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04/10/2022 | FRANCE | N°18/01927

France | France, Cour d'appel de Riom, Chambre sociale, 04 octobre 2022, 18/01927


04 OCTOBRE 2022



Arrêt n°

FD/NB/NS



Dossier N° RG 18/01927 - N° Portalis DBVU-V-B7C-FCFA



[X] [N] [U]



/



[V]

[E]

Arrêt rendu ce QUATRE OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :



M. Christophe RUIN, Président



Mme Karine VALLEE, Conseiller



Mme Frédérique DALLE, Conseiller



En présence de Mme Nadia BELAROUI greffier lors des débat

s et du prononcé et de Mme Manon MONEDIERES, greffier stagiaire.



ENTRE :



Mme [X] [N] [U]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me PETIT, avocat supléant Me Lionel DUVAL, avoca...

04 OCTOBRE 2022

Arrêt n°

FD/NB/NS

Dossier N° RG 18/01927 - N° Portalis DBVU-V-B7C-FCFA

[X] [N] [U]

/

[V]

[E]

Arrêt rendu ce QUATRE OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :

M. Christophe RUIN, Président

Mme Karine VALLEE, Conseiller

Mme Frédérique DALLE, Conseiller

En présence de Mme Nadia BELAROUI greffier lors des débats et du prononcé et de Mme Manon MONEDIERES, greffier stagiaire.

ENTRE :

Mme [X] [N] [U]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me PETIT, avocat supléant Me Lionel DUVAL, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2018/011035 du 07/12/2018 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de CLERMONT-FERRAND)

APPELANTE

ET :

M. [V] [E], commerçant exerçant sous l'enseigne commerciale LE DERAILLEUR, immatriculée au RCS de Clermont-Ferrand sous le numéro 482 405 842

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Me REFOUVELET, avocat suppléant Me Olivier TOURNAIRE de la SELARL TOURNAIRE - MEUNIER, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

INTIME

Après avoir entendu, Mme DALLE, Conseiller en son rapport, les représentants des parties à l'audience publique du 27 Juin 2022, la Cour a mis l'affaire en délibéré, Monsieur le Président ayant indiqué aux parties que l'arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

Madame [X]-[N] [U] a été embauchée en qualité de serveuse par Monsieur [V] [E] exploitant le restaurant LE DÉRAILLEUR à [Localité 2], suivant contrat à durée déterminée du 18 février au 13 avril 2014, puis du 14 avril au 13 octobre 2014.

La relation contractuelle s'est ensuite poursuivie dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à temps partiel à compter du 14 octobre 2014.

Par courrier du 23 février 2015, l'employeur a convoqué Madame [U] à un entretien préalable au prononcé éventuel d'une sanction disciplinaire, fixé au 3 mars 2015.

À la suite de cet entretien, et par lettre du 6 mars 2015, Madame [U] a été convoquée à un entretien préalable au prononcé éventuel d'une mesure de licenciement, fixé au 16 mars suivant, et mise à pied à titre conservatoire.

Par courrier en date du 20 mars 2015, Madame [U] a été licenciée pour faute grave.

Le 20 mars 2015, par requête expédiée en recommandé, Madame [U] a saisi le conseil de prud'hommes de CLERMONT-FERRAND aux fins notamment de voir obtenir la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de son employeur, produisant les effets d'un licenciement nul, la requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat à temps plein, ainsi que la condamnation de l'employeur au règlement des indemnités de rupture et de diverses sommes à titre de dommages et intérêts, mais également au paiement de sommes à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires.

Le 1er mars 2016 , le bureau de jugement du conseil de prud'hommes de CLERMONT-FERRAND a ordonné la radiation de l'instance du rang des affaires en cours. Cette affaire a ensuite été réinscrite le 6 novembre 2017 sur demande de Madame [U].

Par jugement contradictoire en date du 4 septembre 2018 (audience du 29 mai 2018), le conseil de prud'hommes de CLERMONT-FERRAND a :

- jugé recevables mais en partie infondées les demandes formulées par Madame [U] ;

- condamné Monsieur [E] à payer à Madame [U] les sommes suivantes :

* 200 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de visite médicale à l'embauche,

* 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- jugé que le licenciement de Madame [U] est parfaitement fondé ;

- jugé que Monsieur [E] a respecté l'ensemble des obligations critiquées ;

- en conséquence, débouté Madame [U] de toutes ses autres demandes ;

- débouté Monsieur [E] de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné Monsieur [E] aux entiers frais et dépens de l'instance.

Le 1er octobre 2018, Madame [U] a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié à sa personne le 6 septembre 2018.

Parallèlement, Madame [U] a déposé une plainte avec constitution de partie civile entre les mains de Monsieur le procureur de la république du tribunal de grande instance de CLERMONT-FERRAND le 8 janvier 2019.

Par arrêt rendu le 10 septembre 2019, la chambre sociale de la cour d'appel de RIOM a:

- ordonné le sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale en cours suite à la plainte déposée par Madame [U] pour rédaction et usage de faux attestations ;

- dit que l'instance, dont le cours est suspendu par l'effet du sursis à statuer, sera poursuivie à l'issue du sursis à la demande de la partie la plus diligente.

Le parquet a classé sans suite la procédure pénale instiguée par Madame [U] et a délivré copie de l'enquête.

