamment en justifiant, d'une part, avoir pris toutes les mesures de prévention prévues notamment par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et, d'autre part, dès qu'il est informé de l'existence de faits susceptibles de constituer une atteinte à la sécurité ou la santé, physique et mentale d'un salarié, avoir pris les mesures immédiates propres à les faire cesser.

La responsabilité de l'employeur est engagée vis-à-vis des salariés (ou du salarié) dès lors qu'un risque pour la santé ou la sécurité des travailleurs (du travailleur) est avéré. Il n'est pas nécessaire que soit constaté une atteinte à la santé, le risque suffit.

L'obligation de sécurité de l'employeur, ou obligation pour celui-ci de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, couvre également les problèmes de stress ou mal-être au travail, plus généralement la question des risques pyscho-sociaux liées aux conditions de travail, aux relations de travail ou à l'ambiance de travail. Dans ce cadre, il appartient à l'employeur de mettre en place des modes d'organisation du travail qui ne nuisent pas à la santé physique et mentale des salariés et de réagir de façon adaptée en cas de risque avéré.

La jurisprudence qualifie l'obligation de sécurité de l'employeur d'obligation de résultat. Selon la Cour de cassation, cette obligation de sécurité est désormais de résultat non au regard du risque effectivement encouru par le salarié, ou de l'atteinte à sa santé subi par le salarié, mais de son objet (prévention et cessation du risque). Le résultat attendu de l'employeur est de prévenir, par des moyens adaptés, tout risque lié non seulement à l'exécution de la prestation de travail mais également à l'environnement professionnel dans lequel elle est délivrée. Il s'agit pour l'employeur de prévenir, de former, d'informer et de mettre en place une organisation et des moyens adaptés. Le résultat dont il est question dans la notion d'obligation de résultat n'est pas l'absence d'atteinte à la santé physique et mentale, mais l'ensemble des mesures prises de façon effective par l'employeur dont la rationalité, la pertinence et l'adéquation sont analysées et appréciées par le juge. L'employeur peut s'exonérer de sa responsabilité en démontrant avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L.4121-2 du code du travail. Ainsi, en cas de risque avéré ou réalisé pour la santé ou la sécurité du travailleur, l'employeur engage sa responsabilité, sauf s'il démontre qu'il a pris les mesures générales de prévention nécessaires et suffisantes pour l'éviter, ce qu'il appartient aux juges du fond d'apprécier souverainement.

Au titre de son obligation de sécurité, il appartient à l'employeur de repérer les situations de tension et, le cas échéant, d'ouvrir rapidement une enquête. L'inertie de l'employeur en présence d'une situation susceptible d'être qualifiée de souffrance au travail, dont il a connaissance, alors qu'il est tenu légalement d'assurer la protection de la santé et de la sécurité des salariés et d'exécuter de bonne foi le contrat de travail, engage nécessairement sa responsabilité, quand bien même il ne serait pas l'auteur des faits dénoncés.

Le salarié peut solliciter des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

En l'espèce, la cour a déjà retenu que par courriers en date du 27 juin 2013, du 31 juillet 2013, du 27 janvier 2014 et du 3 juillet 2014, Monsieur [P] a signalé à son employeur qu'il était dans une situation de souffrance au travail, en indiquant notamment à plusieurs reprises qu'il était 'profondément affecté et perturbé', ces courriers étant en réponse à d'autres courriers adressés par son employeur, lequel lui reprochait des insuffisances professionnelles injustifiées.

Ainsi, l'employeur a manqué à son obligation de sécurité en ne tenant pas compte des éléments que le salarié lui a bien fait parvenir, lesquels permettaient de constater qu'il faisait l'objet d'un harcèlement moral de la part de la SAS WURTH France.

- Sur la rupture du contrat de travail -

Aux termes de l'article L.1226-9 du code du travail, 'au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l'employeur ne peut rompre ce dernier que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie.'

Aux termes de l'article L.1226-13 du code du travail, 'toute rupture du contrat de travail prononcée en méconnaissance des dispositions des articles L.1226-9 et L.1226-18 est nulle'.

