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04/10/2022 | FRANCE | N°17/00596

France | France, Cour d'appel de Riom, Chambre sociale, 04 octobre 2022, 17/00596


04 OCTOBRE 2022



Arrêt n°

ChR/NB/NS



Dossier N° RG 17/00596 - N° Portalis DBVU-V-B7B-EXSL



[I] [F]



/



[X] [G] liquidateur judiciaire de la SASU BAMBINI,

Le Centre de gestion et d'étude A.G.S (C.G.E.A) d'[Localité 7], Unité déconcentrée de l'U.N.E.D.I.C, association déclarée, agissant, poursuite et diligence de son président, en qualité de gestionnaire de l'A.G.S

Arrêt rendu ce QUATRE OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, comp

osée lors des débats et du délibéré de :



M. Christophe RUIN, Président



Mme Karine VALLEE, Conseiller



Mme Frédérique DALLE, Conseil...

04 OCTOBRE 2022

Arrêt n°

ChR/NB/NS

Dossier N° RG 17/00596 - N° Portalis DBVU-V-B7B-EXSL

[I] [F]

/

[X] [G] liquidateur judiciaire de la SASU BAMBINI,

Le Centre de gestion et d'étude A.G.S (C.G.E.A) d'[Localité 7], Unité déconcentrée de l'U.N.E.D.I.C, association déclarée, agissant, poursuite et diligence de son président, en qualité de gestionnaire de l'A.G.S

Arrêt rendu ce QUATRE OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :

M. Christophe RUIN, Président

Mme Karine VALLEE, Conseiller

Mme Frédérique DALLE, Conseiller

En présence de Mme Nadia BELAROUI greffier lors des débats et du prononcé, de Mme [M] [W], greffier stagiaire lors des débats

ENTRE :

M. [I] [F]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représenté par Me Sébastien RAHON, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND, avocat constitué, substitué par Me Valéry GAUTHE de la SELARL JUDISOCIAL CABINET D'AVOCATS, avocat au barreau de MACON/ CHAROLLES, avocat plaidant

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2017/004228 du 07/07/2017 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de CLERMONT-FERRAND)

APPELANT

ET :

M. [X] [G] liquidateur judiciaire de la SASU BAMBINI

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représenté par Me Regis SENET, avocat au barreau de MOULINS

Le Centre de gestion et d'étude A.G.S (C.G.E.A) d'[Localité 7], Unité déconcentrée de l'U.N.E.D.I.C, association déclarée, agissant, poursuite et diligence de son président, en qualité de gestionnaire de l'A.G.S

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représenté par Me Emilie PANEFIEU, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

INTIMES

Après avoir entendu M. RUIN, Président en son rapport, les représentants des parties à l'audience publique du 27 Juin 2022, la Cour a mis l'affaire en délibéré, Monsieur le Président ayant indiqué aux parties que l'arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

La SASU BAMBINI exploitait un magasin spécialisé en articles de puériculture sous l'enseigne 'Bébé 9".

Monsieur [I] [F], né le 19 octobre 1970, soutient avoir été embauché par la société BAMBINI, selon les termes d'un contrat de travail à durée indéterminée signé le 4 novembre 2013, en qualité d'employé polyvalent (niveau 2 de la classification de la convention collective du commerce de détail non alimentaire du 9 mai 2012), à temps partiel (10 heures hebdomadaires de travail), moyennant une rémunération mensuelle brute de 412,53 euros.

Par jugement en date du 5 janvier 2016, le tribunal de commerce de CUSSET a prononcé

la liquidation judiciaire de la société BAMBINI, fixé la date de cessation des paiements au 1er janvier 2015, autorisé la poursuite d'activité jusqu'au 5 avril 2016 pour les besoins de la procédure uniquement, et désigné Maître [X] [G] en qualité de liquidateur judiciaire.

Par courrier daté du 6 janvier 2016, Maître [G], en qualité de liquidateur de la société BAMBINI, a convoqué Monsieur [F] à un entretien préalable au prononcé éventuel d'une mesure de licenciement économique, fixé au 15 janvier 2016, auquel le salarié ne s'est pas présenté.

Maître [G], en qualité de liquidateur de la société BAMBINI, a adressé à Monsieur [F] un courrier daté du 19 janvier 2016 et ainsi libellé :

« (') Je vous rappelle mon intervention en qualité de liquidateur à la procédure de liquidation judiciaire de la SASU ST Bambini (') aucune offre de reprise du fonds de commerce n'a été faite, l'activité s'est arrêtée, la clientèle a disparu et donc les recettes de l'entreprise aussi. Cette situation entraîne la suppression de tous les postes de travail dont celui que vous occupez.