Vu les conclusions notifiées à la cour le 16 avril 2021 par Madame [U],

Vu les conclusions notifiées à la cour le 10 juin 2021 par Monsieur [E],

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 30 mai 2022.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières écritures, Madame [U] demande à la cour de :

- déclarer Madame [U] recevable et bien fondée en son appel ;

- y faire droit ;

Subsidiairement et au cas où la cour ne retiendrait pas l'exception de procédure :

- Reformer le jugement du conseil de Prud'hommes de CLERMONT FERRAND du 4 septembre 2018 , en ses parties non contraires à ses écritures ;

- requalifier ses contrats de travail en contrat à temps complet;

A titre principal :

- prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur ;

- juger que la résiliation judiciaire du contrat de travail produit les effets d'un licenciement nul et subsidiairement sans cause réelle et sérieuse ;

A titre subsidiaire :

- juger que le licenciement pour faute grave intervenu le 20 mars 2015 est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Dans tous les cas et en conséquence :

- condamner Monsieur [E] à verser les sommes suivantes :

* 7,277,66 euros à titre de rappel de salaire sur temps complet, outre 727, 76 euros au titre des congés payés afférents,

* 8.173,20 euros à titre de garantie forfaitaire pour travail dissimulé,

* 1 500,00 euros au titre de l'absence de visite médicale d'embauche,

* 1500 euros pour défaut d'information et de formation à la sécurité,

* 10.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination,

* 1500 euros à titre de dommages et intérêts pour mise à pied injustifiée et discriminatoire,

* 272,44 euros à titre d'indemnité de licenciement,

* 1 362,20 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 10.000 euros à titre de dommages et intérêts peur licenciement nul et subsidiairement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

* 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- exécution provisoire pour toutes les demandes qui ne le sont pas de droit ;

- intérêts de droit à compter de la demande avec capitalisation des intérêts conformément aux règles légales ;

- condamner Monsieur [E] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Madame [U] soutient tout d'abord que dès le commencement de l'exécution de son premier contrat à durée déterminée, elle a été placée dans une incertitude quant à la durée exacte de son temps de travail et à la répartition de celui-ci sur la semaine ou le mois. Elle indique en effet que ses contrats de travail ne mentionnent pas les modalités de ses horaires de travail. Elle sollicite ainsi la requalification de ses contrats de travail à temps partiel en temps plein, depuis le 18 février 2014. Elle ajoute qu'elle effectuait de nombreuses heures supplémentaires non rémunérées et non prévues au contrat. Il ajoute que les nombreuses heures non rémunérées non pas été déclarées, ce qui constitue du travail dissimulé.

Elle soutient ensuite qu'elle n'a jamais été soumise à une visite médicale d'embauche et conclut à la confirmation du jugement entrepris sur ce point.

Sur le défaut de formation et d'adaptation à l'emploi occupé, elle soutient n'avoir jamais suivi de formation pour son poste et que dès lors, l'employeur a violé son obligation de résultat.

Madame [U] soutient ensuite que la mise à pied infligée et la procédure de licenciement qui a été engagée à son encontre ont été motivées uniquement par son état de grossesse. Elle indique que l'employeur ne produit aucun élément de nature à démontrer que sa décision n'a pas été prise en raison de son état de grossesse. Elle fait valoir une attestation de Madame [R] qui démontre la discrimination dont elle a été victime. Elle conclut à la réformation du jugement entrepris sur ce point. Elle sollicite en outre l'annulation de la mise à pied du 6 mars 2015.

Elle soutient ensuite que les manquements de l'employeur, à savoir le non-paiement et la non-déclaration d'un certain nombre d'heures supplémentaires et des faits de discrimination en raison de son état de grossesse, sont de nature à entraîner la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur, qui produit les effets d'un licenciement nul. Elle en sollicite les conséquences indemnitaires et financières.

A titre subsidiaire, elle soutient que l'employeur ne démontre absolument pas les allégations contenues dans la lettre de licenciement. En conséquence, elle affirme que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Dans ses dernières écritures, Monsieur [E] demande à la cour de :

A titre principal :

- confirmer le jugement du conseil des prud'hommes du 4 septembre 2018 en toutes ses dispositions ;

Sur la demande de résiliation du contrat de travail :

- débouter Madame [U] de sa demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail, dès lors qu'il n'existe aucun manquement grave de l'employeur, empêchant la poursuite du contrat de travail ;

- débouter Madame [U] de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions ;

Sur le licenciement :

- juger que le licenciement de Madame [U] repose sur une faute grave ;

- débouter Madame de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions ;

Y ajoutant :

- infirmer le jugement du conseil des prud'hommes du 4 septembre 2018 en ce qu'il l'a condamné à verser à Madame [U], la somme de 200,00 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de visite médicale d'embauche ;

En tout état de cause :

- condamner Madame [U] à lui payer et porter la somme de 500,00 euros au titre de son préjudice de réputation ;

- condamner Madame [U] à lui payer et porter la somme de 2 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Madame [U] dépens de l'instance, en ce comprenant le coût du procès-verbal de maître [K] d'un montant de 336,09 euros ;

A titre subsidiaire :

Sur les demandes financières au titre des prétendus manquements :

- constater l'absence de gravité des manquements allégués ;

En conséquence :

- débouter Madame [U] de sa demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail ;

- réduire à de plus juste proportion les demandes de Madame [U] si un manquement était retenu, seul le premier contrat de travail pouvant encourir la critique ;

Sur le licenciement, si la cause réelle et sérieuse était retenue:

- dire et juger que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et réduire les demandes de Madame [U], compte tenu notamment de son salaire mensuel, d'un montant de 850,00 euros brut;

En tout état de cause :

- condamner Madame [U] à lui payer et porter la somme de 500,00 euros au titre de son préjudice de réputation ;

A titre infiniment subsidiaire :

- réduire les demandes de Madame [U] à de plus juste proportion, sur le fondement de l'article L.1235-5 du code du travail;

En tout état de cause :

- condamner Madame [U] à lui payer et porter la somme de 500,00 euros au titre de son préjudice de réputation.

Monsieur [E] soutient que la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail est injustifiée, en l'absence de manquement imputable à l'employeur.

En effet, il indique notamment que la salariée ne rapporte pas la preuve qu'elle a effectué des heures supplémentaires et affirme apporter des éléments de nature à démontrer que Madame [U] était employée selon des horaires fixes qui ne variaient pas et qui correspondaient à la répartition telle que visée dans les contrats de travail. Il précise que le délit de travail dissimulé ne saurait être en conséquence retenu.

