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27/09/2022 | FRANCE | N°20/00428

France | France, Cour d'appel de Riom, Chambre sociale, 27 septembre 2022, 20/00428


27 SEPTEMBRE 2022



Arrêt n°

FD/NB/NS



Dossier N° RG 20/00428 - N° Portalis DBVU-V-B7E-FMD3



[P] [T]



/



S.A.R.L.

ETABLISSEMENTS PRIVAT ET FILS

Arrêt rendu ce VINGT SEPT SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors du délibéré de :



M. Christophe RUIN, Président



Mme Karine VALLEE, Conseiller



Mme Frédérique DALLE, Conseiller



En présence de Mme Séverine BOUDRY gre

ffier lors des débats et de Mme Nadia BELAROUI, greffier lors du prononcé



ENTRE :



M. [P] [T]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Me Céline GOLFIER-METAIS, avocat au barreau d...

27 SEPTEMBRE 2022

Arrêt n°

FD/NB/NS

Dossier N° RG 20/00428 - N° Portalis DBVU-V-B7E-FMD3

[P] [T]

/

S.A.R.L.

ETABLISSEMENTS PRIVAT ET FILS

Arrêt rendu ce VINGT SEPT SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors du délibéré de :

M. Christophe RUIN, Président

Mme Karine VALLEE, Conseiller

Mme Frédérique DALLE, Conseiller

En présence de Mme Séverine BOUDRY greffier lors des débats et de Mme Nadia BELAROUI, greffier lors du prononcé

ENTRE :

M. [P] [T]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Me Céline GOLFIER-METAIS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

APPELANT

ET :

S.A.R.L. ETABLISSEMENTS PRIVAT ET FILS prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me Thomas FAGEOLE, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND et par Me Sophie LACQUIT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

INTIMEE

M. RUIN, Président et Mme DALLE, Conseiller, après avoir entendu Mme DALLE Conseiller en son rapport, à l'audience publique du 20 juin 2022, tenue par ces deux magistrats, sans qu'ils ne s'y soient opposés, les représentants des parties en leurs explications, en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré, aprés avoir informé les parties que l'arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 du code de procédure civile

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur [P] [T] a été embauché suivant contrat à durée indéterminée en date du 21 novembre 2013 par la SARL PRIVAT ET FILS, qui exerce une activité de boulangerie, en qualité de pâtissier à temps plein.

Suivant courrier daté du 10 novembre 2014, Monsieur [T] a notifié sa démission à son employeur, arguant que de nombreuses heures supplémentaires ne lui avaient pas été payées.

Le 25 mai 2016, par requête expédiée en recommandé, Monsieur [T] a saisi le conseil de prud'hommes de CLERMONT-FERRAND aux fins notamment de voir requalifier la démission en prise d'acte de la rupture aux torts de l'employeur, outre obtenir diverses sommes à titre indemnitaire et de rappel de salaire.

L'audience devant le bureau de conciliation et d'orientation s'est tenue en date du 29 juin 2016 et, comme suite au constat de l'absence de conciliation (convocation notifiée au défendeur le 27 mai 2016), l'affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement.

Par jugement contradictoire en date du 3 novembre 2017 (audience du 5 octobre 2017), le conseil de prud'hommes de CLERMONT-FERRAND a :

- dit que la rupture du contrat de travail de Monsieur [T] est intervenue du fait de sa démission claire et non équivoque le 10 novembre 2014 ;

- dit que le contrat de travail s'est terminé à cette date ;

- débouté en conséquence, Monsieur [T] de l'intégralité de ses demandes ;

- débouté la société PRIVAT ET FILS de sa demande reconventionnelle et de celle au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné Monsieur [T] aux entiers dépens.

Le 30 décembre 2017, Monsieur [T] a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié à sa personne le 30 novembre 2017.

Le 3 mars 2020, la chambre sociale de la cour d'appel de RIOM a ordonné la radiation de l'instance du rang des affaires en cours (ancien RG 18/12). Cette affaire a ensuite été réinscrite le 5 mars 2020 sur demande de Monsieur [T].