À ce titre, je viens par la présente vous notifier, en tant que de besoin, la rupture de votre contrat de travail, sous condition que ce contrat existe au jour de la réception de la présente.

Précision étant ici faite que pour ce qui me concerne, ès qualités, je considère que le contrat de travail a été rompu avant l'ouverture de la procédure collective au motif que vous n'observez pas :

-l'accomplissement d'un travail effectif et régulier,

-le versement d'une rémunération,

-l'existence d'un lien de subordination.

N'ayant pas été présent à l'entretien préalable du 15 janvier 2016, je vous adresse néanmoins le document d'information et son bulletin d'acceptation détachable relatif au contrat de sécurisation professionnelle (CSP). Je vous précise que, sous toutes réserves utiles, vous pouvez prétendre bénéficier du contrat de sécurisation professionnelle et que le délai de réflexion est de 21 jours.

-Si vous décidez d'adhérer au contrat de sécurisation professionnelle (CSP) :

Vous devez me notifier votre volonté de bénéficier du contrat de sécurisation professionnelle en me remettant le bulletin d'acceptation détachable (DAJ 542) dûment complété, signé et accompagné:

-(') Je vous précise qu'après votre acceptation, votre contrat de travail sera réputé rompu d'un commun accord entre les parties à la date d'expiration du délai de réflexion de 21 jours ci-dessus rappelé, et aux conditions qui figurent dans le document d'information remis lors de l'entretien préalable.

Dès lors, vous n'aurez pas à effectuer de préavis.

-Si vous décidez de ne pas adhérer au contrat de sécurisation professionnelle (CSP) :

Je vous précise qu'à défaut d'adhésion au contrat de sécurisation professionnelle, la présente lettre constituera la notification de votre licenciement pour motif économique. Cette mesure prendra effet le jour de la première présentation de cette lettre, le cachet de la poste faisant foi. (') ».

Le 13 avril 2016, Monsieur [F] a saisi le conseil de prud'hommes de VICHY, en dénonçant certains manquements de l'employeur à ses obligations au titre du paiement des salaires et des heures supplémentaires et aux fins notamment de voir juger son licenciement abusif. Il a sollicité ultérieurement devant le conseil de prud'hommes le prononcé de la résiliation du contrat de travail, et la fixation de sa créance au titre des salaires, des indemnités de rupture et de l'indemnisation de son préjudice.

L'affaire a été envoyée directement devant le bureau de jugement.

Par jugement contradictoire en date du 16 février 2017 (audience du 15 décembre 2016), le conseil de prud'hommes de VICHY a:

- dit que la relation de travail n'était pas prouvée ;

- en conséquence débouté Monsieur [F] de l'ensemble de ses demandes ;

- déclaré le jugement opposable à l'AGS et au CGEA ;

- débouté Maître [G], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société BAMBINI, de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- condamné Monsieur [F] aux dépens.

Le 10 mars 2017, Monsieur [F] a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié à sa personne le 22 février 2017.

L'affaire a été fixée à l'audience du 14 janvier 2019 de la chambre sociale de la cour d'appel de Riom.

Par arrêt du 5 mars 2019, la cour, avant dire droit, a :

- ordonné la réouverture des débats et renvoyé la cause et les parties devant le conseiller de la mise état afin qu'elles concluent sur :- les conséquences de l'adhésion de M. [F] au contrat de sécurisation professionnelle ; - les pièces relatives à l'adhésion de M. [F] au contrat de sécurisation professionnelle ;

- réservé les dépens.

Vu les conclusions notifiées à la cour le 19 mai 2022 par Monsieur [F],

Vu les conclusions notifiées à la cour le 28 février 2020 par Maître [G] en qualité de liquidateur judiciaire de la société BAMBINI,

Vu les conclusions notifiées à la cour le 17 février 2020 par l'Association UNEDIC, Délégation AGS, CGEA d'[Localité 7],

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 30 mai 2022.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières écritures, Monsieur [F] conclut à la réformation du jugement en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, demande à la cour de :

- juger que l'existence d'un contrat de travail entre lui-même et la société BAMBINI est établie ;

- juger que le contrat de travail n'ayant pas été résilié, il y a lieu de prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de Maître [G] ès qualité de liquidateur judiciaire de la société BAMBINI à la date de l'arrêt ;

- condamner Maître [G], ès qualités de mandataire liquidateur de la société BAMBINI à inscrire au passif de la liquidation les sommes de :

* 11 374,90 euros bruts à titre de salaire, outre la somme de 1 137,50 euros au titre des congés payés afférents, sommes à parfaire compte tenu des salaires à régler jusqu'à la date du jugement,

* 268,07 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 851,00 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 85,10 euros bruts à titre d'indemnité de congés payés,

* 1 276,50 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- ordonner la remise des documents inhérents à la rupture ;

- déclarer l'arrêt opposable au CGEA AGS.