Il ajoute que Madame [U] n'apporte jamais la preuve d'une prétendue discrimination liée à son état de grossesse. Il indique verser une attestation du cuisinier du restaurant qui démontre l'absence de discrimination. Il précise que la cause des tensions avec Madame [U]

sont les retards récurrents de la salariée et qu'il n'est pas contestable que le motif du licenciement de la salariée repose sur son comportement agressif envers son employeur. Il explique que les accusations de Madame [U] ont gravement porté atteinte à sa réputation et sollicite une somme de 500 euros en réparation de son préjudice.

Sur la formation à la sécurité, il soutient qu'il n'existe aucun manquement de l'employeur. Il explique que la salariée avait une expérience en qualité de serveuse, qu'il était affiché dans le restaurant les consignes relatives à la sécurité et que Madame [U] n'argue d'aucun préjudice.

Sur l'absence de visite médicale, il affirme que ce manquement ne faisait pas obstacle à la poursuite du contrat de travail et qu'en conséquence la résolution judiciaire du contrat de travail ne peut être fondée sur un tel grief.

Au regard de ces éléments, il conclut à la confirmation du jugement entrepris, en ce qu'il a rejeté la demande de Madame [U] tendant à la résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Monsieur [E] soutient que le licenciement pour faute grave de Madame [U] est parfaitement fondé. Il indique que les faute reprochées à la salariée dans la lettre du licenciement sont confirmées par diverses attestations, notamment du chef de cuisine et d'une cliente. Il fait valoir que ces attestations démontrent le comportement très agressif de Madame [U] à son encontre. Il estime ainsi démontrer l'exactitude et la gravité des faits ayant fondés le licenciement. Il conclut, au regard de ces éléments, au débouté de Madame [U] de l'ensemble de ses demandes.

A titre subsidiaire, il soutient que si des manquements étaient reconnus, la cour ne pourra que constater qu'ils ne justifient pas une résiliation judiciaire du contrat de travail et que le licenciement pour faute grave était justifié.

Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions, moyens et arguments des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux dernières conclusions régulièrement notifiées et visées.

MOTIFS

- Sur l'exécution du contrat de travail -

- Sur la réqualification du contrat à temps partiel en contrat à temps plein -

Est considéré comme salarié à temps partiel le salarié dont la durée du travail est inférieure :

1° A la durée légale du travail ou, lorsque cette durée est inférieure à la durée légale, à la durée du travail fixée conventionnellement pour la branche ou l'entreprise ou à la durée du travail applicable dans l'établissement ;

2° A la durée mensuelle résultant de l'application, durant cette période, de la durée légale du travail ou, si elle est inférieure, de la durée du travail fixée conventionnellement pour la branche ou l'entreprise ou de la durée du travail applicable dans l'établissement ;

3° A la durée de travail annuelle résultant de l'application durant cette période de la durée légale du travail, soit 1607 heures, ou, si elle est inférieure, de la durée du travail fixée conventionnellement pour la branche ou l'entreprise ou de la durée du travail applicable dans l'établissement.

Le contrat de travail à temps partiel doit être écrit et comporter les mentions obligatoires suivantes :

- la qualification du salarié ;

- les éléments de rémunération ;

- la durée du travail ;

- la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois (sauf pour les salariés des associations et entreprises d'aide à domicile et les salariés relevant d'un accord collectif qui en dispense l'employeur) ;

- les conditions de la modification de la répartition de la durée du travail ;

- les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié (dans les associations et entreprises d'aide à domicile, les horaires de travail sont communiqués par écrit chaque mois au salarié), mais pas les horaires de travail eux-mêmes ;

- les limites d'accomplissement des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée par le contrat (volume contractuel d'heures complémentaires).

Le contrat de travail à temps partiel doit mentionner la durée hebdomadaire ou mensuelle du travail prévue ainsi que la répartition de cette durée entre les jours de la semaine ou les semaines du mois (L. 3123-6). À défaut, le contrat de travail est présumé conclu à temps complet et l'employeur est passible d'une amende pénale. Il s'agit toutefois d'une présomption simple que l'employeur peut combattre en apportant la preuve contraire.

La durée hebdomadaire ou mensuelle du travail fixée par le contrat de travail doit respecter une durée minimale et être inférieure au temps plein.

L'employeur est tenu de fournir au salarié le volume de travail prévu et, à défaut, le salarié resté à la disposition de son employeur a droit à la rémunération contractuelle.

En cas de temps partiel dans un cadre mensuel, il est possible de prévoir une répartition inégale de la durée du travail entre les différentes semaines du mois, y compris une organisation comportant des semaines à temps complet et des semaines non travaillées, à condition que la répartition se répète d'un mois sur l'autre.

Les salariés à temps partiel ne sont pas soumis à l'horaire collectif de l'entreprise ou de l'établissement. Ils doivent être informés par écrit (remise de plannings, par exemple) de leurs horaires de travail pour chaque journée travaillée. Le contrat de travail n'a pas à mentionner les horaires de travail journaliers mais doit préciser les modalités d'information du salarié sur ce point.

La requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet est encourue si le salarié démontre qu'il doit travailler selon des horaires journaliers dont il n'a pas eu préalablement connaissance, ce qui lui impose de rester en permanence à la disposition de l'employeur.

Le contrat de travail à temps partiel peut être à durée indéterminée ou à durée déterminée. Dans le second cas, le contrat de travail doit en outre respecter les règles propres aux contrats à durée déterminée.

À défaut d'écrit ou de mention de la durée du travail de référence (durée hebdomadaire ou mensuelle / ou en cas de mention d'une durée de travail variable), de la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois (sauf cas où cette mention n'est pas obligatoire), de non-respect des mentions contractuelles sur la durée et la répartition du temps de travail, le contrat de travail est présumé conclu à temps complet. Il s'agit toutefois d'une présomption simple que l'employeur peut combattre en apportant la preuve contraire.