Vu les conclusions notifiées à la cour le 30 mars 2022 par Monsieur [T],

Vu les conclusions notifiées à la cour le 2 juin 2022 par la société PRIVAT ET FILS,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 7 juin 2022.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières écritures, Monsieur [T] conclut à la réformation du jugement entrepris, sauf en ce qu'il a débouté la société PRIVAT ET FILS de sa demande indemnitaire au titre du préavis non exécuté, et demande à la cour de :

- juger recevable et bien fondé l'ensemble de ses demandes;

- juger qu'il a réalisé des heures supplémentaires et en tirer toutes conséquences:

- condamner la société PRIVAT ET FILS à lui porter et payer la somme de 1 530,03 euros au titre des heures supplémentaires réalisées ;

- juger que le salaire moyen mensuel égal à 1 732,78 euros ;

- condamner la société PRIVAT ET FILS à lui porter et payer une indemnité de 10 396,68 euros au titre du travail dissimulé ;

A titre subsidiaire, si la Cour s'estime insuffisamment

informée sur le nombre d'heures supplémentaires, en constatant au moins la réalité :

- condamner la société PRIVAT ET FILS à lui porter et payer une indemnité de 9 690 euros au titre du travail dissimulé ;

- juger que la rupture du contrat de travail doit s'analyser en un licenciement sans cause réelle sérieuse ;

En conséquence :

- condamner la société PRIVAT ET FILS à lui porter et payer 10 000 euros ;

- débouter la société PRIVAT ET FILS de ses demandes contraires ;

- condamner la société PRIVAT ET FILS à lui porter et payer 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur les heures supplémentaires, Monsieur [T] soutient que les relevés mensuels produits par l'employeur ne correspondent même pas aux déclarations faites par l'employeur en première instance. Il affirme que la société PRIVAT ET FILS devra donc expliquer à la cour pourquoi les heures supplémentaires réalisées, auxquelles il fait à juste titre référence, ne sont mentionnées ni sur les prétendus relevés mensuels des heures travaillées remplis opportunément par l'employeur, ni sur les bulletins de salaire. Il indique que les relevés d'heures produits par l'employeur ne correspondent pas aux heures réalisées, mais aux heures qui apparaissent sur les bulletins de paie. Il considère ainsi que la société PRIVAT ET FILS ne produit aucun justificatif probant, et bien plus, produit des pièces et développe une argumentation qui n'ont pour seul objectif que de tromper la juridiction.

Il estime en outre démontrer qu'il a réalisé des heures supplémentaires non payées et soutient que les relevés d'heures qu'il verse aux débats sont cohérents et conformes à la réalité, contrairement à ceux produits par l'employeur. Il fait valoir qu'un procès-verbal de constat d'huissier et différentes attestations démontrent le fait qu'il réalisait des heures supplémentaires.

Il soutient ainsi qu'il est manifeste qu'il a réalisé des heures supplémentaires qui n'ont pas été déclarées, ni payées et conclut à la réformation du jugement entrepris.

Il soutient que suite à sa démission, il ne partait pas pour signer un nouveau contrat chez un autre employeur et qu'il n'était pas un employé instable. Il explique que sa démission est due au non-paiement des heures supplémentaires, au fait que ses horaires n'étaient pas affichés, que les vêtements professionnels ne lui ont pas été fournis, tout comme les chaussures de sécurité, et que ses vêtements n'étaient pas entretenus par la blanchisserie industrielle qui intervenait. Dès lors, il conclut à la requalification de la rupture de son contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse, en raison des manquements de l'employeur.

Concernant le travail dissimulé, il soutient qu'il ne forme pas de demande nouvelle, contrairement à ce qui est affirmé par l'employeur.

Dans ses dernières écritures, la société PRIVAT ET FILS conclut à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et demande à la cour, y ajoutant, de :

- débouter Monsieur [T] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions formées à son encontre ;

En tout état de cause :

- condamner Monsieur [T] à lui payer et porter une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- condamner Monsieur [T] aux entiers dépens.

La société PRIVAT ET FILS soutient que les demandes formulées par Monsieur [T] ne sont pas fondées.

