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11/10/2022 | FRANCE | N°20/00330

France | France, Cour d'appel de Riom, Chambre sociale, 11 octobre 2022, 20/00330


11 OCTOBRE 2022



Arrêt n°

FD/NB/NS



Dossier N° RG 20/00330 - N° Portalis DBVU-V-B7E-FL3F



[D]

[U]



/



S.A.R.L. ALLIER AUVERGNE FORMATION,

S.E.L.A.R.L. MJ de l'ALLIER représentée par Maître [R] [Y] en qualité de liquidateur judicaire, Association UNEDIC AGS CGEA [Localité 7]

Arrêt rendu ce ONZE OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :



M. Christophe RUIN, Préside

nt



Mme Karine VALLEE, Conseiller



Mme Frédérique DALLE, Conseiller



En présence de Mme Séverine BOUDRY greffier lors des débats et de Mme Nadia BELAROUI...

11 OCTOBRE 2022

Arrêt n°

FD/NB/NS

Dossier N° RG 20/00330 - N° Portalis DBVU-V-B7E-FL3F

[D]

[U]

/

S.A.R.L. ALLIER AUVERGNE FORMATION,

S.E.L.A.R.L. MJ de l'ALLIER représentée par Maître [R] [Y] en qualité de liquidateur judicaire, Association UNEDIC AGS CGEA [Localité 7]

Arrêt rendu ce ONZE OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :

M. Christophe RUIN, Président

Mme Karine VALLEE, Conseiller

Mme Frédérique DALLE, Conseiller

En présence de Mme Séverine BOUDRY greffier lors des débats et de Mme Nadia BELAROUI, greffier lors du prononcé

ENTRE :

M. [D] [U]

Lieudit [Adresse 6]

[Adresse 6]

Représenté par Me Evelyne RIBES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

APPELANT

ET :

S.A.R.L. ALLIER AUVERGNE FORMATION prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis

[Adresse 1]

[Adresse 1]

S.E.L.A.R.L. MJ de l'ALLIER représentée par Maître [R] [Y] en qualité de liquidateur judiciaire

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentées par Me Rémi MASSET, avocat de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de CUSSET/VICHY

Association UNEDIC AGS CGEA [Localité 7]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Emilie PANEFIEU, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

INTIMEES

Après avoir entendu, Mme DALLE, Conseiller en son rapport les représentants des parties à l'audience publique du 04 Juillet 2022, la Cour a mis l'affaire en délibéré, Monsieur le Président ayant indiqué aux parties que l'arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur [D] [U] a été embauché le 1er novembre 2013 en qualité de technicien de formation.

Il a été convoqué à un entretien préalable à licenciement économique par courrier en date du 22 décembre 2015.

Monsieur [U] s'est vu notifier son licenciement pour motif économique par courrier du 29 janvier 2016.

Le 24 juin 2016 par requête expédiée en recommandé, Monsieur [U] a saisi le conseil de prud'hommes de VICHY aux fins notamment de voir juger son licenciement irrégulier et dépourvu de cause réelle et sérieuse outre obtenir diverses sommes à titre indemnitaire.

L'audience devant le bureau de conciliation et d'orientation s'est tenue en date du 5 septembre 2016 et, comme suite au constat de l'absence de conciliation (convocation notifiée au défendeur le 24 juin 2016), l'affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement.

Par jugement contradictoire en date du 6 mars 2017 (audience du 5 décembre 2016), le conseil de prud'hommes de VICHY a :

- dit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse ;

- dit que le licenciement ne peut être entaché d'irrégularité ;

- condamné la société ALLIER AUVERGNE FORMATION à porter et payer à Monsieur [U] la somme de 11 600 euros pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- dit que les sommes nettes s'entendent net de toutes cotisations et contributions sociales ;

- débouté Monsieur [U] pour ses demandes de :

* 1 933,52 euros pour licenciement irrégulier ;

* 3 867,04 euros pour non respect de la priorité de réembauchage ;

* 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit que le montant dû à l'exécution provisoire se limitera à 5 800 euros ;

- dit que le montant dû à l'exécution provisoire, selon les dispositions légales, bénéficiera des intérêts de droit à compter du rendu du jugement avec capitalisation des intérêts ;

- condamné la société ALLIER AUVERGNE FORMATION aux dépens.