Pour renverser la présomption de travail à temps complet, l'employeur doit, d'une part, apporter la preuve de la durée exacte, hebdomadaire ou mensuelle, de travail convenue avec le salarié et, d'autre part, établir que le salarié peut prévoir son rythme de travail et qu'il n'a pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur. Cette double preuve doit être rapportée par l'employeur même si le salarié peut refuser des missions ou exerce une autre activité professionnelle lui imposant des contraintes horaires.

La requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet se fait sur la base de la durée légale du travail, ou de la durée conventionnelle si elle est inférieure. L'employeur est alors tenu au paiement d'un rappel de salaire et de congés payés sur la base d'un temps complet même si le salarié a exercé d'autres activités professionnelles, et/ou pris un congé sans solde.

Madame [U] soutient que dès le commencement de l'exécution de son premier contrat à durée déterminée, elle a été placée dans une incertitude quant à la durée exacte de son temps de travail et à la répartition de celui-ci sur la semaine ou le mois. Elle indique en effet que ses contrats de travail ne mentionnaient pas les modalités de ses horaires de travail. Elle sollicite ainsi la requalification de ses contrats de travail à temps partiel en temps plein depuis le 18 février 2014. Elle ajoute qu'elle effectuait de nombreuses heures supplémentaires non rémunérées et non prévues au contrat.

Monsieur [E] répond que la salariée ne rapporte pas la preuve qu'elle a effectué des heures supplémentaires et affirme apporter des éléments de nature à démontrer que Madame [U] était employée selon des horaires fixes qui ne variaient pas et qui correspondaient à la répartition telle que visée dans les contrats de travail.

En l'espèce, Madame [X]-[N] [U] a été embauchée en qualité de serveuse par Monsieur [V] [E] exploitant le restaurant LE DÉRAILLEUR à [Localité 2], suivant contrat à durée déterminée du 18 février au 13 avril 2014, puis du 14 avril au 13 octobre 2014.

La relation contractuelle s'est ensuite poursuivie dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à temps partiel à compter du 14 octobre 2014.

Il résulte de la lecture des contrats de travail successifs les éléments suivants:

- le contrat de travail à durée déterminée du 18 février 2014 au 13 avril 2014 précise que la salariée doit effectuer 10,50 heures de travail hebdomadaires ;

- le contrat de travail à durée déterminée du 14 avril 2014 au 13 octobre 2014 fait état du fait que la salariée doit effectuer 18 heures de travail par semaine réparties en 3 heures par jour du lundi au samedi ;

- le contrat de travail à durée indéterminée en date du 14 octobre 2014 prévoit une durée de travail de 24 heures par semaine réparties en 3 heures par jour les lundi, mardi et mercredi et de 7 heures 30 par jour les jeudi et vendredi.

Ainsi, il convient de relever que le premier contrat de travail à durée déterminée en date du 18 février 2014 ne mentionne pas la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine.

En outre, les deux contrats de travail à durée déterminée en date du 18 février 2014 et du 14 avril 2014 ne comportent pas les mentions suivantes:

- les conditions de la modification de la répartition de la durée du travail ;

- les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié ;

- les limites d'accomplissement des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée par le contrat.

Cependant, ces dernières mentions figurent bien dans le contrat de travail à durée indéterminée en date du 14 octobre 2014, lequel ne comporte aucune autre irrégularité.

Dès lors, les deux contrats de travail à durée déterminée en date du 18 février 2014 et du 14 avril 2014 sont présumés conclus à temps complet.

Il s'agit toutefois d'une présomption simple que l'employeur peut combattre en apportant la preuve contraire.

Pour renverser la présomption de travail à temps complet, l'employeur doit, d'une part, apporter la preuve de la durée exacte, hebdomadaire ou mensuelle, de travail convenue avec le salarié et, d'autre part, établir que le salarié peut prévoir son rythme de travail et qu'il n'a pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur. Cette double preuve doit être rapportée par l'employeur même si le salarié peut refuser des missions ou exerce une autre activité professionnelle lui imposant des contraintes horaires.

En réponse, l'employeur établit, notamment par la production d'extraits de la page Facebook du restaurant, le Dérailleur, que jusqu'en octobre 2014, le restaurant n'ouvrait que pour le service du midi.

Il s'ensuit que lors de l'exécution du deuxième contrat de travail à durée déterminée en date du 14 avril 2014, la salariée disposait d'une durée de travail effective et prévisible consistant en 3 heures de travail par jour, du lundi au samedi, à l'occasion du service du midi, ce qui est suffisant pour renverser la présomption simple que le contrat de travail était à temps complet.

Cependant, l'employeur n'apporte aucun élément de preuve s'agissant du premier contrat de travail à durée déterminée du 18 février 2014 au 13 avril 2014, lequel précise seulement que la salariée doit effectuer 10,50 heures de travail hebdomadaires, sans aucune autre indication sur la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine.

Dès lors, il convient d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté Madame [X]-[N] [U] de sa demande de voir requalifier les contrats de travail à temps partiel en contrats de travail à temps complet et, statuant à nouveau, de requalifier le seul contrat de travail à temps partiel et à durée déterminée du 18 février 2014 au 13 avril 2014 en contrat de travail à temps complet.

Il convient également d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté Madame [X]-[N] [U] de sa demande de rappel de salaire sur temps complet et, statuant à nouveau, au vu des éléments d'appréciation dont la cour dispose, de condamner Monsieur [V] [E] à payer à Madame [X]-[N] [U] la somme de 640 euros à titre de rappel de salaire, outre 64 euros au titre des congés payés afférents.

- Sur le travail dissimulé -

Aux termes de l'article L. 8221-5 du code du travail : 'Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur : 1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ; 2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ; 3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.'.

