COUR D'APPEL
DE RIOM
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
Du 22 novembre 2022
N° RG 21/00180 - N° Portalis DBVU-V-B7F-FQ3D
-PV- Arrêt n° 528
[R] [A] [O], [N] [O] / [T] [P], [Y] [P], [M] [P]
Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP du Puy en Velay, décision attaquée en date du 18 Décembre 2020, enregistrée sous le n° 16/01176
Arrêt rendu le MARDI VINGT DEUX NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :
M. Philippe VALLEIX, Président
M. Daniel ACQUARONE, Conseiller
Mme Laurence BEDOS, Conseiller
En présence de :
Mme Marlène BERTHET, greffier lors de l'appel des causes et du prononcé
ENTRE :
M. [R] [A] [O]
[Adresse 17]
[Localité 11]
et
M. [N] [O]
[Adresse 15]
[Localité 14]
Représentés par Me Emmanuelle BONNET-MARQUIS de la SELARL BONNET - EYMARD-NAVARRO - TEYSSIER, avocat au barreau de HAUTE-LOIRE
et par Me Jean CARREL de la SCP CARREL, PRADIER, DIBANDJO, avocat au barreau de LOZERE
Timbre fiscal acquitté
APPELANTS
ET :
M. [T] [P], en son nom personnel et es qualité d'héritier de Mme [M] [P] décédée le 31 octobre 2021
[Adresse 15]
[Localité 14]
et
M. [Y] [P], en son nom personnel et es qualité d'héritier de Mme [M] [P] décédée le 31 octobre 2021
[Adresse 13]
[Localité 10]
Représentés par Me Nadine MASSON-POMOGIER de la SELARL OGMA, avocat au barreau de HAUTE-LOIRE
Timbre fiscal acquitté
Mme [M] [P] décédée le 31 octobre 2021
INTIMES
DÉBATS :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 26 septembre 2022, en application des dispositions de l'article 789 du code de procédure civile, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. VALLEIX et Mme BEDOS, rapporteurs.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 22 novembre 2022, après prorogé du délibéré initialement prévu le 8 novembre 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par M. VALLEIX, président et par Mme Marlène BERTHET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
Les personnes ci-après nommées sont propriétaires en contiguïté d'une partie de la Forêt du Sauvage (ou de Sarabelle), qui était jadis la propriété des habitants du hameau de Rouzeire dans la commune de [Localité 14] (Lozère) et qui est située sur le territoire de la commune de [Localité 12] (Haute-Loire). Ces propriétés privées sont notamment répartie dans les conditions suivantes :
- M. [N] [O] : lot n° 2 constitué des parcelles actuellement cadastrées section F numéros [Cadastre 8] (40.624 m²) et [Cadastre 9] (11.602 m²) ;
- M. [R] [O] : lot n° 3 constitué des parcelles actuellement cadastrées section F numéros [Cadastre 5] (808 m²), [Cadastre 6] (14.100 m²) et [Cadastre 7] (28.929 m²) ;
- M. [Y] [P] et Mme [M] [P] : lot n° 15 constitué des parcelles actuellement cadastrées section F numéros [Cadastre 1] (21.156 m²) et [Cadastre 2] (179.486 m²) ;
- M. [T] [P] : lot n° 16 constitué des parcelles actuellement cadastrées section F numéros [Cadastre 3] (131.824 m²) et [Cadastre 4] (5.177 m²).
Les parties se sont trouvées en désaccord sur cette division parcellaire remontant à une attribution de lots fixée par un jugement du 5 août 1908 du tribunal de première instance du Puy-en-Velay en lecture d'un rapport d'expertise judiciaire du 5 mars 1907 contenant notamment un plan de bornage. Le Président du tribunal de grande instance du Puy-en-Velay a en conséquence, suivant une ordonnance de référé rendue le 12 novembre 2015, ordonné une mesure d'expertise judiciaire confiée à M. [J] [K], géomètre-expert près la cour d'appel de Riom. Après avoir rempli sa mission, l'expert judiciaire commis a établi son rapport le 21 mai 2016.
