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11/10/2022 | FRANCE | N°18/00846

France | France, Cour d'appel de Riom, 1ère chambre, 11 octobre 2022, 18/00846


COUR D'APPEL

DE RIOM

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE







Du 11 octobre 2022

N° RG 18/00846 - N° Portalis DBVU-V-B7C-E7G4

-LB- Arrêt n° 461



SOCIETE MUTUELLE D ASSURANCE DU BATIMENT ET DES TR AVAUX PUBLICS (SMABTP) / Compagnie d'assurances AIG EUROPE LIMITED, Société ALLIANZ BENELUX NV



Jugement au fond, origine Tribunal de Grande Instance de CLERMONT-FERRAND, décision attaquée en date du 06 Mars 2018, enregistrée sous le n° 16/02476



Arrêt rendu le MARDI ONZE OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX




COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

M. Philippe VALLEIX, Président

M. Daniel ACQUARONE, Conseiller

Mme Laurence BEDOS, C...

COUR D'APPEL

DE RIOM

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

Du 11 octobre 2022

N° RG 18/00846 - N° Portalis DBVU-V-B7C-E7G4

-LB- Arrêt n° 461

SOCIETE MUTUELLE D ASSURANCE DU BATIMENT ET DES TR AVAUX PUBLICS (SMABTP) / Compagnie d'assurances AIG EUROPE LIMITED, Société ALLIANZ BENELUX NV

Jugement au fond, origine Tribunal de Grande Instance de CLERMONT-FERRAND, décision attaquée en date du 06 Mars 2018, enregistrée sous le n° 16/02476

Arrêt rendu le MARDI ONZE OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

M. Philippe VALLEIX, Président

M. Daniel ACQUARONE, Conseiller

Mme Laurence BEDOS, Conseiller

En présence de :

Mme Céline DHOME, greffier lors de l'appel des causes et Mme Marlène BERTHET, greffier lors du prononcé

ENTRE :

SOCIETE MUTUELLE D'ASSURANCE DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS (SMABTP)

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Maître Jérôme LANGLAIS de la SCP LANGLAIS GENEVOIS & ASSOCIES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND et par Maître Guillaume RODIER, avocat au barreau de PARIS

Timbre fiscal acquitté

APPELANTE

ET :

Compagnie d'assurances AIG EUROPE LIMITED venant dans les droits de la Compagnie AIG EUROPE (NETHERLANDS) NV

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Maître Sébastien RAHON, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND et par Maître Benjamin DUFRAICHE substituant Maître Christophe ADRIEN, avocat au barreau de PARIS

Timbre fiscal acquitté

Société ALLIANZ BENELUX NV

Coolsingel 139 3012 AG

ROTTERDAM - PAYS BAS

Représentée par Maître Sophie LACQUIT, avocat au barreau de CLERMONT- FERRANDet par Maître Maureen HENRY de la SELARL AMSTEL & SEINE, avocat au barreau de PARIS

Timbre fiscal acquitté

INTIMEES

DÉBATS : A l'audience publique du 29 août 2022

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 11 octobre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par M. VALLEIX, président et par Mme BERTHET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE, ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Courant 2010, M. [E] [O] et Mme [B] [N] ont confié à la société Systèmes Solaires des travaux d'installation de douze panneaux photovoltaïques de marque Scheuten sur la toiture de leur habitation située à [Localité 4] (03) pour un montant de 18'000 euros HT, suivant facture du 21 juin 2010.

Par courrier recommandé en date du 26 juin 2012, la société Systèmes Solaires a informé M. [E] [O] et Mme [B] [N] de la nécessité de mettre les panneaux hors tension en raison d'un risque d'incendie lié à un vice du matériel, plus précisément des boîtiers de jonction de marque Solexus équipant les modules solaires.

Par ordonnance de référé rendue par le président du tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand le 22 janvier 2014 au contradictoire de la société Systèmes Solaires, M. [E] [O] et Mme [B] [N] ont obtenu l'organisation d'une mesure d'expertise, confiée à M.[Y].

Sur assignation de la Société Mutuelle d'Assurance du Bâtiment et des Travaux Publics (SMABTP), les opérations d'expertise ont été étendues notamment à la société AIG Europe Limited, assureur de la société Scheuten Solar Holding, fabricant des panneaux solaires, à la société Alrack BV, fabricant des boîtiers de connexion et à son assureur, la société Allianz Nederland Corporate, devenue ensuite Allianz Benelux NV.

Les travaux de remplacement des panneaux, financés par la SMABTP, sont intervenus le 28 octobre 2014, alors que l'expertise était toujours en cours.

M.[Y] a déposé son rapport le 23 décembre 2014.

Par actes d'huissier délivrés les 27 et 30 mai 2016, M. [E] [O] et Mme [B] [N] ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand la société Systèmes Solaires et son assureur, la SMABTP, pour obtenir leur condamnation in solidum au paiement de diverse sommes en réparation de leur préjudice de pertes d'exploitation.

Par assignation délivrée le 13 septembre 2016, la SMABTP a appelé en cause la société AIG Europe Limited, la société Allianz Benelux NV, maître [A] [H], ès qualités de liquidateur à la faillite de la société Scheuten Solar Holding, et maître [L] [U], ès qualités de liquidateur à la faillite de la société Alrack BV.

Par jugement du 6 mars 2018, le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand a statué en ces termes :

- Met la compagnie Allianz Benelux NV et la compagnie AIG Europe Limited hors de cause ;

-Condamne in solidum la société Systèmes Solaires et la SMABTP à payer à M. [E] [O] et Mme [B] [N] la somme de 4556,81 euros au titre des pertes de vente de consommation électrique pendant la durée de l'arrêt de l'installation ;

-Dit que la SMABTP pourra opposer à la société Systèmes Solaires ainsi qu'à M. [E] [O] et Mme [B] [N] la franchise contractuelle applicable en matière de garantie facultative  ;

-Condamne in solidum la société Systèmes Solaires et la SMABTP à payer à M. [E] [O] et Mme [B] [N] la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

-Condamne la SMABTP à payer à la compagnie AIG Europe Limited la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

-Condamne la SMABTP à payer à la compagnie Allianz Benelux NV la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

-Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

-Condamne in solidum la société Systèmes Solaires et la SMABTP aux dépens qui comprendront ceux de la procédure de référé et les frais d'expertise ;

-Dit que les dépens pourront être directement recouvrés par la SCP Basset & Associés ;

-Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision.