Le 14 mars 2017, Monsieur [U] a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié à sa personne le 10 mars 2017. La procédure d'appel a été ouverte sous le numéro RG 17/00625.

La société ALLIER AUVERGNE FORMATION a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de CUSSET en date du 25 septembre 2018. La SELARL MJ de l'ALLIER, représentée par Me [Y], a été désignée en qualité de mandataire judiciaire.

La société ALLIER AUVERGNE FORMATION a été placée en liquidation judiciaire le 4 décembre 2018.

Le 18 février 2020, la chambre sociale de la cour d'appel de RIOM a ordonné la radiation de l'instance du rang des affaires en cours. Cette affaire a ensuite été réinscrite le 21 février 2020 sous le numéro RG 20/00330.

Vu les conclusions notifiées à la cour le 18 février 2020 par Monsieur [U],

Vu les conclusions notifiées à la cour le 18 janvier 2019 par la société ALLIER AUVERGNE FORMATION et la SELARL MJ DE L'ALLIER, représentée par Me [Y],

Vu les conclusions notifiées à la cour le 23 mars 2020 par l'Association UNEDIC, Délégation AGS, CGEA d'[Localité 7],

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 28 février 2022.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières écritures, Monsieur [U] demande à la cour de :

- recevoir la demande d'intervention forcée et en déclaration de jugement commun à l'égard de l'UNEDIC, Délégation AGS CGEA d'[Localité 7] et de la SELARL MJ de l'ALLIER représentée par Maître [Y] en qualité de liquidateur de la société ALLIER AUVERGNE FORMATION ;

- confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a dit le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse ;

- dire que le licenciement est de surcroît irrégulier ;

- condamner en conséquence la société ALLIER AUVERGNE FORMATION à lui payer et porter les sommes suivantes :

* 2709,28 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier,

* 20 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

* 5418.56 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la priorité de réembauche,

* 5 418.56 euros à titre de préavis outre 541.86 euros au titre des congés payés sur préavis ;

* ordonner le remboursement par l'employeur aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé ;

* 4 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

* intérêts de droit à compter de la demande avec capitalisation des intérêts conformément aux dispositions légales ;

* dépens ;

- dire que ces sommes seront inscrites par le mandataire judiciaire sur l'état des créances de la procédure collective ouverte à l'encontre de la société ALLIER AUVERGNE FORMATION ;

- dire le présent arrêt opposable au CGEA-AGS d'[Localité 7] en ce qui concerne le paiement de ces sommes.

Monsieur [U] soutient que son licenciement est irrégulier en raison de l'absence de mention dans la lettre de convocation de l'adresse des services où la liste des conseillers est mise à disposition. Il explique n'avoir en conséquence pas pu être assisté lors de l'entretien préalable du 4 janvier 2016, ce qui lui a causé un préjudice. Il indique que, contrairement à ce qu'a indiqué le conseil de prud'hommes, la simple mention d'une adresse internet dans la lettre de convocation ne permet pas de répondre aux exigences posées par l'article L1232-4 du code du travail. Il conclut à l'infirmation du jugement entrepris, son licenciement devant être considéré comme irrégulier.

Il fait valoir ensuite que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse. Il conteste en effet la réalité des motifs et des difficultés économiques invoqués au soutien dudit licenciement. Par ailleurs, il ajoute qu'il n'a pas été informé préalablement à son acceptation du CSP des éléments détaillant les motifs économique de son licenciement et qu'aucune recherche de reclassement ou de modification du contrat n'ont été effectuées. Il affirme que le motif économique allégué par l'employeur n'est pas établi et qu'il n'est pas prouvé que la suppression du poste de travail du salarié fut indispensable à assurer la pérennité de l'entreprise et conclut à la confirmation du jugement entrepris sur ce point. Il sollicite les conséquences indemnitaires et financières de son licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il sollicite en outre l'allocation d'une somme à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice dû au non-respect de la priorité de réembauchage.