En effet, elle fait valoir que la démission de Monsieur [T] a été donnée de manière tout à fait claire, explicite, non équivoque et a été émise sans aucune réserve. Elle ajoute que la lettre de démission ne mentionne aucun manquement de l'employeur à ses obligations contractuelles. Elle argue que les griefs invoqués bien après sa démission par le salarié ne sont absolument pas fondés et que celui-ci ne justifie en rien d'un différend antérieur relatif au paiement des heures supplémentaires, qui serait en lien avec son acte de démission et explique qu'il n'a en outre jamais formulé de reproche à son employeur lors de l'exécution de sa prestation de travail. Elle indique que le salarié agit par simple affirmation sans apporter le moindre commencement de preuve. De plus, elle soutient que Monsieur [T] avait déjà trouvé un poste de travail au sein d'une autre entreprise lors de sa démission. Ainsi, elle soutient que le salarié ne justifie pas de manquements suffisamment graves pour empêcher la poursuite de son contrat de travail et d'autre part ne démontre pas avec certitude que la rupture de son contrat de travail repose sur les griefs invoqués en cours de procédure.

Elle conclut ainsi au débouté de Monsieur [T] de ses demandes présentées au titre de la requalification de sa démission.

Sur la demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires, la société PRIVAT ET FILS affirme que le décompte manuscrit versé aux débats par Monsieur [T] n'est pas probant, a été rédigé pour les besoins de la cause et n'est corroboré par aucune attestation susceptible d'être retenue. Elle explique que les attestations produites par la salarié sont inopérantes puisqu'elles ne font pas état de faits directement constatés par les attestants dans la mesure où ils ne travaillaient pas aux côtés de Monsieur [T] et où ils n'effectuaient pas les mêmes horaires que ce dernier. Elle fait ensuite valoir divers éléments qui, selon elle, rapportent la preuve des heures réellement effectuées par le salarié.

Elle conclut, au regard de ces éléments, au débouté des demandes de Monsieur [T] à ce titre.

Elle fait enfin observer que Monsieur [T] forme des demandes nouvelles en cause d'appel s'agissant de l'indemnité sollicité au titre du travail dissimulé et ajoute qu'elles sont en outre mal fondées. En effet, elle rappelle que la démonstration est faite que Monsieur [T] a été correctement rémunéré pour les heures de travail effectuées. Dès lors, elle conclut au débouté du salarié desdites demandes.

Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions, moyens et arguments des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux dernières conclusions régulièrement notifiées et visées.

MOTIFS

- Sur les heures supplémentaires -

La durée légale du travail effectif des salariés est fixée à trente-cinq heures par semaine civile. Constituent des heures supplémentaires toutes les heures de travail effectuées au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente. Toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent. Les heures supplémentaires se décomptent par semaine. Une convention collective ou un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, de branche peut fixer une période de sept jours consécutifs constituant la semaine. À défaut d'accord, la semaine débute le lundi à 0 heure et se termine le dimanche à 24 heures.

Une convention collective ou un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, de branche peut fixer le ou les taux de majoration des heures supplémentaires, qui ne peut pas être inférieur à 10%. À défaut d'accord, les heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale hebdomadaire ou la durée considérée comme équivalente donnent lieu à une majoration de salaire de 25 % pour chacune des huit premières heures supplémentaires (de la 36ème heure à la 43ème heure incluse). Les heures suivantes donnent lieu à une majoration de 50 % (à partir de la 44ème heure). La majoration des heures supplémentaires s'applique au taux horaire des heures normales de travail, ce taux ne pouvant pas être inférieur au quotient résultant de la division du salaire mensuel brut par l'horaire mensuel. Il doit être tenu compte des primes et indemnités versées en contrepartie directe du travail ou inhérentes à la nature du travail fourni et du montant des avantages en nature.

Aux termes de l'article L. 3171-4 du code du travail : 'En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.'.

Il résulte de ce texte que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties. Le salarié doit étayer sa demande de paiement d'heures supplémentaires par la production d'éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments quant aux horaires effectivement réalisés par le requérant.

