COUR D'APPEL
DE RIOM
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
Du 15 novembre 2022
N° RG 21/00863 - N° Portalis DBVU-V-B7F-FSRO
-LB- Arrêt n° 519
[M] [W] / [B] [Z]
Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de MONTLUCON, décision attaquée en date du 05 Mars 2021, enregistrée sous le n° 19/00525
Arrêt rendu le MARDI QUINZE NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX
COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :
M. Philippe VALLEIX, Président
M. Daniel ACQUARONE, Conseiller
Mme Laurence BEDOS, Conseiller
En présence de :
Mme Marlène BERTHET, greffier lors de l'appel des causes et du prononcé
ENTRE :
Mme [M] [W] épouse [P]
[Adresse 5]
[Localité 1]
Représentée par Me Denis COTTIER de la SELAS ALLIES AVOCATS, avocat au barreau de MONTLUCON
Timbre fiscal acquitté
APPELANTE
ET :
M. [B] [Z]
[Adresse 6]
[Localité 4]
Représenté par Me Joseph ROUDILLON, avocat au barreau de MONTLUCON
Timbre fiscal acquitté
INTIME
DÉBATS : A l'audience publique du 03 octobre 2022
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 15 novembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par M. VALLEIX, président et par Mme BERTHET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par acte notarié dressé le 9 février 2018, Mme [M] [W] et M. [K] [O] ont fait l'acquisition auprès de M. [B] [Z] de la pleine propriété indivise et chacun pour moitié d'un bien immobilier situé [Adresse 3] (03) pour le prix de 90'000 euros payable en 180 mensualités de 500 euros, la première devant être réglée « un mois après la signature [de l'acte], la seconde deux mois après, et ainsi de suite, le tout sans intérêts » (sic).
L'acte prévoyait une clause de déchéance du terme et une clause résolutoire libellées en ces termes :
« Qu'à défaut de paiement exact à son échéance d'un seul terme du principal et des intérêts s'il y a lieu, et un mois après un simple commandement de payer demeuré infructueux, les sommes qui resteront alors dues deviendront immédiatement et de plein droit exigibles sans qu'il soit besoin de remplir aucune autre formalité judiciaire, ni de faire prononcer en justice la déchéance du terme nonobstant toutes offres de paiement et consignations ultérieures.
Qu'au surplus, à défaut de paiement de tout ou partie du prix dans les termes convenus, et un mois après un simple commandement de payer demeuré infructueux, la vente sera résolue de plein droit, conformément aux dispositions de l'article 1656 du code civil, si le commandement contient déclaration formelle par le vendeur de son intention de profiter de la présente clause (') ».
L'acte prévoyait également une clause de solidarité et d'indivisibilité en ces termes:
« Qu'en cas de décès de l'acquéreur s'il s'agit d'une personne physique, ou en cas de pluralité, de l'un deux, il y aura solidarité et indivisibilité entre tous ses héritiers, représentants et ayants droit, et le survivant d'eux, pour effectuer ce paiement, ainsi que l'autorise l'article 1309 du code civil, en sorte que chacun d'eux sera tenu personnellement, solidairement avec les autres, et hypothécairement de la totalité de la dette (').
Par acte d'huissier délivré le 20 février 2019, M.[Z] a fait signifier à M. [O] et Mme [W] un commandement d'avoir à payer la somme de 500 euros en principal au titre de l'échéance impayée pour le mois de janvier 2019, visant la clause de déchéance du terme et la clause résolutoire insérées à l'acte.
M. [K] [O] est décédé le 23 octobre 2019.
Par acte d'huissier signifié le 19 juillet 2019, Mme [W] a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Montluçon M. [B] [Z] pour que soit prononcée la résolution judiciaire du contrat de vente.
Par jugement du 5 mars 2021, le tribunal judiciaire a statué en ces termes :
-Déclare irrecevable en l'état, et au surplus non fondée, la demande formée par Mme [M] [W] en résolution de la vente ;
-Condamne Mme [M] [W] à payer à M. [B] [Z] la somme de 85'860 euros outre les intérêts au taux légal à compter de la demande ;
-Dit n'y avoir lieu à enjoindre à maître [H] de fournir aux parties les coordonnées des héritiers de M. [K] [O] ;
-D'une manière générale, rejette toute prétention plus ample ou contraire ;
-Condamne Mme [M] [W] à verser à M. [B] [Z] la somme de 1200 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
-Condamne Mme [M] [W] aux entiers dépens.
- Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement.
Mme [M] [W] a relevé appel de cette décision par déclaration électronique en date du 13 avril 2021.
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 30 juin 2022.