Hormis la protection accordée aux salariés contre toute discrimination fondée sur leur état de santé ou leur handicap, les salariés en arrêt de travail pour maladie d'origine non professionnelle ne bénéficient pas d'une protection légale de leur emploi comme c'est le cas en matière d'accident du travail ou de maladie professionnelle. Mais la jurisprudence et les conventions collectives limitent les possibilités de rupture du contrat de travail.

Selon l'article L. 1132-1 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap. Le licenciement opéré en violation de l'article L. 1132-1 du code du travail est nul et emporte pour le salarié un droit à réintégration.

L'article L. 1132-1 du code du travail, qui fait interdiction de licencier un salarié notamment en raison de son état de santé ou de son handicap, ne s'oppose pas au licenciement motivé, non par l'état de santé du salarié, mais par la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l'absence prolongée ou les absences répétées du salarié. Ce salarié ne peut toutefois être licencié que si les perturbations entraînent la nécessité pour l'employeur de procéder à son remplacement définitif par l'engagement d'un autre salarié. Ce remplacement doit intervenir à une date proche du licenciement ou dans un délai raisonnable après celui-ci, délai que les juges du fond apprécient souverainement en tenant compte des spécificités de l'entreprise et de l'emploi concerné, ainsi que des démarches faites par l'employeur en vue d'un recrutement.

La Cour de cassation admet donc la possibilité pour l'employeur de licencier un salarié dont l'absence pour cause de maladie, répétée ou prolongée, perturbe objectivement le fonctionnement de l'entreprise, sous la condition que ces perturbations nécessitent le remplacement définitif du salarié absent.

En principe, la lettre de licenciement doit impérativement mentionner, d'une part, la perturbation de l'entreprise et, d'autre part, la nécessité du remplacement définitif du salarié. Toutefois, pour les licenciements notifiés à compter du 24 septembre 2017, l'article L. 1235-2 du code du travail stipule que ' Les motifs énoncés dans la lettre de licenciement... peuvent, après la notification de celle-ci, être précisés par l'employeur, soit à son initiative soit à la demande du salarié, dans des délais et conditions fixés par décret en Conseil d'Etat. La lettre de licenciement, précisée le cas échéant par l'employeur, fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs de licenciement. A défaut pour le salarié d'avoir formé auprès de l'employeur une demande en application de l'alinéa premier, l'irrégularité que constitue une insuffisance de motivation de la lettre de licenciement ne prive pas, à elle seule, le licenciement de cause réelle et sérieuse et ouvre droit à une indemnité qui ne peut excéder un mois de salaire'.

En cas de litige, la durée ou la fréquence des absences est appréciée par les juges en fonction des circonstances propres à chaque espèce. En tout état de cause, l'employeur ne doit pas agir avec une hâte excessive, en particulier lorsque le retour du salarié est envisageable ou prévu. A fortiori, est abusif le licenciement à l'issue d'un arrêt de travail, alors que les absences du salarié ont cessé.

Il appartient à l'employeur d'établir à la fois la perturbation de l'entreprise engendrée par le prolongement de l'absence du salarié ou ses absences répétées et la nécessité de son remplacement définitif.

La désorganisation du fonctionnement normal doit être constatée, de façon objective, au niveau de l'entreprise, et non pas d'un service, d'un établissement ou d'une agence. Toutefois, la désorganisation d'un service essentiel au fonctionnement de l'entreprise peut objectivement perturber le fonctionnement normal de l'entreprise.

Pour apprécier la désorganisation de l'entreprise, le juge tient notamment compte du nombre et de la durée des absences, de la taille de l'entreprise, de la nature des fonctions exercées par le salarié, de la spécificité du poste de travail etc.

Le remplacement définitif du salarié absent ne sera pas nécessaire si la perturbation du fonctionnement de l'entreprise peut être palliée par une nouvelle répartition du travail entre les salariés ou par l'embauche temporaire d'un autre travailleur.

Pour justifier un licenciement, le remplacement du salarié absent pour cause de maladie doit être effectif et définitif. Cette condition de remplacement suppose l'embauche par l'entreprise (et non par une autre société du groupe) d'un nouveau salarié, sous contrat de travail à durée indéterminée, avec des tâches identiques et selon un horaire équivalent. Ne constitue pas un remplacement définitif une embauche sous contrat de travail à durée déterminée ou sous contrat de travail temporaire ou le recours à une entreprise prestataire de services.