Dans leurs dernières écritures, la SELARL MJ de L'ALLIER, représentée par Me [Y], demande à la cour de :

- accepter l'intervention volontaire de Maître [G] en qualité de représentant des AGS ' CGEA ;

- accepter son intervention en qualité de représentant de Maître [Y], Liquidateur Judiciaire de la société ALLIER AUVERGNE FORMATION ;

- dire le licenciement parfaitement régulier en la forme par conséquent débouter Monsieur [U] de sa demande de 1 933.52 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier et confirmer le premier jugement ;

- dire le licenciement pour motif économique dépourvu de cause réelle et sérieuse faute d'avoir notifié par écrit les motifs de la rupture à Monsieur [U] avant qu'il n'adhère au contrat de sécurisation professionnelle, par conséquent condamner la société ALLIER AUVERGNE FORMATION à une somme de 1 933,52 euros à titre de dommages et intérêts, débouter Monsieur [U] de sa demande de 20 000 euros pour licenciement abusif et infirmer le premier jugement ;

- dire que la priorité de réembauche a été respectée par conséquent confirmer le premier jugement et débouter Monsieur [U] de sa demande de 3 867,04 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect de la priorité de réembauche ;

- débouter Monsieur [U] de sa demande de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et confirmer le premier jugement.

La SELARL MJ de l'ALLIER, représentée par Me [Y], soutient que le licenciement de Monsieur [U] n'est en aucune façon irrégulier car le courrier de convocation donne l'adresse du site au sein duquel la liste des conseillers à jour peut être consultée. Dès lors les prescriptions de l'article D 1232-5 du code du travail ont bien été respectées. Elle conclut au débouté du salarié de ses demandes à ce titre.

Elle indique que ce sont bien les difficultés économiques qui ont causé ce licenciement.

Elle reconnaît cependant que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Elle indique que la petite taille de l'entreprise entraîne le fait qu'aucune possibilité de reclassement n'était possible. Elle précise que l'entreprise a été confrontée à une réduction drastique d'activité et que lorsque le poste de Monsieur [U] a été supprimé, aucun autre poste n'a été créé.

Elle sollicite la limitation du quantum des dommages et intérêts alloués à la somme de 1 933.52 euros.

Sur le non-respect de la priorité de réembauche, elle soutient que le salarié s'est bien vu proposer des postes, propositions de postes pour lesquelles il a choisi de ne pas donner suite. Dès lors, il ne saurait être considéré que l'employeur n'a pas respecté la priorité de réembauche.

Dans ses dernières écritures l'association UNEDIC, délégation AGS CGEA d'[Localité 7] demande à la cour de :

A titre principal :

- confirmer le jugement du 6 mars 2017 rendu par le conseil de prud'hommes de VICHY en ce qu il a débouté Monsieur [U] au titre de sa demande pour licenciement irrégulier ;

Pour le surplus :

- voir réformer le jugement du 6 mars 2017 rendu par le conseil de prud'hommes de VICHY ;

Se faisant :

- constater que Monsieur [U] ne démontre pas le quantum de son préjudice ;

- constater que Monsieur [U] a bénéficié d'une formation indemnisée des le mois d'octobre 2016 et dispose actuellement d'un contrat de travail en cours ;

- voir réduire la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- voir débouter Monsieur [U] de sa demande d'intérêts au taux légal ;

- dire et juger que l'article 700 du code de procédure civile est exclu de la garantie de l'AGS et du CGEA ;

- voir débouter Monsieur [U] du surplus de ses fins, demandes et conclusions ;

A titre subsidiaire :

- voir déclarer l'arrêt à intervenir opposable à l'AGS et au CGEA d'[Localité 7] en qualité de gestionnaire de l'AGS, dans les limites prévues aux articles L.3253-1 et suivants (Article L.3253-8), D.3253-5 du Code du travail et du Décret n° 2003-684 du 24 juillet 2003 ;

- voir constater que la garantie de l'AGS est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, au plafond défini à l'article D .3253-5 du Code du Travail ;