Saisi sur assignation du 25 novembre 2016 de M. [R] [O] et M. [N] [O] en lecture de ce rapport d'expertise judiciaire, le tribunal de grande instance du Puy-en-Velay / Site du Breuil a, suivant un jugement n° RG-16/01176 rendu le 18 décembre 2020 :
- déclaré irrecevables pour cause de prescription les demandes formées par M. [R] [O] et M. [N] [O] à l'encontre de M. [T] [P], de M. [Y] [P] et de Mme [M] [P], représentée par son tuteur M. [U] [Z], afin de :
* homologuer le rapport d'expertise judiciaire susmentionné en ce qu'il n'est pas contraire à leurs prétentions ;
* dire que M. [R] [O] est propriétaire des parcelles F-[Cadastre 5], F-[Cadastre 6] et F-[Cadastre 7] dans les limites A-B et contenances retenues par le jugement du 8 août 1908 ;
* dire que M. [N] [O] est propriétaire des parcelles F-[Cadastre 8] et F-[Cadastre 9] dans les limites A-B et contenances retenues par le jugement du 8 août 1908 ;
* ordonner la suppression de tous ouvrages, portail, barrières, clôtures en fils et accessoires des parcelles F-[Cadastre 5], F-[Cadastre 6] et F-[Cadastre 7] de M. [R] [O] ainsi que des parcelles F-[Cadastre 8] et F-[Cadastre 9] de M. [N] [O] telles que délimitées dans leur contenance par le jugement du 8 août 1908 et un procès-verbal de bornage du 28 novembre 1908 ;
* condamner in solidum M. [T] [P], M. [Y] [P] et Mme [M] [P], représentée par son tuteur M. [U] [Z], à procéder à l'enlèvement de tous ouvrages ou portail limitant, interdisant ou réduisant l'accès aux parcelles F-[Cadastre 5], F-[Cadastre 6] et F-[Cadastre 7] de M. [R] [O] et aux parcelles F-[Cadastre 8] et F-[Cadastre 9] de M. [N] [O], définies dans les limites A-B du bornage validé par le jugement du 8 août 1908, sous astreinte de 200 € par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir ;
* condamner in solidum M. [T] [P], M. [Y] [P] et Mme [M] [P], représentée par son tuteur M. [U] [Z], à leur payer à chacun une indemnité de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
* condamner in solidum M. [T] [P], M. [Y] [P] et M. [U] [Z] en qualité de tuteur de Mme [M] [P] aux entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais et dépens afférents à la procédure de référé et à la mesure d'expertise judiciaire susmentionnées ainsi qu'à la publication de la décision à intervenir ;
- condamné M. [R] [O] et M. [N] [O] à payer au profit de M. [T] [P], de M. [Y] [P] et de Mme [M] [P], représentée par son tuteur M. [U] [Z], une indemnité de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- condamné M. [R] [O] et M. [N] [O] aux entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais afférents à la mesure d'expertise judiciaire susmentionnée.
Par déclaration formalisée par le RPVA le 22 janvier 2021, le conseil de M. [R] [O] et M. [N] [O] a interjeté appel du jugement susmentionné, l'appel portant sur l'intégralité de la décision.
Mme [M] [P] est décédée en cours d'instance le 31 octobre 2021.
' Par dernières conclusions d'appelant notifiées par le RPVA le 19 avril 2022, M. [R] [O] et M. [N] [O] ont demandé de :
' au visa des articles 544 et 545 ainsi que 2262 du Code civil ;
' infirmer le jugement précité du 18 décembre 2020 du tribunal judiciaire du Puy-en-Velay ;
' homologuer le rapport d'expertise judiciaire susmentionné en ce qu'il n'est pas contraire à leurs prétentions ;
' dire que M. [R] [O] est propriétaire des parcelles F-[Cadastre 5], F-[Cadastre 6] et F-[Cadastre 7] dans les limites A-B et contenances retenues par le jugement du 8 août 1908 ;
' dire que M. [N] [O] est propriétaire des parcelles F-[Cadastre 8] et F-[Cadastre 9] dans les limites A-B et contenances retenues par le jugement du 8 août 1908 ;
' ordonner la suppression de tous ouvrages, portail, barrières, clôtures en fils et accessoires des parcelles F-[Cadastre 5], F-[Cadastre 6] et F-[Cadastre 7] de M. [R] [O] ainsi que des parcelles F-[Cadastre 8] et F-[Cadastre 9] de M. [N] [O] telles que délimitées dans leur contenance par le jugement du 8 août 1908 et un procès-verbal du 28 novembre 1908 ;
' condamner in solidum M. [T] [P], M. [Y] [P] et Mme [M] [P], représentée par son tuteur M. [U] [Z], à procéder à l'enlèvement de tous ouvrages ou portail limitant, interdisant ou réduisant l'accès aux parcelles F-[Cadastre 5], F-[Cadastre 6] et F-[Cadastre 7] de M. [R] [O] et aux parcelles F-[Cadastre 8] et F-[Cadastre 9] de M. [N] [O] définies dans les limites A-B du bornage validé par le jugement du 8 août 1908, sous astreinte de 200 € par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir ;
' condamner in solidum M. [T] [P], M. [Y] [P] et Mme [M] [P], représentée par son tuteur M. [U] [Z], à leur payer à chacun une indemnité de 4.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
' condamner in solidum M. [T] [P], M. [Y] [P] et M. [U] [Z] en qualité de tuteur de Mme [M] [P] aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris ceux afférents à la procédure de référé et à la mesure d'expertise judiciaire susmentionnées ainsi qu'à la publication de la décision à intervenir.