La SMABTP a relevé appel de cette décision par déclaration électronique du 19 avril 2018 à l'égard de la société Allianz Benelux NV et de la société AIG Europe Limited, limitant son recours aux chefs du jugement :

- Ayant mis la compagnie Allianz Benelux NV et la compagnie AIG Europe Limited hors de cause ;

- L'ayant condamnée à payer à la compagnie AIG Europe Limited la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- L'ayant condamnée à payer à la compagnie Allianz Benelux NV la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance rendue le 4 avril 2019, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné le sursis à statuer dans l'attente de l'issue des pourvois en cassation déposés par les assureurs d'installateurs de panneaux photovoltaïques à l'encontre de deux arrêts de la cour d'appel de Limoges et d'un arrêt de la cour d'appel d'Orléans ayant fait application de la règle néerlandaise de suspension des paiements.

La Cour de cassation s'est prononcée sur les pourvois dirigés contre les arrêts de la cour d'appel de Limoges par deux arrêts du 19 décembre 2019, et sur le pourvoi dirigé contre l'arrêt de la cour d'appel d'Orléans par arrêt du 8 juillet 2021.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 2 juin 2022.

Vu les conclusions en date du 24 janvier 2022 aux termes desquelles la SMABTP demande à la cour de :

Confirmer partiellement le jugement et y ajouter,

-Sur la responsabilité des fabricants,

pour ce qui concerne la société Alrack BV,

- Confirmer le jugement en ce qu'il a retenu que la société Alrack BV avait commis une faute engageant sa responsabilité délictuelle,

Y ajoutant,

Vu l'article 1245-17 du code civil,

- Dire et juger que la responsabilité du fait des produits défectueux, fondement de sa responsabilité, est également engagée ;

Pour ce qui concerne la société Scheuten Solar System BV,

-Confirmer le jugement en ce qu'il a retenu que la société Scheuten Solar System BV a vendu les panneaux solaires litigieux à la société Systèmes Solaires et a de ce fait engagé sa responsabilité du fait des vices cachés ;

Y ajoutant,

Vu l'article 1245-17 du code civil,

- Dire que la responsabilité de la société Scheuten Solar System BV du fait des produits défectueux, fondement autonome de sa responsabilité, est également engagée,

Infirmer partiellement le jugement,

Sur les garanties de la compagnie Allianz Benelux NV,

- Dire et Juger que les garanties de la compagnie Allianz Benelux NV pour les pertes d'exploitation sont mobilisables ;

Sur les garanties de la compagnie AIG Europe SA,

- Dire que la clause d'exclusion 4.4.3 est nulle et de nul effet ;

- Juger que les garanties de la compagnie AIG Europe SA sont mobilisables pour l'indemnisation des pertes d'exploitation générées par la mise à l'arrêt de l'installation :

- En application du volet responsabilité générale, la clause d'exclusion 4.4.3 devant être écartée ;

- En application de la clause C15 « préjudices financiers », les pertes d'exploitation du fait de la mise à l'arrêt de l'installation du fait de sa dangerosité constituant des dommages financiers causés aux tiers ;

Par conséquent

- Dire que les garanties de la compagnie AIG Europe SA pour les pertes d'exploitation sont parfaitement mobilisables ;

Vu l'article L. 121-12 et L. 124-3 du code des assurances,

- Condamner in solidum les compagnies Allianz Benelux NV et AIG Europe SA à la garantir de toute somme mise à sa charge ;

- Débouter la compagnie AIG Europe SA de sa demande de suspension des paiements ;

Subsidiairement, si la cour devait faire droit à la suspension des paiements :

- Suspendre le paiement des sommes dues par AIG Europe SA pendant une durée maximum de 18 mois qui pourra être réduite si l'assureur est à même de déterminer avant sa fin le montant de toutes les réparations qui lui sont réclamées au titre de ce dommage sériel et de procéder aux paiements mis à sa charge ;

- Débouter Allianz Benelux NV de toute demande reconventionnelle pour procédure abusive, parfaitement injustifiée ;

- Condamner in solidum Allianz Benelux NV et AIG Europe SA à lui payer la somme de 8000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner in solidum AIG Europe SA et Allianz Benelux NV aux dépens d'appel que maître [V] [K] pourra recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Vu les conclusions en date du 19 mai 2022 aux termes desquelles la société Allianz Benelux NV demande à la cour de :

-Confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand en ce qu'il l'a mise hors de cause et en ce qu'il a condamné la SMABTP à lui régler la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

-En conséquence débouter la SMABTP et AIG de toutes leurs demandes à son encontre ;

Subsidiairement, prononcer l'interdiction de tout paiement par ses soins dans l'attente de la fixation définitive des réclamations des victimes (et demandeurs en garantie) éligibles à la couverture de la police Allianz Benelux NV, afin de pouvoir fixer définitivement le montant dû, sur une base de prorata ;

-Condamner la SMABTP (et tous autres demandeurs à son encontre) à lui payer la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

-Condamner la SMABTP aux entiers dépens.