- voir constater les limites de leur garantie ;

- voir dire et juger que l'arrêt à intervenir ne saurait prononcer une quelconque condamnation à leur encontre ;

- voir dire et juger que l'AGS ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L.3253-1 et suivants du Code du Travail (article L.3253-8 du Code du Travail) que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L.3253-1 et suivants du Code du Travail (article L.3253-8 du Code du Travail) ;

- voir dire et juger que l'obligation du CGEA de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafonds applicables, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire ;

- voir dire et juger que le jugement d'ouverture arrête le cours des intérêts légaux (article L.622-28 et suivants du code de commerce).

L'association UNEDIC, délégation AGS CGEA d'[Localité 7], soutient tout d'abord que le licenciement ne peut être considéré comme irrégulier car l'employeur a bien fourni au salarié les informations nécessaires afin qu'il puisse utilement décider de se faire assister ou non. En effet, elle fait valoir que l'employeur a indiqué à Monsieur [U] où trouver la liste à jour des conseillers. Elle conclut ainsi à la confirmation du jugement entrepris.

Elle conclut ensuite à l'infirmation du jugement de première instance et soutient que le quantum des dommages et intérêts doit être réduit à de plus justes proportions en fonction de la réalité du préjudice de Monsieur [U].

Sur l'arrêt des intérêts, elle conclut à la réformation du jugement entrepris et au débouté de Monsieur [U] de ses demandes.

A titre subsidiaire, elle demande à ce que la cour déclare l'arrêt opposable à l'AGS et au CGEA D'[Localité 7] et rappelle que la garantie de l'AGS est plafonnée à un des trois plafonds définis à l'article D.3253-5 du code du travail.

Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions, moyens et arguments des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux dernières conclusions régulièrement notifiées et visées.

MOTIFS

- Sur la régularité de la rupture du contrat de travail -

Aux termes de l'article L.1232-4 du code du travail, 'lors de son audition, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise. Lorsqu'il n'y a pas d'institutions représentatives du personnel dans l'entreprise, le salarié peut se faire assister soit par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise, soit par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l'autorité administrative. La lettre de convocation à l'entretien préalable adressée au salarié mentionne la possibilité de recourir à un conseiller du salarié et précise l'adresse des services dans lesquels la liste de ces conseillers est tenue à sa disposition.'

Aux termes de l'article D.1232-5 du code du travail, 'la liste des conseillers du salarié est arrêtée dans chaque département par le préfet et publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture. Elle est tenue à la disposition des salariés dans chaque section d'inspection du travail et dans chaque mairie.'

Aux termes de l'article L.1235-2 du code du travail, dans sa version en vigueur au moment du litige, 'si le licenciement d'un salarié survient sans que la procédure requise ait été observée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge impose à l'employeur d'accomplir la procédure prévue et accorde au salarié, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.'

Monsieur [U] soutient que son licenciement est irrégulier en raison de l'absence de mention dans la lettre de convocation de l'adresse des services où la liste des conseillers est mise à disposition. Il explique n'avoir en conséquence pas pu être assisté lors de l'entretien préalable du 4 janvier 2016, ce qui lui a causé un préjudice. Il indique que, contrairement à ce qu'a indiqué le conseil de prud'hommes, la simple mention d'une adresse internet dans la lettre de convocation ne permet pas de répondre aux exigences posées par l'article L.1232-4 du code du travail. Il conclut à l'infirmation du jugement entrepris, son licenciement devant être considéré comme irrégulier.

La SELARL MJ de l'ALLIER, représentée par Me [Y], soutient que le licenciement de Monsieur [U] n'est en aucune façon irrégulier car le courrier de convocation donne l'adresse du site au sein duquel la liste des conseillers à jour pouvait être consultée. Dès lors, les prescriptions de l'article D.1232-5 du code du travail ont bien été respectées. Elle conclut au débouté du salarié de ses demandes à ce titre.