Sur les heures supplémentaires, Monsieur [T] soutient que les relevés mensuels produits par l'employeur ne correspondent même pas aux déclarations faites par l'employeur en première instance. Il affirme que la société PRIVAT ET FILS devra donc expliquer à la cour pourquoi les heures supplémentaires réalisées, auxquelles il fait à juste titre référence, ne sont mentionnées ni sur les prétendus relevés mensuels des heures travaillées remplis opportunément par l'employeur, ni sur les bulletins de salaire. Il indique que les relevés d'heures produits par l'employeur ne correspondent pas aux heures réalisées, mais aux heures qui apparaissent sur le bulletin de paie. Il considère ainsi que la société PRIVAT ET FILS ne produit aucun justificatif probant, et bien plus, produit des pièces et développe une argumentation qui n'ont pour seul objectif que de tromper la juridiction.

Il estime en outre démontrer qu'il a réalisé des heures supplémentaires non payées et soutient que les relevés d'heures qu'il verse aux débats sont cohérents et conformes à la réalité, contrairement à ceux produits par l'employeur. Il fait valoir qu'un procès-verbal de constat d'huissier et différentes attestations démontrent le fait qu'il réalisait des heures supplémentaires.

Il soutient ainsi qu'il est manifeste qu'il a réalisé des heures supplémentaires qui n'ont pas été déclarées, ni payées et conclut à la réformation du jugement entrepris.

Sur la demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires, la société PRIVAT ET FILS affirme que le décompte manuscrit versé aux débats par Monsieur [T] n'est pas probant, a été rédigé pour les besoins de la cause et n'est corroboré par aucune attestation susceptible d'être retenue. Elle explique que les attestations produites par la salarié sont inopérantes puisqu'elles ne font pas état de faits directement constatés par les attestants dans la mesure où ils ne travaillaient pas aux côtés de Monsieur [T] et où ils n'effectuaient pas les mêmes horaires que ce dernier. Elle fait ensuite valoir divers éléments qui, selon elle, rapportent la preuve des heures réellement effectuées par le salarié.

Elle conclut, au regard de ces éléments, au débouté des demandes de Monsieur [T] à ce titre.

En l'espèce, Monsieur [P] [T] a été embauché suivant contrat à durée indéterminée en date du 21 novembre 2013 par la SARL PRIVAT ET FILS, qui exerce une activité de boulangerie, en qualité de pâtissier à temps plein.

Suivant courrier daté du 10 novembre 2014, Monsieur [T] a notifié sa démission à son employeur, arguant que de nombreuses heures supplémentaires ne lui avaient pas été payées.

Monsieur [T] sollicite ainsi la condamnation de l'employeur à lui payer la somme totale de 1.530,03 euros au titre des heures supplémentaires qu'il aurait effectuées depuis son embauche, le 21 novembre 2013.

Au soutien de sa demande, le salarié verse les éléments suivants:

- un écrit récapitulatif des heures supplémentaires mensuelles effectuées ;

- un calendrier annoté ;

- un procès-verbal de constat d'huissier ;

- trois attestations.

Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

En réponse, l'employeur produit l'intégralité des relevés mensuels des heures travaillées par le salarié sous forme de documents informatisés, signés par le seul gérant mais dont il convient d'observer que les heures écrites varient d'un mois à un autre en fonction de l'activité de la boulangerie.

L'employeur fait également valoir que les éléments de preuve produits par le salarié ne sont pas probants.

En ce sens, il y a lieu de relever que le salarié verse deux attestations de proches qui n'ont pas assisté directement à ses conditions de travail et qui ne permettent donc pas d'établir la réalité des heures effectuées par Monsieur [T]. La troisième attestation, rédigée par un collègue de travail, n'est en outre ni circonstanciée, ni précise, comme l'ont relevé les juges de première instance.

S'agissant du procès-verbal de constat d'huissier, celui-ci ne contient que la retranscription d'un message audio de Monsieur PRIVAT demandant au salarié de venir travailler du fait de l'absence d'un autre salarié suite à une tempête, sans qu'il ne soit autrement établi si Monsieur [T] a effectivement fait suite ou non à cette demande.

