La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/10/2022 | FRANCE | N°19/01975

France | France, Cour d'appel de Riom, 1ère chambre, 11 octobre 2022, 19/01975


COUR D'APPEL

DE RIOM

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE







Du 11 octobre 2022

N° RG 19/01975 - N° Portalis DBVU-V-B7D-FJR5

-DA- Arrêt n° 462



[A] [P] / [C] [N], [M] [L] [S] [W] épouse [F]



Jugement au fond, origine Tribunal d'Instance de MOULINS, décision attaquée en date du 23 Août 2019, enregistrée sous le n° 1118000317



Arrêt rendu le MARDI ONZE OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX



COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

M. Philippe VALLEIX, Président
r>M. Daniel ACQUARONE, Conseiller

Mme Laurence BEDOS, Conseiller



En présence de :

Mme Céline DHOME, greffier lors de l'appel des causes et Mme Marlène BERTHET, greffie...

COUR D'APPEL

DE RIOM

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

Du 11 octobre 2022

N° RG 19/01975 - N° Portalis DBVU-V-B7D-FJR5

-DA- Arrêt n° 462

[A] [P] / [C] [N], [M] [L] [S] [W] épouse [F]

Jugement au fond, origine Tribunal d'Instance de MOULINS, décision attaquée en date du 23 Août 2019, enregistrée sous le n° 1118000317

Arrêt rendu le MARDI ONZE OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

M. Philippe VALLEIX, Président

M. Daniel ACQUARONE, Conseiller

Mme Laurence BEDOS, Conseiller

En présence de :

Mme Céline DHOME, greffier lors de l'appel des causes et Mme Marlène BERTHET, greffier lors du prononcé

ENTRE :

M. [A] [P] (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/014273 du 24/07/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de CLERMONT-F)

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représenté et plaidant par Maître Elodie FALCO, avocat au barreau de MOULINS

APPELANT et INTIMÉ dans le cadre le la procédure absorbée 19/01989 par jonction

ET :

Mme [M] [L] [S] [W] épouse [F]

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Maître Anne Sophie HERAULT-MANNONI, avocat au barreau de MOULINS

Timbre fiscal acquitté

INTIMEE et APPELANTE dans le cadre le la procédure absorbée 19/01989 par jonction

Mme [C] [N]

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée et plaidant par Maître Patrice TACHON de la SCP LARDANS TACHON MICALLEF, avocat au barreau de MOULINS

Timbre fiscal acquitté

INTIMEE

DÉBATS : A l'audience publique du 29 août 2022

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 11 octobre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par M. VALLEIX, président et par Mme BERTHET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE :

A. faits et procédure jusqu'à l'arrêt du 16 novembre 2021

Par acte sous seing privé du 14 janvier 2017 Mme [C] [N] a donné à bail à M. [A] [P] et Mme [O] [U] un appartement à [Localité 7] (Allier) moyennant un loyer mensuel de 420 EUR hors charges.

Le même jour Mme [M] [W] épouse [F] s'est portée caution solidaire des obligations des locataires.

Après le départ de Mme [U], un avenant au bail a institué M. [P] comme l'unique locataire du bien.

Après le départ de M. [P] le 18 avril 2018, faisant suite à une procédure judiciaire, un procès-verbal de reprise des lieux a été dressé par huissier le même jour.

Un état des lieux de sortie contradictoire a ensuite été effectué par huissier le 28 avril 2018 en présence de M. [P] et Mme [F].

Le 6 septembre 2018 la propriétaire Mme [N] a fait assigner M. [P] et Mme [F] devant le tribunal d'instance de Moulins afin d'obtenir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, leur condamnation solidaire à lui payer 18'353,35 EUR au titre des réparations locatives, outre la taxe sur les ordures ménagères 2017, la moitié du coût d'un procès-verbal, 1200 EUR à titre de dommages-intérêts, 600 EUR en application de l'article 700 du code de procédure civile, et les dépens.

