15 Novembre 2022
Arrêt n°
KV/CC/NS
Dossier N° RG 21/00108 - Portalis DBVU-V-B7F-FQVW
[D] [G]
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CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE L'ALLIER
Arrêt rendu ce QUINZE NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors du délibéré de :
M. Christophe RUIN, Président
Mme Karine VALLEE, Conseiller
Mme Sophie NOIR, Conseiller
En présence de Mme Cécile CHEBANCE, Greffier, lors des débats et de Mme Nadia BELAROUI, Greffier lors du prononcé
ENTRE :
Mme [D] [G]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Lawrence RACOT, avocat au barreau de MONTLUCON
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021003943 du 30/04/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de CLERMONT-FERRAND)
APPELANTE
ET :
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE L'ALLIER
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représentée par Me Valérie BARDIN-FOURNAIRON de la SAS HDV AVOCATS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND, substitué à l'audience par Me Thomas FAGEOLE, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
INTIMEE
Madame Karine VALLEE, Conseiller en son rapport, après avoir entendu, à l'audience publique du 10 Octobre 2022, tenue en application de l'article 945-1 du code de procédure civile, sans qu'ils ne s'y soient opposés, les représentants des parties en leurs explications, en a rendu compte à la Cour dans son délibéré après avoir informé les parties que l'arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l'article 450 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE
Mme [G], salariée de la société [6] en qualité de conseillère clientèle, a complété le 24 juillet 2017 une déclaration relative à un accident survenu sur son lieu de travail le 20 juin 2016 dans les circonstances décrites en ces termes : "douleurs aux oreilles causées par grésillements, interférences et bruits sur plateforme".
Madame [G] a joint un certificat médical initial établi le 20 juin 2016 faisant état 'd'acouphènes aigus bilatéraux ' surdité".
Par décision du 24 novembre 2017, la CPAM de l'ALLIER a refusé de prendre en charge au titre de la législation sur les risques professionnels l'accident ainsi déclaré.
Cette position de refus ayant été confirmée par la commission de recours de la caisse de sécurité sociale le 11 juin 2018, Mme [G] a saisi, par lettre recommandée avec avis de réception du 16 août 2018, le tribunal des affaires de sécurité sociale de l'ALLIER d'une contestation de cette décision.
A compter du 1er janvier 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de MOULINS a succédé au pôle social du tribunal de grande instance de MOULINS, auquel avaient été transférées sans formalités à compter du 1er janvier 2019 les affaires relevant jusqu'à cette date de la compétence du tribunal des affaires de sécurité sociale de l'ALLIER .
Par jugement en date du 11 décembre 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de MOULINS a :
- déclaré le recours de Mme [G] recevable en la forme ;
- débouté Mme [G] de sa demande visant à voir reconnaître le caractère professionnel de l'accident qui serait survenu le 16 juin 2016 ;
- condamné Mme [G] aux dépens de l'instance.
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 14 janvier 2021 , Mme [G] a interjeté appel de ce jugement notifié à sa personne le 18 décembre 2020 .
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par ses écritures visées le 10 octobre 2022, oralement soutenues à l'audience, Mme [G] demande à la cour de :
- réformer le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de MOULINS du 11 décembre 2020 en ce qu'il l' a déboutée de sa demande de reconnaissance du caractère professionnel de son accident qui serait survenu le 16 juin 2016 et l'a condamnée aux dépens.
Statuant à nouveau ,
- la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes ;
- annuler les décisions de la CPAM de l'ALLIER des 24 novembre 2017 et 11 juin 2018;
- juger que l'accident dont elle a été victime le 17 juin 2016 est un accident du travail ;
- ordonner une mission d'expertise médicale confiée à tel médecin expert qu'il plaira à la cour d'appel de désigner avec les missions habituelles en cette matière afin de déterminer son taux d'incapacité permanente ;
- condamner la CPAM de l'ALLIER, outre aux entiers dépens, à lui payer et porter la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Par ses écritures visées le 10 octobre 2022, oralement soutenues à l'audience, la CPAM de l'ALLIER demande à la cour de :
- déclarer Mme [G] recevable en son recours ;
- confirmer le jugement rendu le 11 décembre 2020 ;
- débouter Mme [G] de l'ensemble de ses demandes ;
- condamner Mme [G] au paiement de la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions susvisées des parties, oralement soutenues à l'audience, pour l'exposé de leurs moyens.
MOTIFS
Aux termes de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale : 'Est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.'.
Constitue ainsi un accident du travail tout fait précis, à l'origine d'une lésion corporelle ou psychique, survenu soudainement au cours ou à l'occasion du travail, le caractère professionnel d'un accident supposant l'existence d'un lien direct entre ce dernier et le travail.
Il appartient au salarié qui revendique l'existence d'un accident du travail d'établir la matérialité de l'accident survenu au temps et au lieu de travail, ainsi que l'existence d'une lésion.
S'agissant en revanche de la démonstration du lien entre l'accident et le travail, il doit être tenu compte de l'existence d'une présomption simple d'imputabilité, en ce sens que l'accident survenu au temps et au lieu du travail est présumé être un accident du travail, sauf à établir que la lésion a une cause totalement étrangère au travail. Cette présomption d'imputabilité s'applique non seulement dans les rapports entre la victime ou ses ayants droit et l'employeur, mais également dans les rapports entre l'employeur et la caisse.
Selon la déclaration d'accident du travail souscrite par Mme [G] le 24 juillet 2017, alors que celle-ci était en appel, le 20 juin 2016, munie de son casque d'écoute, des douleurs localisées aux oreilles sont survenues, causées par ' grésillement, interférences et bruit sur la plateforme.'