Vu les conclusions en date du 16 mai 2022 de la société AIG Europe SA, venant aux droits de la société AIG Europe Limited, aux termes desquelles il est demandé à la cour de :

A titre liminaire, sur la fusion absorption de la société AIG Europe Limited par la société AIG europe SA :

- Prendre acte de la fusion absorption de la société AIG Europe Limited par la société AIG Europe SA, laquelle vient désormais aux droits de la société absorbée ;

En conséquence,

- Recevoir la compagnie AIG Europe SA en son intervention volontaire, sans reconnaissance de responsabilité ni de garantie et sous les plus expresses réserves, en lieu et place de la compagnie AIG Europe Limited, prise en sa succursale néerlandaise ;

I ' À titre principal, sur la confirmation du jugement du 6 mars 2018 en ce qu'il a :

' d'une part, mis hors de cause la société AIG Europe Limited du fait de la non-application des garanties de la police AIG n° 70.08.2229 :

- Juger que la société Scheuten Solar Holding BV a souscrit une police de droit néerlandais auprès de la compagnie AIG Europe (Netherland) NV, dans les droits de laquelle vient désormais la compagnie AIG Europe Limited, prise en son établissement néerlandais sis [Adresse 3] - Pays- Bas ;

- Juger que la loi applicable à la police AIG n° 70.08.2229 est la loi néerlandaise ;

- Juger que les conditions et exclusions de la police AIG Europe n° 70.08.2229 sont

opposables à la SMABTP et à la société Allianz Benelux NV ;

- Juger que la police AIG n° 70.08.2229 exclut les dommages aux biens livrés par l'assuré

ou sous sa responsabilité (article 4.4.1) ;

- Juger que la police AIG Europe n° 70.08.2229 exclut les pertes d'exploitation consécutives à la non-livraison ou la livraison insuffisante d'énergie (articles G.24 et 4.4.3 et C.15) et que par conséquent le coût relatif aux pertes de production consécutives aux désordres allégués et à l'arrêt de l'installation, d'un montant de 4.556,81 euros n'est pas garanti ;

En conséquence,

- Confirmer le jugement du 6 mars 2018 en ce qu'il a :

- jugé que les demandes dirigées à l'encontre de la compagnie AIG Europe Limited se heurtaient aux exclusions de garantie de la police AIG n° 70.08.2229 ;

- Mis hors de cause la compagnie AIG Europe Limited, dans les droits de laquelle vient désormais la société AIG Europe SA ;

- Rejeter toutes demandes dirigées contre la compagnie AIG Europe SA ;

- Mettre purement et simplement hors de cause la compagnie AIG Europe SA ;

' d'autre part, juger que la société Alrack BV a engagé sa responsabilité exclusive en sa qualité de concepteur et fabricant des boîtiers de jonction Solexus :

- Juger que le sinistre survenu a pour origine les boîtiers de connexion conçus et fabriqués par la société Alrack ;

- Juger que la responsabilité exclusive de la société Alrack BV est engagée, en sa qualité de concepteur et fabricant desdits boitiers de connexion mis en cause équipant les panneaux photovoltaïques Scheuten ;

En conséquence,

- Confirmer le jugement du 6 mars 2018 en ce qu'il a jugé que la société Alrack BV a engagé sa responsabilité exclusive dans la survenance des désordres subis par Mme et M. [O] ;

II ' A titre subsidiaire, sur l'application du plafond de garantie et la règle néerlandaise de suspension des paiements :

- Juger que la police AIG Europe n° 70.08.2229 limite le montant de la garantie des préjudices financiers à la somme de 1.000.000 euros ;

- Juger que le « sinistre Scheuten » constitue un sinistre sériel dont le montant global sera notablement supérieur au plafond de garantie stipulé au contrat ;

- Juger qu'en l'état, le montant global du « sinistre sériel Scheuten» n'est pas établi ;

- Juger qu'au regard de la loi néerlandaise, la société AIG Europe Limited se trouve contrainte de suspendre le paiement des indemnités pouvant être réclamées par des tiers jusqu'à ce que la part proportionnelle de chaque tiers lésé soit établie ;

En conséquence,

- Autoriser la compagnie AIG Europe SA, prise en sa succursale néerlandaise, à suspendre le paiement de l'indemnité au titre des préjudices allégués, jusqu'à ce que la part proportionnelle de chaque victime du sinistre sériel soit établie ;

III ' A titre plus subsidiaire encore, sur l'appel en garantie de la société AIG Europe à l'encontre de la compagnie Allianz Benelux :

- Juger acquises les garanties de la société Allianz Benelux, ès qualités d'assureur de la société Alrack BV ;

En conséquence,

- Infirmer partiellement le jugement du 6 mars 2018 en ce qu'il a jugé que les exclusions de garantie invoquées par la société Allianz NV étaient applicables ;

Et statuant à nouveau,

- Condamner la société Allianz Benelux NV, ès qualités d'assureur de la société Alrack BV, à relever et garantir la société AIG Europe SA de toute éventuelle condamnation qui qui serait mise à sa charge ;

- Débouter la compagnie Allianz Benelux de toutes ses demandes dirigées à l'encontre de la compagnie AIG Europe SA ;

En tout état de cause :

- Condamner tout succombant à lui verser la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de maître Rahon ;

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions susvisées pour l'exposé complet des prétentions respectives des parties et de leurs moyens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il sera rappelé, à titre liminaire, qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile « la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif » et que les demandes de « constater que... » ou de « dire et juger que...», ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions, au sens des articles 4, 5, 31 et 954 du code de procédure civile, mais des moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions.

-Sur l'intervention volontaire à la procédure de la société AIG Europe SA :

Il convient de constater que la société AIG Europe SA vient désormais aux droits de la société AIG Europe Limited et intervient volontairement à la procédure.

-Sur les désordres affectant l'installation photovoltaïque litigieuse :

Il est acquis aux débats que la défectuosité de l'installation photovoltaïque litigieuse s'inscrit dans le cadre plus large d'un sinistre sériel concernant la commercialisation des modules Scheuten dans plusieurs pays européens et que de nombreux litiges sont encore actuellement en cours.