Par jugement 23 août 2019 le tribunal d'instance a statué comme suit :

« Le Tribunal statuant publiquement par jugement mis à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort ;

CONDAMNE solidairement Monsieur [A] [P] et Madame [M] [W], épouse [F], à payer à Madame [C] [N] :

- la somme de 41 euros au titre des charges impayées au 20 septembre 2017, portant intérêts au taux légal à compter du 11 juillet 2018 (mise en demeure) ;

- la somme de 11 759,75 euros au titre des réparations locatives, portant intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;

AUTORISE Monsieur [A] [P] à s'acquitter de cette somme en 23 versements de quatre cents cinquante euros (450 €), puis un dernier versement au titre du solde restant dû, majoré des intérêts et des trais, à compter du mois suivant la signification de la présente décision ;

DIT que le défaut de paiement d'un seul règlement à l'échéance prescrite entraînera la déchéance du terme et que la totalité du solde restant dû deviendra immédiatement exigible ;

CONDAMNE solidairement Monsieur [A] [P] et Madame [M] [W], épouse [F], à payer à Madame [C] [N], la somme de trois cent euros (300 €) sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

DEBOUTE Madame [C] [N] de ses plus amples et autres demandes ;

CONDAMNE in solidum Monsieur [A] [P] et Madame [M] [W], épouse [F], aux dépens qui comprendront notamment le coût du procès-verbal de constat en date du 20 septembre 2017 pour 89,26 euros, le coût de la convocation à l'état des lieux de sortie pour 11,81 euros et le coût de l'assignation pour 67,85 euros. »

***

M. [A] [P] a fait appel de ce jugement le 9 octobre 2019 contre Mme [M] [F] et Mme [C] [N], précisant la portée de son recours. Cette procédure était enregistrée à la cour sous le numéro19/1975.

Mme [M] [F] a également fait appel de ce jugement le 11 octobre 2019 contre Mme [C] [N] et M. [A] [P], la procédure étant enrôlée à la cour sous le numéro 19/1989.

Les deux procédures ont été jointes par le conseiller de la mise en état le 25 juin 2020 sous le numéro unique 19/1975.

Toutes les parties ont ensuite conclu dans le dossier 19/1975.

***

Dans ses conclusions récapitulatives du 8 septembre 2021, M. [P] demande à la cour de :

« DÉCLARER recevable et fondé l'appel interjeté par Monsieur [A] [P].

CONFIRMER la décision en ce qu'elle a débouté Madame [N] de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive, de sa demande au titre des frais d'huissier,

INFIRMER la décision entreprise sur les surplus et, statuant à nouveau,

CONSTATER qu'une décision pénale passée en force de chose jugée a été rendue le 10 juillet 2019 antérieurement à la décision contestée,

CONSTATER que cette décision pénale statue définitivement sur le préjudice de Madame [N] du fait de la détérioration de l'intérieur de l'appartement et du vol de la plaque de cuisson, four encastré et hotte de l'appartement dont elle est propriétaire et donné à bail à Monsieur [A] [P],

DIRE et JUGER que l'autorité de la chose jugée au pénal tient le civil et constitue une fin de non-recevoir,

DIRE et JUGER Madame [N] irrecevable en ses demandes relatives à l'indemnisation de son préjudice du fait de la détérioration de l'intérieur de l'appartement et du vol de la plaque d cuisson, four encastré et hotte et l'en DÉBOUTER,

CONSTATER que la demande au titre des délais de paiement est sans objet,

ALLOUER à Madame [N] la somme de 41 € au titre des charges locatives,

DIRE n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du CPC,

STATUER ce que de droit sur les dépens. »

***

Mme [M] [F] a conclu le 24 mars 2020 afin de demander à la cour de :

Vu les dispositions de la loi du 06/07/1989, vu les articles 1104 et suivants du Code Civil, vu les articles 1199, 1329 et suivants du Code Civil, les articles 1289 et suivants du Code Civil, les articles 2290 et 2213 du Code Civil ainsi que les articles 1 et suivants du Code de Procédure Pénale,

Déclarer l'appel et les demandes de Mr [A] [P] recevables et bien fondées,

Déclarer l'appel incident et les demandes de Mme [M] [W] épouse [F] recevables et bien fondées,

Réformer la décision dont appel en date du 23/08/2019 :

Constater l'absence de cautionnement engageant Mme [F].