En l'espèce, le 22 décembre 2015 la société ALLIER AUVERGNE FORMATION a fait parvenir à Monsieur [U] le courrier de convocation à un entretien préalable de licenciement économique suivant:

'Monsieur [U],

Nous avons le regret de vous informer que nous envisageons votre licenciement.

En application de l'article L.122-14 du code du travail, nous vous prions de bien vouloir venir le Lundi 04 janvier 2016, à 10h00, dans nos bureaux LOT 1 à [5], [Adresse 4], pour votre entretien préalable de licenciement. Nous vous exposerons alors les raisons qui nous ont conduits à prendre cette décision.

Pour cet entretien, vous pouvez vous faire accompagner d'un représentant du personnel, d'une personne de votre choix appartenant à la société, ou d'un conseiller extérieur à l'entreprise. Vous trouverez une liste de ces conseillers à l'adresse internet suivante:

http://www.allier.gouv.fr/IMG/pdf/circ-2015-62.pdf

Nous vous prions d'agréer, Monsieur, nos respectueuses salutations.'

Ainsi, la lettre de convocation à l'entretien préalable adressée à Monsieur [U] ne mentionnait pas les deux adresses de l'inspection du travail et de la mairie auprès desquelles il était possible de se procurer la liste des conseillers de salariés mais renvoyait à un site internet où cette liste pouvait être consultée.

La SELARL MJ de l'ALLIER, représentée par Me [Y], verse aux débats la circulaire n°62/2015 à laquelle renvoie le site internet figurant sur le courrier de convocation. Il ressort de cette circulaire qu'elle précise:

'objet: liste des personnes chargées d'assister le salarié lors de l'entretien préalable au licenciement pour le département de l'Allier.

Copie conforme de l'arrêté préfectoral n°2734/2015 du 2 novembre 2015 fixant composition de la liste des personnes chargées d'assister le salarié lors de l'entretien préalable au licenciement pour le département de l'Allier.'

Au moment du licenciement, Monsieur [U] était âgé de 38 ans et occupait un poste de formateur au sein de la société ALLIER AUVERGNE FORMATION. Il disposait donc bien de la capacité et des connaissances lui permettant d'accéder au site internet mentionné dans le courrier.

Il convient dès lors de relever que le courrier de convocation à un entretien préalable de licenciement économique précisait clairement la possibilité pour le salarié de se faire assister par un conseiller extérieur à l'entreprise et que le salarié avait bien accès à la liste des conseillers consultables comportant leurs adresses et leurs coordonnées téléphoniques.

Les prescriptions des articles L.1232-4 et D.1232-5 du code du travail ayant bien été respectées, il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que le licenciement ne peut être entaché d'irrégularité et en ce qu'il a débouté Monsieur [U] de sa demande de dommages et intérêts subséquente.

- Sur le bien-fondé de la rupture du contrat de travail -

Selon l'article L. 1233-2 du code du travail, tout licenciement pour motif économique doit être motivé et justifié par une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa version en vigueur au moment du licenciement:

'Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.

Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail à l'exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L.1237-11 et suivants, résultant de l'une des causes énoncées au premier alinéa.'

Lorsque la rupture du contrat de travail résulte de l'acceptation par le salarié d'un contrat de sécurisation professionnelle (CSP), l'employeur doit en énoncer le motif soit dans le document écrit d'information remis au salarié, soit dans tout document remis au plus tard au moment de son acceptation. A défaut le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

La lettre de licenciement comporte l'énoncé des motifs économiques invoqués par l'employeur. Ceux-ci doivent être objectifs, précis et matériellement vérifiables.

A défaut de mention dans la lettre de licenciement des difficultés économiques et de leur incidence sur l'emploi ou le contrat de travail du salarié, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

La validité du licenciement pour motif économique est subordonnée à l'impossibilité de reclasser le salarié.

Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Monsieur [U] fait valoir que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse. Il conteste en effet la réalité des motifs et des difficultés économiques invoqués au soutien dudit licenciement. Par ailleurs, il ajoute qu'il n'a pas été informé préalablement à son acceptation du CSP des éléments détaillant les motifs économique de son licenciement et qu'aucune recherche de reclassement ou de modification du contrat n'ont été effectuées. Il affirme que le motif économique allégué par l'employeur n'est pas établi et qu'il n'est pas prouvé que la suppression du poste de travail du salarié fut indispensable à assurer la pérennité de l'entreprise et conclut à la confirmation du jugement entrepris sur ce point. Il sollicite les conséquences indemnitaires et financières de son licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La SELARL MJ de l'ALLIER, représentée par Me [Y], reconnaît que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse même si ce sont bien les difficultés économiques qui ont causé ce licenciement.

Elle indique que la petite taille de l'entreprise entraîne le fait qu'aucune possibilité de reclassement n'était possible. Elle précise que l'entreprise a été confrontée à une réduction drastique d'activité et que lorsque le poste de Monsieur [U] a été supprimé, aucun autre poste n'a été créé.

En l'espèce, Monsieur [D] [U] a été embauché le 1er novembre 2013 en qualité de technicien de formation.

Il a été convoqué à un entretien préalable à licenciement économique par courrier en date du 22 décembre 2015.

Lors de l'entretien préalable en date du 4 janvier 2016, l'employeur a remis au salarié la documentation relative au contrat de sécurisation professionnelle (CSP).

Monsieur [U] s'est vu notifier son licenciement pour motif économique par courrier du 29 janvier 2016.

Le courrier de notification est ainsi libellé :

' Monsieur [U],

Lors de l'entretien préalable du 4 janvier 2016, nous vous avons exposé les raisons qui nous ont conduits à envisager votre licenciement économique individuel.

Nous rencontrons depuis plusieurs mois de graves difficultés de trésorerie en 2015, engendrées par des retards très important de paiement, aggravé sur le dernier trimestre 2015.

De plus sur le premier semestre 2016 nous observons une forte baisse prévisionnelle d'activité. L'ensemble de ces conditions nous ont amenés à vous proposer le Contrat de Sécurisation Professionnelle.

Le 22 janvier 2016, vous nous avez fait part de votre décision d'accepter le contrat de sécurisation professionnelle par retour du coupon réponse CSP. Conformément à l'article L1233-67 du code du travail, votre contrat de travail est rompu d'un commun accord à la date de fin du délai de réflexion soit le 26 janvier 2016.

Par ailleurs, nous vous rappelons que vous bénéficiez d'une priorité de réembauchage durant un délai d'un an à compter de la date de rupture de votre contrat le 26 janvier 2016 (fin du préavis de 21 jours), à condition que vous nous préveniez par courrier de ce souhait.

Nous vous informons qu'en raison de la nature économique du licenciement et en application de l'article L 1235-7 du Code du travail, vous disposez d'un délai de 12 mois à compter de la rupture du contrat pour contester la régularité ou la validité de votre licenciement.

Nous vous prions d'agréer, Monsieur, nos salutations distinguées.'

Il résulte des termes même de la lettre de licenciement que Monsieur [U] avait accepté le contrat de sécurisation professionnelle le 22 janvier 2016 alors que les motifs économiques du licenciement ne lui ont été notifiés que par la lettre de licenciement en date du 29 janvier 2016, soit postérieurement.

Lorsque la rupture du contrat de travail résulte de l'acceptation par le salarié d'un contrat de sécurisation professionnelle (CSP), l'employeur doit en énoncer le motif soit dans le document écrit d'information remis au salarié, soit dans tout document remis au plus tard au moment de son acceptation. A défaut le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Ainsi, sur ce seul fondement et sans qu'il n'y ait lieu d'examiner les autres moyens surabondamment évoqués, il convient de considérer que le licenciement de Monsieur [U] est dépourvu de cause réelle et sérieuse, ce qui n'est au demeurant pas contesté par la SELARL MJ de l'ALLIER, représentée par Me [Y].

Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

-Sur les conséquences de la rupture du contrat de travail -

Au moment de son licenciement, Monsieur [U] était âgé de 38 ans, bénéficiait de deux années d'ancienneté et percevait un salaire mensuel de 2.709 euros.