Il est établi également par les extraits de rapports d'expertise déposés dans le cadre d'autres procédures, communiqués de part et d'autre devant la cour, que les désordres constatés sur les panneaux Scheuten proviennent de la défectuosité des boîtiers de connexion fabriqués par la société Alrack, montés en sous face des panneaux solaires, et sont dus en particulier à un défaut de jonction sur le pôle positif des cartes électroniques des boîtiers entraînant à terme un échauffement susceptible d'engendrer un départ de feu.

Dans le cadre de la présente action, l'expert [Y], qui a déposé son rapport le 23 décembre 2014, a pu constater que deux boîtiers étaient détériorés, l'un présentant les traces d'un départ de brûlure, avec un « circuit bruni autour du pôle +, » l'autre étant complètement détruit, avec un « pôle + brûlé ».

Il conclut son rapport en indiquant : « Les défauts sur les boîtiers de connexion constituent un désordre avéré. La défaillance d'un boîtier dans un string (chaîne de panneaux accordés en série) suffit pour perturber la production totale de ce string. Nous avons une perte de production immédiate sur l'installation. Dans le cas relevé, ce défaut apporte de plus un risque d'incendie comme les photos des boîtiers le prouvent.

Le défaut est localisé au niveau du contact entre la languette de la carte imprimée et le connecteur de liaison entre panneaux. Plus précisément, le défaut est localisé sur la languette de la borne positive. Le boîtier Alrack, de type Solexus, est en cause dans l'arrêt de l'installation. »

L'expert explique en page 21 de son rapport que si une solution de réparation des boîtiers Alrack existe, celle-ci n'est pas envisageable, alors que le remplacement de carte n'est possible que dans le cas d'un boîtier intact, ce qui n'est pas le cas en l'occurrence puisqu'un boîtier brûlé a été retrouvé, ce qui implique impérativement le remplacement du panneau concerné, mais encore de tous les panneaux, l'installation devant être composée de panneaux de marque identique.

Il précise en conclusion de son rapport que le remplacement des panneaux a été effectué le 28 octobre 2014 et que la production est à nouveau effective depuis cette date.

-Sur la responsabilité de la société Systèmes Solaires et le montant du préjudice au titre des pertes de production :

La responsabilité de la société Systèmes Solaires, assurée par la SMABTP, a été retenue envers M. [O] et Mme [B] [N], en application de la garantie des vices cachés prévue par les articles 1641 et suivants du code civil, et il n'est pas relevé appel du chef du jugement ayant condamné in solidum sur ce fondement la société et l'assureur à leur payer la somme de 4556,81 euros au titre des pertes de consommation électrique pendant la période d'arrêt de l'installation.

-Sur les demandes en garantie formées par la SMABTP à l'égard des assureurs des sociétés Alrack BV et Scheuten :

La SMABTP ès qualités d'assureur de la société Systèmes Solaires, recherche, sur le fondement de l'action directe prévue par l'article L. 124-3 du code des assurances, la garantie, au titre de la prise en charge des pertes de production, de la compagnie AIG Europe SA, assureur de la société Scheuten, fabricant des panneaux solaires, et celle de la compagnie Allianz Benelux NV, assureur de la société Alrack, fabricant des boîtiers défectueux, ce qui impose dans un premier temps l'analyse de la responsabilité de la société Alrack et de la société Scheuten dans la survenue des désordres affectant l'installation.

Il conviendra dans un second temps d'examiner l'argumentation des parties intimées quant aux conditions de mobilisation de la garantie réclamée à chaque compagnie, au regard des polices souscrites.

-Sur la responsabilité des sociétés Scheuten et Alrack :

La SMABTP conclut à la responsabilité de la société Scheuten sur le fondement de la garantie des vices cachés, en application de l'article 1641 du code civil, et sur le fondement des dispositions de l'article 1386-1 ancien du code civil, devenu 1245, spécifiques à la responsabilité du fait des produits défectueux. Elle conclut également à la responsabilité de la société Alrack d'une part sur le fondement délictuel, d'autre part sur le fondement des dispositions de l'article 1386-1 ancien du code civil.

Contrairement à ce qu'indique la compagnie AIG Europe SA, le tribunal n'a pas retenu la responsabilité exclusive de la société Alrack dans la survenue des désordres. En effet, le premier juge a également, dans les motifs de la décision, considéré que la société Scheuten « [engageait] sa responsabilité au titre des vices cachés » relevant encore que cela n'était pas contesté par son assureur.

En outre, si le tribunal a mis hors de cause la compagnie AIG Europe SA et la compagnie Allianz Benelux NV, considérant que leur garantie ne pouvait être mobilisée au regard des stipulations des polices souscrites, aucun chef du jugement ne statue spécifiquement sur la responsabilité des sociétés Alrack et Scheuten, qui n'a été examinée par le premier juge que pour les besoins de l'analyse des recours entre assureurs.

Le jugement ne saurait en conséquence être « confirmé » en ce qu'il a « jugé que la société Alrack a engagé sa responsabilité exclusive dans la survenance des désordres », ainsi que le réclame la compagnie AIG Europe SA, en dénaturant les motifs du jugement, ni en ce qu'il a « retenu que la société Alrack avait commis une faute engageant sa responsabilité délictuelle » et jugé que « la société Scheuten Solar a (...) engagé sa responsabilité du fait des vices cachés », ainsi que le réclame la SMABTP, en l'absence de chef du jugement ayant statué sur ces points, étant rappelé que les motifs d'un jugement ne sont pas décisoires.

Il ne saurait davantage être « ajouté » au jugement, comme le réclame la SMABTP, s'agissant de la demande de déclaration de responsabilité des sociétés Alrack et Scheuten, ce, quel que soit le fondement juridique invoqué. En effet, ces prétentions étaient déjà présentées devant le premier juge, qui n'a pas statué sur ces points, et la cour ne peut dès lors réparer cette omission de statuer, hors la présence des liquidateurs de ces deux sociétés, non intimés, et alors en outre que la cour n'est saisie par l'effet de l'appel limité diligenté par la SMABTP que des chefs du jugement ayant mis les compagnie Allianz Benelux NV et AIG Europe Limited hors de cause.