Est donc réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait notamment pour tout employeur de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la déclaration préalable à l'embauche, ou de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner intentionnellement sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, ou

de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

Le travail dissimulé suppose un élément intentionnel de la part de l'employeur en ce qu'il a voulu dissimuler, en tout ou partie, un emploi salarié dans le cadre des omissions précitées. L'existence de l'élément intentionnel est apprécié souverainement par le juge du fond.

En cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours en violation de l'interdiction de travail dissimulé, que ce soit par dissimulation d'activité ou d'emploi salarié, a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire, même si la durée de la relation de travail a été moindre, à moins que l'application d'autres règles légales ou de stipulations conventionnelles ne conduise à une situation plus favorable pour le salarié. L'indemnité forfaitaire est due quels que soient la qualification ou le mode de la rupture du contrat de travail (licenciement, démission, fin de contrat à durée déterminée, rupture amiable...) et sans nécessité d'une condamnation pénale préalable de l'employeur. L'élément intentionnel est toutefois requis pour une condamnation à l'indemnité forfaitaire dont l'allocation relève de la compétence exclusive du juge prud'homal.

Cette indemnité est cumulable, depuis un arrêt de la chambre sociale de la cour de cassation du 6 février 2013, avec les indemnités de toute nature auxquelles le salarié a droit en cas de rupture de la relation de travail (indemnité de préavis, de congés payés, de licenciement sans cause réelle et sérieuse, de requalification d'un CDD en CDI, de non-respect de la procédure de licenciement'), ainsi qu'avec l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement.

La cour a déjà retenu que le contrat de travail à temps partiel et à durée déterminée du 18 février 2014 au 13 avril 2014 devait être requalifié en contrat de travail à temps complet et a condamné, sur ce fondement, Monsieur [V] [E] à payer à Madame [X]-[N] [U] la somme de 640 euros à titre de rappel de salaire, outre 64 euros au titre des congés payés afférents.

Cependant, il échet de constater que la société justifie de l'existence d'un contrat de travail et produit l'intégralité des bulletins de salaire de la salariée.

Ainsi, la preuve de l'intention de l'employeur de détourner les règles sociales et fiscales en dissimulant le travail de la salariée n'est pas rapportée.

Il convient de confirmer le jugement de première instance et de débouter la salariée de sa demande d'indemnisation au titre d'un prétendu travail dissimulé.

- Sur la discrimination en raison de l'état de grossesse et la mise à pied discriminatoire -

Aux termes de l'article L.1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L.3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap.

Selon l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses mesures d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations:

- constitue une discrimination directe la situation dans laquelle sur le fondement de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion,

ses convictions, son âge, son handicap, son orientation sexuelle ou de son sexe, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable,

- constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d'entraîner, pour l'un des motifs précités, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés,

- la discrimination inclut tout agissement lié à l'un des motifs précités et tout agissement à connotation sexuelle, subis par une personne et ayant pour objet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement hostile, dégradant humiliant ou offensant.

L'article L.1134-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Lorsque le salarié présente des éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Madame [U] fait valoir que la mise à pied infligée et la procédure de licenciement qui a été engagée à son encontre ont été motivées uniquement par son état de grossesse. Elle indique que l'employeur ne produit aucun élément de nature à démontrer que sa décision n'a pas été prise en raison de son état de grossesse. Elle fait valoir une attestation de Madame [R] qui démontre la discrimination dont elle a été victime. Elle conclut à la réformation du jugement entrepris sur ce point. Elle sollicite en outre l'annulation de la mise à pied du 6 mars 2015.

Madame [U] demande sur ce fondement la condamnation de son employeur à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts au regard de la discrimination dont elle aurait été victime, outre 1.500 euros de dommages et intérêts pour mise à pied injustifiée et discriminatoire.

Monsieur [E] réplique que Madame [U] n'apporte jamais la preuve d'une prétendue discrimination liée à son état de grossesse. Il indique verser une attestation du cuisinier du restaurant qui démontre l'absence de discrimination. Il précise que la cause des tensions avec Madame [U] sont les retards récurrents de la salariée.

En l'espèce, par courrier du 23 février 2015, l'employeur a convoqué Madame [U] à un entretien préalable au prononcé éventuel d'une sanction disciplinaire, fixé au 3 mars 2015.

À la suite de cet entretien, et par lettre du 6 mars 2015, Madame [U] a été convoquée à un entretien préalable au prononcé éventuel d'une mesure de licenciement, fixé au 16 mars suivant, et mise à pied à titre conservatoire.

Madame [U] produit en cause d'appel, soit plus de six ans après les faits, une attestation de Madame [R] dont il résulte que Monsieur [E], au moment de l'embaucher, lui aurait indiqué qu'il venait de 'virer une serveuse' qui était tombée enceinte et qu'il ne voulait pas embaucher une personne susceptible de connaître la même situation.

De son côté, l'employeur s'appuie sur les éléments recueillis au cours de l'enquête pénale, laquelle a fait l'objet d'un classement sans suite, dont il ressort par plusieurs témoignages que l'état de grossesse de la salariée était déjà connu depuis plusieurs semaines avant les faits et que l'employeur n'avait jamais fait preuve auprès d'autres employés d'une attitude discriminatoire en raison d'un état de grossesse.

En l'absence de tout autre élément de preuve, hormis une attestation unique et produite tardivement, rapportant des propos prétendument tenus plusieurs années auparavant, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté Madame [U] de sa demande de dommages et intérêts au regard de la discrimination dont elle aurait été victime ainsi que de sa demande de dommages et intérêts pour mise à pied injustifiée et discriminatoire.

- Sur l'absence de visite médicale -

Aux termes de l'article R.4624-16 du code du travail, selon les diverses dispositions applicables au moment du litige, le salarié bénéficie d'examens médicaux périodiques par le médecin du travail.

Madame [U] affirme qu'elle n'a jamais été soumise à une visite médicale d'embauche et conclut à la confirmation du jugement entrepris sur ce point.