Au vu des éléments d'appréciation dont la cour dispose, les premiers juges ont justement appréhendé les circonstances de la cause ainsi que les droits et obligations des parties en condamnant la société ALLIER AUVERGNE FORMATION à payer à Monsieur [D] [U] la somme de 11.600 euros pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Cependant, depuis le jugement de première instance la société ALLIER AUVERGNE FORMATION a été placée en liquidation judiciaire.

Il y a lieu dès lors de dire que cette créance sera inscrite au passif de la liquidation judiciaire de la société ALLIER AUVERGNE FORMATION.

Il convient de débouter Monsieur [U] de ses autres demandes indemnitaires en lien avec le paiement de l'indemnité de préavis et des congés payés afférents, ces demandes n'étant nullement motivées ni fondées.

Il ne sera pas non plus fait droit à sa demande de voir ordonner le remboursement par l'employeur aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées au salarié dans la mesure où la structure employait moins de onze salariés au moment du licenciement.

- Sur le respect de la priorité de réembauchage -

Aux termes de l'article L.1233-45 du code du travail : ' Le salarié licencié pour motif économique bénéficie d'une priorité de réembauche durant un délai d'un an à compter de la date de rupture de son contrat s'il en fait la demande au cours de ce même délai. Dans ce cas, l'employeur informe le salarié de tout emploi devenu disponible et compatible avec sa qualification. En outre, l'employeur informe les représentants du personnel des postes disponibles. Le salarié ayant acquis une nouvelle qualification bénéficie également de la priorité de réembauche au titre de celle-ci, s'il en informe l'employeur.'.

Il résulte de l'article L.1235-13 du code du travail, applicable au moment du litige, qu'en cas de non-respect de la priorité de réembauche prévue à l'article L. 1233-45 du code du travail, le juge accorde au salarié une indemnité qui ne peut être inférieure à deux mois de salaire.

Le défaut de cause réelle et sérieuse du licenciement ne lui enlève pas sa nature juridique de licenciement pour motif économique et ne dispense donc pas l'employeur de respecter la priorité de réembauche.

Le délai d'un an pendant lequel le salarié bénéficie de la priorité de réembauche court à compter de l'expiration du délai de préavis, que celui-ci soit travaillé ou non. En conséquence, sauf stipulation conventionnelle plus favorable, la demande de priorité de réembauche doit intervenir dans l'année suivant la date de rupture du contrat de travail, c'est-à-dire dans l'année suivant la fin du préavis exécuté ou non. En cas de congé de reclassement dont la durée excède la durée normale du préavis, le délai d'un an court à compter du terme du congé.

L'employeur doit proposer à tous les salariés ayant demandé à bénéficier de la priorité de réembauche tous les emplois disponibles dans l'entreprise et compatibles avec leur qualification, même s'il s'agit de postes qu'ils ont auparavant refusés ou s'ils ont retrouvé un emploi.

La priorité de réembauche s'exerce dans le cadre de l'entreprise ou d'une autre société du groupe qui recrute sur un poste commun. La priorité de réembauche s'exerce à l'égard de l'entreprise et subsiste en cas de reprise de l'entité économique par un autre employeur, peu important que la demande de priorité de réembauche ait été faite auprès de l'auteur du licenciement ou que la cession soit intervenue après le licenciement.

En cas de litige, l'employeur doit prouver qu'il a satisfait à ses obligations en établissant avoir proposé les postes disponibles adaptées à l'ancienne qualification du salarié, ou à la nouvelle qualification dont bénéficie le salarié s'il en a informé l'employeur, ou en justifiant de l'absence de tels postes, par exemple en produisant le registre du personnel.

Il y a violation de la priorité de réembauche lorsque l'employeur n'a pas proposé à un salarié licencié pour motif économique un emploi de même niveau que celui antérieurement occupé par ce salarié et compatible avec ses compétences.

Le préjudice consécutif à un licenciement sans cause réelle et sérieuse est distinct de celui résultant du non-respect de la priorité de réembauche et les indemnisations ou réparations sont cumulables.

Monsieur [U] sollicite l'allocation d'une somme à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice dû au non-respect de la priorité de réembauchage.

