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15/11/2022 | FRANCE | N°20/00659

France | France, Cour d'appel de Riom, Chambre sociale, 15 novembre 2022, 20/00659


15 NOVEMBRE 2022



Arrêt n°

SN/NB/NS



Dossier N° RG 20/00659 - N° Portalis DBVU-V-B7E-FMYV



S.A. LA MONTAGNE



/



[T] [I]

Arrêt rendu ce QUINZE NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :



M. Christophe RUIN, Président



Mme Frédérique DALLE, Conseiller



Mme Sophie NOIR, Conseiller



En présence de Mme Nadia BELAROUI greffier lors des débats e

t du prononcé



ENTRE :



S.A. LA MONTAGNE

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée pa...

15 NOVEMBRE 2022

Arrêt n°

SN/NB/NS

Dossier N° RG 20/00659 - N° Portalis DBVU-V-B7E-FMYV

S.A. LA MONTAGNE

/

[T] [I]

Arrêt rendu ce QUINZE NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :

M. Christophe RUIN, Président

Mme Frédérique DALLE, Conseiller

Mme Sophie NOIR, Conseiller

En présence de Mme Nadia BELAROUI greffier lors des débats et du prononcé

ENTRE :

S.A. LA MONTAGNE

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Anne LAURENT-FLEURAT de la SELARL AUVERJURIS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

APPELANTE

ET :

Mme [T] [I]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Jean-Louis BORIE de la SCP BORIE & ASSOCIES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

INTIMEE

Après avoir entendu Mme NOIR, Conseiller en son rapport, les représentants des parties à l'audience publique du 12 Septembre 2022, la Cour a mis l'affaire en délibéré, Monsieur le Président ayant indiqué aux parties que l'arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [T] [I] a été embauchée par la SA LA MONTAGNE à compter du 7 février 1983 dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée.

La relation de travail est soumise aux dispositions de la convention collective des employés de la presse quotidienne régionale et à un accord d'entreprise portant sur la classification des différents emplois.

Mme [I] est classée depuis son embauche au coefficient 101.7 correspondant à l'emploi de femme de ménage.

La salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Clermont-Ferrand le 13 juin 2016 pour obtenir un rappel de salaire sur la base du coefficient 146.5 de la grille au titre des 5 dernières années et l'attribution de ce coefficient pour l'avenir.

Par jugement du 31 mai 2018, le conseil de prud'hommes de Clermont-Ferrand a :

- dit et jugé que la fonction attribuée à Mme [I] doit être 'agent d'entretien' coefficient 146.5 en application de l'accord La Montagne ;

- condamné la société LA MONTAGNE à verser à Madame [I] les sommes suivantes :

* 54.454,34 euros bruts à titre de rappel de salaire sur coefficient,

* 5.445,43 euros bruts au titre des congés payés afférents,

* 5.000 euros à titre de dommages et intérêts,

* 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société LA MONTAGNE à régulariser la situation de Madame [I] sur la base du coefficient 146.5 au-delà de décembre 2016 ;

- débouté la société LA MONTAGNE de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

- condamné la société LA MONTAGNE aux entiers dépens.

La société LA MONTAGNE a interjeté appel de ce jugement le 12 juin 2018.

Le 26 mai 2020, la chambre sociale de la cour d'appel de RIOM a ordonné la radiation de l'instance en raison d'une seconde demande de renvoi consécutive à un mouvement de grève des avocats.

L'affaire a ensuite été réinscrite le 9 juin 2020 sur demande de la société LA MONTAGNE.

Vu les conclusions notifiées à la cour le 8 juin 2020 par la société LA MONTAGNE,

Vu les conclusions notifiées à la cour le 12 juin 2020 par Madame [I],

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 8 août 2022.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions, la société LA MONTAGNE demande à la cour de :

- dire et juger recevable et bien fondé son appel ;

A ce titre :

Réformant le jugement entrepris,

- constater que Madame [I] a été remplie de l'intégralité de ses droits et doit bénéficier de la classification conventionnelle 101.7 correspondant aux fonctions qu'elle exerce réellement ;

- débouter Madame [I] de sa demande de dommages et intérêts au regard du préjudice moral et financier allégué ;

A titre infiniment subsidiaire :

Si par impossible la cour devait confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a considéré que le coefficient octroyé à Madame [I] ne correspond pas aux fonctions réellement exercées en application de l'accord entreprise :

- dire et juger que les fonctions réellement exercées par Madame [I] correspondent à celles prévues par le coefficient 130 relevant des employés des services généraux ;

En tout état de cause :

- condamner Madame [I] à lui porter et payer une somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société LA MONTAGNE soutient que :

- le jugement déféré à, de façon injustifiée, accordé des dommages et intérêts pour absence d'évolution de carrière alors qu'il lui était demandé des dommages et intérêts pour classement conventionnel inadéquat, ce qui ne peut être réparé que par l'attribution d'intérêts légaux.