Lorsque le salarié absent pour cause de maladie a été remplacé par un autre salarié de l'entreprise, son licenciement n'est légitime, en application de la jurisprudence précitée, que si l'employeur a procédé à une nouvelle embauche répondant aux mêmes conditions pour occuper le poste du remplaçant (remplacement en cascade).

Pour être valable, le remplacement définitif doit en outre intervenir soit avant le licenciement, à une date proche de celui-ci, soit après, dans un délai raisonnable apprécié par rapport à la date du licenciement et non à celle de la fin du préavis.

L'employeur ne peut licencier le salarié si ce dernier avait repris le travail au moment de la rupture, ou lorsque la visite de reprise, qui met fin à la suspension du contrat de travail, est intervenue au jour de la rupture, même si le salarié est à nouveau en arrêt de travail par la suite.

S'il n'est pas démontré par l'employeur à la fois la perturbation du fonctionnement de l'entreprise et la nécessité d'un remplacement définitif effectué dans un délai raisonnable (conditions cumulatives), le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

Le licenciement ultérieur du salarié remplaçant, même au cours de période d'essai, ne suffit pas à établir le caractère fictif du remplacement.

Le licenciement d'un salarié motivé par une absence prolongée, ou des absences répétées, ne constitue pas forcément un licenciement nul du seul fait qu'il est sans cause réelle et sérieuse. En effet, si l'employeur ne justifie pas des conditions cumulatives précitées, l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement ne peut laisser à elle seule supposer l'existence d'une discrimination en raison de l'état de santé du salarié.

En l'espèce, Monsieur [B] [P] a été engagé par la SAS WURTH FRANCE suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps complet en qualité de VRP exclusif dans la division poids lourds le 24 novembre 2006.

Monsieur [P], hospitalisé pour dépression le 4 décembre 2015, a été placé en arrêt de travail pour maladie jusqu'au 3 avril 2016. Un nouvel arrêt a été déclaré le 8 juin 2016.

Il a reçu pendant son arrêt de travail une convocation a entretien préalable, son licenciement lui a été notifié le 6 décembre 2016.

Le courrier de notification est ainsi libellé :

' Monsieur,

Par courrier du 16 novembre 2016, vous avez été régulièrement convoquée pour un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement devant se tenir le vendredi 25 novembre 2016 en notre siège social. Votre absence à cet entretien, au demeurant excusée, n'entache d'aucune irrégularité la procédure engagée qui se poursuit à l'occasion de la présente notification.

Votre absence professionnelle prolongée et continue est constatée depuis le 14 juin 2016 et nous avons récemment reçu une prolongation d'arrêt de travail au 4 janvier 2017, sans pouvoir déterminer de date de reprise prochaine de votre activité.

Depuis juin 2016, début de votre absence, et malgré les efforts de notre organisation opérationnelle pour entretenir la fidélité de votre clientèle, ce secteur de vente a subi des dégradations commerciales importantes, dont notamment :

* un chiffre d'affaires inférieur de prés de 50 % à l'objectif du secteur de juin à

octobre 2016, en régression de près de 47% par rapport a la même période l'année précédente ,

* une « fuite '' de clientèle 12 mois de près de 10% entre juin et septembre 2016 ;

La gestion de vos clients a été confiée provisoirement a un salarié embauché en contrat à durée déterminée sans que cette solution puisse durablement et valablement satisfaire aux exigences de notre organisation opérationnelle. ll est établi que la gestion de la clientele de votre secteur en est donc désorganisée, en ce qu'il est notamment constaté que :

* le passage de la concurrence fragilise la pérennité et la viabilité du secteur en nous prenant des parts de marchés ,

* le suivi des clients n'est pas assuré de façon satisfaisante par rapport à nos engagements.

Cette situation devient fortement préjudiciable aux intérêts commerciaux de l'entreprise.