S'agissant de l'existence d'un contrat de travail, Monsieur [F] soutient qu'il avait bien la qualité de salarié de la société BAMBINI. Il indique bénéficier d'un contrat de travail écrit, de bulletins de salaires et justifier de l'accomplissement des déclarations sociales, notamment auprès de la médecine du travail. Il précise avoir effectué différentes tâches, qui ne sont pas discutées par la partie adverse et ne posséder aucune part dans la société BAMBINI. Dès lors, il affirme que le lien de subordination n'est pas contestable. Il ajoute que l'engagement d'une procédure de licenciement pour motif économique à son encontre, bien que n'ayant pas été menée à son terme, démontre qu'il se situait, au moins en apparence, dans le cadre d'une relation contractuelle de travail. Ainsi, il conclut, au regard de ces éléments, à l'existence d'un contrat de travail apparent. En outre, il soutient que les parties adverses ne rapportent pas d'élément permettant d'établir la preuve de l'inexistence d'un contrat de travail.

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail, il indique qu'il n'a jamais reçu les documents sociaux de fin de contrat, de sorte que ledit contrat est toujours en vigueur. Ainsi, il affirme que son contrat de travail est toujours en cours dans la mesure où il n'a jamais été rompu. Dans ces conditions, il expose qu'il convient de prononcer la résiliation de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur et sollicite la condamnation de Maître [G] à inscrire au passif de la liquidation le montant des salaires jusqu'à la date de résiliation de son contrat.

Dans ses dernières écritures, Maître [G], ès qualité de liquidateur de la société BAMBINI demande à la cour de :

A titre principal :

- constater et juger que Monsieur [F] était gérant de fait de la société BAMBINI ;

- constater et juger que le contrat de travail de Monsieur [F] est nul et que de ce fait Monsieur [F] n'a jamais eu la qualité de salarié ;

Par conséquent,

- rejeter l'ensemble de l'argumentation adverse ;

- débouter Monsieur [F] de sa demande en résiliation judiciaire dudit contrat et de l'ensemble de ses demandes y afférentes ;

- constater enfin que Monsieur [F] ne démontre pas de façon sérieuse les préjudices dont il aurait été victime, en conséquence le débouter de ses différentes demandes indemnitaires tant pour préjudice moral, que pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ou défaut de formation ;

- confirmer en conséquence le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de VICHY;

Y ajoutant :

- condamner Monsieur [F] à lui verser la somme de 5000 euros à titre de dommage et intérêts pour procédure abusive ;

- condamner Monsieur [F] à lui verser la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Monsieur [F] aux entiers dépens de 1'instance ;

A titre subsidiaire, si la cour devait retenir l'argumentation de Monsieur [F]:

- dire et déclarer le jugement opposable au CGEA AGS.

Maître [G], ès qualité de liquidateur de la société BAMBINI soutient que Monsieur [F] était gérant de fait de la société BAMBINI et qu'à ce titre, il ne peut se prévaloir d'un contrat de travail. Il fait valoir que les tâches effectuées par Monsieur [F] étaient sans rapport avec le contrat de travail présenté par celui-ci. Il ajoute que Monsieur [F] a reconnu être gérant de fait de la société BAMBINI lors d'une audience devant le tribunal correctionnel de CUSSET. Dès lors, il soutient que le contrat de travail est fictif. Il ajoute que Monsieur [F] n'a perçu aucune rémunération du mois d'octobre 2014 au mois de janvier 2016 et qu'il n'y avait aucune subordination juridique concernant Monsieur [F].