' Par dernières conclusions d'intimé notifiées par le RPVA le 27 juillet 2022, M. [T] [P] et M. [Y] [P] ont demandé de :
' confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
' condamner M. [R] [O] et M. [N] [O] à leur payer une indemnité de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
' condamner M. [R] [O] et M. [N] [O] aux entiers dépens de l'instance devant comprendre ceux afférents à la procédure de première instance et aux frais d'expertise judiciaire.
Par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, les moyens développés par chacune des parties à l'appui de leurs prétentions respectives sont directement énoncés dans la partie MOTIFS DE LA DÉCISION.
Par ordonnance rendue le 12 septembre 2022, le Conseiller de la mise en état a ordonné la clôture de cette procédure, après révocation d'une précédente ordonnance de clôture ordonnée le 30 juin 2022. Lors de l'audience civile collégiale du 26 septembre 2022 à 14h00, au cours de laquelle cette affaire a été évoquée, chacun des conseils des parties a réitéré et développé ses moyens et prétentions précédemment énoncés. La décision suivante a été mise en délibéré au 8 novembre 2022, prorogée au 22 novembre 2022, par mise à disposition au greffe.
MOTIFS DE LA DÉCISION
L'article 544 du Code civil dispose que « La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par la loi ou par les règlements. » tandis que l'article 545 du Code civil dispose que « Nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité. ». Par ailleurs, l'article 2262 du Code civil dispose que « Les actes de pure faculté et ceux de simple tolérance ne peuvent fonder ni possession ni prescription. ».
L'examen du rapport d'expertise judiciaire du 12 juillet 2016 du géomètre-expert M. [J] [K], incluant dans sa dernière page un plan topographique dressé par l'expert au 1/7500ème et auquel il convient de se reporter en ce qui concerne la configuration actuelle des lieux litigieux, amène notamment à retenir que :
* les lots litigieux de parcelles sont de longues bandes de terres étendues (à l'exception du lot de M. [Y] [P] et Mme [M] [P] composé de deux parcelles plus compactes), pentues, partiellement boisées de pins sylvestres et de hêtres, orientées sud-ouest'nord-est, situées à plus de 1400 m d'altitude et dépendant d'une forêt divisée en 28 lots ;
* la ligne dévisoire A-B a été établie dans le cadre de deux rapports d'expertise établis le 5 mars 1907 et le 28 novembre 1908 par M. [F] [H], expert au [Localité 16], cette ligne divisoire ayant été ratifiée par un jugement du tribunal civil de première instance du Puy-en-Velay du 5 août 1908 en lecture du rapport d'expertise du 5 mars 1907 ;
* l'expert indique que « La limite AB est repérée par des côtes prises à partir de repères existants (croix gravées en 34, 15, 21 et pierres plantées en 25, 33, 37. Les repères dessinés sur le plan au 1/7500ème sont repérés par des coordonnées. », ce qui lui permet de la reconstituer sur plan, tout en précisant ensuite que cette ligne divisoire n'est en définitive que théorique dans la mesure où il répond ensuite dans un dire que lui ont adressé les consorts [P] qu'il n'a en définitive concrètement repéré aucune borne le long de la limite AB.