Vu les conclusions en date du 16 juin 2021 aux termes desquelles Mme [W] demande à la cour de :
-Prononcer la résolution judiciaire du contrat de vente intervenu entre M.[Z] elle-même et M. [O] concernant la vente d'un bien immobilier en l'étude de maître [H], notaire à [Localité 7] par acte du 9 février 2018, bien situé [Adresse 3] cadastré section M n° [Cadastre 2] ;
-Dire que le jugement à intervenir sera publié au service de la publicité foncière de [Localité 7] en marge de la publication de l'acte notarié précité ;
-Débouter M.[Z] de l'ensemble de ses demandes ;
-Dire que maître [H] devra dans les 15 jours du jugement à intervenir donner à son avocat, maître [D], et à maître Roudillon, avocat de M.[Z], les coordonnées des héritiers de M. [O] ;
-Laisser à chacune des parties la charge de ses propres dépens ;
-Infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Montluçon du 5 mars 2021 en toutes ses dispositions.
Mme [W] explique que suite aux violences commises à son égard par [K] [O], qui ont justifié l'incarcération de celui-ci, elle a dû quitter le bien vendu qui constituait le domicile du couple. Elle fait valoir qu'eu égard à sa situation elle n'est pas en mesure de régler les échéances du crédit vendeur et qu'en conséquence elle ne souhaite pas garder la maison.
Elle souligne, s'agissant de l'irrecevabilité de l'action retenue par le tribunal, qu'elle n'a pu récupérer le nom des héritiers de [K] [O], raison pour laquelle elle demande qu'il soit fait injonction au notaire de lui communiquer ces éléments. Elle estime que la décision du premier juge la prive de la possibilité de régulariser la procédure.
Elle considère que, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, elle est parfaitement en droit d'agir en résolution judiciaire du contrat de vente, l'application des dispositions de l'article 1224 du code civil n'étant pas interdite selon elle aux contractants à l'origine du manquement contractuel.
Vu les conclusions en date du 28 juillet 2021 aux termes desquelles M. [B] [Z] demande à la cour de :
-Confirmer en toutes ses dispositions le jugement ;
Y ajoutant,
-Condamner Mme [W] à lui payer la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.
Ils considèrent que le tribunal a exactement jugé que la demande de Mme [W] était irrecevable en l'absence de mise en cause des héritiers de [K] [O].
Il estime que la résolution judiciaire du contrat ne peut être demandée que par le créancier de l'obligation inexécutée, ainsi que cela résulte des termes des articles 1224'et 1225 du code civil, soulignant qu'en l'espèce, c'est Mme [W] qui a manqué à ses obligations contractuelles.
En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions susvisées pour l'exposé complet des prétentions respectives des parties et de leurs moyens.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il sera rappelé, à titre liminaire, qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile « la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif » et que les demandes de « constater que... » ou de « dire et juger que...», ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions, au sens des articles 4, 5, 31 et 954 du code de procédure civile, mais des moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions.
-Sur la recevabilité de la demande :
Eu égard à la clause de solidarité et d'indivisibilité prévue au contrat de vente, le tribunal a exactement considéré que l'action était irrecevable, à défaut de mise en cause des héritiers de M. [O].
-Sur la demande tendant à ce qu'il soit ordonné à maître [H] de communiquer l'identité des héritiers de [K] [O] :
Pour apprécier l'opportunité d'ordonner à maître [H] de communiquer l'identité des héritiers de [K] [O] aux fins de régularisation de la procédure, le premier juge, après avoir souligné que M.[Z] n'entendait pas se prévaloir de la clause résolutoire, a exactement retenu, pour rejeter cette demande, que l'action tendant au prononcé la résolution judiciaire du contrat initiée par Mme [W] était vouée à l'échec alors qu'il est constant que seul le créancier victime de l'inexécution peut réclamer la résolution judiciaire du contrat.
En considération de ces explications le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.
-Sur la demande reconventionnelle en paiement :
Si Mme [W] a relevé appel du chef du jugement l'ayant condamnée à payer à M.[Z] la somme de 85'860 euros en application de la clause portant déchéance du terme, elle n'émet dans ses écritures devant la cour à ce sujet aucune critique de la décision. Le jugement sera en conséquence confirmé sur ce point.
- Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Le jugement sera confirmé sur la condamnation aux dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme [W] sera condamnée aux dépens d'appel ainsi qu'à payer à M.[Z] la somme de 1200 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Condamne Mme [M] [W] aux dépens d'appel,
Condamne Mme [M] [W] à payer à M. [B] [Z] la somme de 1200 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le greffier, Le Président,