L'intimé indique qu'une information judiciaire concernant Monsieur [F] a été ouverte le 10 décembre 2015 avec mise en examen pour violation d'interdiction de gérer, violation d'interdiction professionnelle, faux et usage, banqueroute par comptabilité irrégulière ou incomplète, banqueroute par détournement d'actif, abus de biens sociaux, escroquerie, escroquerie à la TVA, pour notamment la société BAMBINI. Il en déduit qu'il est démontré que le contrat de travail de Monsieur [F] est fictif. Dès lors, il conclut à la nullité de ce contrat de travail. En conséquence, il soutient que Monsieur [F] n'a jamais eu la qualité de salarié et ne peut ainsi demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Il relève que la présente procédure est abusive et sollicite la condamnation de Monsieur [F] à lui verser la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Dans ses dernières écritures, l'Association UNEDIC, Délégation AGS, CGEA D'[Localité 7] demande à la cour de :

- voir dire bien jugé et mal appelé ;

A titre principal :

- confirmer dans son intégralité le jugement du 16 février 2017 rendu par le conseil de prud'hommes de VICHY ;

- voir débouter Monsieur [F] de l'intégralité de ses fins, demandes et

conclusions comme infondées ;

Y ajoutant :

- condamner Monsieur [F] à lui payer et porter la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- condamner Monsieur [F] à lui payer et porter la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

A titre subsidiaire :

- voir déclarer l'arrêt à intervenir opposable à l'AGS et au CGEA d'[Localité 7] en qualité de gestionnaire de l'AGS, dans les limites prévues aux articles L.3253-1 et suivants (Article L.3253-8), D.3253-5 du Code du travail et du Décret n° 2003-684 du 24 juillet 2003 ;

- voir constater que la garantie de l'AGS est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, au plafond défini à l'article D.3253-5 du Code du Travail ;

- voir constater les limites de leur garantie ;

- voir dire et juger que l'arrêt à intervenir ne saurait prononcer une quelconque condamnation à leur encontre ;

- voir dire et juger que l'AGS ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L.3253-1 et suivants du Code du Travail (article L.3253-8 du Code du Travail) que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L.3253-1 et suivants du Code du

Travail (article L.3253-8 du Code du Travail) ;

- voir dire et juger que l'obligation du CGEA D'[Localité 7] de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafonds applicables, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire;

- voir dire et juger que le jugement d'ouverture arrête le cours des intérêts légaux (article L.622-28 et suivants du Code de Commerce).

L'Association UNEDIC, Délégation AGS, CGEA d'[Localité 7] soutient que Monsieur [F] n'apporte aucun élément probant permettant de démontrer sa qualité de salarié de la société BAMBINI.

Elle ajoute que Monsieur [F] a été condamné par le tribunal correctionnel de CUSSET par jugement en date du 26 septembre 2019, pour des faits qui concernaient la société BAMBINI et précise que lors d'une audience devant le tribunal correctionnel de CUSSET, il a reconnu être gérant de fait de ladite société, ce qui est un aveu judiciaire ne pouvant faire l'objet d'une révocation.

Elle conclut, au regard des ces éléments, à la confirmation du jugement entrepris.

Elle soutient en outre que la présente procédure est abusive et sollicite la condamnation de Monsieur [F] à lui verser la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

A titre subsidiaire, elle conclut au débouté de Monsieur [F] de sa demande au titre du préavis dans la mesure où aucune contestation du motif économique n'est intervenue et conclut au débouté de ce dernier de l'intégralité de ses demandes comme infondées.

A titre infiniment subsidiaire, elle demande à ce que la cour déclare l'arrêt opposable à l'AGS et au CGEA d'[Localité 7] dans les limites légales et indique que la garantie de l'AGS est plafonnée par l'un des trois plafonds définis à l'article D.3253-5 du Code du Travail.

Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions, moyens et arguments des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux dernières conclusions régulièrement notifiées et visées.

MOTIFS

- Sur l'existence d'un contrat de travail -

L'existence d'un contrat de travail suppose qu'il existe entre les parties un lien de subordination caractérisé par l'exécution d'un travail, moyennant salaire, sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

L'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions dans lesquelles est exercée l'activité de l'intéressé.

Alors que le liquidateur conteste la qualité de salarié de Monsieur [I] [F] et, par conséquent, l'existence d'un contrat de travail le liant à la société BAMBINI, l'appelant se prévaut :

- du contrat de travail en date du 4 novembre 2013, portant la signature des deux parties, par lequel il a été embauché en qualité d'employé polyvalent, moyennant une rémunération mensuelle brute de 412,53 euros pour une durée de travail hebdomadaire de 10 heures,

- de l'avis d'aptitude du médecin du travail en date du 20 novembre 2013,

- de l'avenant à ce contrat du 25 novembre 2014 portant changement du lieu de travail,

- des bulletins de salaire établis à son nom pour la période de novembre 2013 à février 2015,

- de la note d'information que lui a adressée la société BAMBINI au sujet de son Droit Individuel à la Formation.