Les consorts [O] fondent leurs demandes principales d'enlèvement sous astreinte d'ouvrages, portail, barrières, clôtures en fils et accessoires sur le fait que ces éléments, selon eux, d'une part seraient implantés sur leurs parcelles F-[Cadastre 5], F-[Cadastre 6] et F-[Cadastre 7] (lot n° 3 de M. [R] [O]) ainsi que F-[Cadastre 8] et F-[Cadastre 9] (lot n° 2 de M. [N] [O]), et d'autre part interdiraient ou réduiraient l'accès à ces mêmes parcelles « (...) définies dans les limites A ' B du bornage validé par le Jugement du 08 Août 2008 (..) ».
En l'espèce il est admis par l'ensemble des parties que les clôtures et autres éléments litigieux dont les appelants demandent l'enlèvement sous astreinte sont positionnés sur les limites parcellaires résultant du dernier plan cadastral remontant à 1953, ce qui marque une préférence donnée à l'époque pour une application des limites des différents lots non pas en application du jugement du 5 août 1908 mais en fonction des conditions d'exploitation pratiquées par les agriculteurs et forestiers à la date du 17 septembre 1949 d'intervention du Géomètre du cadastre de la Commission communale des impôts directs. Il apparaît dès lors exact, en lecture de ce rapport d'expertise judiciaire du 12 juillet 2016 et de son plan topographique retraçant les anciennes et les nouvelles limites (les anciennes limites étant dites « Plan [H] »), que cette dernière révision cadastrale de 1953 a provoqué une modification des limites parcellaires et de leurs contenances par rapport à ce qui avait été déterminé judiciairement en 1908.
Le premier juge a par ailleurs à juste titre relevé que l'expert judiciaire M. [K] n'a concrètement repéré aucune borne le long de la limite AB (en réponse à un dire du conseil des consorts [P]) au cours de ses investigations sur le terrain et que l'ensemble des bornes alors retrouvé (pierres gravées, pierres plantées etc.), d'une part correspond en réalité aux limites résultant de la dernière rénovation cadastrale de 1953 sans que les propriétaires concernés n'aient alors pu méconnaître les limites et contenances des différentes propriétés, et d'autre part reflètent même probablement un choix initial de l'expert M. [H] d'implantation des bornes non pas en fonction de son propre plan mais en fonction du recueil contradictoire de l'intention des copartageants de l'époque. Le fait que ce bornage théorique de 1907-1908 résulte d'une décision de justice de 1908 n'est pas opposable, l'autorité de chose jugée n'ayant aucun caractère d'ordre public et les parties concernées ayant toujours le loisir et la liberté d'y renoncer, y compris de manière tacite par suite d'une inaction à se prévaloir de la stricte application des documents d'origine. Est dès lors ouverte la question de la prescription acquisitive trentenaire mise en débat par les consorts [P], parmi l'ensemble de leurs moyens de défense.
L'article 2227 du Code civil dispose notamment que « (') les actions réelles immobilières se prescrivent par trente ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. » tandis que l'article 2272 alinéa 1er du Code civil dispose que « Le délai de prescription requis pour acquérir la propriété immobilière est de trente ans. ». Il résulte également des dispositions de l'article 2261 du Code civil que « Pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire. ». Enfin, l'article 2265 du Code civil dispose que « Pour compléter la prescription, on peut joindre à sa possession celle de son auteur, de quelque manière qu'on lui ait succédé, soit à titre universel ou particulier, soit à titre lucratif ou onéreux. ».
En l'occurrence, force est de constater que les délimitations actuelles des diverses parcelles litigieuses existent de manière certaine depuis plus de trente ans (rénovation cadastrale de 1953 en fonction des réelles pratiques d'exploitation forestière ou agricole des propriétaires concernés), voire de manière vraisemblable depuis l'origine (jugement précité du 5 août 1908 qui n'aurait donc jamais reçu application sur le terrain). Les consorts [O] objectent à ce sujet qu'un tel accord ne pouvait être mis en 'uvre sur la base d'une révision effectuée par la Commission communale des impôts au regard des us et coutumes locaux. Il n'en demeure pas moins qu'à l'occasion de cette dernière rénovation cadastrale de 1953, aucun des propriétaires de cette forêt divisée en 28 lots ne s'est opposé à ces correctifs parcellaires et fonciers pratiqués par rapport à ce jugement du 5 août 1908, ceux-ci et leurs successeurs ayant de toute évidence préféré le choix des limites d'exploitation telles qu'elles existaient en 1949-1953 plutôt que les limites théoriques résultant de cette procédure judiciaire de 1907-1908 vieille de plus d'un siècle.