Dans ces conditions, la cour, dans le cadre de sa saisine, ne peut examiner la question de la responsabilité de ces sociétés qu'afin de se prononcer sur le recours en garantie de la SMABTP à l'égard de leurs assureurs.

Il convient d'observer que les fondements juridiques invoqués par l'appelante, s'agissant de la responsabilité des société Alrak et Scheuten, le sont sans précision quant à leur ordre d'examen par la cour, les prétentions étant présentées sans formulation d'une demande principale et d'une demande subsidiaire.

Or, si en application de l'article 1245-17 du code civil, les dispositions applicables à la responsabilité du fait des produits défectueux ne portent pas atteinte aux droits dont la victime d'un dommage peut se prévaloir au titre du droit de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle ou au titre d'un régime spécial de responsabilité, telles la garantie des vices cachés ou la faute, à la condition que les régimes de responsabilité invoqués reposent sur une faute distincte du défaut de sécurité du produit, pour autant cette option entre le régime spécial de responsabilité du fait des produits défectueux et d'autres régimes de responsabilité ne peut conduire à une reconnaissance de responsabilité pour un même fait dommageable sur deux fondements juridiques distincts.

Eu égard d'une part au caractère d'ordre public des dispositions applicables en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, qui imposent dans leur domaine d'application la mise en 'uvre exclusive du régime de responsabilité institué, d'autre part à l'interprétation donnée par la Cour de cassation de l'article 1386-18 ancien du code civil, devenu l'article 1245-17, reprenant l'article 13 de la directive 85/374/ CEE, il convient d'examiner les prétentions prioritairement sous l'angle de la responsabilité du fait des produits défectueux.

Devant la cour, la compagnie AIG Europe SA conteste désormais la responsabilité de son assurée, estimant que la société Alarck, qui avait selon elle une totale liberté dans la conception des boîtiers et de leurs différents composants, est seule responsable des désordres survenus. Elle ne présente pas d'argumentation sur l'applicabilité au litige des dispositions relatives à la responsabilité du fait des produits défectueux.

La compagnie Allianz Benelux NV conteste quant à elle la responsabilité de son assurée en soutenant que la mission de cette dernière était limitée à une tâche de réalisation-exécution sans possibilité d'initiative dans la conception, qu'elle n'avait aucune autonomie et n'a agi que sur instruction de la société Scheuten, et sous sa surveillance.

Par ailleurs, elle estime que les dispositions relatives à la responsabilité du fait des produits défectueux sont inapplicables à la société Alrak alors qu'elles ne peuvent concerner que les dommages aux biens autres que le produit défectueux lui-même, en l'espèce pour son assurée, les boîtiers de connexion, et encore que celle-ci n'aurait pas « mis en circulation un produit » au sens de l'article 1386-5 ancien du code civil. Elle invoque enfin l'exonération de responsabilité prévue par l'article 1386-11 ancien du code civil.

En application de l'article 1386-1 du code civil : « Le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu'il soit ou non lié par un contrat avec la victime. »

Selon l'article 1386-2 ancien du même code, « Les dispositions du présent titre s'appliquent à la réparation du dommage qui résulte d'une atteinte à la personne.

Elles s'appliquent également à la réparation du dommage supérieur à un montant déterminé par décret [ndr : 500 euros], qui résulte d'une atteinte à un bien autre que le produit défectueux lui-même.»

L'article 1386-3 ancien du code civil dispose :

« Est un produit tout bien meuble, même s'il est incorporé dans un immeuble, y compris les produits du sol, de l'élevage, de la chasse et de la pêche. L'électricité est considérée comme un produit. »

Aux termes de l'article 1386-4 ancien du même code :

« Un produit est défectueux au sens du présent titre lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre.

Dans l'appréciation de la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, il doit être tenu compte de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l'usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation.

Un produit ne peut être considéré comme défectueux par le seul fait qu'un autre, plus perfectionné, a été mis postérieurement en circulation. »

L'article 1386-5 ancien du code civil prévoit :

« Un produit est mis en circulation lorsque le producteur s'en est dessaisi volontairement.

Un produit ne fait l'objet que d'une seule mise en circulation. »

L'hypothèse d'un dommage causé par le défaut d'un produit incorporé dans un autre est envisagée dans les termes suivants par l'article 1386-8 ancien du code civil :

« En cas de dommage causé par le défaut d'un produit incorporé dans un autre, le producteur de la partie composante et celui qui a réalisé l'incorporation sont solidairement responsables.»

Enfin, la responsabilité de plein droit du fait des produits défectueux s'applique sous réserve des causes d'exonération définies par l'article 1386-11 ancien du code civil, applicable dans les rapports entre le producteur et la victime du dommage :

« Le producteur est responsable de plein droit à moins qu'il ne prouve :

1° Qu'il n'avait pas mis le produit en circulation ;

2° Que, compte tenu des circonstances, il y a lieu d'estimer que le défaut ayant causé le dommage n'existait pas au moment où le produit a été mis en circulation par lui ou que ce défaut est né postérieurement ;

3° Que le produit n'a pas été destiné à la vente ou à toute autre forme de distribution ;

4° Que l'état des connaissances scientifiques et techniques, au moment où il a mis le produit en circulation, n'a pas permis de déceler l'existence du défaut ;

5° Ou que le défaut est dû à la conformité du produit avec des règles impératives d'ordre législatif ou réglementaire.