Monsieur [I] [F] explique que ses tâches consistaient à procéder à la réception de la marchandise, la gestion du courrier et l'étiquetage de la marchandise mise en rayon. Il affirme qu'il accomplissait sa prestation de travail dans le cadre d'instructions données par la présidente de la société, Madame [U], se prévalant d'un courriel de cette dernière en date du 15 septembre 2015 dans lequel elle annonce son absence et lui demande de s'occuper des 'promos sur les sièges auto' et de faire la 'commande [Localité 6]'. Il souligne qu'il ne possédait aucune part dans la société, qu'il n'avait aucune délégation ni de pouvoir bancaire et qu'à l'occasion de la procédure de liquidation judiciaire de la société, le liquidateur a engagé, à son encontre, la procédure de licenciement pour motif économique.

Ainsi que le soutient Monsieur [I] [F], l'ensemble de ces éléments démontre l'existence d'un contrat de travail apparent. Il s'ensuit, en présence d'un tel contrat apparent, qu'il appartient à celui qui invoque son caractère fictif d'en rapporter la preuve.

Pour contester l'exécution effective d'une prestation de travail, le liquidateur soutient que si Monsieur [F] effectuait des tâches au sein de la société, celles-ci étaient sans rapport avec celles d'un 'employé polyvalent'. Il se réfère à l'attestation de Madame [S] qui rapporte avoir été convoquée, suite à sa candidature à un poste de vendeuse, par Monsieur [F] à un entretien. Il explique que Madame [U] n'était au courant ni de cet entretien ni de son arrivée dans l'entreprise et que Monsieur [F] ne s'est jamais présenté comme un simple vendeur. Il précise que Monsieur [I] [F] arrivait avant les vendeuses et partait après elle et que c'est à lui que la recette de la journée était remise. Il ajoute que Monsieur [I] [F] avait son propre bureau dans la même pièce que celui de Madame [U]. Elle affirme que, lors des réunions, Monsieur [I] [F]'parlait au nom de Madame [U]' et que,'le plus souvent, c'est [I] [F] qui nous donnait des directives'.

Il est vrai que cette attestation se présente sous la forme d'une simple lettre adressée au liquidateur mais elle ne saurait pour autant être écartée des débats, comme le demande Monsieur [I] [F], pour sa non-conformité aux exigences de l'article 202 du code de procédure civile dès lors qu'il n'est fait état d'aucune inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public. En dépit de sa non-conformité aux dispositions de l'article 202, qui ne sont pas prescrites à peine de nullité, cette pièce constitue un élément de preuve pouvant être soumis au débat contradictoire et à l'examen de la juridiction.

Le liquidateur souligne, par ailleurs, que Monsieur [I] [F] n'a perçu aucune rémunération pendant 13 mois et que, sur son interrogation, il a seulement invoqué un 'accord' avec Madame [U].

Le liquidateur et le CGEA estiment que Monsieur [I] [F] était, en réalité, le gérant de fait de la société BAMBINI.

Les intimés justifient que, depuis 1984, Monsieur [I] [F] a été le dirigeant de 17 sociétés, dont un bon nombre a fait l'objet d'une liquidation judiciaire. Ils justifient également qu'il a fait l'objet d'une interdiction de gérer prononcée par le tribunal de commerce de Nanterre le 27 septembre 2013 pour une durée de 7 ans et d'une interdiction de gérer prononcée à titre de peine le 16 septembre 2016 pour une durée de 5 ans par le tribunal de grande instance de Melun. Monsieur [I] [F] a également fait l'objet d'une interdiction de gérer pour une durée de 7 ans par jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 27 septembre 2017.

Dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société BAMBINI et d'une procédure pénale concernant plusieurs sociétés, Monsieur [I] [F] a été mis en examen, notamment pour violation d'interdiction de gérer et banqueroute, Madame [U] étant elle-même mise en examen pour banqueroute.