De plus, entre cette rénovation cadastrale de 1953 traçant de nouvelles limites parcellaires et une première action en bornage de la part des consorts [O] ayant donné lieu le 3 juin 2015 à une décision de rejet du tribunal d'instance du Puy-en-Velay (sur assignation du 24 juillet 2014), les consorts [P] justifient par eux-mêmes et par leurs auteurs sur les surfaces arguées d'emprises irrégulières par les consorts [O] au titre de leurs parcelles F-[Cadastre 5], F-[Cadastre 6] et F-[Cadastre 7] (lot n° 3 de M. [R] [O]) ainsi que F-[Cadastre 8] et F-[Cadastre 9] (lot n° 2 de M. [N] [O]) d'une possession continue et interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire, conformément aux dispositions précitées de l'article 2261 du Code civil. Aux constatations de l'expert judiciaire M. [K] s'ajoutent ici trois attestations respectivement établies le 27 septembre 2015 par M. [J] [X], le 14 mars 2017 par M. [G] [P] et le 16 mars 2019 par M. [C] [W], dont il résulte de manière suffisante que ces parcelles étaient exploitées depuis plus de trente ans par les propriétaires concernés, notamment par des activités de pacage et de ramassage de bois, dans le respect des bornes actuellement posées et donc dans celui des différents périmètres de lots correspondant à la dernière rénovation cadastrale de 1953. Ces attestations suffisent à objectiver des possessions exclusives de la part des propriétaires concernés. Le fait que les éléments litigieux de clôtures aient été implantés postérieurement, apparemment à partir de 1995, n'enlève rien à ce constat d'occupation paisible et ininterrompue depuis plus de trente années au moins à partir de 1953, les activités de pacage et de ramassage de bois suffisant à caractériser des actes de jouissance en termes de droits de propriété. De plus, la contestation que les consorts [O] ont adressé à M. [T] [P] en 1995 à propos d'un acte de clôture sur une de ses parcelles ne peut être interruptive de prescription, celle-ci n'ayant donné lieu à aucun acte extrajudiciaire ni à aucune action judiciaire.
Enfin, aucune interdiction ou gêne à l'accès des lots n° 2 et n° 3 appartenant aux consorts [O] n'apparaît caractérisée du fait de l'implantation par les consorts [I] des ouvrages litigieux de portail, barrières ou clôtures sur les exactes limites parcellaires (plus au nord), l'ensemble des parcelles composant les lots précités n° 2 et n° 3 étant parfaitement desservi depuis la voie communale sur leur aspect sud, en lecture du plan topographique intégré au rapport d'expertise judiciaire du 12 juillet 2016.
Le jugement de première instance sera en conséquence confirmé dans sa décision d'irrecevabilité de l'ensemble des demandes principales des consorts [O] en ce qu'il a en définitive et en tout état de cause reconnu le droit d'usucapion des consorts [P] sur les surfaces parcellaires litigieuses arguées d'emprises et d'implantations irrégulières d'ouvrages tels qu'un portail, des barrières ou des clôtures.
Le jugement de première instance sera également confirmé en son application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que son imputation des dépens de première instance comprenant les frais de la mesure d'expertise judiciaire susmentionnée.
Il serait effectivement inéquitable, au sens des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, de laisser à la charge des consorts [P] les frais irrépétibles qu'ils ont été contraints d'engager à l'occasion de cette instance et qu'il convient d'arbitrer à la somme de 3.000 €.
Enfin, succombant à l'instance en cause d'appel, les consorts [O] seront purement et simplement déboutés de leur demande de défraiement formée au visa de l'article 700 du code de procédure civile et en supporteront les entiers dépens.
LA COUR,
STATUANT PUBLIQUEMENT
ET CONTRADICTOIREMENT.
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement n° RG-16/01176 rendu le 18 décembre 2020 par le tribunal de grande instance du Puy-en-Velay.
Y ajoutant.
CONDAMNE M. [R] [O] et M. [N] [O] à payer au profit de M. [T] [P] et M. [Y] [P] une indemnité de 3.000 € en dédommagement de leurs frais irrépétibles prévus à l'article 700 du code de procédure civile.
REJETTE le surplus des demandes des parties.
Condamne M. [R] [O] et M. [N] [O] aux entiers dépens de l'instance en cause d'appel.
Le greffier Le président