Enfin, il convient d'observer que le calendrier annoté versé aux débats en cause d'appel ne l'a pas été en première instance, que ce cahier est donc produit six ans après le premier procès et comporte une écriture identique faite au même style sur l'ensemble dudit calendrier.

Ainsi, au vu des observations formulées par l'employeur, il ne subsiste qu'une écriture auto-déclarative fournie par le salarié alors que l'employeur produit des relevés mensuels des horaires travaillés circonstanciés et précis.

Au vu de ces éléments et des principes de droit sus-visés, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a dit qu'il a débouté Monsieur [T] de sa demande de rappel d'heures supplémentaires.

- Sur le travail dissimulé -

Aux termes de l'article L. 8221-5 du code du travail : 'Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur : 1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ; 2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ; 3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.'.

Est donc réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait notamment pour tout employeur de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la déclaration préalable à l'embauche, ou de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner intentionnellement sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, ou

de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

Le travail dissimulé suppose un élément intentionnel de la part de l'employeur en ce qu'il a voulu dissimuler, en tout ou partie, un emploi salarié dans le cadre des omissions précitées. L'existence de l'élément intentionnel est apprécié souverainement par le juge du fond.

En cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours en violation de l'interdiction de travail dissimulé, que ce soit par dissimulation d'activité ou d'emploi salarié, a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire, même si la durée de la relation de travail a été moindre, à moins que l'application d'autres règles légales ou de stipulations conventionnelles ne conduise à une situation plus favorable pour le salarié. L'indemnité forfaitaire est due quels que soient la qualification ou le mode de la rupture du contrat de travail (licenciement, démission, fin de contrat à durée déterminée, rupture amiable...) et sans nécessité d'une condamnation pénale préalable de l'employeur. L'élément intentionnel est toutefois requis pour une condamnation à l'indemnité forfaitaire dont l'allocation relève de la compétence exclusive du juge prud'homal.

Cette indemnité est cumulable, depuis un arrêt de la chambre sociale de la cour de cassation du 6 février 2013, avec les indemnités de toute nature auxquelles le salarié a droit en cas de rupture de la relation de travail (indemnité de préavis, de congés payés, de licenciement sans cause réelle et sérieuse, de requalification d'un CDD en CDI, de non-respect de la procédure de licenciement'), ainsi qu'avec l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement.

Concernant le travail dissimulé, Monsieur [T] soutient qu'il ne forme pas de demande nouvelle, contrairement à ce qui est affirmé par l'employeur.

La société PRIVAT ET FILS fait observer que Monsieur [T] forme des demandes nouvelles en cause d'appel s'agissant de l'indemnité sollicité au titre du travail dissimulé et ajoute qu'elles sont en outre mal fondées. En effet, elle rappelle que démonstration est faite que Monsieur [T] a été correctement rémunéré pour les heures de travail effectuées. Dès lors, elle conclut au débouté du salarié desdites demandes.

Le cour a déjà retenu que la demande de rappel d'heures supplémentaires du salarié n'était pas fondée.

En outre, il échet de constater que la société justifie de l'existence d'un contrat de travail, de bulletins de salaire et de la déclaration d'embauche du salarié.

Ainsi, la preuve de l'intention de l'employeur de détourner les règles sociales et fiscales en dissimulant le travail du salarié n'étant pas rapportée, Monsieur [P] [T] sera débouté de sa demande d'indemnisation au titre d'un prétendu travail dissimulé.

- Sur la rupture du contrat de travail -

La démission est l'acte par lequel le salarié fait connaître à l'employeur sa décision de rompre le contrat de travail. Elle peut être notifiée à tout moment, même en cours d'arrêt de travail pour cause de maladie, et doit répondre à certaines conditions de fond et de forme.

La démission doit avoir été librement consentie, c'est-à-dire que le salarié doit avoir la capacité de démissionner et son consentement ne doit pas avoir été vicié. À défaut, la démission est nulle et la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement abusif. Il appartient au salarié d'apporter la preuve que son consentement a été vicié.