Le producteur de la partie composante n'est pas non plus responsable s'il établit que le défaut est imputable à la conception du produit dans lequel cette partie a été incorporée ou aux instructions données par le producteur de ce produit. »

En l'espèce, les modules solaires fabriqués par la société Scheuten sont des produits qui n'offrent pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, alors qu'ils incorporent des boîtiers de connexion susceptibles, par échauffement, de provoquer un incendie des bâtiments équipés d'une installation photovoltaïque. Les boîtiers de connexion dont la défectuosité est mise en cause ont été fabriqués par la société Alrack.

Contrairement à ce que soutient la compagnie Allianz Benelux, la société Alrak a bien mis en circulation les boîtiers de connexion défectueux, dès lors qu'ils sont sortis du processus de fabrication pour être intégrés aux modules solaires fabriqués par la société Scheuten, étant précisé que la notion de mise en circulation ne se confond pas avec celle de mise du produit sur le marché.

Par ailleurs, le dommage visé par les dispositions spécifiques sur la responsabilité du fait des produits défectueux est celui qui résulte d'une atteinte à la personne ou à un bien autre que le produit lui-même. En conséquence, n'échappent à ces dispositions que les dommages causés au produit défectueux lui-même, lesquels relèvent du droit commun, ce qui n'est pas le cas en l'espèce alors qu'il est demandé réparation des dommages économiques découlant de la défectuosité des produits, en l'espèce les pertes d'exploitation subies M. [O] et Mme [N], indemnisés par la SMABTP, et qui constituent des dommages extérieurs aux produits eux-mêmes, réparables dans le cadre de la responsabilité de plein droit des articles 1386-1 et suivants du code civil.

Les société Scheuten et Alrack, producteurs, ont ainsi l'une et l'autre mis en circulation un produit défectueux au sens de l'article 1386-4 ancien du code civil.

S'agissant du rôle respectif de la société Alrak et de la société Scheuten, la lecture du contrat liant les parties révèle que la société Alrak était chargée de façon exclusive de la conception (« design », mot non traduit dans l'exemplaire du contrat soumis à la cour), la construction et la production du système, la société Scheuten étant quant à elle tenue de fournir à la société Alrack la documentation sur les connecteurs mâles et femelles 8 points. (Article 2.1)

Il peut être relevé également que l'article 4.1 prévoyait que tous les droits de propriété (intellectuelle ou industrielle par ex: brevets) relatifs aux connecteurs mâle et femelle 8 points appartenaient à Scheuten, tandis que l'article 4.2 précisait : « Sans préjudice des dispositions de l'article 4.1, les parties reconnaissent expressément qu' Alrack bénéficie des droits existants et futurs, des droits de propriété intellectuelle, titres et intérêts, relatifs au système de raccordement Solexus, aux résultats de la conception (« design » mot non traduit dans l'exemplaire du contrat remis à la cour), de la construction de la protection du système ainsi qu'au savoir-faire qui en dépend ».

L'article 7.1 prévoyait encore : « Alrack déclare et garantit à Scheuten que ses employés et sous-traitants sont suffisamment qualifiés techniquement pour réaliser le « design » (conception), le développement, l'ingénierie, la construction du système et que celui-ci soit conforme aux normes et aux attentes spécifiées par les parties et décrites dans le contrat. »

Il ressort ainsi de l'accord des parties que la société Alrack avait en charge la conception, le développement, l'ingénierie et la mise en place du système de raccordement Solexus.

Par ailleurs, si les courriels échangés entre la société Scheuten et la société Alrack entre 2007 et 2010 démontrent l'existence d'échanges réguliers en ce qui concerne tant la conception que la fabrication des boîtiers, il ne résulte pas de leur analyse que la société Alrack, qui a elle-même à plusieurs reprises suggéré des modifications et améliorations des produits, se comportait comme un simple exécutant agissant sur ordre dans la conception et la fabrication des boîtiers.

Il ressort en réalité de l'ensemble des pièces soumises à la cour, à savoir la convention liant les parties, les échanges de courriels, mais également les nombreux extraits de rapports d'expertise communiqués, qui mettent notamment en cause les économies réalisées dans le choix des matériaux mis en 'uvre pour fabriquer les boîtiers, que la société Alrack a développé son propre produit, ce en étroite collaboration avec la société Scheuten, qui est elle-même intervenue activement à tous les stades de la conception technique et avait en outre un devoir de vérification du produit fini assemblé.

En conséquence, la compagnie Allianz ne peut opposer à la SMABTP aucune des causes d'exonération prévues par l'article 1386-11 du code civil en faveur de la société Alrack.

La responsabilité solidaire des sociétés Alrack et Scheuten est donc engagée sur le fondement des articles 1386-1 et suivants du code civil du fait des produits défectueux qu'elles ont produits et mis en circulation.

Par ailleurs, s'agissant de la contribution à la dette entre les sociétés Alrak et Scheuten, co-responsables du dommage dont il est demandé réparation, il ne ressort des développements précédents aucun élément permettant de considérer qu'un partage inégal de responsabilité serait justifié au regard de leurs fautes respectives dans le processus de conception et fabrication du produit fini défectueux mis en circulation. Ainsi, leur responsabilité au titre des produits défectueux est engagée dans les rapports entre elles à par parts égales.

-Sur la garantie de la SMABTP par la compagnie d'assurance AIG Europe SA, assureur de la société Scheuten :

La compagnie AIG Europe SA est l' assureur responsabilité civile de la société Scheuten en vertu d'un contrat souscrit le 28 octobre 2008. (Police AIG n° 70. 08. 2229)

Il est constant que si l'action directe contre l'assureur du responsable est régie, en matière de responsabilité contractuelle comme en matière de responsabilité quasi délictuelle, par la loi du lieu du dommage, le régime juridique de l'assurance est soumis à la loi du contrat, en l'espèce la loi néerlandaise, en application de l'article 14 des conditions générales de la police souscrite.