Sur le non-respect de la priorité de réembauche, la SELARL MJ de l'ALLIER, représentée par Me [Y], soutient que le salarié s'est bien vu proposer des postes, propositions de postes pour lesquelles il a choisi de ne pas donner suite. Dès lors, il ne saurait être considéré que l'employeur n'a pas respecté la priorité de réembauche.

En l'espèce, Monsieur [U] s'est vu notifier son licenciement pour motif économique par courrier du 29 janvier 2016.

Monsieur [U] estime que l'employeur a procédé tardivement au respect de la priorité de réembauchage dont il devait bénéficier puisque la société a débuté ses recherches pour le recrutement de formateurs au mois d'avril 2016 alors qu'un poste de formateur ne lui a été proposé que le 5 août 2016.

Il ressort cependant de l'attestation établie par Madame [O], responsable d'agence pour la société RANDSTAD, que si la société ALLIER AUVERGNE FORMATION a débuté ses recherches pour le recrutement de formateurs au mois d'avril 2016, la société n'a intégré du personnel que le 5 septembre 2016.

Par ailleurs, il est établi que l'employeur a bien fait parvenir une proposition de poste de formateur à Monsieur [U] par courrier en date du 5 août 2016, proposition à laquelle le salarié n'a pas donné suite.

Au vu de ces éléments et des principes de droit susvisés, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [U] de sa demande de dommages et intérêts au titre du non-respect de la priorité de réembauchage.

- Sur la garantie de l'association UNEDIC, délégation AGS CGEA d'[Localité 7] -

L'association UNEDIC, délégation AGS CGEA d'[Localité 7] demande à ce qu'il soit fait application des dispositions légales et réglementaires applicables tant au plan de la mise en oeuvre du régime d'assurances des créances des salaires que de ses conditions et étendues de garantie, plus précisément des articles L.3253-1, L.3253-8 et D.3253-5 du code du travail. Cette demande ne constituant pas une prétention au sens du code de procédure civile, la cour se limitera à lui donner acte de ce qu'il revendique le bénéfice de l'application de ces dispositions.

En outre, il n'y a pas lieu de déclarer le présent jugement opposable à l'association UNEDIC, délégation AGS CGEA d'[Localité 7] dès lors que cette opposabilité s'opère de plein droit, par application des règles de procédure civile, cette partie ayant été appelée à la cause.

Il convient enfin de dire que le jugement d'ouverture a arrêté le cours des intérêts légaux, conformément aux dispositions de l'article L.622-28 du code de commerce. Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

- Sur les frais irrépétibles et les dépens -

Les dispositions du jugement déféré relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance seront confirmées.

En équité, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Monsieur [D] [U], qui succombe en son recours, sera condamné au paiement des dépens en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,

- Infirme le jugement déféré en ce qu'il a dit que le montant dû à l'exécution provisoire, selon les dispositions légales, bénéficiera des intérêts de droit à compter du rendu du jugement avec capitalisation des intérêts et, statuant à nouveau, dit qu'en application des articles L.622-28 et L.641-3 du code de commerce, le jugement d'ouverture de la procédure collective arrête définitivement à sa date le cours des intérêts au taux légal des créances salariales nées antérieurement ;

- Confirme le jugement en toutes ses autre dispositions soumises à la cour,

Y ajoutant,

- Dit que la créance de Monsieur [D] [U] sera inscrite au passif de la liquidation judiciaire de la société ALLIER AUVERGNE FORMATION ;

- Donne acte au CGEA d'[Localité 7], en qualité de gestionnaire de l'AGS, de sa demande tendant à ce qu'il soit fait application des dispositions légales et réglementaires applicables tant au plan de la mise en oeuvre du régime d'assurances des créances des salaires que de ses conditions et étendues de garantie, plus précisément des articles L.3253-1, L.3253-8 et D.3253-5 du code du travail ;

- Condamne Monsieur [D] [U] au paiement des dépens en cause d'appel ;

- Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.

Le Greffier, Le Président,

N. BELAROUI C. RUIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Riom
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/00330
Date de la décision : 11/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-11;20.00330 ?
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