Sur l'absence de visite médicale, Monsieur [E] affirme que ce manquement ne faisait pas obstacle à la poursuite du contrat de travail et qu'en conséquence la résolution judiciaire du contrat de travail ne peut être fondée sur un tel grief.

En l'espèce, il est constant que Madame [U] n'a jamais bénéficié d'une visite médicale, ni à l'occasion de son embauche, ni par la suite.

Cependant, alors que la Cour de cassation a abandonné la notion de préjudice nécessaire depuis 2016, il échet de relever que la salariée ne verse aucune pièce attestant de l'existence d'un préjudice spécifique à ce titre, et notamment aucun avis ou certificat médical quelconque.

Au vu de ces éléments, le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a condamné Monsieur [V] [E] à payer à Madame [X]-[N] [U] la somme de 200 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de visite médicale d'embauche et, statuant à nouveau, la cour déboute Madame [X]-[N] [U] de sa demande de dommages et intérêts pour absence de visite médicale d'embauche.

- Sur l'absence d'information et de formation à la sécurité -

Aux termes de l'article L.4141-1 du code du travail, 'l'employeur organise et dispense une information des travailleurs sur les risques pour la santé et la sécurité et les mesures prises pour y remédier.

Il organise et dispense également une information des travailleurs sur les risques que peuvent faire peser sur la santé publique ou l'environnement les produits ou procédés de fabrication utilisés ou mis en oeuvre par l'établissement ainsi que sur les mesures prises pour y remédier.'

Sur le défaut de formation et d'adaptation à l'emploi occupé, Madame [U] soutient n'avoir jamais suivi de formation pour son poste et que dès lors, l'employeur a violé son obligation de sécurité.

Sur la formation à la sécurité, Monsieur [E] soutient qu'il n'existe aucun manquement de l'employeur. Il explique que la salariée avait une expérience en qualité de serveuse, qu'il était affiché dans le restaurant les consignes relatives à la sécurité et que Madame [U] n'argue d'aucun préjudice.

En l'espèce, l'employeur établit avoir affiché les consignes relatives à la sécurité des salariés dans le restaurant.

En outre, alors que la Cour de cassation a abandonné la notion de préjudice nécessaire depuis 2016, la salariée ne verse aucune pièce attestant de l'existence d'un préjudice spécifique à ce titre.

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté Madame [U] de sa demande de dommages et intérêts au titre de l'absence d'information et de formation à la sécurité.

- Sur la rupture du contrat de travail -

La requête de la salariée en résiliation judiciaire et la notification du licenciement pour faute grave étant intervenus le même jour, en l'espèce le 20 mars 2015, la cour analysera successivement la demande de la salariée puis, le cas échéant, la validité du licenciement pour faute grave.

- Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail -

Le salarié peut demander au juge prud'homal la résiliation judiciaire de son contrat de travail s'il estime que l'employeur manque à ses obligations.

L'action en résiliation judiciaire du contrat de travail, qui ne constitue pas une prise d'acte de la rupture, ne met pas fin au contrat de travail et implique la poursuite des relations contractuelles dans l'attente de la décision du juge du fond.

Si les manquements de l'employeur invoqués par le salarié sont suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail, le juge prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail, et donc la rupture de celui-ci aux torts de l'employeur, au jour de sa décision, sauf si le contrat de travail a déjà été interrompu et que le salarié n'est plus au service de son employeur.

En matière de résiliation judiciaire du contrat de travail, la prise d'effet ne peut être fixée qu'à la date de la décision judiciaire le prononçant, dès lors qu'à cette date le contrat de travail n'a pas été rompu et que le salarié est toujours au service de son employeur.

Cette rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ou nul en cas de harcèlement ou de discrimination ou si le salarié est protégé ou si le salarié était victime

d'un accident du travail ou en cas de caractérisation d'un autre cas de nullité de la rupture.

La réalité et la gravité des manquements de l'employeur invoqués par le salarié sont souverainement appréciés par les juges du fond.

C'est au salarié de rapporter la preuve des manquements de l'employeur qu'il invoque. Les juges du fond doivent examiner l'ensemble des manquement de l'employeur invoqués par la salarié, en tenant compte de toutes les circonstances intervenues jusqu'au jour du jugement. En cas de doute sur la réalité des faits allégués, il profite à l'employeur.

En l'espèce, le 20 mars 2015, par requête expédiée en recommandé, Madame [U] a saisi le conseil de prud'hommes de CLERMONT-FERRAND aux fins notamment de voir obtenir la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de son employeur, produisant les effets d'un licenciement nul, la requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat à temps plein, ainsi que la condamnation de l'employeur au règlement des indemnités de rupture et de diverses sommes à titre de dommages et intérêts, mais également au paiement de sommes à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires.

Madame [U] soutient que les manquements de l'employeur, à savoir le non-paiement et la non-déclaration d'un certain nombre d'heures supplémentaires et des faits de discrimination en raison de son état de grossesse, sont de nature à entraîner la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur, qui produit les effets d'un licenciement nul. Elle en sollicite les conséquences indemnitaires et financières.

Si la cour a déjà retenu que le contrat de travail à temps partiel et à durée déterminée du 18 février 2014 au 13 avril 2014 devait être requalifié en contrat de travail à temps complet et a condamné, sur ce fondement, Monsieur [V] [E] à payer à Madame [X]-[N] [U] la somme de 640 euros à titre de rappel de salaire, outre 64 euros au titre des congés payés afférents, force est de constater que tous les autres manquements évoqués par la salariée ne sont pas établis.

Ce seul manquement, portant sur une somme totale de 704 euros, commis au début de la relation contractuelle, qui s'est ensuite poursuivie par deux autres contrats de travail successifs, n'est pas d'une gravité telle à empêcher la poursuite du contrat de travail.

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté Madame [U] de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail.