Débouter Mme [C] [N] de l'ensemble de ses demandes à son encontre au titre des charges et réparations locatives.

Confirmer la décision en ce qu'elle a débouté Mme [N] de sa demande de dommages intérêts pour résistance abusive et de sa demande au titre des frais d'huissier.

Subsidiairement, après compensation avec le dépôt de garantie, et suite à la décision définitive du Tribunal Correctionnel de MOULINS du 10/07/2019,

Fixer à 428,23 € due par Mme [F] au titre des charges et réparations locatives.

Débouter Mme [N] de l'ensemble de ses autres demandes.

Infiniment subsidiairement, fixer à 4 364,41 € la somme due par Mme [F].

Condamner Mme [C] [N] à porter et payer Mme [M] [W] épouse [F] la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Condamner Mme [N] aux entiers dépens. »

***

Enfin, Mme [C] [N] a pris des conclusions le 1er avril 2020, où elle demande à la cour de :

« Joindre les instances nº RG 19/01975 et 19/01989.

Dire les appels principaux de Monsieur [A] [P] et de Madame [M] [F] recevables mais non fondés.

Confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré.

Dire que les intérêts seront capitalisés dans les conditions prévues a l'article 1343-2 du Code civil.

Condamner solidairement Monsieur [A] [P] et de Madame [M] [F] à porter et payer a Madame [C] [N] la somme de 2500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Les appelants à titre principal seront condamnés aux dépens. »

***

Une ordonnance du 23 septembre 2021 a clôturé la procédure et l'affaire est venue devant la cour à son audience du lundi 7 octobre 2021.

***

Par arrêt du 16 novembre 2021 la cour a statué comme suit :

La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Avant dire droit ;

Rabat l'ordonnance de clôture du 23 septembre 2021 et ordonne la réouverture des débats ;

Invite les parties à conclure sur les conséquences pour Mme [M] [F] de l'avenant du 6 juillet 2017 ;

Renvoie à cet effet le dossier devant le magistrat chargé de la mise en état à son audience du Jeudi 10 mars 2022 à 09 h 00 ;

Réserve les autres demandes.

B. Procédure après l'arrêt du 16 novembre 2021

Après l'arrêt du 16 novembre 2021, répondant à la demande de la cour, les parties ont pris les écritures suivantes :

M. [A] [P] le 10 mars 2022 :

« DÉCLARER recevable et fondé l'appel interjeté par Monsieur [A] [P].

CONFIRMER la décision en ce qu'elle a débouté Madame [N] de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive, de sa demande au titre des frais d'huissier,

INFIRMER la décision entreprise sur les surplus et, statuant à nouveau,

CONSTATER qu'une décision pénale passée en force de chose jugée a été rendue le 10 juillet 2019 antérieurement à la décision contestée,

CONSTATER que cette décision pénale statue définitivement sur le préjudice de Madame [N] du fait de la détérioration de l'intérieur de l'appartement et du vol de la plaque d cuisson, four encastré et hotte de l'appartement dont elle est propriétaire et donné à bail à Monsieur [A] [P],

DIRE et JUGER que l'autorité de la chose jugée au pénal tient le civil et constitue une fin de non-recevoir,

DIRE et JUGER Madame [N] irrecevable en ses demandes relatives à l'indemnisation de son préjudice du fait de la détérioration de l'intérieur de l'appartement et du vol de la plaque d cuisson, four encastré et hotte et l'en DÉBOUTER,

CONSTATER que la demande au titre des délais de paiement est sans objet,

ALLOUER à Madame [N] la somme de 41 € au titre des charges locatives,

DIRE n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du CPC,

STATUER ce que de droit sur les dépens. »

***

Mme [C] [N] le 1er mars 2022 :

« Joindre les instances nº RG 19/01975 et 19/01989.