La démission n'est pas librement consentie lorsqu'elle est donnée dans un état psychologique anormal, sous le coup de la colère ou de l'émotion, ou lorsque le salarié n'a pas les capacités intellectuelles pour mesurer la portée de son acte. La démission n'est pas librement consentie lorsqu'elle intervient sous la contrainte ou la pression de l'employeur, notamment en cas de menace d'une plainte pénale ou d'un licenciement, lorsque le salarié s'est trouvé dans une situation d'infériorité ou d'intimidation. Il en va toutefois différemment lorsque le salarié menacé a pris l'initiative de la rupture en toute connaissance de cause pour éviter une situation plus désavantageuse.

N'a pas été considéré comme démissionnaire le salarié qui demande ou signe des documents relatifs à la rupture du contrat de travail, s'absente même longuement, ne reprend pas le travail après des congés ou autres cas de suspension du contrat de travail, quitte brutalement l'entreprise à la suite de reproches de son employeur et envoie un arrêt de travail pour maladie, recherche un emploi en attendant son licenciement.

Le salarié qui reproche à son employeur des manquements à ses obligations peut prendre acte de la rupture de son contrat de travail. La prise d'acte est un mode de rupture du contrat de travail par lequel le salarié met un terme à son contrat en se fondant sur des griefs qu'il impute à son employeur. La prise d'acte est une modalité de rupture du contrat de travail réservée au seul salarié.

La prise d'acte de la rupture entraîne immédiatement la cessation du contrat de travail, de sorte que le salarié n'est pas tenu d'exécuter un préavis.

C'est au jour de la prise d'acte de la rupture que la relation contractuelle prend fin. Dans la mesure où la prise d'acte de la rupture n'est soumise à aucun formalisme, sous réserve d'être directement notifiée à l'employeur, c'est à la date où le salarié exprime ou signifie à celui-ci sa volonté de rompre que la relation contractuelle prend fin. En cas de notification écrite postale, la date de prise d'effet de la rupture du contrat de travail est donc la date d'envoi du courrier de prise d'acte à l'employeur.

La rupture du contrat de travail qu'entraîne immédiatement la prise d'acte libère non seulement le salarié de l'obligation de fournir une prestation de travail, mais également l'employeur de toutes les obligations liées à l'exécution de la relation contractuelle. L'employeur n'est donc plus tenu, dès la date à laquelle intervient la prise d'acte, au versement d'une rémunération ou à une quelconque forme d'indemnisation, y compris l'indemnité complémentaire pour maladie. Si l'employeur, à tort, parce qu'il estimait équivoque la volonté du salarié de rompre le contrat de travail, a maintenu celui-ci dans ses effectifs en continuant à procéder au versement du complément de salaire pour maladie, la somme indûment perçue par le salarié devra être restituée.

La rupture du contrat de travail par prise d'acte du salarié n'est justifiée qu'en cas de manquements suffisamment graves de l'employeur pour empêcher la poursuite du contrat de travail, ce qui relève de l'appréciation souveraine des juges du fond. Les juges du fond doivent examiner l'ensemble des manquements de l'employeur invoqués par le salarié, sans se limiter aux seuls griefs mentionnés dans la lettre de rupture. Toutefois, le salarié ne peut pas invoquer un fait qu'il ignorait au moment de la rupture.

C'est en principe au salarié de rapporter la preuve des manquements qu'il invoque et le doute sur la réalité des faits allégués profite à l'employeur. La Cour de cassation juge qu'il appartient cependant à l'employeur qui considère injustifiée la prise d'acte de la rupture par un salarié qui, étant victime d'un accident du travail, invoque une inobservation des règles de prévention et de sécurité, de démontrer que la survenance de cet accident est étrangère à tout manquement à son obligation de sécurité de résultat.

Monsieur [T] soutient que suite à sa démission, il ne partait pas pour signer un nouveau contrat chez un autre employeur et qu'il n'était pas un employé instable. Il explique que sa démission est due au non-paiement des heures supplémentaires, au fait que ses horaires n'étaient pas affichés, que les vêtements professionnels ne lui ont pas été fournis, tout comme les chaussures de sécurité, et que ses vêtements n'étaient pas entretenus par la blanchisserie industrielle qui intervenait. Dès lors, il conclut à la requalification de la rupture de son contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse, en raison des manquements de l'employeur.