Dans ses dernières conclusions, Madame [I] conclut à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et demande à la cour, y ajoutant, de:

- condamner la société LA MONTAGNE à lui payer et porter les sommes suivantes :

* 18 241,48 euros bruts à titre de rappel de salaire sur coefficient pour la période de janvier 2017 à décembre 2018 outre 1 824,14 euros bruts à titre de congés payés afférents

* outre intérêts de droit à compter de la demande, avec capitalisation des intérêts conformément aux règles légales.

Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions, moyens et arguments des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux dernières conclusions régulièrement notifiées et visées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions recevables des parties et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion contenue dans ces écritures mais qu'en revanche, elle ne statue pas sur des prétentions indéterminées, trop générales ou non personnalisées, ou non efficientes, notamment celles qui relèvent d'une reprise superfétatoire, dans le dispositif des conclusions d'une partie, de l'argumentaire (ou des moyens) contenu dans les motifs.

Sur la demande de reclassification au coefficient 146.5 et les demandes de rappel de salaire :

Il appartient au salarié qui se prévaut d'une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail, de démontrer qu'il assure de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu'il revendique, ce qui ne peut résulter des simples mentions de la fiche du poste occupé.

Au soutien de sa demande reclassification au coefficient 146.5 Mme [T] [I] invoque :

- que l'employeur ne justifie pas de la réalité du poste qu'elle occupe

- qu'il ne conteste pas qu'elle réalisait des tâches de ramassage et lavage des vaisselles, réception des repas, préparation des barquettes au four, mise en place des tables pour les repas, contrôle des points de détente et des salles, réception des commandes cafés et rajouts ou annulation des repas, encaissement et transmission au comptable ... dépassant les tâches de nettoyage relevant de l'emploi de femme de ménage

- qu'il en résulte que le coefficient 101.7 correspondant à l'emploi de femme de ménage ne correspond pas à son emploi

- que l'accord collectif et la convention collective ne définissent pas les critères de classification aux coefficients 101.7 et 146.5

- que l'employeur ne conteste pas qu'elle effectuait des missions dépassant celles de simple nettoyage, donc celles de femme de ménage

- qu'il est expressément mentionné sur la feuille d'entretien d'activité et de carrière produite qu'elle occupait le poste d'employée au réfectoire

- qu'au regard de la nature des fonctions exercées, elle aurait du être classée au coefficient 146.5

- que d'autres emplois que ceux relevant de la 'catégorie technique' peuvent être classés au coefficient 146.5.

La S.A La Montagne répond :

- que le poste d'agent d'entretien classé au coefficient 146.5 revendiqué par Mme [T] [I] et les emplois repères correspondant à ce coefficient impliquent la mise en oeuvre d'une technicité qui ne correspond pas aux missions exercées par la salariée

- que la salariée ne rapporte pas la preuve que les tâches qu'elle effectue réellement présentent une technicité et un degré de responsabilité correspondant au coefficient 146.5

- que les tâches de Mme [T] [I] correspondent à des tâches d'exécution ne pouvant être assimilées à un emploi technique

- que tout au plus, Mme [T] [I] peut prétendre à une classification au coefficient 130.

Il ressort de la fiche de poste de Mme [T] [I] versée aux débats que cette dernière assure de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, le service de l'espace repas qui consistent à :

- préparer le café et le servir à l'arrivée des employés

- nettoyer la salle

- nettoyer toutes les fontaines à eau sur 4 étages

- surveiller le bon fonctionnement de l'appareillage automatique sur 5 étages

- répondre aux commandes téléphoniques de cafés et aux commandes ou annulations des repas de midi

- dresser les tables pour le déjeuner de midi

- assurer le réapprovisionnement des dosettes de moutarde et de mayonnaise

- ramasser et laver toute la vaisselle des services CFP et de la direction financière

- préparer et porter les cafés de la rédaction en chef

- réceptionner les repas à chauffer

- préparer des barquettes four et laver les contenants du personnel

- mettre en place les tables pour le repas de midi

- nettoyer toutes les carafes à eau

- surveiller les 4 points de détente et procéder au nettoyage éventuel sur 4 étages

- assurer les points de contrôle des salles de réunion

- assurer le service des repas

- nettoyer tout l'appareillage inox de la cuisine

- laver et balayer la salle.