Dire les appels principaux de Monsieur [A] [P] et de Madame [M] [F] recevables mais non fondés.

Confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré.

Dire que les intérêts seront capitalisés dans les conditions prévues à l'article 1343-2 du Code civil.

Condamner solidairement Monsieur [A] [P] et de Madame [M] [F] à porter et payer à Madame [C] [N] la somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Les appelants à titre principal seront condamnés aux dépens. »

***

Mme [M] [W] épouse [F], le 7 mars 2022 :

« Vu les dispositions de la loi du 06/07/1989, vu les articles 1104 et suivants du Code Civil, vu les articles 1188 et suivants, les articles 1186, 1199, 1329 et suivants du Code Civil, les articles 1289 et suivants du Code Civil, les articles 2290 et 2213 du Code Civil l'article 2314 du Code Civil, ainsi que les articles 1 et suivants du Code de Procédure Pénale,

Déclarer l'appel et les demandes de Mr [A] [P] recevables et bien fondées,

Déclarer l'appel incident et les demandes de Mme [M] [W] épouse [F] recevables et bien fondées.

Réformer la décision dont appel en date du 23/08/2019 :

Prononcer la nullité de l'acte de caution signé le 14/01/2017 par Mme [F]

Subsidiairement prononcer sa caducité.

Subsidiairement encore, décharger Mme [F] de ses obligations en qualité de caution.

En conséquence, Débouter Mme [C] [N] de l'ensemble de ses demandes à son encontre au titre des charges et réparations locatives.

Confirmer la décision en ce qu'elle a débouté Mme [N] de sa demande de dommages intérêts pour résistance abusive et de sa demande au titre des frais d'huissier.

Très subsidiairement, Après compensation avec le dépôt de garantie, et suite à la décision définitive du Tribunal Correctionnel de MOULINS du 10/07/2019,

Fixer à 428,23 €due par Mme [F] au titre des charges et réparations locatives.

Débouter Mme [N] de l'ensemble de ses autres demandes.

Infiniment subsidiairement, fixer à 4.364,41 € la somme due par Mme [F].

Condamner Mme [C] [N] à porter et payer Mme [M] [W] épouse [F] la somme de 1.000 €au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Condamner Mme [N] aux entiers dépens. »

***

La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fait ici expressément référence au jugement entrepris ainsi qu'aux dernières conclusions déposées.

Une ordonnance du 2 juin 2022 clôture la procédure.

MOTIFS :

Il n'y a pas lieu de joindre maintenant les procédures 19/1998 et 19/1975 puisque cela a déjà été fait par ordonnance du 25 juin 2020.

1. Concernant l'engagement de Mme [M] [F] en qualité de caution solidaire

Suivant contrat de location du 14 janvier 2017 M. [A] [P] et Mme [O] [U], locataires, ont pris à bail auprès de Mme [C] [N], propriétaire, un local d'habitation moyennant un loyer mensuel de 420 EUR, plus 50 EUR de provisions sur charges.

Il n'est pas contesté que par acte séparé du 14 janvier 2017 Mme [M] [F] s'est valablement portée caution solidaire de M. [A] [P] et Mme [O] [U], y compris pour les réparations locatives.

Après le départ des lieux de Mme [U], un avenant a été conclu le 6 juillet 2017 entre Mme [N], M. [P] et Mme [U], suivant lequel M. [P] reprend le contrat de bail à son nom. Il est précisé que les modalités du bail initial demeurent inchangées, notamment le montant du loyer, des charges, et la date de fin de bail. Il est dit encore que « tous les termes utilisés dans le présent avenant auront les significations qui leur seront attribuées dans le contrat de bail » et que « les modalités du contrat de bail s'appliquent pleinement au présent avenant. Le contrat de bail et le présent avenant constituent l'expression finale, complète et exclusive du contrat entre les parties eu égard à la location de locaux ci hauts écrits [sic] ».