Toutefois, en application de l'article L. 181-3 du code des assurances, les dispositions d'ordre public de la loi française sont applicables quelle que soit la loi régissant le contrat. Il en va ainsi notamment des dispositions encadrant les exclusions de garantie qui, en vertu de l'article L. 113-1 du code des assurances, doivent être formelles et limitées et, en application de l'article L. 112-4 du même code, doivent être mentionnées en caractères très apparents. En outre, leur application ne doit pas aboutir à vider le contrat de sa substance.

Il sera observé en premier lieu que dans le cadre de la présente procédure, les réclamations de la SMABTP concernent uniquement la garantie au titre des pertes de production d'électricité durant l'arrêt de l'installation photovoltaïque.

La compagnie AIG Europe SA oppose notamment à cette demande une des exclusions prévues par l'article 4.4. des conditions générales « Bien livrés et/ou activités réalisées », qui prévoit qu'est « exclue de l'assurance la responsabilité pour :

4.4.1 des dommages à des biens livrés par l'assuré ou sous sa responsabilité

4.4.2 des dommages et des frais en rapport avec :

4.4.2.1 le remplacement, la correction, la réparation ou le rappel de bien livrés par l'assuré ou sous sa responsabilité, sauf à ce que les frais de rappel puissent être considérés comme des frais au sens visé à l'article 1.7 ;

4.4.2.2 la réalisation à nouveau en tout ou partie d'activités réalisées ou de prestations fournies par l'assuré ou sous sa responsabilité ;

4.4.2.3 toutes autres prestations se substituant aux dispositions figurant dans les articles 4.4.2.1 et 4.4.2.2 ;

4.4.3 des dommages et des frais procédant de l'impossibilité d'utiliser (de façon adéquate) des biens livrés ou au niveau desquels les activités ont été réalisées, et ce quelle que soit la personne ayant subi le préjudice et la personne ayant exposé les frais ».

La SMABTP considère que l'application l'article 4.4., en toutes ses déclinaisons, doit être écartée alors que la clause d'exclusion qu'elle définit ne serait conforme ni aux dispositions d'ordre public du code des assurances, ni au droit néerlandais relatif à l'interprétation des contrats, qui n'est pas codifié, mais relève des règles définies par la jurisprudence, tel qu'il en est justifié par la production d'un certificat de coutume établi par maître Alexandra Schluep, avocate néerlandaise. Ce certificat de coutume décrit en substance un régime similaire à celui résultant du code de la consommation, comportant en particulier des exigences de clarté et de précision des clauses susceptibles de limiter l'indemnisation de l'assuré.

De son côté, la compagnie AIG Europe SA produit un certificat de coutume, établi par un avocat du cabinet néerlandais Nautadutilh, qui estime pour sa part qu'il n'existe « aucune indication de circonstances qui pourraient en l'espèce faire prospérer une invocation du caractère déraisonnable ou de l'effet restrictif du caractère raisonnable » des clauses de la police souscrite.

La lecture de l'article 4.4. des conditions générales permet de constater que les clauses d'exclusion considérées sont formelles et limitées et qu'elles laissent dans le champ de la garantie de l'assureur de nombreux dommages, de sorte qu'il ne peut être considéré qu'elles conduiraient à vider la garantie de sa substance. Par ailleurs l'article 4.4 est inséré de façon apparente au sein des conditions générales au paragraphe intitulé « Article 4'exclusions, limitations et inclusions spéciales », titre écrit en caractères gras et souligné. Enfin, ces clauses sont au contraire extrêmement précises, ce qui certes induit une certaine complexité de la lecture, ce qui ne peut toutefois être assimilé à un manque de clarté des stipulations.

La compagnie AIG Europe SA oppose ainsi à la demande relative à la perte de production l'article 4.4.3 dont les termes sont rappelés ci-dessus, et la clause G.24 des conditions particulières de la police, ainsi libellée :

« G. 24 Exclusion de la non livraison ou de la livraison insuffisante d'énergie :

La responsabilité au titre d'un préjudice et/ou de frais'ainsi que le préjudice en découlant'du fait de l'absence de transport ou du transport insuffisant d'énergie solaire par des produits en verre/des panneaux solaires livrés par l'assuré ou sous sa responsabilité ».

De son côté la SMABTP soutient que les pertes d'exploitation sont prises en charge en application de l'article C.15 des conditions particulières, ainsi libellé :

« C.15. Préjudice financier

En complément de l'article 1.6 des conditions générales d'assurance, la présente assurance couvre également la responsabilité des assurés pour les dommages affectant le seul patrimoine subis par des tiers.

Par « dommages affectant le seul patrimoine», on entend un préjudice autre qu'un préjudice en conséquence de dommages aux biens ou de dommages aux personnes, dans le cas où les produits livrés par l'assuré ne peuvent pas être utilisés convenablement, sous réserve que les produits livrés puissent être considérés comme défectueux.

Le montant assuré pour un préjudice tel que défini dans la présente clause s'élève à 1 000 000 euros maximum par réclamation et par année d'assurance ; ce montant sera considéré comme faisant partie du montant assuré mentionné sur la couverture de la police.

(')

Ne sont pas couvertes les demandes d'indemnisation au titre de dommages affectant le seul patrimoine en conséquence :

(') De la perte d'argent ou d'effets mobiliers causée de quelque façon que ce soit »

La SMABTP estime que la finalité de cette garantie est précisément de couvrir les dommages immatériels engendrés par la défectuosité du produit, et que l'article G.24, qui ne peut selon elle concerner que le préjudice réclamé du fait d'une moindre production des panneaux, et non pas celui résultant de la mise à l'arrêt de l'installation en raison d'un défaut du produit, ne saurait faire obstacle à l'application de l'article C.15, sauf à vider celui-ci de son contenu.

Cependant, il apparaît que la clause G.24 des conditions particulières excluant de la garantie « la responsabilité au titre d'un préjudice et/ou de frais - ainsi que le préjudice en découlant - du fait de l'absence de transport ou du transport insuffisant d'énergie solaire par des produits en verre / des panneaux solaires livrés par l'assuré ou sous sa responsabilité », ne distingue pas selon la cause de l'absence ou de l'insuffisance de transport d'énergie.