La société PRIVAT ET FILS soutient que les demandes formulées par Monsieur [T] ne sont pas fondées.

En effet, elle fait valoir que la démission de Monsieur [T] a été donnée de manière tout à fait claire, explicite, non équivoque et a été émise sans aucune réserve. Elle ajoute que la lettre de démission ne mentionne aucun manquement de l'employeur à ses obligations contractuelles. Elle argue que les griefs invoqués bien après sa démission par le salarié ne sont absolument pas fondés et que celui-ci ne justifie en rien d'un différend antérieur relatif au paiement des heures supplémentaires, qui serait en lien avec son acte de démission et explique qu'il n'a en outre jamais formulé de reproche à son employeur lors de l'exécution de sa prestation de travail. Elle indique que le salarié agit par simple affirmation sans apporter le moindre commencement de preuve. De plus, elle soutient que Monsieur [T] avait déjà trouvé un poste de travail au sein d'une autre entreprise lors de sa démission. Ainsi, elle soutient que le salarié ne justifie pas de manquements suffisamment graves pour empêcher la poursuite de son contrat de travail et d'autre part ne démontre pas avec certitude que la rupture de son contrat de travail repose sur les griefs invoqués en cours de procédure.

Elle conclut ainsi au débouté de Monsieur [T] de ses demandes présentées au titre de la requalification de sa démission.

En l'espèce, Monsieur [P] [T] a été embauché suivant contrat à durée indéterminée en date du 21 novembre 2013 par la SARL PRIVAT ET FILS, qui exerce une activité de boulangerie, en qualité de pâtissier à temps plein.

Suivant courrier daté du 10 novembre 2014, Monsieur [T] a notifié sa démission à son employeur selon les termes suivants:

'Objet: Démission de mes fonctions

Lettre recommandée avec accusé de réception

Madame, Monsieur,

Par la présente, je vous présente ma démission à compter de ce jour.

Je ne souhaite pas effectuer mon préavis.'

Aux termes de ses dernières écritures, Monsieur [T] reproche les quatre griefs suivants à son employeur:

- le défaut de paiement des heures supplémentaires ;

- le défaut d'affichage de ses horaires de travail ;

- l'absence de fourniture de vêtements professionnels et de chaussures de sécurité ;

- l'absence d'entretien des vêtements professionnels.

La cour a déjà retenu que la demande de rappel d'heures supplémentaires du salarié n'était pas fondée.

S'agissant des trois autres griefs évoqués par le salarié, il échet de relever que le salarié n'apporte aucune pièce ou élément de preuve quelconques permettant de les établir.

Enfin, l'employeur verse de son côté l'attestation suivante établie par Madame [G], collègue du salarié:

'Mr [P] [T] est parti de lui-même de l'entreprise, sans préavis du jour au lendemain. D'après nos conversations il avait du mal à s'entendre avec sa collègue pâtissière et le travail ne lui convenait pas (trop de sandwich... de routine... pas assez de 'vraie' pâtisserie (...)'

Ainsi, Monsieur [T] ne justifie aucunement de l'existence de manquements suffisamment graves pour empêcher la poursuite de son contrat de travail.

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [T] de sa demande de requalification de sa démission en prise d'acte de la rupture aux torts de l'employeurs, a dit que sa démission sera confirmée comme intervenue le 10 novembre 2014 et l'a débouté de ses demandes indemnitaires subséquentes.

- Sur les frais irrépétibles et les dépens -

Les dispositions du jugement déféré relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance seront confirmées.

En équité, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Monsieur [P] [T], qui succombe en son recours, sera condamné au paiement des dépens en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant contradictoirement, publiquement et après en avoir délibéré conformément à la loi,

- Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions soumises à la cour ;

Y ajoutant,

- Déboute Monsieur [P] [T] de sa demande d'indemnisation au titre d'un prétendu travail dissimulé ;

- Condamne Monsieur [P] [T] au paiement des dépens en cause d'appel ;

- Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.

Le Greffier, Le Président,

N. BELAROUI C. RUIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Riom
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/00428
Date de la décision : 27/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-27;20.00428 ?
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