La modification apportée au bail initial du 14 janvier 2017 par l'avenant du 6 juillet 2017 concerne donc uniquement le locataire, en ce que M. [P] demeure seul titulaire du contrat après le départ de Mme [U].

Il est constant que Mme [F], caution dans le contrat de bail initial, n'a pas été appelée lors de la signature de l'avenant. Elle soutient que l'avenant constitue un nouveau contrat auquel elle n'a pas participé, moyennant quoi son engagement de caution dans le bail du 14 janvier 2017 ne serait plus valable. Mme [N] oppose que le contrat de bail initial n'a pas été modifié par l'avenant. Le tribunal d'instance a donné raison à la propriétaire en disant que « Mme [F] s'étant engagée à garantir les deux colocataires, elle demeure engagée au titre des obligations du locataire qui est resté dans les lieux après le départ de l'autre. »

Or le raisonnement du tribunal est ici erroné. En effet, l'avenant du 6 juillet 2017 diminue les garanties de la caution, en ce que celle-ci perd l'action récursoire qu'elle pouvait exercer contre Mme [O] [U] lors du bail initial (articles 2305, 2306 et 2037 du code civil).

Cet acte modifie donc les termes du cautionnement dans un sens plus défavorable pour Mme [F], de sorte que celle-ci aurait dû être appelée à y intervenir pour accepter, le cas échéant, de n'être plus caution que d'une seule personne au lieu de deux, et de ne disposer par conséquent que d'une seule possibilité d'action récursoire, au lieu de deux.

C'est d'ailleurs le sens de l'article 8-1 V de la loi du 6 juillet 1989, résultant d'une loi du 6 août 2015, qui dispose que l'acte de cautionnement de plusieurs colocataires résultant de la conclusion d'un contrat de bail identifie nécessairement, « sous peine de nullité », le colocataire pour lequel l'extinction de la solidarité met fin à l'engagement de la caution. En l'espèce, le contrat de location et l'acte de cautionnement solidaire de Mme [M] [F], tous deux en date du 14 janvier 2017, ne comportent nullement la mention exigée par ce texte.

En conséquence de ce qui précède l'engagement de Mme [F] en qualité de caution solidaire de M. [P] et de Mme [U] doit être déclarée nul.

2. Concernant les réparations locatives

Concernant les réparations locatives, M. [P] ne nie pas avoir commis des dégradations dans le bien loué, mais il allègue à son profit l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil, en raison d'une ordonnance d'homologation de proposition de peine rendue par le président du tribunal de grande instance de Moulins le 10 juillet 2019, au visa des articles 495-11 et suivants du code de procédure pénale, statuant également sur l'action civile.

Dans cette affaire pénale M. [P] était poursuivi d'une part pour avoir volé la plaque de cuisson, le four encastré et la hotte de la cuisine dans l'appartement de Mme [N] avant de quitter les lieux, d'autre part pour avoir volontairement dégradé ou détérioré l'intérieur de l'appartement au préjudice de Mme [N] « lesdits faits n'ayant causé qu'un dommage léger ». L'ordonnance le condamne pénalement pour ces faits.

Sur le plan civil le tribunal de grande instance de Moulins a condamné M. [P] à payer à Mme [N] la somme de 801,73 EUR « en réparation du préjudice matériel pour tous les faits commis à son encontre ».

Or en l'espèce le fondement juridique de la demande indemnitaire de Mme [N] contre M. [P] n'est pas le même dans le cadre de l'instance civile et dans le cadre de l'instance pénale. En effet, au pénal il s'agit de faits délictueux volontaires, tandis qu'au civil il s'agit du non-respect par le locataire de ses obligations contractuelles de maintenir le bien loué en bon état, et il existe une différence de nature entre les deux types de fautes, qui autorise la poursuite d'une demande sur le fondement contractuel nonobstant la décision pénale antérieure (cf. 1re Civ., 6 avril 2016, nº 15-12.881).

Dans ces conditions, l'action de Mme [F] fondée céans sur la responsabilité contractuelle de M. [P] est parfaitement recevable nonobstant la condamnation pénale ci-dessus fondée sur une faute délictuelle.