Par jugement du 26 septembre 2019, dont il n'est pas soutenu qu'il aurait été frappé d'appel, le tribunal correctionnel de Cusset a reconnu Monsieur [I] [F] coupable des faits qui lui étaient reprochés en retenant, s'agissant de la société BAMBINI, que les vendeuses ont désignés Monsieur [F] 'comme le donneur d'ordre, en charge du recrutement et gérant le magasin, la trésorerie et les relations avec la banque, contrairement à [Y] [U] qui n'était pas présente et ne prenait aucune décision sans lui. (...) Il était également désigné comme ayant assuré les démarches et le paiement afférents à la cession du magasin BB9, se faisant appeler '[I] [U] (...). [Y] [U] a expliqué quant à elle que [I] [F] était en charge de la relation avec le comptable et du paiement des factures, puis que celui-ci a pris le contrôle de la société'. Le tribunal a relevé qu'à l'audience, Monsieur [F] 'a reconnu la gérance de fait, expliquant : 'le discernement a fait son chemin'.

Au vu des éléments d'appréciation apportés par le liquidateur, il doit être relevé que Monsieur [I] [F] prétend avoir travaillé pendant plus d'un an sans recevoir de salaires pendant cette période et sans avoir formé la moindre réclamation auprès de l'employeur, que la seule salariée dont le témoignage est produit le décrit comme le gérant de fait de l'entreprise et que les éléments retenus par le tribunal correctionnel, dont les déclarations de la gérante elle-même et de l'intéressé, désignent également Monsieur [I] [F] comme gérant de fait alors qu'il était sous le coup d'une interdiction judiciaire de gérer.

Le liquidateur établit ainsi qu'en dépit du contrat de travail et des bulletins de salaire établis à son nom, alors que rien ne permet de vérifier la réalité des tâches alléguées et de l'autorité d'un employeur à son égard, la relation présentée comme une relation salariale ne correspond à aucune réalité et que Monsieur [I] [F] ne se trouvait pas soumis par un lien de subordination à la société BAMBINI.

S'agissant des allégations de Monsieur [I] [F] quant à son adhésion au contrat de sécurisation professionnelle, il y a lieu de relever qu'il n'est pas justifié d'une telle adhésion et qu'il n'est versé aux débats aucune pièce relative à cette adhésion. En tout état de cause, Monsieur [I] [F] ne peut se prévaloir utilement de la procédure de licenciement engagée par le liquidateur à la suite du jugement de liquidation judiciaire et des échanges intervenus dans ce cadre, la lettre de notification expliquant expressément que la rupture du contrat de travail lui était notifiée seulement 'en tant que de besoin (...) sous condition que ce contrat existe au jour de la réception des présentes', le liquidateur expliquant, dans cette même lettre, qu'il conteste l'existence d'un contrat de travail.

Il s'ensuit, en l'absence de contrat de travail, que Monsieur [I] [F] n'est fondé à demander ni le paiement d'un rappel de salaire, ni la résiliation judiciaire du contrat de travail, ni le paiement d'indemnités au titre de la rupture.

Le jugement sera, en conséquence, confirmé en ce que le conseil de prud'hommes a débouté Monsieur [I] [F] de ses demandes.

- Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive -

Le liquidateur et le CGEA ne justifient pas d'un préjudice qui leur aurait été causé en raison d'un comportement fautif de Monsieur [I] [F] dans le fait d'avoir diligenté la présente procédure. Leurs demandes de dommages-intérêts doivent être rejetées.

- Sur les dépens et frais irrépétibles -

Le jugement déféré sera confirmé en ses dispositions sur les dépens et frais irrépétibles de première instance.

Monsieur [I] [F], qui succombe totalement en ses prétentions et en son recours, sera condamné à payer à Maître [G], en qualité de liquidateur judiciaire de la société BAMBINI, une somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Monsieur [I] [F], qui succombe totalement en ses prétentions et en son recours, sera condamné à payer à l'association UNEDIC, CGEA D'[Localité 7], en tant que délégation AGS, une somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

- Confirme le jugement ;

- Y ajoutant, condamne Monsieur [I] [F] à payer à Maître [G], en qualité de liquidateur judiciaire de la société BAMBINI, une somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

- Y ajoutant, condamne Monsieur [I] [F] à payer à l'association UNEDIC, CGEA D'[Localité 7], en tant que délégation AGS, une somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

- Dit le présent arrêt opposable à l'association UNEDIC, CGEA D'[Localité 7], en tant que délégation AGS ;

- Condamne Monsieur [I] [F] aux dépens d'appel ;

- Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.

Le greffier, Le Président,

N. BELAROUI C. RUIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Riom
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17/00596
Date de la décision : 04/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-04;17.00596 ?
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