Ces circonstances ont été confirmées par la salariée dans son questionnaire du 4 octobre 2017, aux termes duquel cette dernière indique également ne plus se rappeler de l'heure exacte de l'accident, tout en estimant qu'il s'est produit en ' début de soirée je penses', et avoir avisé Mme [O], sa responsable, ainsi que sa collègue Mme [Z].
Le certificat médical dressé le 21 juin 2016 par le docteur [P], oto-rhino-laryngologiste, relate une consultation de Mme [G] motivée par des acouphènes aigus bilatéraux de plus en plus invalidants, ' favorisés par le milieu professionnel.' Ce médecin ajoute que ' elle travaille dans un centre d'appel et ces acouphènes sont très importants après une journée de travail. Actuellement, il s'y associe une hyperacousie douloureuse. L'examen audiométrique révèle une surdité de perception avec une perte de 8.000 hertz'.
Le docteur [Y], médecin généraliste, certifie pour sa part en date du 21 juin 2021 avoir prodigué ses soins de 2007 à 2017 à Mme [G], laquelle s'est 'plainte de trouble auditif et a sollicité un ORL de [Localité 5] qui a demandé une reconnaissance de maladie professionnelle en 2016.'. Il précise que ' Mme [G] n'avait jamais consulté pour ce problème de santé avant 2016.'
Il ressort suffisamment des éléments médiaux versés aux débats l'attribution d'une cause professionnelle à la pathologie auditive, comme l'a effectivement retenu la cour de céans dans un arrêt du 14 décembre 2021 rendu dans le cadre d'une procédure prud'homale en contestation de licenciement.
Au regard du principe d'autonomie du droit de la sécurité sociale par rapport au droit du travail, cet arrêt, qui a reconnu l'origine professionnelle de l'inaptitude physique ayant fondé le licenciement de la salariée, est sans incidence sur la solution du présent litige relevant du contentieux de la sécurité sociale.
Il importe en l'espèce de déterminer si Mme [G] été victime d'un fait accidentel soudain survenu au temps et au lieu de travail, ouvrant droit à l'application de la présomption d'imputabilité posée par l'article L411-1 susvisé du code de la sécurité sociale.
Pour que la présomption d'imputabilité au travail puisse jouer, la victime doit au préalable établir la réalité de la lésion ainsi que sa survenance au temps et au lieu du travail.
Les éléments médicaux versés aux débats par Mme [G], confortés par les déclarations de Mme [Z], collègue de travail qui atteste le 14 janvier 2021 que Mme [G] l'a informée ' de douleurs dans les oreilles à la fin de sa journée de travail le 17 juin 2016 à 20H' établissent suffisamment la réalité de sa lésion.
En ce qui concerne l'existence du fait accidentel allégué, la salariée invoque les dires susmentionnés de sa collègue. Or comme l'ont retenu à raison les premiers juges, il ne s'évince pas des termes de cette attestation la corroboration d'un fait accidentel. Outre que l'attestation de Mme [Z] se rapporte à des faits survenus le 17 juin 2016, alors que l'accident est daté du 20 juin 2016 dans la déclaration d'accident du travail renseignée parla salariée, cette divergence pouvant cependant s'expliquer par la confusion opérée entre la date de l'accident et celle de sa constatation médicale, il y a lieu de relever que l'attestante se borne à confirmer les doléances émises par Mme [G], sans toutefois confirmer la survenue d'une action violente et soudaine propre à caractériser un fait accidentel.
Selon le questionnaire complété au cours de l'enquête administrative de la caisse par l'employeur , celui-ci n'a pas été informé en temps réel de l'accident allégué, lequel n'a été porté à sa connaissance qu'à réception du certificat médical initial établi trois jours plus tard.
Mme [G] s'abstient de communiquer aux débats tout élément de nature à établir qu'elle a satisfait aux prévisions des articles L441-1 et R441-2 du code de la sécurité sociale en informant son employeur au plus tard dans les 24 heures du fait accidentel invoqué.
En outre, la déclaration d'accident du travail n'a été régularisée que le 24 juillet 2017, soit plus d'un an après la survenance de l'accident allégué, ce délai pour compléter la déclaration, s'il n'est pas prohibé par les textes, amenuisant toutefois les capacités de restitution fidèle des événements relatés, ce que confirment d'ailleurs les indications imprécises de la salariée quant à ses horaires de travail le jour de l'accident (8H00-14H00 ou 14H00-20H00).
En définitive, il ressort des éléments soumis à l'appréciation de la cour que si la lésion corporelle affectant Mme [G] est objectivée, sa survenance au temps et lieu de travail par l'effet d'un accident n'est en revanche pas établie.
L'existence d'un accident au temps et lieu de travail n'étant étayée par aucun élément vérifiable extérieur aux seules déclarations de la salariée concernée, celle-ci est mal fondée à prétendre à l'application de la présomption d'imputabilité.
L'ensemble de ces considérations justifie la confirmation du jugement entrepris, non seulement en ce qu'il a rejeté la demande de Mme [G], mais également, par voie de conséquence, en ce qu'il l'a condamnée au dépens.
Les dispositions de l'article 696 du code de procédure civile commandent de condamner Mme [G], qui succombe en son recours, à supporter, en sus de ceux de première d'instance, les dépens afférents à la procédure d'appel, ce qui exclut qu'il soit fait droit à la demande qu'elle présente sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour des raisons d'équité, Mme [G] sera en revanche dispensée de verser à la CPAM de l'ALLIER une indemnité au titre des frais irrépétibles, la demande en ce sens étant donc rejetée.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,
- Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions soumises à la cour ;
Y ajoutant,
- Condamne Mme [D] [G] à supporter les dépens d'appel ;
- Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;
- Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.
Le greffier, Le Président,
N.BELAROUI C.RUIN