Au titre des réparations locatives Mme [N] sollicite la confirmation du jugement qui lui a alloué la somme de 11'759,75 EUR.

M. [P] a quitté les lieux loués le 18 avril 2018. Un procès-verbal de constat d'état des lieux de sortie a été établi par huissier le 28 avril 2018, contradictoirement avec Mme [N], M. [P] et Mme [F].

L'état des lieux d'entrée, établi le 14 janvier 2017, montre que pour l'essentiel tout l'appartement était à l'état de neuf.

Le procès-verbal du 28 avril 2018 met en évidence au contraire une situation particulièrement dégradée, notamment en raison du fait que M. [P] avait emporté du mobilier de cuisine et abîmé à cette occasion une partie des murs. Des dégradations importantes ont également été commises dans la salle de bains ainsi que dans les autres pièces de l'appartement. Au total, après à peine 15 mois de location l'appartement quasiment neuf nécessitait une réfection complète'

Mme [N] produit à son dossier plusieurs devis d'entreprises commerciales justifiant la décision du premier juge lui ayant alloué la somme de 11'759,75 EUR au titre des réparations locatives, avec intérêts au taux légal à compter de la décision. Il convient cependant de retrancher de cette somme les 801,73 EUR accordés à Mme [N] lors de l'homologation du 10 juillet 2019, soit : 11'759,75 - 801,73 = 10'958,02 EUR. En effet, même si les fondements juridiques sont différents, la victime ne peut pas bénéficier d'une double indemnisation pour le même préjudice matériel ; étant par ailleurs observé que le tribunal d'instance de Moulins ne pouvait pas lors de son audience du 3 juin 2019 avoir connaissance de la décision pénale rendue le 10 juillet 2019.

Enfin, M. [P] ne discute pas les 41 EUR qu'il doit à Mme [N] au titre des charges locatives.

En conséquence de ce qui précède :

Il y a lieu à capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil.

La condamnation solidaire de M. [P] et de Mme [F] ne peut être confirmée.

Il est équitable que M. [P] paye à Mme [N] la somme de 2500 EUR en application de l'article 700 du code de procédure civile devant la cour.

Il est équitable que Mme [N] paye à Mme [F] la somme de 1000 EUR en application de l'article 700 du code de procédure civile devant la cour.

M. [P] supportera les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement en ce que le tribunal d'instance a condamné solidairement M. [A] [P] et Mme [M] [F] à payer à Mme [C] [N] la somme de 11'759,75 EUR au titre des réparations locatives et la somme de 41 EUR au titre des charges impayées ; condamné solidairement M. [A] [P] et Mme [M] [F] à payer à Mme [C] [N] la somme de 300 EUR sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; condamné in solidum M. [A] [P] et Mme [M] [F] aux dépens ;

Confirme les autres dispositions du jugement ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés :

' Prononce la nullité de l'acte de cautionnement solidaire signé par Mme [M] [F] le 14 janvier 2017 ;

' Déboute Mme [C] [N] de ses demandes contre Mme [M] [F] ;

' Condamne M. [A] [P] à payer à Mme [C] [N] la somme de 10'958,02 EUR au titre des réparations locatives et la somme de 41 EUR au titre des charges impayées ;

' Condamne M. [A] [P] à payer à Mme [C] [N] la somme de 300 EUR en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

' Juge que M. [A] [P] est seul condamné aux dépens de première instance, pour les sommes et modalités fixées par le premier juge ;

Y ajoutant, ordonne la capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil ;

Condamne M. [A] [P] à payer à Mme [C] [N] la somme de 2500 EUR en application de l'article 700 du code de procédure civile devant la cour d'appel ;

Condamne Mme [C] [N] à payer à Mme [M] [F] la somme de 1000 EUR en application de l'article 700 du code de procédure civile devant la cour d'appel ;

Condamne M. [A] [P] aux dépens d'appel.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Riom
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19/01975
Date de la décision : 11/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-11;19.01975 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award