Il ne peut en conséquence être considéré que l'application de cette clause serait limitée aux cas dans lesquels l'absence de transport ou le transport insuffisant seraient liés à un problème de performance de l'installation, hors défectuosité du produit, sauf à en dénaturer les termes clairs et précis.

Par ailleurs, contrairement à ce qui est soutenu, le rapprochement de cette clause avec la clause C.15 ne crée aucune ambiguïté, cette dernière posant le principe général de la garantie des pertes financières dans l'hypothèse où les produits livrés par l'assuré ne peuvent pas être utilisés convenablement, en raison d'une défectuosité, alors que la clause G.24 constitue précisément une exception au principe posé à la clause C.15, dans toutes les hypothèses d'insuffisance ou d'absence de production d'énergie électrique par les panneaux solaires quelle qu'en soit la cause, étant rappelé encore que l'article 4.4.3 des conditions générales exclut de l'assurance la responsabilité des dommages et des frais procédant de l'impossibilité d'utiliser (de façon adéquate) des biens livrés ou au niveau desquels les activités ont été réalisées, et ce quelque soit la personne ayant subi le préjudice et la personne ayant exposé les frais.

Les clauses d'exclusion prévues au contrat devant recevoir application, le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a mis hors de cause la compagnie AIG Europe SA.

-Sur la garantie de la SMABTP par la compagnie d'assurance Allianz Benelux NV, assureur de la société Alrack :

La compagnie Allianz Benelux NV est l' assureur responsabilité civile de la société Alrack en vertu d'un contrat souscrit le 1er janvier 2007. (Police 603 76 55 04-5)

Il est n'est pas discuté que la loi applicable au litige opposant la SMABTP à la compagnie d'assurances Allianz Benelux NV, à savoir celle du contrat, est en l'espèce la loi néerlandaise, en application de l'article 9 des conditions générales de la police souscrite.

Dans le cadre de la présente procédure les réclamations de la SMABTP concernent uniquement la garantie au titre des pertes de production d'électricité durant l'arrêt de l'installation photovoltaïque.

La compagnie Allianz Benelux NV dénie sa garantie, considérant qu'en l'absence de preuve de dommages autres qu'aux boîtiers Solexus, le sinistre n'est pas couvert.

L'article 2.1 des conditions générales de la police souscrite précise, s'agissant du champ de la couverture :

« Est assurée la responsabilité des assurés pour le dommage subi par des tiers en relation avec un acte ou un manquement, dans le respect des conditions applicables selon la police et les rubriques assurées. »

L'article 1.7.2 des conditions générales du contrat d'assurance souscrit par la société Alrack BV définit de la façon suivante le « dommage matériel » indemnisable :

« L'endommagement, la destruction ou la perte de biens appartenant à des tiers, y compris le dommage en découlant. Est également considéré comme dommage matériel, la pollution ou la salissure de biens ou la présence de substances étrangères sur, ou dans ces biens ».

L'article 3.5 de la police, « biens livré/prestation de service fournie » inséré à l'article 3, relatif aux exclusions et inclusions particulières est ainsi libellé :

« Non couvertes sont les demandes d'indemnisation de :

3.5.1. dommages à des biens livrés par ou sous la responsabilité de l'assuré. »

L'article 3.5.3 précise que « les exclusions telles que décrites aux points 3.5.1 à 3.5.3 trouvent à s'appliquer, y compris aux dommages résultant de l'impossibilité d'utiliser (correctement) les biens livrés ou traités, quelle que soit la personne qui a subi le dommage ou engagé les frais »

En l'espèce, l'installation photovoltaïque a été mise à l'arrêt le 17 juillet 2012, de manière préventive, avant tout départ de feu. L'expert a constaté l'endommagement de deux boîtiers de connexion, et, contrairement à ce que soutient la SMABTP, les panneaux solaires eux-mêmes n'ont pas subi de dommages. Si l'expert a préconisé le remplacement de l'intégralité des panneaux solaires, et pas seulement celui des panneaux dont les boîtiers de connexion étaient endommagés suite à un échauffement, afin que l'installation soit composée de panneaux de la même marque, pour autant il ne peut être considéré que les panneaux, certes inutilisables au regard de la solution de remise en état mise en 'uvre, étaient « endommagés » au sens de la police souscrite, alors qu'ils ne présentaient aucune trace de détérioration.

C'est en conséquence à bon droit que le premier juge a considéré que la garantie de la compagnie Allianz Benelux NV n'était pas mobilisable. Le jugement sera confirmé sur ce point.

- Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Le jugement sera confirmé sur les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur des compagnies AIG Europe SA et Allianz Benelux NV.

La SMABTP sera condamnée aux dépens d'appel. Elle sera également condamnée à payer, au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour, la somme de 2000 euros à la compagnie AIG Europe SA et la somme de 2000 euros à la compagnie Allianz Benelux NV.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement et contradictoirement, dans les limites de l'appel,

Constate que la société AIG Europe SA vient désormais aux droits de la société AIG Europe Limited et qu'elle intervient volontairement à la procédure devant la cour d'appel ;

Confirme le jugement entrepris en ses dispositions soumises à la cour, par substitution de motifs ;

Condamne la Société Mutuelle d'Assurances du Bâtiment et des Travaux Publics aux dépens d'appel, cette condamnation étant assortie au profit de maître [R] du droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision, en application de l'article 699 du code de procédure civile ;

Condamne la Société Mutuelle d'Assurances du Bâtiment et des Travaux Publics à payer à la société AIG Europe SA la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la Société Mutuelle du Bâtiment et des Travaux Publics à payer à la société Allianz Benelux NV la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Riom
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18/00846
Date de la décision : 11/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-11;18.00846 ?
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