- opérer le remboursement des dysfonctionnements de l'appareillage automatique

- encaisser les paiements des cafés.

Selon la grille de classification des employés de la filière admnistration et production applicable à la S.A La Montagne, l'emploi de femme de ménage est classé au coefficient 101,7.

Les tâches réellement effectuées par Mme [T] [I] telles qu'énumérées ci-dessus ne consistent pas uniquement en tâches de ménage et ne relèvent donc pas de l'emploi de femme de ménage.

Cependant, Mme [T] [I] qui fait valoir qu'elle occupait, de par ses tâches et responsabilités, l'emploi d'agent d'entretien - effectivement classé au coefficient 146,5 de l'accord collectif d'entreprise - n'en rapporte pas la preuve.

En effet, elle ne précise ni ne justifie de la nature des tâches et responsabilités attachées à l'emploi d'agent d'entretien étant ici précisé que la méthode de classification de l'accord d'entreprise procède uniquement par simple référence à une liste d'emploi repères dont les caractéristiques ne sont pas détaillées dans la grille.

Le fait que l'entretien d'activité et de carrière du 18 août 2015 mentionne comme 'fonction exercée actuellement' celle d'employée au réfectoire ne permet pas d'établir que Mme [T] [I] occupait l'emploi d'agent d'entretien relevant de la classification 146.5, ce que les premiers juges ont retenu sans aucune motivation autre que le fait que les fonctions exercées 'dépassaient largement les missions de femmes de ménage'.

La salariée ne rapportant pas la preuve qui lui incombe de ce qu'elle assure de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification 146.5, la cour infirmant le jugement déféré en ce qu'il a dit et jugé que la fonction attribuée à Mme [T] [I] doit être 'agent d'entretien' coefficient 146.5 en application de l'accord de La Montagne, en ce qu'il a condamné la S.A La Montagne à payer à Mme [T] [I] un rappel de salaire de 54 454,34 euros bruts outre 5445,43 euros bruts de congés payés afférents, en ce qu'il a condamné la S.A La Montagne à régulariser la situation de Mme [T] [I] sur la base du coefficient 146.5 au-delà du mois de décembre 2016 et rejette la demande présentée à hauteur de cour tendant à voir condamner la S.A La Montagne à payer à Mme [T] [I] la somme de 18 241,48 euros outre 1 824,14 euros de congés payés afférents, rejette l'intégralité de ses demandes de reclassification et de rappel de salaire.

Sur la demande de dommages et intérêts :

Au soutien de sa demande de dommages et intérêts Mme [T] [I] fait valoir que l'absence de paiement de l'intégralité de ses salaires durant 35 ans alors qu'elle était mère de famille et devait assumer des charges importantes, ainsi que la nécessité de devoir payer un impôt sur le revenu au titre des rappels de salaire d'un montant bien plus important que celui qu'elle aurait payé si elle avait perçu ses salaires mensuellements, constituent un préjudice moral et financier que la seule attribution d'intérêts légaux ne suffit pas à réparer.

La S.A La Montagne réplique que le jugement déféré a, de façon injustifiée, accordé des dommages et intérêts à la salariée pour absence d'évolution de carrière alors qu'il lui était demandé des dommages et intérêts pour classement conventionnel inadéquat, ce qui ne peut être réparé que par l'attribution d'intérêts légaux.

Cependant, il résulte des motifs ci-dessus que la demande de rappel de salaire n'est pas justifiée.

Il en résulte que la demande de dommages et intérêts fondée sur l'absence de paiement de la totalité des salaires du fait d'une classification erronée et sur les conséquences fiscales de la condamnation à ce rappel de salaire doit être rejetée.

Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.

Sur les demandes accessoires :

Partie perdante, Mme [T] [I] supportera la charge des dépens de première instance et d'appel.

L'équité et les situations économiques respectives des parties justifient qu'il ne soit pas fait application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau et y ajoutant :

Rejette l'intégralité des prétentions de Mme [T] [I] ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en cause d'appel ;

Condamne Mme [T] [I] aux dépens de première instance et d'appel.

Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.

Le greffier, Le Président,

N. BELAROUI C. RUIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Riom
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/00659
Date de la décision : 15/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-15;20.00659 ?
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