- Sur le licenciement pour faute grave -

Si l'employeur peut sanctionner par un licenciement un acte ou une attitude du salarié qu'il considère comme fautif, il doit s'agir d'un comportement volontaire (action ou omission). À défaut, l'employeur ne peut pas se placer sur le terrain disciplinaire. La faute du salarié correspond en général à un manquement aux obligations découlant du contrat de travail. Elle ne doit pas être prescrite, ni avoir déjà été sanctionnée.

Le code du travail ne donne aucune définition de la faute grave. Selon la jurisprudence, la faute grave se définit comme étant celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié, constituant une violation des obligations qui résultent du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et la poursuite du contrat de travail.

La faute grave suppose une action délibérée ou une impéritie grave, la simple erreur d'appréciation ou l'insuffisance professionnelle ne pouvant ouvrir droit à une sanction disciplinaire. La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et justifie la cessation immédiate du contrat de travail sans préavis, en tout cas une rupture immédiate du contrat de travail avec dispense d'exécution du préavis.

Il incombe à l'employeur d'apporter la preuve de la faute grave qu'il invoque. Le doute doit profiter au salarié.

En cas de faute grave, la mise en ouvre de la procédure de licenciement doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits fautifs, mais le maintien du salarié dans l'entreprise est possible pendant le temps nécessaire pour apprécier le degré de gravité des fautes commises.

Le licenciement pour faute grave entraîne la perte du droit aux indemnités de préavis et de licenciement. Elle peut justifier une mise à pied conservatoire, mais le prononcé d'une telle mesure n'est pas obligatoire.

En l'espèce, par courrier du 23 février 2015, l'employeur a convoqué Madame [U] à un entretien préalable au prononcé éventuel d'une sanction disciplinaire, fixé au 3 mars 2015.

À la suite de cet entretien, et par lettre du 6 mars 2015, Madame [U] a été convoquée à un entretien préalable au prononcé éventuel d'une mesure de licenciement, fixé au 16 mars suivant, et mise à pied à titre conservatoire.

Par courrier en date du 20 mars 2015, Madame [U] a été licenciée pour faute grave.

Le courrier de notification est ainsi libellé :

' Madame,

Je fais suite à la convocation à l'entretien préalable que j'avais fixé au 16 mars dernier afin de recueillir vos observations sur la sanction que j'envisageais de prendre à votre encontre, pouvant aller jusqu'au licenciement. Vous avez choisi de ne pas vous rendre à cet entretien.

Je vous rappelle que je vous avais précédemment convoquée à un entretien préalable à une éventuelle sanction le 3 mars dernier, au cours duquel j'ai recueilli vos observations, fort déroutantes, sur les faits du 16 février dernier.

Ce jour-là, après le service du déjeuner, je me suis permis de vous faire remarquer que vous étiez à nouveau en retard à l'embauche, comme tous les jours et qu'il ne m'apparaissait pas approprié, lors de votre arrivée tardive ' 12 heures au lieu de 11 heures 30, de commencer par aller vous restaurer en cuisine.

Ma remarque, pourtant adressée sur un ton aimable et dans des termes courtois, a suscité une réaction extrêmement violente de votre part.

Vous m'avez ainsi répondu : « tu ne vas pas me casser les couilles pour un bout de pain et de beurre, t'es vraiment qu'un pauvre connard ».

Je vous ai demandé de vous calmer et pour seule réponse, vous avez asséné de violents coups de pied, dans les machines derrière le comptoir et avez quitté l'établissement avant l'horaire convenu, sur ces mots : « je me casse, de toute façon tu ne peux rien contre moi, vu que je suis enceinte ».

Lors de notre entretien du 3 mars dernier, vous avez reconnu ces faits et les propos insultants, mais vous considérez qu'il s'agit d'un comportement normal, dénué de gravité, qu'il s'agit d'un « clash», qui s'explique parce que « la restauration est un métier difficile ».

Vous avez indiqué ne rien regretter, ne pas avoir à vous excuser et n'avez pas exclu de proférer de nouvelles insultes, puisque de toute façon, votre état de grossesse m'interdisait de prendre des sanctions à votre encontre'

Si le 16 février dernier ce n'était certes pas la première fois que vous réagissiez de manière disproportionnée et irrespectueuse à de simples remarques sur l'exécution de vos obligations contractuelles, la violence et les propos insultants que vous avez proférés à mon encontre ce jour-là sont simplement inacceptables.

Votre positionnement par rapport à ces faits lors de l'entretien du 3 mars dernier, votre incapacité manifeste à prendre conscience de leur gravité et à vous engager à mettre un terme à un comportement irrespectueux et insultant rendant impossible la poursuite de notre relation de travail.

J'ai tenté, vraisemblablement à tort, de me montrer compréhensif et en tout cas indulgent face à vos retards et à vos propos irrespectueux à mon égard, espérant que vous feriez des efforts, mais votre comportement s'aggrave, jusqu'à devenir inacceptable et compromettre la bonne marche de l'entreprise.

Je suis démuni face à de tels agissements et j'ai d'ailleurs alerté l'inspection du travail sur les difficultés rencontrées, étant, croyez-le ou non, sensible à votre état de grossesse, venant moi-même d'avoir un enfant.

La faute grave que je vous reproche n'a rien à voir avec cet état, mais bien avec vos propos injurieux à mon encontre qui ne se justifient en rien et à votre refus assumé de changer de comportement.

Votre absence à l'entretien préalable du 16 février dernier me laisse penser que vous restez sur votre position.

Les faits survenus le 16 février dernier, et vos explications lors de l'entretien du 3 mars dernier, qui consistent à banaliser les faits, sans la moindre prise de conscience de leur gravité, et sans reconnaître vos torts, m'obligent à vous notifier votre licenciement pour faute grave.

Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible et le licenciement prend donc effet immédiatement à réception de la présente, sans indemnité de préavis ni de licenciement. (') ».