En conséquence, nous vous notifions, par la présente, une mesure de licenciement se fondant sur le motif unique de votre absence prolongée depuis le 14juin 2016, perturbant le bon fonctionnement de notre organisation commerciale sur le secteur qui vous est confié, et rendant nécessaire le fait de pourvoir à votre remplacement définitif au regard du suivi et du développement de la clientèle qui vous a été confiée.

Nous ne saurions en aucune sorte vous reprocher votre état de santé, notre décision étant exclusivement dictée par les nécessités de notre organisation commerciale au regard de votre absence prolongée et des conséquences qui s'imposent, par votre remplacement définitif, a la continuité de notre service en clientèle.

S'agissant du délai-congé fixé a trois mois, en application des dispositions de l'article L 7313-9 du Code du Travail, il vous appartient de l'exécuter aux conditions normales de votre contrat de travail. Compte tenu de l'absence d'information sur votre possibilité de reprendre une activité, nous considérons légitimement que vous ne serez pas en mesure d'exécuter votre préavis aux conditions normales de votre contrat de travail. En conséquence, la rupture de votre contrat intervient avec effet immédiat à première présentation de cette notification, étant précisé que vous demeurez couvert par la « garantie de salaire » de notre contrat de prévoyance jusqu'au terme de votre arrêt de travail.

Par ailleurs, et conformément aux dispositions de l'article L 911-8 du Code de la Sécurité Sociale, vous trouverez ci-joint une note d'information s'agissant du maintien post-contractuel des dispositions en matière de contrat de prévoyance et frais de santé a votre égard.

Par courrier ultérieur, le service GAFV vous confirmera les modalités définitives liées a votre départ de l'entreprise, dont notamment le mode de calcul et le versement de l'indemnité conventionnelle de licenciement vous revenant.

Enfin, nous vous signifions des a présent vous délier du respect et de l'exécution de votre clause de non=-concurrence dés cessation de votre contrat de travail.

Veuillez agréer, Monsieur, nos salutations distinguées.

[F] [D]

Directeur des ressources humaines et des affaires juridiques'

La cour a déjà retenu que Monsieur [B] [P] avait fait l'objet d'un harcèlement moral de la part de la SAS WURTH France.

De façon surabondante, il y a lieu de relever que Monsieur [P] n'a été remplacé qu'après six mois à compter de son licenciement alors que la SAS WURTH France avait un effectif supérieur à 3.700 salariés.

Au vu de ces éléments et des principes de droit susvisés, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a déclaré que le licenciement de Monsieur [B] [P] était nul.

- Sur les conséquences indemnitaires -

Au moment de son licenciement, Monsieur [B] [P] était âgé de 52 ans, bénéficiait d'une ancienneté de 10 années et percevait un salaire moyen de 2.362,76 euros.

Au vu des éléments d'appréciation dont la cour dispose, les premiers juges ont justement évalué les circonstances de la cause ainsi que les droits et obligations des parties en condamnant la SAS WURTH France à payer à Monsieur [B] [P] les sommes de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts, toutes causes confondues, et de 7.088,28 euros au titre de l'indemnité de préavis.

- Sur la demande de dommages et intérêts du fait des erreurs affectant l'attestation Pôle Emploi -

Il n'est pas contesté que la société WURTH France a rectifié, avec retard, l'attestation Pôle Emploi délivrée suite au licenciement après la saisine du conseil de prud'hommes par le salarié.

Le jugement entrepris sera également confirmé en ce qu'il a condamné la société WURTH France à payer à Monsieur [B] [P] la somme de 1.000 euros en dommages et intérêts à ce titre.

- Sur les frais irrépétibles et les dépens -

Les dispositions du jugement déféré relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance seront confirmées.

En équité, la société WURTH France, qui succombe en son cours, sera condamnée à payer à Monsieur [B] [P] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société WURTH France sera également condamnée au paiement des dépens en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,

- Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

- Condamne la société WURTH France à payer à Monsieur [B] [P] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne la société WURTH France au paiement des dépens en cause d'appel ;

- Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.

Le greffier, Le Président,

N. BELAROUI C. RUIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Riom
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/00741
Date de la décision : 06/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-06;20.00741 ?
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