Il ressort de la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, que l'employeur reproche a la salariée d'avoir eu un comportement insultant et agressif à son égard, outre d'avoir dégradé du matériel du restaurant, à l'occasion de la journée du 16 février 2015.

Monsieur [E] soutient que le licenciement pour faute grave de Madame [U] est parfaitement fondé. Il indique que les faute reprochées à la salariée dans la lettre du licenciement sont confirmées par diverses attestations, notamment du chef de cuisine et d'une cliente. Il fait valoir que ces attestations démontrent le comportement très agressif de Madame [U] à son encontre. Il estime ainsi démontrer l'exactitude et la gravité des faits ayant fondés le licenciement. Il conclut, au regard de ces éléments, au débouté de Madame [U] de l'ensemble de ses demandes.

En ce sens, l'employeur verse aux débats les deux attestations suivantes, attestations qui ont été confirmées par les intéressés au cours de l'enquête pénale suite au dépôt de plainte de Madame [U], cette enquête ayant fait l'objet d'un classement sans suite.

Monsieur [B] témoigne ainsi:

'Voici ce que j'ai vu le 16 février à la fin du service de midi. Il ne reste plus que quelques clients dans le bar, il est pratiquement 14h00, Mr [E] fait une remarque à [X]-[N] [[U]] sur sont retard (11h45 au lieu de 11h30) en lui disant que lorsque l'on arrive en retard, on se met vote au travail et on ne commence pas par réclamé un petit déjeuné en cuisine. Le réaction de [X] [[U]] est violente: 'tu ne vas me pas me casser les couilles pour un bout de pain et du beurre', 'tu es vraiment qu'un pauvre connard'.

Mr [E] lui demande de se calmé et de ne pas lui manquer de respect. [X]-[N] [[U]] s'énerve encore plus en criant plusieurs fois de suite: 'oui patron!', 'on le sait que c'est toi le patron'. Puis [X]-[N] [[U]] donne deux grands coup de pied dans le lave verre derrière le bar. Me [E] lui dit 'avec un tel comportement [X], je vais être obliger de te licencier'. [X]-[N] [[U]] attrape alors [ses] affaires en criant sur le pas de la porte: 'tu ne peux rien faire de tout je suis enceinte pauvre con! (...)'

Il résulte de l'attestation de Madame [H], cliente du restaurant, les éléments suivants:

'Je déjeune au Dérailleur, je termine mon repas vers 14 heures lorsque soudain j'entends des cris venant de [X]-[N] [[U]] 'pauvre connard tu me casses les couilles'. Réponse de Mr [E] 'je suis ton patron, je te demande de te calmer', ensuite des bruits violents. Mr [E] dit 'tu arrêtes tout de suite de taper sur le matériel, c'est un comportement inacceptable, je vais être obliger de te licencier'. [X]-[N] [[U]] répond 'tu ne peux rien faire pauvre con, je suis enceinte' et elle part. Le calme étant revenu, je descends de la mezzanine et je vois l'air consterné de Mr [E] et du cuisinier et je quitte le restaurant moi aussi très perturbée. Ceci s'étant passé le 16 février 2015.'

En réponse à ces attestations particulièrement circonstanciées, précises et concordantes, il convient de relever que la salariée ne verse aucun élément de preuve, se contentant de nier les faits reprochés par son employeur.

Ainsi, l'employeur démontre bien l'existence des griefs reprochés à la salariée, consistant en un comportement insultant et agressif à son égard, ainsi qu'en une dégradation du matériel du restaurant, ces faits rendant impossible le maintien de la salariée dans l'entreprise.

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a dit que le licenciement pour faute grave de Madame [X]-[N] [U] était fondé et en ce qu'il a débouté la salariée de ses demandes indemnitaires subséquentes.

- Sur la demande de dommages et intérêts en réparation de l'atteinte à la réputation de l'employeur -

Monsieur [E] explique que les accusations de Madame [U] ont gravement porté atteinte à sa réputation et sollicite une somme de 500 euros en réparation de son préjudice.

Cependant cette demande n'est aucunement motivée et ne figure qu'au dispositif des conclusions, sans que l'existence d'un quelconque préjudice soit autrement étayée.

Au vu de ces éléments, Monsieur [E] sera débouté de sa demande de dommages et intérêts en réparation de l'atteinte à sa réputation.

- Sur les frais irrépétibles et les dépens -

Les dispositions du jugement déféré relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance seront confirmées.

En équité, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Monsieur [V] [E] sera condamné au paiement des dépens en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant contradictoirement, publiquement et après en avoir délibéré conformément à la loi,

- Infirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté Madame [X]-[N] [U] de sa demande de voir requalifier les contrats de travail à temps partiel en contrats de travail à temps complet et, statuant à nouveau, requalifie le seul contrat de travail à temps partiel et à durée déterminée du 18 février 2014 au 13 avril 2014 en contrat de travail à temps complet ;

- Infirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté Madame [X]-[N] [U] de sa demande de rappel de salaire sur temps complet et, statuant à nouveau, condamne Monsieur [V] [E] à payer à Madame [X]-[N] [U] la somme de 640 euros à titre de rappel de salaire, outre 64 euros au titre des congés payés afférents ;

- Infirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné Monsieur [V] [E] à payer à Madame [X]-[N] [U] la somme de 200 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de visite médicale d'embauche et, statuant à nouveau, déboute Madame [X]-[N] [U] de sa demande de dommages et intérêts pour absence de visite médicale d'embauche ;

- Confirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions soumises à la cour ;

Y ajoutant,

- Déboute Monsieur [V] [E] de sa demande de dommages et intérêts en réparation de l'atteinte à sa réputation ;

- Condamne Monsieur [V] [E] au paiement des dépens en cause d'appel ;

- Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.

Le greffier, Le Président,

N. BELAROUI C. RUIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Riom
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18/01927
Date de la décision : 04/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-04;18.01927 ?
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